Oecuménisme: Paulo Coelho, le gourou du New Age chrétien, les mécanismes de la séduction

 

extrait de l'article de Michèle Martin-Grunenwald

paru dans GOLIAS MAGAZINE n° 78

Texte intégral

Une remarque s'impose tout d'abord : le "phénomène Coelho" a pris naissance avec la publication de L'Alchimiste, oeuvre majeure (et pour l'instant inégalée) de Paulo Coelho, qui parut en traduction française en 1994 et obtint immédiatement un succès considérable. Ce livre est en quelque sorte devenu la Bible de Paulo Coelho et, à ce titre, il est incontournable. Notre analyse portera donc sur cet ouvrage de référence.

Un succès littéraire, qui atteint une telle dimension, est plus que tout autre composite : séduire tant et tant de lecteurs différents est une prouesse qui repose sur un ensemble très exceptionnel de "qualités" susceptibles de rendre la lecture agréable et captivante, voire envoûtante. À cet égard, tout a son importance : le style, l'histoire et bien sûr la philosophie globale qui s'en dégage. Disons-le tout de suite : L'Alchimiste n'a rien du chef-d'oeuvre littéraire. Selon sa maison d'édition, Anne Carrière, il est présenté sur la quatrième de couverture comme "un merveilleux conte philosophique, destiné à l'enfant que chaque être porte en lui", et, de fait, cette lecture nous ramène effectivement au stade de la prime adolescence. Ainsi donc la première clé du succès de cette nouvelle réside certainement dans l'accessibilité extrême de son écriture, qui permet au plus grand nombre et pourquoi pas ? de s'y engager avec facilité et plaisir. Tout y concourt : le vocabulaire est élémentaire, les chapitres sont brefs et le scénario, fort mince, ne cesse de rebondir en aventures à suspens, avec des situations plus invraisemblables les unes que les autres. Tout ce qu'affectionne la jeunesse !

Il est bien clair, pour autant, que ce n'est pas cette accessibilité de la lecture qui peut, à elle seule, expliquer un succès aussi important au plan mondial : condition nécessaire certes, mais en aucun cas suffisante. L'essentiel se joue donc ailleurs. En effet, ce roman que l'éditeur (ou l'auteur ?) résume ainsi : "[ &] récit d'une quête, celle de Santiago, un jeune berger andalou parti à la recherche d'un trésor enfoui au pied des pyramides. Dans le désert, initié par l'alchimiste, il apprendra à écouter son coeur, à lire les signes du destin et par-dessus tout, à aller au bout de son rêve", est porteur, page après page, voire ligne après ligne, d'un message savamment instillé qui, par le biais d'une assimilation rapide, exerce sur le lecteur un étrange pouvoir de fascination. Ce pouvoir est tel qu'il agit comme un puissant anesthésiant, qui désamorce la vigilance critique de l'individu et finit par obtenir son adhésion aux affirmations régulièrement assénées tout au long de l'ouvrage, alors même que rien n'est sérieu-sement avancé pour en étayer la véracité. Mécanisme remarquable qui fonctionne comme un engrenage parfaitement huilé en différentes étapes, qu'il nous faut à présent mettre en évidence.

 

À partir de la seule voie du sensible &

Paulo Coelho a bien compris que pour faire passer ses idées, engager un débat au plan intellectuel était fort onéreux quant à la valeur et à la solidité des arguments utilisés, toujours incertain quant à l'issue, et en tout cas extrêmement limité quant à l'incidence sur l'opinion générale. Foin donc que l'intellect ! À l'opposé de cela, il a choisi de faire entrer le lecteur dans une expérience à la portée de chacun au travers de sa perception du sensible. Ainsi, dès le début du récit, celui-ci se trouve-t-il sollicité au niveau de ses facultés sensorielles de manière très particulière. Tous les sens sont appelés les uns après les autres à entrer dans le jeu : la vue avec le spectacle du soleil couchant sur lequel se détache la vieille église abandonnée, celui de l'horizon qui se teinte de rouge avant le lever du soleil, des sables baignés par la clarté lunaire & ; l'odorat avec les odeurs du désert, odeurs de femmes voilées, de la sueur et des songes des hommes, l'odeur douceâtre du sang, ou encore le parfum des mets exotiques & ; le toucher avec le vent sur son visage, le brûlant soleil andalou sur sa peau, le froid des nuits du séminaire ou celui des nuits dans le désert ; l'ouïe, avec le silence de la ville endormie ou du désert, les voix des marchands dans le bazar ou les chants tombant des minarets &; le goût, enfin, avec le plaisir du vin (peu utilisé ici, compte tenu du contexte culturel, mais qui occupe manifestement une place importante dans l'univers de Coelho.

Dans cette logique, il faut aussi noter l'importance accordée aux états émotionnels du jeune berger, tour à tour terrifié, déçu, excité, désespéré, heureux &On objectera peut-être que ce sont là des effets littéraires et que la "palette" de Paulo Coelho est simplement impressionniste. Nous pensons qu'il s'agit moins de genre littéraire que de genre psychologique. Nous nous risquerons même à avancer l'idée que toutes ces indications sensitives sont indispensables à la "mise en condition" du lecteur et à son implication personnelle. En effet, au fil des pages, ces notations sensibles envahissent peu à peu son inconscient, viennent au travers de son imaginaire solliciter sa propre sensibilité, lui permettant ainsi d'entrer dans la même démarche initiatique que le jeune berger. Sans même s'en apercevoir et sur la base d'expériences élémentaires du quotidien, il est introduit dans un registre où il va devenir, à son tour, réceptif aux "signes" qui émaillent nécessairement sa vie.

 

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(EELG) ajouté le 4/10/2001

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