Scientologues, raéliens, moonistes, l'argent caché des sectes

 

NDLR: Notez la présence dans la liste d'un groupe évangélique qui, de source sûre, a dévié (enfermement, éducation "spartiate" et violente des enfants): "Tabitha's place". Je connais une personne qui s'y est convertie, et déclare n'avoir rien remarqué de normal... Pourtant, la moindre déviance a été consignée par la gendarmerie locale qui a constitué un épais dossier: enfants de Dieu, marchons dans la lumière et ne laissons rien au malin...


Les châteaux, un placement très prisé

C'est une constante: la plupart des sectes investissent dans la pierre, en achetant châteaux, manoirs et autres gentilhommières. Destinés à accueillir les adeptes, ils permettent également aux dirigeants d'y vivre luxueusement. Catalogue (non exhaustif), avec prix. Edifiant...

 

Fédération internationale pour le développement de l'alimentation instinctive (Fidali)

Animée par Guy-Claude Burger, condamné en 2001 à quinze ans de réclusion criminelle pour viols et viols aggravés, la secte, appelée désormais Orkos, est propriétaire du château de Montramé (Seine-et-Marne). Valeur: 4,6 millions de francs. Montramé est actuellement loué à une SCI suisse, La Perrausse SA, pour 200 000 francs par mois.

Fédération française pour la conscience de Krishna

Krishna possédait, dans le Jura, le château de Romange (87 hectares de prés et de bois), qu'elle a cédé, en décembre 1999, pour 3,3 millions de francs. Ces derniers temps, la fédération envisageait de transformer son autre château, celui de Bellevue-Chatenois, également dans le Jura, en Relais et châteaux. Krishna est aussi propriétaire du domaine d'Oublaisse, à Luçay-le-Mâle, dans l'Indre.

Association Le Patriarche (Lucien Engelmajer), rebaptisée Dianova

Propriétaire, via des sociétés civiles immobilières, de trois châteaux dans la région toulousaine. Le plus impressionnant, le domaine de La Mothe, à Saint-Cézert (Haute-Garonne), comprend un château, une discothèque, un théâtre et une piscine. Valeur totale: 9 millions de francs.

Association pour l'unification du christianisme mondial (Moon)

Possède, notamment deux châteaux: celui de Bellinglise, à Elincourt-Sainte-Marguerite (Oise), et celui de Chalain, à La Poterie (Maine-et-Loire). Le premier, qui date du XIIe siècle, situé dans un parc de 200 hectares, abrite un hôtel-restaurant haut de gamme. Coût: 20 millions de francs. Le second, estimé à 10 millions de francs, abrite le siège d'une société immobilière de Moon, la Société européenne de gestion immobilière (Segi).

Ecole internationale de la Rose-Croix d'or

Propriétaire de deux châteaux. Le premier, dénommé château de la Haye, situé sur la commune de Guerville (Seine-Maritime), comporte appartements, salle de réunions et salle de prière. Valeur: 3 millions de francs. Le second, le château Tourtel, édifié à Tantonville (Meurthe-et-Moselle), est agrémenté d'un parc de 15 hectares. Estimation: 2,5 millions de francs.

Soka Gakkaï

De toutes les sectes, c'est elle qui a effectué les investissements immobiliers les plus importants. En 1989, elle acquiert, pour 49 millions de francs, le château des Roches, à Bièvres (Essonne), où séjourna, vers 1830, Victor Hugo. L'année suivante, elle achète le domaine des Forges, à Trets (Bouches-du-Rhône), sur lequel la Soka Gakkaï a construit un bâtiment de style japonais, un temple et un internat. Coût: 16 millions de francs. La secte est également propriétaire du château du Pré, à Chartrettes (Seine-et-Marne), estimé à 50 millions de francs.

Fraternité blanche universelle (FBU)

Propriétaire, près de Fréjus (Var), du domaine du Bonfin (60 hectares), qui comporte une bâtisse de 616 mètres carrés, ainsi que divers bâtiments pouvant accueillir 1 000 personnes. Valeur: 2 millions de francs.

Azur mieux-être (anciennement Siderella)

Possède le château de Jaugy (18 hectares), à Gièvres (Loir-et-Cher), transformé en hôtel-restaurant. Prix: 1,89 million de francs.

Ordre apostolique Therapeutic Healing Environment (ex-Tabitha's Place, actuellement appelée La Ferme)

Dispose d'un manoir à Sus-Navarrenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, destiné à recevoir des dignitaires de la secte. Valeur: 2 millions de francs.

Tradition- Famille-Propriété

A acquis, il y a quelques années,un magnifique château avec tourelles, Jaglu, situé à Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir), sur un terrain de 2,35 hectares. Valeur: plus de 5 millions de francs.

Contre-Réforme catholique. Le Sacré-Coeur de Jésus

Propriétaire d'une belle maison bourgeoise, à Saint-Parres- lès-Vaudes, dans l'Aube, agrémentée d'un parc boisé de 2 hectares. Montant: 3,5 millions de francs.

-----------------------

 

Des scientologues aux raéliens, en passant par Moon et Dianova, les mouvements sectaires promettent tous à leurs fidèles une vie meilleure. Mais se préoccupent surtout de faire fructifier la fortune de leurs gourous. Quitte à s'affranchir de la loi

L'argent, nerf de la guerre. Depuis belle lurette, les sectes l'ont compris, utilisant tous les moyens pour s'enrichir ou asseoir leur fortune: dons, multiplication de structures commerciales, subventions publiques, batailles contre le fisc, etc. Qu'ils s'appellent gourous ou prêtres, leurs dirigeants n'hésitent pas à organiser des circuits de financement opaques ou à mettre sur pied des systèmes d'évasion fiscale, devenant ainsi d'authentiques délinquants en col blanc. Les sectes, surtout les plus influentes - Eglise de scientologie, Moon et Témoins de Jéhovah - sont ainsi devenues des empires financiers aux ramifications internationales. Ce qu'attestent quelques chiffres. Au niveau mondial, l'Eglise de scientologie - qui revendique 30 000 adeptes en France - dispose d'un trésor de guerre de 400 millions de dollars, déposé dans des banques en Suisse, au Liechtenstein et à Chypre. Moon, véritable multinationale, propriétaire de chantiers navals, d'entreprises de machines-outils, de journaux, réalise, bon an mal an, 500 milliards de dollars.

Consciente, elle aussi, que les investissements dans l'immobilier demeurent très rentables, la pieuvre sectaire achète - c'est un rite immuable - des châteaux, des manoirs et autres domaines, pour y accueillir ses ouailles. Ainsi, les Témoins de Jéhovah disposent, en France, d'un patrimoine immobilier d'une valeur de 600 millions de francs. Soit le tiers du patrimoine immobilier des sectes. La Soka Gakkaï, avec plus de 150 millions, n'est pas mal lotie non plus. Suivie par Dianova - nouvelle dénomination de l'association Le Patriarche, animée autrefois par Lucien Engelmajer - 100 millions, et par Moon, 39 millions. Une secte très puissante au Brésil (3 millions de fidèles), l'Eglise universelle du royaume de Dieu, fondée par l' «évêque» Macedo, ex-employé de la Loterie nationale brésilienne, a également montré son goût pour la pierre: en octobre 1999, elle a racheté le mythique music-hall parisien la Scala, où se produisaient Mistinguett et Maurice Chevalier, et qui devint un cinéma porno dans les années 1970. Coût: 13 millions de francs. L'objectif? Le transformer en lieu de culte.

Les gourous ne s'oublient pas, menant souvent grand train. L'animateur du mouvement Raël, Claude Vorilhon, qui vit au Canada, a l'habitude de parcourir le monde et de rouler dans de somptueuses limousines. Le maître prêcheur de la secte Siderella a acquis une petite flotte de bateaux de plaisance. Aux Etats-Unis, le grand patron de l'Eglise de scientologie gagne 3 millions de dollars par an. Lucien Engelmajer, 82 ans, sous le coup d'un mandat d'arrêt international d'une juge toulousaine, jouit d'une confortable retraite en Amérique centrale, au Belize. Il y a assuré ses vieux jours, grâce à des fonds opportunément placés en Espagne et en Suisse.

Les sectes ont donc de beaux jours devant elles. Même si, parfois, la justice parvient à bloquer leurs avoirs. Du reste, signe d'un malaise profond de notre société, leur influence - notamment celle des sectes dites «guérisseuses» - ne cesse de croître, non seulement dans les pays de l'ex-bloc soviétique, mais aussi dans le monde occidental, et particulièrement en France. C'est ainsi: bon nombre d'individus fragiles, à la recherche d'un monde meilleur, se précipitent vers ces mouvements qui abusent de leur crédulité en leur promettant monts et merveilles. Hélas, ils déchantent souvent, se retrouvant dépouillés de leur argent ou dans un état psychique lamentable, quand ils ne sont pas victimes de violences physiques ou d'agressions sexuelles. Mais, depuis quelques années, la prise de conscience du danger que représentent les sectes s'est accélérée. Grâce aux commissions d'enquête parlementaires, à l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (Unadfi), longtemps présidée par Jeanine Tavernier, et au travail efficace de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (Mils). Grâce aussi à l'administration, qui ne reste pas inerte.

Le fisc, d'abord. Celui-ci, désormais, frappe là où ça fait mal, c'est-à-dire au portefeuille. La Soka Gakkaï, qui a omis de signaler les revenus provenant de ses stages, en sait quelque chose: elle a écopé, pour la période 1987-1991, d'un redressement de 19,6 millions de francs. La Rose-Croix, qui a agi de même pour ses prestations «ésotériques et à distance» (sic), a été globalement redressée de 117 millions de francs entre 1989 et 1991, puis entre 1992 et 1994... avant de bénéficier d'une remise de 32 millions. La Direction générale des impôts se montre également intraitable lorsque les sectes oublient d'acquitter les droits de donation sur les dons manuels reçus. Et là, l'addition est salée. Les Témoins de Jéhovah, par exemple, ont eu droit à un redressement de 297 millions de francs pour la période allant de 1993 à 1996. Ces bonnes intentions ne sont pas toujours suivies d'effet: la commission d'enquête parlementaire sur la situation patrimoniale des sectes, dont le rapporteur était le député (apparenté PC) de Seine-Saint-Denis, Jean-Pierre Brard, déplorait, en 1999, que les créances du fisc ne soient que partiellement recouvrées.

La justice, qui a désormais un correspondant sectes dans chaque parquet général, n'est pas en reste. A l'heure actuelle, une soixantaine d'informations judiciaires sont ouvertes. Toutes concernent des délits financiers: abus de confiance, détournement de fonds au préjudice d'adeptes, voire blanchiment. Dans ce domaine, les tribunaux ne lésinent pas, infligeant des sanctions lourdes. René Lobraïco, ex-dirigeant de l'association Alpha et Oméga (objet: «L'étude, la recherche et le développement holistique de l'être»!), avait l'habitude de vendre des talismans - entre 15 000 et 50 000 francs l'unité - et de faire supporter le montant de son loyer à son association. Cet ex-moniteur d'auto-école allait même jusqu'à réclamer, en juin 1993, une dîme de 200 000 francs à un couple désireux de devenir membre fondateur d'Alpha et Oméga. La cour d'appel de Lyon l'a condamné, le 7 février 2001, à trente mois d'emprisonnement, dont quinze avec sursis, 300 000 francs d'amende et une interdiction de ses droits civiques pendant cinq ans. Une condamnation non définitive, Lobraïco s'étant pourvu en cassation.

Philippe Weber et son épouse, Sabine de Bono, dirigeants de l'Académie pour la science future, installée dans la région d'Autun, négligeaient de déclarer leurs employés à l'Urssaf et, en prime, sollicitaient de l'Etat des allocations d'aide aux chômeurs. Ce qui leur a permis d'empocher indûment 285 170 francs entre 1996 et 1998, avant de disparaître de la circulation. La justice les a condamnés par défaut à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende. Si d'aventure Philippe Weber et Sabine de Bono réapparaissent, ils seront à nouveau jugés.

Détourner les dons des adeptes

Berthe Vitalien, animatrice à la Martinique de la Communauté Notre-Dame-du-Rosaire (une soixantaine de membres), ne se gênait pas pour détourner les «cotisations» de ses adeptes à des fins personnelles. Entre 1999 et 2001, elle fait verser 500 000 francs sur ses comptes bancaires, et utilise l'argent de la communauté - 400000 francs - pour acquérir un terrain et effectuer des travaux d'aménagement dans sa maison. Le tribunal correctionnel de Fort-de-France lui a infligé, le 18 mars 2002, un an de prison avec sursis et 30 000 euros d'amende (200 000 francs).

Soutirer de l'argent, c'était aussi le truc de Claudio Di Giorgio. Cet étrange personnage, âgé d'une quarantaine d'années, toujours vêtu d'une chemise et d'un pantalon noirs, était censé organiser des stages - via sa société Leader Ship Academy - pour des cadres commerciaux. Sauf qu'il proposait surtout, lors de chaque stage - contre argent, évidemment - des placements mirobolants. Quelques dizaines de gogos s'y sont laissé prendre et n'ont rien vu venir. Di Giorgio, lui, a gagné 3 millions de francs, placés dans une banque à Lons-le-Saunier (Jura). Alpagué l'année dernière, il a été extradé vers l'Allemagne, où il était poursuivi pour exercice illégal de la profession de banquier.

Un autre fléau touche le mouvement sectaire: les atteintes aux personnes, que ce soient des agressions sexuelles, des viols ou des abus de faiblesse. A ce jour, une trentaine d'informations judiciaires ou d'enquêtes préliminaires sont ouvertes. A l'inverse des délits économiques, les investigations sont plus difficiles, certaines victimes revenant fréquemment sur leurs accusations. Il n'empêche: quand les enquêtes aboutissent, la justice ne laisse rien passer (lire l'article "Les curieuses moeurs des raéliens").

Malgré les coups que leur porte la justice, les sectes ne désarment pas, persévérant dans leur prosélytisme et leur quête effrénée de ressources. La principale d'entre elles est constituée par les dons. Selon l'enquête parlementaire sur la situation financière et patrimoniale des sectes, l'adepte doit verser un pourcentage de ses revenus: 7% pour le mouvement Raël; entre 10 et 20% pour l'Eglise universelle du royaume de Dieu, l'Eglise internationale du Christ et l'Eglise de scientologie. La règle commune se situe autour de 10%. Et ça marche! Jugez plutôt: les Témoins de Jéhovah recueillent, bon an mal an, 38,11 millions d'euros. Gourmands, les jéhovistes vont même jusqu'à solliciter des prêts - pouvant atteindre 137 200 euros - auprès de particuliers. La Rose-Croix, pour sa part, table sur une vingtaine de millions de francs collectés, chaque année, auprès de ses membres; la Soka Gakkaï, sur 15 millions de francs, et Mahikari, sur 10.

Le recours au financement public constitue également une source de revenus non négligeable... Mais, là, les sectes avancent masquées, déjouant la vigilance de l'administration. Edifiantes ont été les subventions allouées par l'Etat à l'Association des droits et devoirs des positifs et porteurs du sida (Addepos), émanation, en réalité, de l'association Le Patriarche. De 1992 à 1995, elle a touché 24 millions de francs. Aujourd'hui, Dianova ne recevrait plus un centime de l'Etat. Lucien Engelmajer avait même trouvé une autre source de financement, plus pernicieuse: que l'adepte lui reverse son revenu minimum d'insertion! D'autres mouvements vont jusqu'à exiger la rétrocession des allocations familiales. Une pratique courante chez Tabitha's Place, qui recueille, par ce biais, 500 000 francs par an. Ce n'est pas un hasard si, jugeant ce filon juteux, les sectes tentent de séduire les chômeurs ou les milieux défavorisés.

Toujours à la recherche de subsides, quelques malins ont eu l'idée de créer un parti politique. Une façon commode de bénéficier de l'argent public prévu par la loi du 15 janvier 1990 sur le financement de la vie politique. Ce texte permet à toute formation, à condition qu'elle présente 50 candidats à des élections législatives, d'avoir droit à la distribution de deniers publics. A ce jour, deux sectes ont fondé leur propre parti: la Méditation transcendantale, avec le Parti de la loi naturelle (PLN), et le Mouvement humaniste, avec le Parti humaniste (PH).

Bien que n'ayant recueilli que 26 000 voix aux législatives de 1993, le PLN a pu recevoir 284 000 francs par an de 1993 à 1997. En raison d'un score plus médiocre lors des législatives de juin 1997 (11 329 voix), le Parti de la loi naturelle n'a pu être crédité que de 123 489 francs, toujours chaque année, jusqu'en 2002. Quant au Parti humaniste, aux scores plus confidentiels encore (3 508 voix aux législatives de 1997), il a récolté un peu moins de 40 000 francs par an de 1997 à 2002.

Ce n'est pas le moindre des paradoxes: soucieux de se déconnecter au maximum de la société, souvent très critique envers le matérialisme et son pendant, l'argent, le mouvement sectaire a recours à toutes les ficelles pour faire fructifier sa fortune. Sans négliger les procédés classiques: en 1997, la Soka Gakkaï détenait un portefeuille de sicav de 64 millions de francs, tandis que la Rose-Croix pouvait escompter, en 1998, grâce à ses placements financiers, un gain de 1,3 million de francs.

Mais qu'on ne s'y trompe pas: les sectes avancent masquées et leur objectif primordial demeure bien la conversion de l'individu en un «homme nouveau, épanoui, remodelé» - d'où les risques graves de manipulation mentale. Aussi, depuis quelques années, sous «le masque commode de la religiosité», selon l'expression d'Alain Osmont, secrétaire général de la Mils, le mouvement sectaire a littéralement pris d'assaut le secteur de la santé, en organisant des stages d'harmonisation ou des ventes de produits diététiques, voire de pseudo-médicaments. Avec à la clef, comme toujours, la recherche de profits substantiels. Ainsi, Energie et créativité, fondée par Marie-France O'Leary, qui prétend avoir des dons de guérisseuse et de magnétiseuse, met sur pied des séminaires aux thèmes plutôt farfelus, comme «Mon corps parle» ou «Je rêve et je réalise mon rêve». Marie-France O'Leary a tout de même les pieds sur terre: ces séminaires, parce qu'ils se déroulent dans le cadre d'une formation professionnelle, l'exonèrent du paiement de la TVA. En 1998, elle a ainsi économisé près de 400 000 francs!

Cures bidon et poudres magiques

Un certain Xanath Lichy, animateur d'une société Kevala, spécialisée dans la vente de produits diététiques, se comporte, lui aussi, comme un homme d'affaires avisé. Il organise des stages de communication avec les anges: une semaine, 17 200 francs par personne. Un tarif qui ne semble pas prohibitif aux adeptes: en 1997, 152 stagiaires, originaires de France, du Canada, de Suisse, y ont participé. Les tarifs pratiqués par un certain Jacques-Michel Sordes, proche de la fondatrice du mouvement Vital Harmony, laissent, eux aussi, songeurs: 7 700 francs par personne pour une durée de sept jours, et 14 285 francs, toujours par personne, pour une cure de physio-neuro-énergie de huit jours!

Pour ce prix-là, le «curiste» est sûr de gagner sur un point: ne pas grossir. Et pour cause: les repas qui suivent les soins (drainage lymphatique, essentiellement) ne comprennent que des bouillons de légumes! Homme d'affaires redoutable, Jacques-Michel Sordes propose également à ses hôtes cassettes et films vendus entre 150 et 21 000 francs l'unité. Exemples de sujets: «Créer votre sanctuaire intérieur» ou encore «L'argent. Vivre l'abondance». Sordes, qui a même fait immatriculer l'une de ses sociétés au Panama, est cité dans plusieurs procédures judiciaires, dont l'une à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), ouverte le 31 janvier 2000, pour infraction au droit du travail.

Outre l'âme, les sectes se piquent de soigner le corps, avec des remèdes qui laissent ébahi, et, bien sûr, qui ont un prix. L'association Prima Verba, ou Perle de lumière, affirme, selon la commission d'enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, guérir tous les maux, y compris le sida, grâce à une poudre alchimique vendue 300 francs le sachet. Prima Verba, qui se présente comme une alternative à la médecine traditionnelle, organise des stages de psychothérapie. Coût: entre 2 800 et 5 600 francs par personne pour une ou deux journées. Intriguée par les méthodes de Prima Verba, la justice a tenté d'y déceler quelques illégalités. En vain. Les deux enquêtes préliminaires diligentées à Nîmes et à Paris se sont soldées par un classement sans suite.

Trois autres associations revendiquent également la capacité, grâce à des produits miracles, de guérir le cancer. Ainsi, Au coeur de la communication propose un élixir baptisé «714 X», vendu 1 000 francs le flacon de 10 centilitres. L'association Aube, qui préconise tout comme Stop au cancer l'arrêt de la chimiothérapie, a mis au point une potion magique - dite «Eau de Bach» - fabriquée à partir de fleurs trempées dans de l'eau de source et vendue, elle aussi, fort cher. Un comble: il y a quelques années, un chirurgien de l'hôpital de Saint-Quentin (Aisne), adepte d'Aube, prescrivait cette fameuse Eau de Bach à ses patients, en leur demandant d'arrêter tout traitement anticancéreux. Ce médecin avait même développé un réseau de psychothérapeutes sans diplôme - l'un d'entre eux était propriétaire d'une entreprise de nettoyage - qui facturaient 600 francs chacune de leurs consultations.

Si, à Saint-Quentin, aucune suite judiciaire n'a été donnée concernant les pratiques d'Aube, en revanche, à Chambéry, le président de Stop au cancer a été condamné en première instance, le 17 mars 2000, à un an de prison avec sursis et 20 000 francs d'amende pour exercice illégal de la médecine et non-assistance à personne en danger. Quant au fondateur de Stop au cancer, le Dr Hamer, il s'est vu infliger, toujours à Chambéry, dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis, plus 10 000 francs d'amende, pour escroquerie.

Que dire encore d'Invitation à la vie (IVI), fondée par une ancienne remailleuse, Yvonne Trubert, et qui attire bon nombre de médecins! Agée aujourd'hui de 70 ans, elle organise des séminaires - facturés 3 000 francs le week-end - et va jusqu'à persuader ses patients que leurs métastases s'envoleront sous les doigts des adeptes initiés par ses soins!

Voilà plus de trente ans que le mouvement sectaire se développe, s'infiltre dans la vie économique et bâtit sa fortune. Chaque fois que les pouvoirs publics dénoncent leurs méthodes ou que la justice met un coup d'arrêt à leurs dérives, telles des hydres trop fertiles, les sectes renaissent. Toujours sous une autre dénomination. En réalité, il s'agit d'un leurre. Comme l'écrivent Anne Fournier, chargée de mission à la Mils, et Catherine Picard, ancienne députée de l'Eure, rapporteur de la loi contre les agissements sectaires (1), «le groupe sectaire s'appuie sur nos peurs (...) sur nos besoins et nos manques, sur notre déni du temps qui passe et notre soif d'immortalité». Et les deux auteurs de conclure: «Ce que proposent les sectes, dans l'infinie variété de leurs doctrines pseudo-spirituelles, pseudo-humanistes ou pseudo-humanitaires, c'est un monde totalitaire.»

 

(1) Sectes, démocratie et mondialisation, PUF, 304 p., 21 ¤, à paraître le 27 septembre

(L'Express) ajouté le 20/9/2002

Trouvé sur http://voxdei2.free.fr/infos Point Final - Informations chrétiennes et eschatologiques au quotidien.