C'est sous ce titre que l'Alliance Évangélique Universelle a publié une étude1 fort intéressante, objective, et d'une telle portée, que nous trouvons utile d'en donner ici un bref aperçu. Nous avons parfois regretté certaines ouvertures, tendances et collaborations de l'Alliance Évangélique au niveau national et local, parce qu'elles ont favorisé la confusion oecuménique. Nous sommes d'autant plus heureux de pouvoir recommander un texte courageux et ferme, fondé sur la Parole de Dieu émanant des instances supérieures de l'Alliance Évangélique Universelle. Aussi souhaitons-nous que ce texte trouve une large diffusion.
Dès le préambule on y déclare sans ambiguïté que la règle de foi et de vie de l'Alliance Évangélique Universelle est solo scripcura (l'Écriture seule}, Que l'oeuvre de rédemption a été accomplie solo Christo (par Christ seul), que nous sommes adoptés comme enfants de Dieu sola gratia (par la grâce seule gloire de Dieu). On pose comme principe que toutes les divergences, celles qui apparaissent au sein de l'Église Catholique Romaine, ou au sein de l'Alliance Évangélique Universelle, doivent être appréciées à la lumière des Saintes Écritures. (p. 4)
On constate par ailleurs que l'expansion du sécularisme et des idéologies anti-chrétiennes a suscité chez certains chrétiens le sentiment d'un besoin urgent de coopération et d'unité entre les différentes Églises. Mais il y a des Églises et des mouvements protestants ou évangéliques qui n'ont pas conscience des différences importantes qui existent sur le plan doctrinal entre catholiques et évangéliques, ce qui conduit à la confusion, à des programmes de coopération ambigus, à des activités trompeuses et à l'abandon de la vérité évangélique (p. 5). C'est là la raison d'être de ce document qui aborde ensuite neuf questions fondamentales sur lesquelles catholiques et évangéliques sont divisés.
1. Relations avec les autres Églises. L'Église de Rome a toujours la prétention d'être la seule véritable Église gouvernée par le successeur de Pierre. Rien n'a changé dans la doctrine traditionnelle catholique. Quiconque refuse d'entrer, ou de demeurer dans l'Église catholique, ne peut être sauvé (Lumen Gentium 14) (p.6). C'est par la seule Église catholique du Christ que peut s'obtenir toute la plénitude du salut (de Oecumenismo 3). Tous les talents que possèdent ceux qui sont en dehors de l'Église romaine appartiennent de droit à l'unique Église du Christ et doivent y être incorporés (p. 7). Le seul chemin vers l'unité véritable de l'Église dans le monde conduit à Rome. Devant de telles prétentions les auteurs du document osent heureusement dire que la conception même de l'Église est en jeu et que la question est de savoir si nous pouvons reconnaître l'Église de Rome comme une Église au sens biblique du terme.
2. En ce qui concerne la liberté religieuse, Vatican II semble avoir modifié la doctrine catholique en reconnaissant à chaque homme le droit d'exercer sa religion selon sa conscience. Encore faut-il voir comment cela se traduit dans les faits là où il existe une écrasante majorité catholique.
3. Quant à la mariolâtrie, le document déclare clairement que les dogmes affirmant l'immaculée conception de Marie, sa virginité perpétuelle et son assomption corporelle, n'ont aucun fondement biblique, et qu'il n'y a pas plus de base biblique pour des titres tels que Reine du ciel , Mère de l'Église , Reine de tous les saints , ou Mère de Dieu , ni pour croire qu'elle intercède constamment en faveur des croyants. La mère de Jésus n'est pas la Marie du pape (p. 15).
4. Au sujet de l'autorité dans l'Église, le document rappelle que la théologie catholique déclare s'appuyer sur la Parole écrite de Dieu et la Tradition. Même si elle donne aujourd'hui plus d'importance qu'autrefois à l'Écriture, elle ne se soumet toujours pas à sa seule autorité.
5. Le principe de l'infaillibilité papale demeure inchangé, même si l'on a essayé de le réaménager en introduisant une certaine collégialité qui n'enlève rien à la primauté du pape. Or, l'Écriture n'a pas de place pour le dogme catholique de la papauté, même réaménagé. (p. 23)
6. Le modernisme ou le libéralisme théologiquequi remet en question les points fondamentaux de la foi chrétienne a pénétré aussi bien l'Église catholique romaine que les Églises protestantes. Le dogmatisme est maintenu en haut lieu catholique, mais dans le domaine philosophique, scientifique et social la raison submerge la foi ou la nature dévore la grâce. (p. 26)
7. En ce qui concerne la justification par la foi, si clairement énoncée dans les Écritures et remise en honneur par les Réformateurs Luther, Calvin et autres, l'Église de Rome ne peut se défaire de sa doctrine impliquant la coopération de l'homme dans l'acte de justification, et ceci malgré les signes d'une nouvelle réflexion biblique lancée par des théologiens d'avant-garde. La position du Concile de Trente, toujours valable, jetant l'anathème sur ceux qui disent que l'homme peut être justifié par la foi seule, reste une barrière importante entre les héritiers de la Réforme et le catholicisme romain.
8. Par rapport aux sacrementsl'Église catholique enseigne toujours qu'ils produisent ce qu'ils signifient, indépendamment de l'attitude et de l'état d'esprit de celui qui les reçoit, même s'ils ne sont pas reçus dans la foi. Les sacrements romains sont efficaces en eux-mêmes. L'eucharistie est toujours considérée comme le Christ total et un sacrifice propitiatoire pour les vivants et les morts. Le dogme est donc resté intact, même si des voix se sont élevées contre des formes anciennes et démodées et que des modifications spectaculaires se sont produites dans le domaine liturgique.
9. En ce qui concerne la missionRome admet de plus en plus une position qui se trouve en contradiction avec le message de l'Évangile. On y parle du "Christ inconnu de l'hindouisme" , du Christ incognito , du Christianisme anonyme ou d'un désir implicite de la foi , qui seraient suffisants pour conduire au salut, ce que dans le document on appelle une sorte de christopaganisme ou d'universalisme qui englobe les agnostiques et les athées, alors que l'Écriture dit: Tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu (I Jean 4:3)
En guise de conclusion, le document déclare insurmontables les obstacles qui freinent toute association ou collaboration entre évangéliques et catholiques romains. L'unité et la coopération ne doivent pas se faire au détriment de la vérité. Les auteurs de ce Regard sur le catholicisme contemporain aimeraient que ce texte fournisse la base d'un consensus entre toutes les associations évangéliques qui constituent l'Alliance Évangélique Universelle. Ce serait un pas en direction d'une clarification et d'un affermissement de la position de ces évangéliques, alors que plusieurs signes indiquaient plutôt ces derniers temps une évolution dans le sens contraire. Qu'on se souvienne du Forum protestant de Berne 2 organisé conjointement par la Fédération des Églises Protestantes de Suisse, l'Alliance Évangélique suisse et l'Union des Églises et communautés libres (VFGI, avec la participation de représentants de la Conférence épiscopale catholique, et où il fut question d'évangélisation commune. Rappelons aussi que le président de l'Alliance Évangélique Universelle, l'évêque anglican David Gitari, est en même temps directeur-adjoint de la Commission pour la mission et l'évangélisation du Conseil Oecuménique des Églises. Il faut donc attendre et voir quel accueil on réservera pratiquement à ce document et quel effet il produira au sein même des Alliances Évangéliques tentées de s'engager dans des collaborations avec les catholiques 3 , parce qu'ils n'ont souvent pas, ou plus, conscience des divergences fondamentales qui les séparent malheureusement les uns des autres. Nous ne pouvons qu'en recommander la lecture
J. Hoffmann
(Bonne Nouvelle 1/90)
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