De quoi s'agit-il?
Pour faciliter et stimuler les rencontres et le dialogue entre responsables de communautés réformées et évangéliques du Canton de Vaud un document commun a été préparé et publié. On a appris son existence par l'hebdomadaire catholique romand I'ECHO du 7.11.92! L'initiative en est due au Comité de Relation Avec la Mouvance Évangélique (COREAME) dont font partie Martine de Simone, Luc Bader, Jean-Maurice Donzel, Serge Fustier (président), Christian Glardon et Shafique Keshavyee. Ce comité avait invité les responsables des mouvements évangéliques suivants: Jean-Pierre Chappuis (Fraternité chrétienne d'Yverdon), Luc Genin (Ligue pour la lecture de la Bible),
Armand Heiniger et Jean-Charles Moret (Assemblées des Frères), auxquels se sont joints pour une séance de travail: Jean-Claude Chabloz(*) et Olivier Favre (Église apostolique évangélique), Tom Bloomer et Heinz Suter (Jeunesse en Mission) et Marc Lüthi (Institut Biblique Emmaüs). La mention de ces noms nous aide à nous faire une idée de l'échantillonnage des responsables évangéliques coauteurs du dit document, et qui semblent être essentiellement des évangéliques à tendance charismatique.
Contenu du document
D'une part on y reconnaît qu'il existe encore au sein des communautés respectives une grande diversité de pratiques et de théologies avec de nombreuses polarités (pôles «évangéliques» et «libéral» «liturgique» et «charismatique» «socialisant» et «radical» etc.)
On y constate aussi que les réformés se trouvent rassemblés par leur appartenance à une même institution (sans confession de foi commune), alors que les évangéliques se trouvent ensemble dans leur reconnaissance d'une même confession de foi (FREOE, Alliance Évangélique), sans appartenir toutefois à une même institution. On cherche manifestement à rapprocher ces opinions divergentes et à les présenter comme complémentaires en essayant de trouver aux unes et aux autres une justification biblique en évoquant la sagesse multiforme de Dieu! C'est ainsi qu'on mentionne les différentes pratiques du baptême, comme si l'aspersion d'un nourrisson, où l'on prétend déjà semer le salut, pouvait être considérée comme un baptême bibliquement valable. Par ailleurs il est question de la perspective multitudiniste des réformés (l'Eglise constituée de tous les «baptisés» aspersion des nourrissons) et de la perspective confessionnaliste des évangéliques (l'Eglise constituée des seuls professants), comme si les deux étaient bibliquement également acceptables.
Tout cela n'est pas secondaire, mais étroitement lié à la sotériologie (conception du salut), celle des réformés étant présentée comme généralement inclusive (le salut de tous les hommes) et celle des évangéliques comme plutôt exclusive (salut des seuls croyants régénérés). Tous les sujets abordés (évangélisation, ministères, eschatologie) le sont selon ce même principe qui fait état de certaines divergences de doctrines et de pratiques, sans que jamais aucune erreur ou contrevérité ne soit reconnue et écartée à la lumière de la Parole de Dieu.
L'engagement final dépasse le but indiqué en première page. Il ne s'agit plus simplement de faciliter le dialogue, mais de collaborer et de cheminer ensemble vers l'unité. Quoiqu'il soit dit que bien des évangéliques reprochent aux réformés de ne pas avoir une confession de foi claire, et que bien des réformés reprochent aux évangéliques d'avoir une confession de foi trop claire), les auteurs du document déclarent entre autres:
Nous nous engageons à collaborer sur le terrain dans nos efforts d'évangélisation... à favoriser les rencontres sur le terrain pour mieux nous compléter... à ne pas faire de prosélytisme envers des chrétiens fréquentant une autre communauté que la nôtre... On a voulu exprimer ce qui nous unit déjà et nous différencie encore, afin qu'ensemble nous puissions cheminer par l'Esprit Saint vers cette unité parfaite... Et l'on s'engage à faire appel aux ministères développés dans d'autres communautés, afin que l'Eglise du Christ, formée d'évangéliques et de réformés (entre autres), soit édifiée...
Conclusion
Nous voici donc bien renseignés sur la nature du «dialogue» entre réformés et évangéliques, sur les perspectives envisagées et sur la méthode employée. C'est un pas de plus en direction de l'oecuménisme, puisque les réformés sont par ailleurs en dialogue avec les catholiques et qu'on dit bien que les amis de nos amis sont nos amis! Le plus troublant nous semble être le fait que certains responsables évangéliques se prêtent à cette action stérilisante de désintégration évangélique et qu'ils vont y entraîner leurs ouailles, s'il ne se trouve pas parmi elles des âmes averties qui ne se laisseront pas séduire. Il nous reste encore à faire une remarque importante.
De plus en plus nous constatons que des responsables de certaines assemblées ou organisations parlent et agissent au nom des évangéliques, comme s'ils avaient été mandatés par tous les évangéliques. Est-il normal et honnête qu'ils s'emparent ainsi de cette désignation et soient présentés comme les évangéliques ou les représentants des églises ou assemblées évangéliques, ou même tout simplement, comme l'Eglise évangélique à côté de l'Eglise catholique et de l'Eglise protestante? Nous estimons qu'il y a là un abus de langage et de pouvoir qui prête à confusion et que l'on devrait absolument éviter par égard aux évangéliques qui n'approuvent pas forcément ce que font d'autres en leur nom.
Jean Hoffmann
* Nouveau président de la Fédération Romande des Églises et Oeuvres Évangéliques (FREOE)
La Bonne Nouvelle 2/93
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