AVENEMENT

Mars 1994 No 69
André Adoul
Texte intégral

 

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Etre riche ou être chiche

A chaque fois que je lis le récit du jeune homme riche, je suis arrêtée par cet ordre de Jésus: «il te manque une chose: va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi» (Marc 10, 21). Pour plaire au Seigneur et être digne de le suivre, dois-je liquider tous mes biens, dois-je faire voeu de pauvreté? Ces paroles de Jésus qui me hantent et m'enlèvent ma paix me concernent-elles?

D'autant plus que je dois garder de l'argent pour mes enfants qui font encore des études.

Les paroles de Jésus vous troublent certainement parce que vous les isolez de leur contexte, de la Bible tout entière. L'Ecriture contient en effet des affirmations prouvant clairement que l'ordre donné au jeune homme riche n'est pas la règle pour tous.

Pensez d'abord aux reproches cinglants que Pierre adresse à Ananias (Actes 5, 3 et 4): cet homme, après tout généreux, a trompé l'église faisant croire qu'il avait déposé devant eux tout le produit de la vente de son champ alors qu'il en avait retenu une partie: «si le champ n'eût pas été vendu, déclare l'apôtre, ne te restait-il pas? et après qu'il a été vendu, le prix n'était-il pas à ta disposition?» Autrement dit, rien ne t'obligeait à vendre ton champ ou à apporter toute la somme à l'église. C'est donc clair: il n'y a pas obligation à renoncer à tous ses biens puisque dans l'ancienne alliance Dieu ne réclamait à ses fidèles que la dîme de leur revenu; puisque l'apôtre, dans la nouvelle alliance, mentionnait seulement le «superflu» dont il faut savoir se dessaisir.

Paul ajoute un autre motif qu'on pourrait exprimer ainsi: « il serait peu sage pour un chrétien de se mettre sur la paille en distribuant tout son avoir, obligeant ensuite les autres à lui porter secours et à se charger du soin de sa famille. S'adressant aux chrétiens de Corinthe au sujet de la collecte faite en faveur des frères de Judée, Paul déclare en effet: «il s'agit non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d'égalité... Dans les circonstances présentes, votre "superflu" pourvoira à leurs besoins» (2 Cor. 8, 13).

C'est donc le «superflu» que je devrais donner, mais il sera d'autant plus important que je consentirai à mener une vie qui ne soit pas fastueuse. Donc pas de désirs immodérés. Que Dieu me garde d'être parmi les insatiables qui courent après la fortune ou parmi les mondains qui tiennent à mener joyeuse et brillante vie. Imitons l'apôtre qui avait «appris à être content de l'état où il se trouvait» (Phil. 4,11).

Sommes-nous tenus de faire voeu de pauvreté? Attention aux grandes idées généreuses! L'auteur des Proverbes me parait sage lorsqu'il dit à Dieu: «Ne me donne ni pauvreté, ni richesse... de peur que dans l'abondance je ne te renie ou que dans la pauvreté je ne dérobe et ne m'attaque au nom de mon Dieu» (Prov. 30, 8-9).

Une question se pose ici: pourquoi Jésus a-t-il ordonné à ce chef de vendre tous ses biens en faveur des pauvres de la contrée? Sans doute pour deux raisons: possédant de «grands biens», trop grands pour lui tout seul face à la misère qui l'entoure, il prouve son attachement aux richesses et sa coupable indifférence à l'égard des démunis en gardant égoïstement pour lui son énorme superflu; il est plus probable que Jésus, par cet ordre, veut éclairer ce garçon qui s'illusionne en lui prouvant qu'il est incapable de réaliser même la «bonne» chose qui lui manque pour hériter la vie éternelle (Mat. 19, 16-20). Il n'y a aucun espoir sur le chemin des oeuvres. Le jeune s'en est aperçu lui qui s'éloigna, tout triste.

Je souhaite que vous soyez apaisée, ayant l'assurance et la preuve que vous êtes réellement détachée des richesses. Souvenez-vous que «Dieu aime celui qui donne avec joie» et que «quiconque sème abondamment moissonnera abondamment» (2 Cor. 9, 6-7). Ces paroles stimuleront votre générosité.

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Appel Minuit

09-98

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Extrêmement riche - mais insensé?

Gates est l'homme le plus riche

L'Américain Bill Gates, le propriétaire de Software, est l'homme le plus riche du monde avec sa fortune de 51 milliards de dollars. C'est ce qui ressort d'une liste des super-riches parue dans le magazine US -Forbes». Six Suisses y figurent également. Dans sa liste de 200 milliardaires, le magazine n'a repris, pour la première fois, que des «riches qui travaillent -, donc des gens qui ont bâti eux-mêmes leur fortune ou travaillent avec de l'argent hérité. Les nouveaux critères ont entraîné la disparition de la liste les noms de quelques milliardaires. Les têtes couronnées et les dictateurs ne sont pas pris en considération. Sinon, le sultan de Brunei, qui figurait depuis des années au premier rang des super-riches, viendrait cette fois en troisième position avec 36 milliards de dollars. Dans la nouvelle liste du magazine, c'est la famille Pierre Landolt qui se situe en tête des Suisses les plus riches....

 


AVENEMENT

Février 1994 No 68
André Adoul
Texte intégral

 

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Fonds (argent) et lumière

Je reçois des appels de fonds venant de partout. Je suis sollicité à soutenir divers efforts d'évangélisation dans les pays francophones ou ailleurs, à envoyer de l'argent pour construire ou réparer un édifice religieux, à verser des sommes à toutes sortes d'oeuvres de bienfaisance ou d'actions humanitaires. Ces appels toujours pathétiques, invariablement présentés comme d'extrême urgence, me culpabilisent beaucoup car je ne peux répondre à toutes ces demandes. Je donne l'essentiel de mes offrandes à l'église que je fréquente. Quelle suite dois-je donner à ces différents appels?

Cher ami, comme vous, j'ai de multiples occasions d'ouvrir ma bourse, et toujours pour de bonnes causes! Il y a tant d'oeuvres chrétiennes, tant d'actions humanitaires dignes d'intérêt qui comptent sur notre soutien financier! Et puis, peut-on rester insensible devant la détresse insoutenable que vivent, là-bas, ces foules somaliennes, éthiopiennes...? Qui a un peu de coeur ne peut se dérober sans se sentir mal à l'aise, sans éprouver un sentiment de culpabilité. C'est vrai: il n'est pas facile de discerner là où il faut donner et se dépenser, et là où il faut laisser aux autres le soin d'agir.

Vous savez sans doute que Dieu ne demande pas à ses enfants (une minorité parmi les humains) de porter tout le poids de la détresse humaine, de secourir tous les déshérités de la terre et de soutenir TOUT ce qui se fait de bien sur notre planète, même sous l'impulsion de chrétiens. Ce serait oublier que chacun de nous a «ses pauvres» à secourir et «ses bonnes oeuvres» à accomplir, celles que Dieu a préparé d'avance afin que nous les pratiquions (Ep. 2, 10). C'est pourquoi il est bon de demander à Dieu sa sagesse pour fixer notre choix et discerner les tâches qui nous incombent. Si nous sommes déterminés à lui obéir et à nous montrer généreux, le Saint-Esprit nous apaisera et nous donnera la joie de donner.

Je sais que, lors de tournées d'informations dans les églises, certains responsables d'oeuvres savent émouvoir leurs auditeurs pour récolter des fonds en abondance - et je ne mets pas en cause le bien-fondé de leurs interventions. Convaincants, ils font vibrer la corde sensible; aussi, certains chrétiens, émus, répondent-ils sur le champ à ces appels pathétiques.

Attention à la précipitation! Il vaut la peine, de retour à la maison, de réfléchir et de prier, pour prendre une décision en toute sérénité, hors de toute influence, hormis celle de Dieu. Les chrétiens qui dispersent l'argent du Seigneur au hasard des appels entendus sont rarement constants dans leur libéralité. En définitive, ils portent tout... et rien.

Récolte-t-on des fonds pour voler au secours de telle population sinistrée ou affamée? Je dois d'abord me demander si je suis concerné par un tel drame. Si c'est le cas, alors je veillerai à ne pas confier mon offrande à n'importe quel organisme. Dans la mesure du possible, je chercherai un canal sûr pour faire parvenir un don que j'adresserai, en priorité, à des chrétiens de ces régions éprouvés (Gal. 6, 10).

Vous avez certainement raison de donner la plus grosse part de votre offrande à l'église que vous fréquentez, surtout si ses responsables ont réellement la vision missionnaire et le souci de «soutenir la veuve et l'orphelin»!

Je ne vous blâmerai pas non plus de continuer aussi à envoyer des dons à des oeuvres chères à votre coeur, oeuvres fidèles et dont la gestion financière est saine...

Mais n'oubliez pas pour autant ceux qui sont éprouvés près de vous, dans votre cité, dans votre rue peut-être, en tout cas dans votre église. Rien ne vaut le contact chaleureux avec ceux que nous assistons de nos biens. Il y a peut-être plus de bonheur à secourir le prochain que de signer des chèques pour une action lointaine. Même si l'un n'empêche pas l'autre...

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Fac Réflexion

6 / 1987
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MAMON

Le mot «marron» n'appartient pas à la langue grecque (dans laquelle est écrite le N.T.), mais est transcrit de l'araméen (langue parlée en Israël à l'époque de Jésus), et comme son sosie hébreu (mamôn), il signifie «richesses, biens».

Avec une trentaine d'autres mots (noms propres ou noms communs), «mamôn» appartient aux emprunts du grec du N.T. au vocabulaire araméen. Reste à déterminer la raison de cet emploi du mot araméen dans le texte grec. L'emploi des noms propres de lieu (Gabbatha, Golgotha, Béthesda,... ) ou de personnes (Barabbas, Céphas,... ) est facile à comprendre.

La citation en araméen de certaines phrases de Jésus comme «talitha koumi» (Mc 5,41) ou «Eli, Eli, lama sabachthani» (Mt 27,46) se comprend aussi, soit pour expliquer la réaction de la foule («il appelle Elie»), soit pour rehausser la couleur locale des récits (talitha koumi, voir aussi Rabbouni, Jn 20,16).

Dans certains cas, il s'agit d'un mot technique (qorbân, Mc 7,11) ou d'une insulte caractéristique (raca, Mt 5,22) qui gardent plus de précision ou de force dans la langue d'origine.

Le mot «géhenne», emprunté à la topographie de Jérusalem, avait déjà à l'époque de Jésus, le sens d'«enfer».

Il n'en va probablement pas de même pour le mot «mamon». On ne possède aucune preuve que ce mot ait désigné à l'époque une divinité (comme certains l'ont supposé) ou qu'il ait symbolisé la puissance malfaisante de la richesse. De même, il semble peu probable que les auteurs des évangiles ait repris le mot parce qu'ils ne trouvaient pas d'équivalent satisfaisant en grec.

Ce qui paraît le plus probable est que la présence du mot en araméen renvoie à un usage particulier du terme par Jésus lui-même. C'est lui qui aurait personnifié la richesse comme une sorte de maître de l'homme, opposé à Dieu (Mt 6,24 et Lc 16,13) ; dans ces deux cas, l'emploi de la majuscule (Mamon) est légitime. Quant aux deux autres emplois (Lc 16,9.11), ils s'apparentent davantage à un usage plus courant du terme.

La tension entre les versets 9 et 1 1 (se servir du «mamon» injuste) et le verset 13 (ne pas servir Mamon) est, à l'évidence, intentionnelle. Si Jésus est bien l'inventeur de cet emploi particulier du terme, cela expliquerait qu'il ait pris une connotation différente dans la tradition chrétienne et dans la tradition juive (ce qui n'est pas le c'as pour «géhenne») car, dans la mesure où les textes mis pas écrit après l'époque du Christ (en particulier les targum) reflètent bien un usage ancien, le mot «mamôn» ne semble pas avoir à cette époque, ni par la suite dans le judaïsme, un sens nécessairement défavorable (symbole de la possession injuste, ou de la confiance mal placée).

Une petite précision orthographique : contrairement à l'usage ancien (version Segond, dictionnaire Littré, etc.) le mot doit s'écrire «mamon» et non pas «mammon». Cette orthographe correspond à celle des meilleurs manuscrits du N.T. et à celle de l'araméen (mamôna).

Mamôna n'est pas employé dans le texte hébreu de l'A.T. On le rencontre cependant une fois dans le texte hébreu du Siracide (42,9), ouvrage non canonique du 2e siècle avant J.-C., et dans l'écrit de Damas (14,20), ouvrage essénien datant peut-être du milieu du 1er siècle avant J.-C.

Il apparaît assez souvent dans les targum (traductions de l'A.T. en araméen) ; on y trouve même l'expression caractéristique «richesse d'injustice» (mamôn disqar) qui correspond à Luc 16,9 (mamônas tês adikias).

Le mot figure aussi dans la littérature rabbinique (Mishna, Talmud, Midrash Rabba). Dans ce dernier (Rab. 31), une distinction est faite entre les richesses injustes (mamôn sèlsèqèr) et les richesses légitimes (mamôn sèl'èmèt).

Dans le droit traditionnel juif, on distingue le droit civil (dînê mamônôt, affaires regardant les biens) et le droit criminel (dînê nafsôt, regardant les personnes).

 


AVENEMENT

Avril 1994 No 70 / P 20

 
Yves Uldry
Texte intégral

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Temps et argent

Le placement financier n'est peut-être pas déplacé

Dans les milieux chrétiens, l'argent est considéré comme tabou: c'est «sale» ceux qui en ont beaucoup sont regardés avec circonspection et ceux qui en ont assez se sentent presque «coupables»! «Un Maître partant en voyage pour longtemps distribua ses biens entre ses serviteurs... et il partit». Comme dans la parabole des Talents (Mat. 25, 14-30), ne sommes-nous pas les gestionnaires des biens - autant matériels que spirituels - que Jésus a récupéré à Golgotha? Ainsi, nous sommes là, en l'absence de notre Maître face à la responsabilité de gérer, jusqu'à son retour, un patrimoine dont il reste le propriétaire légitime.

L'argent est une ressource, un média qui, utilisé opportunément ou non, se transforme pour le bonheur ou le malheur de celui qui a reçu le délicat privilège de le gérer. Et comme pour les serviteurs de la parabole des Talents, la difficulté consiste à savoir comment faire fructifier le capital, dans l'esprit du Maître. De même qu'il y a un temps pour chaque chose, il y a un temps pour dépenser ou semer, et un temps pour engranger, prévoir, épargner... Et cela est aussi légitime.

Dans l'Ancien Testament, Dieu nous parle de ses projets économiques. Pour Israël, il a conçu un système qui, s'il avait été fidèlement observé, aurait porté du fruit au-delà de ses frontières géographiques et aurait comblé le monde de prospérité. Citons l'exemple de la dîme qui, selon la volonté de Dieu devait être consacrée par son peuple à ce que l'on appellerait aujourd'hui l'évangélisation. Et les 90% restant?

Le monde chasse le capital, il offre mille possibilités de placement à travers les banques, les établissements de gestion de fortunes, les assurances, etc. Tous, un jour ou l'autre, nous avons eu sous les yeux une documentation vantant les mérites de tel ou tel mode de placement, ou avons été sollicité par une compagnie d'assurance-vie proposant un plan de prévoyance. Pourtant tous sont incapables de prévoir ce qui arrivera demain. Faut-il alors tout rejeter en bloc?

Nos institutions financières, bancaires et les assurances proposent des produits de placements et des couvertures de risques qui, pour le fond, sont identiques: la législation restrictive et souvent complexe limite les variantes possibles et assure d'une certaine façon la protection du consommateur. Pourtant il arrive qu'apparaisse sur le marché des produits financiers dont les rendements sont franchement prometteurs et sortent de l'ordinaire. Avant de se laisser séduire, il convient de bien analyser les sources et les risques que représentent de tels placements. La crédibilité des institutions qui proposent de tels placements peut et doit être facilement vérifiable.

Dans la parabole des Talents, la façon dont les bons serviteurs ont fait fructifier leur part n'est pas précisée et reste un mystère. Mais il est peu intéressant de le savoir, en fin de compte. L'intérêt de la parabole consiste à souligner d'une part la générosité du Maître et sa confiance en ses serviteurs et d'autre part la responsabilité et la fidélité de ces deux bons serviteurs aux attentes du «patron». Ce qui est pourtant à relever, c'est la remarque du Maître au dernier de ses serviteurs: «Tu aurais dû placer mon argent chez les banquiers et, à mon retour, j'aurais récupéré le capital et les intérêts» (Mat. 25, 27). Et oui, les banquiers sont là pour ça!

Dieu ne laisse rien perdre dans Sa création: après la multiplication des pains, douze paniers ont été récupérés et emmenés. En serait-il autrement pour l'argent?

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