C'est sous ce titre que la TV Suisse Romande ( « Temps Présent » ) présenta le jeudi 9 décembre 1993 un reportage1*sur un phénomène religieux contemporain taxé très arbitrairement de fondamentalisme2*chrétien.

On fit d'abord remarquer que l'arrière de certains véhicules portait des autocollants en forme de poisson, signe de ralliement de chrétiens marginaux par rapport aux Eglises multitudinistes ou officielles. Alors que ces dernières se vident, il y aurait en Suisse romande une prolifération de mouvements évangéliques de toutes sortes, certains proches de l'Eglise protestante, d'autres donnant dans le spectacle ou le Show-Business, quand ce ne sont pas des pratiques plus inquiétantes de transes, d'hystérie collective, d'exorcisme, etc. Cette émission proposait donc aux téléspectateurs un voyage au coeur de ces « sectes ».

 

On montra d'abord une cérémonie de baptêmes ( immersion ) effectués dans le lac Léman. Puis, à la Patinoire de Neuchâtel, en présence de 4000 personnes, ce fut l'extrait d'un émotionnel message-témoignage de Nicky Cruz dont le commentateur de la T.V. disait qu'il était une véritable vedette du «show Business évangélique». A Lausanne on nous fit voir une réunion organisée deux fois par mois par « Jeunesse en Mission» (JEM) drainant 700 personnes « adeptes de plusieurs communautés évangéliques».

Ensuite ce fut, dans le même style, un aperçu de la réunion annuelle des « Eglises Evangéliques Apostoliques» où Jean-Claude Chabloz3*, pasteur dans ces églises, déclara que les gens avaient besoin de merveilleux et qu'ils passaient ensemble des moments intenses. Mais le commentateur de la T.V. ajouta, images à l'appui, que ces moments intenses viraient à l'hystérie et que l'émotion l'emportait sur une réelle démarche spirituelle.

On fit aussi connaissance avec le « groupe extrémiste» de l'Assemblée de Béthanie (APV = Alliance Pierres Vivantes), où le « parler en langues » - une sorte de mise en condition psychologique, disait le commentaire -. la guérison et l'exorcisme sont à l'ordre du jour. Mais il ne fut pas permis à l'équipe de reportage de filmer cette dernière pratique. Le « clou » fut sans doute la séquence où des hommes et des femmes, littéralement poussés par un « évangéliste » canadien exalté, tombèrent à la renverse aux cris des alléluias. Séance aberrante et stupéfiante, menée par cet homme sautant, gesticulant et criant, que le commentateur de la TV appela un « comédien hors pair ». Il y eut aussi des témoignages de personnes qui avaient trouvé dans ces milieux secours (délivrance de la drogue) et satisfaction, et le témoignage contraire de quelqu'un qui en était sorti.

Toutes ces scènes rapportées sont certainement authentiques et plusieurs constituent une mise en garde sérieuse contre de graves abus. Mais ce qui est profondément regrettable, c'est qu'on a classé tout ce monde sous l'étiquette «évangélique» au lieu de faire les distinctions qui s'imposent. Les enseignes des lieux de cultes qu'on a fait passer rapidement sur le petit écran ont été celles de l'Eglise Evangélique Apostolique, de l'Eglise Evangélique Méthodiste, de l'Eglise Evangélique de Pentecôte (Assemblée de Dieu), de l'Eglise Evangélique de Villard (Assemblée dite de Frères Larges ) et de l'Eglise Evangélique Baptiste, toutes de Lausanne.

Or, si les manifestations frénétiques présentées dans ce reportage paraissent être assez courantes chez certains Pentecôtistes et Charismatiques, tous ne les approuvent probablement pas. Il existe d'autre part encore bien des évangéliques qui ne s'y prêtent absolument pas, ce qui doit être, entre autres, le cas de l'Eglise Evangélique Baptiste de Lausanne, mentionnée plus haut. Il nous semble donc que si l'on veut faire un reportage sérieux sur un sujet aussi délicat et complexe il faudrait obligatoirement s'informer objectivement et ne pas donner l'impression que tous ceux qui portent l'insigne du poisson sont des marginaux ou des sectaires, ni mettre sous le dénominateur commun d'« évangéliques » les églises indépendantes de l'Etat, attachées aux Ecritures, et les mouvements qui pratiquent une foi reposant plutôt sur le sentiment, l'émotion, le sensationnel et l'exaltation, quoique membres de la FREOE ( Fédération Romande d'Eglises et Oeuvres Evangéliques).

Dans cette émission il fut très judicieusement rappelé que les personnes les plus vulnérables et les plus influençables sont des proies idéales des groupes extrémistes. «La fragilité émousse l'esprit critique». Pour conclure, la présentatrice disait : « En cette fin du XXe siècle, assoiffée de religiosité et privée de repères idéologiques rassembleurs, le sensationnel fait loi. Les mouvements protestants indépendants tiennent en main les ficelles du spectacle et fondent leur pouvoir sur le désarroi collectif ». Cette globalisation, ou assimilation, qui met tous les milieux indépendants pentecôtistes, charismatiques, apostoliques et évangéliques dans le même sac n'est rien moins que diffamatoire. Il y a malheureusement encore des personnes qui considèrent comme marginaux ou sectaires tout chrétien et toute assemblée ne faisant pas partie du Protestantisme officiel. Ce qui fait défaut, ce ne sont pas des repères idéologiques rassembleurs, mais la soumission de tout chrétien authentique et de toute vraie église à la seule autorité de la Parole de Dieu interprétée correctement par elle-même. Ce n'est qu'à cette condition que les faux jugements, les abus, les débordements et les extrémismes de toute nature

pourront être évités. Les chrétiens et les églises qui partagent ce point de vue devraient se rapprocher pour faire meilleure connaissance en vue d'unir leurs efforts pour renforcer et étendre leur commun témoignage.

Jean Hoffmann

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1* Emission reprise en France le 15.12.93 par TV 5

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2* Voir « Les Fondamentalistes » dans la B.N. 5/1997 pp. 70-71.

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3* L'actuel président de la FREOE (Fédération Romande d'Eglises et Oeuvres Evangéliques).

La Bonne Nouvelle 3/94

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