La thèse d'un policier français démontre que la Scientologie est une secte dangereuse
Les organisations de scientologie sont des sectes nocives présentant une dangerosité particulière par rapport à d'autres nouveaux mouvements religieux. Elles se livrent à des activités répréhensibles qui entrent dans le cadre de la criminalité organisée, comme l'exercice illégal de la médecine, l'escroquerie aggravée et la séquestration arbitraire. Elles profitent de l'ascendant croissant qu'elles exercent sur leurs membres pour les tromper et commettre des exactions de plus en plus graves. Par conséquent, les juges doivent envisager sérieusement la dissolution des organisations de scientologie. Telles sont les principales conclusions d'une thèse de doctorat de droit privé et de sciences criminelles qui vient d'être soutenue en France à l'Université de Cergy-Pontoise par un fonctionnaire du Ministère de l'intérieur. Epaisse de plus de 700 pages, intitulée « Le droit pénal et la progression intellectuelle au sein des sectes : l'exemple de la scientologie », cette thèse, diffusée sur Internet* depuis mercredi, décortique de manière exhaustive le fonctionnement de l'Eglise de scientologie.
L'auteur de cet ouvrage, Arnaud Palisson, a eu accès à des documents confidentiels et étudié la littérature de la secte, ses directives internes, les biographies du fondateur Lafayette Ron Hubbard, ainsi que des sources extérieures. Il a suivi les différentes étapes de la progression d'un adepte au sein du mouvement et constaté à chaque fois des infractions relevant du Code pénal français. En effet, plus un adepte avance au sein du corpus doctrinal, plus il est amené à consentir des sacrifices qui correspondent à des qualifications pénales.
Le parcours spirituel proposé par la scientologie est nommé « Pont vers la liberté totale ». Le néophyte a un statut de Préclair et doit purifier son corps ainsi que son mental des impuretés accumulées avant d'atteindre l'état de Clair, qui est censé le mettre à l'abri de toutes les affections psychiques et psychosomatiques. Si le Clair souhaite poursuivre son cheminement, il entre dans l'étude de la scientologie proprement dite, afin de prendre conscience du Thétan opérant, l'esprit qui habite son être, et de s'élever de cette manière au-dessus de l'humain. Il peut alors faire partie de la Sea Org, le corps d'élite de l'Eglise de scientologie, soumis à une discipline extrêmement rigoureuse, nommée l'Ethique.
Exercice illégal de la médecine
La procédure de purification physique, obligatoire pour tout nouveau venu, constitue un exercice illégal de la médecine, selon Arnaud Palisson. Elle vise l'élimination de toutes les toxines emmagasinées dans un organisme humain depuis sa naissance. A cette fin, L. Ron Hubbard préconise trois procédés : 20 à 30 minutes de course à pied quotidienne, 4 h à 4 h 30 de sauna à 60°-80° par jour, et l'absorption de compléments alimentaires sous forme de vitamines et de sels minéraux. Cette procédure est censée agir contre des troubles qui constituent, d'un point de vue juridique, une maladie déclarée ou un dysfonctionnement de l'organisme. L'auteur démontre comment des membres de l'Eglise de scientologie, dépourvus de diplômes de médecin, prennent part à l'établissement de diagnostics et à des actes médicaux. A ce titre, ces personnes commettent une infraction au Code de la santé publique et sont passibles de fortes amendes et même d'emprisonnement. En tant que personne morale, l'organisation de scientologie dans laquelle ces actes ont lieu engage également sa responsabilité pénale comme auteur ou complice d'exercice illégal de la médecine. Elle encourt ainsi entre autres sanctions la fermeture définitive.
Escroquerie aggravée
L'étape suivante, qui consiste à purifier le mental de l'adepte au moyen de l'audition de dianétique, relève de la tromperie et de l'escroquerie, selon l'auteur. Il s'agit à ce stade d'éliminer certains souvenirs qui, de manière inconsciente, inhibent le développement du potentiel cérébral des êtres humains. La disparition de ces obstacles mentaux (les engrammes) nécessite une psychothérapie particulière, la dianétique, qui se déroule dans le cadre d'une série d'auditions. L'effacement des engrammes est contrôlé par un électromètre supposé mesurer la charge mentale attachée à chaque engramme. Une fois les obstacles mentaux éliminés, l'adepte est déclaré Clair.
Cette psychothérapie a un prix élevé : l'heure d'audition coûte entre 170 et 550 euros, et la route vers l'état de Clair délestera le néophyte d'un minimum de 45 730 euros. Arnaud Palisson démontre que l'audition est une méthode élaborée qui exploite la crédulité des personnes. L'escroquerie consiste selon lui à crédibiliser un mensonge par l'usage de moyens frauduleux. Dans le cas de la dianétique, le mensonge s'appuie sur la prétendue efficacité de la méthode, censée guérir tous les troubles mentaux et toutes les maladies psychosomatiques. Or il s'avère que le but de la dianétique est purement lucratif et provoque l'appauvrissement des clients. Quant à l'électromètre, il n'est qu'un simple galvanomètre, qui ne peut en aucun cas mesurer l'état mental d'une personne. Pour Arnaud Palisson, « la vente de séances d'audition dianétique constitue donc une escroquerie en bande organisée ».
L'auteur s'en prend aussi au test de personnalité que doit remplir le nouveau venu, composé de 200 questions. Arnaud Palisson s'est soumis à ce test à plusieurs reprises entre 1993 et 2001, dans diverses organisations de scientologie à Paris et en province. Le résultat est édifiant : alors qu'il a pris soin de varier ses réponses à chaque test, le graphique issu du traitement informatique des réponses affichait un profil identique qui mettait l'accent sur les problèmes de la personne. Même dans le cas de réponses optimales, les scientologues estiment qu'une telle joie de vivre n'est qu'un leurre. Le texte de l'évaluation n'est jamais donné, mais l'auteur a pu s'en procurer un. Il contenait essentiellement des conseils à l'usage du scientologue chargé de traiter le test, qui étaient en réalité des instructions pour manipuler les nouveaux venus.
Séquestration arbitraire
Une fois parvenu à l'état de Clair, le scientologue a la possibilité de poursuivre sa progression et de faire partie du corps d'élite de la scientologie. Il est alors soumis à une discipline extrêmement sévère, qui sanctionne les infractions. Selon leur gravité, l'adepte peut être enfermé contre son gré pendant des semaines, voire des mois, et subir des humiliations, comme le port d'un chiffon gris sale au bras gauche ou une marque noire sur la joue gauche. En cas de nécessité, la secte n'hésite pas à tout mettre en oeuvre pour détruire la réputation de ses ennemis, internes ou externes.
Patricia Briel
(Faire le Jour) ajouté le 3/3/2003