Le
partage succède à
l'élargissement
Des propositions tant du
côté israélien que
palestinien envisagent un élargissement
considérable des limites de la ville de
Jérusalem: elle comporterait deux
districts, un pour chaque clan. Les
sièges gouvernementaux des deux
«capitales» se trouveraient à
approximativement la même distance du mont
du Temple.
Le livre de Menahem Klein,
édité récemment par
l'Institut de Jérusalem pour les
Études d'Israël sous le titre
«Doves over Jerusalem's Sky - The Peace
Process and the City 1977-1999» (Colombes
de la paix dans le ciel de Jérusalem - le
processus de paix et la ville 1977-1999), a
produit de l'émoi dès avant sa
parution. Cet ouvrage livre, pour la
première fois, une description
détaillée du projet concernant
l'avenir de Jérusalem, que Jossi Beilin,
député du parti travailliste, et
Abu Mazen, le représentant des
Palestiniens, ont mis sur pied. Le point
principal de ce document est celui-ci: les
limites actuelles de la ville, fixées par
le gouvernement israélien en 1967, n'ont
plus de sens, car l'évolution de ces 32
dernières années a
créé de nouveaux faits. Les
limites existantes ne conviennent plus au
nouveau tracé de la ville établi
par le géographe Israël Kimche;
elles sont même au désavantage des
deux clans. C'est pourquoi ce projet envisage de
modifier les contours de Jérusalem afin
de les adapter aux conditions
géographiques et politiques de la
région.
Les origines historiques
des limites actuelles de la ville sont bien
connues; en effet, ces limites ont
été établies à la
hâte après la guerre des Six-Jours,
et cela en rapport avec la décision
d'inclure Jérusalem-Est dans le
territoire d'Israël. Un critère
important dans l'établissement des
limites du domaine annexé a
été, à l'époque,
d'incorporer les territoires les plus grands
possibles, non encore colonisés, dans la
ville de Jérusalem, et de réduire
au maximum le nombre de ses habitants arabes;
mais aussi et surtout d'obtenir le
contrôle de points stratégiques
importants, comme, par exemple,
l'aéroport d'Atarot (Kalandia) dans le
nord de la ville. Malgré cela, la
frontière de Jérusalem passait, en
certains endroits, au milieu des districts
arabes. La situation n'a cessé de se
compliquer au cours des années. Parmi les
premiers changements drastiques, il y a le fait
que des petits villages arabes situés en
bordure des territoires annexés se sont
rapidement développés en
d'importants lieux de peuplement pour devenir
des faubourgs de Jérusalem. Citons, par
exemple, des endroits comme Al Ram, Kfar Aqab,
Bir Naballah et Jab'a au nord de la ville; en
1967, ces villages étaient fort
éloignés du centre de la
cité, mais actuellement, ils sont devenus
des parties intégrantes, à
population dense, de Jérusalem. Un
deuxième changement, bien connu de tous,
concerne l'établissement de grandes
colonies de peuplement juives dans les
territoires non encore fermés de la
partie orientale de la ville.
.
Un centre d'attraction
pour les demandeurs d'emploi
Cependant moins connue est
l'évolution sous l'angle du nombre
fortement croissant des habitants arabes dans le
centre de la ville et dans ses faubourgs. Depuis
1967, cette augmentation a largement
dépassé toutes les
prévisions du côté
israélien. La cause en est
l'activité accélérée
des juifs, sur le plan de la construction,
à Jérusalem. La conséquence
en a été la création de
nombreux lieux de travail, faisant de la ville
un centre d'attraction pour les Arabes de toute
la Cisjordanie. En outre, furent construites les
colonies juives de Maale Adumim et Givat Zeev,
situées à la frontière de
Jérusalem-Est. C'est ainsi que s'est
réalisé un important
élargissement du territoire de la ville;
et Jérusalem-Est est aujourd'hui
significativement plus grand que la partie
annexée jadis par Israël.
Sur base des circonstances
politiques créées par les Accords
d'Oslo et de la forte probabilité qu'un
État sera fondé dans les
territoires de l'Autonomie palestinienne (AP),
les limites de la ville de Jérusalem
deviendront plus tard des frontières de
l'Etat. Un tel développement est
naturellement absurde. Personne n'avait
compté avec la possibilité de voir
un jour les limites nord, sud et est de la
cité se transformer en frontières
de pays. Toute la problématique devient
claire, quand on considère les points de
contrôle aux accès de la ville
depuis la Cisjordanie. Quand Israël se mit
à verrouiller les territoires
palestiniens et à établir des
barrages routiers en vue d'avoir un regard sur
les personnes voulant se rendre en ville, les
services de sécurité
cherchèrent des endroits
appropriés aux
«frontières». De tels points ne
purent se trouver, car, comme déjà
dit, les limites de la ville (du reste aussi,
les frontières politiques) traversent des
jardins et des maisons situés en
territoire arabe. C'est ainsi que le point de
passage nord fut établi au sud de Al Ram,
à plus d'un kilomètre de la
frontière proprement dite de la ville. Au
sud, un point de contrôle a
été établi près de
l'Institut théologique Tantur, alors que
la limite de la ville se situe plus au sud,
près du tombeau de Rachel. On a
procédé de la même
façon pour d'autres points de
contrôle.
.
Le partage
succède à
l'élargissement
Pour cette raison, le
principe fondamental du document de Beilin et
Abu Mazen comporte un élargissement des
limites de la ville vers les territoires de la
Cisjordanie, afin d'incorporer dans
l'entité les grands districts arabes
situés à l'est de
Jérusalem, Al Azzaria et Abu Dis ainsi
que les colonies juives de Maale Adumim et Givat
Zeev. Proposition avancée: partager en
deux le district de la ville nouvellement
créé s'étendant de Ramallah
dans le nord jusqu'à Bethléhem
dans le sud et vers Maale Adumim à l'est:
une zone israélienne et une
palestinienne.
L'établissement de
la nouvelle ligne frontière du
Grand-Jérusalem et le partage en deux
districts, que voilà un projet
extrêmement compliqué mais le
principe de l'élargissement de la ville
ouvre la possibilité d'un accord
politique unanimement accepté par les
deux parties. La nouvelle ville aura des
dimensions gigantesques, mais on sait fort bien
que la Jérusalem historique originale ne
compte qu'un kilomètre carré
à l'intérieur des murailles de la
vieille cité. Celles-ci, durant les
millénaires de son existence,
constituaient les limites de la ville
jusqu'à il y a environ un siècle.
Le Jishuv, la commune juive avant fondation de
l'Etat, établit, pour une multitude de
raisons, les zones d'habitation juives ainsi que
les institutions nationales juives à
quelque distance de la ville sainte de
départ. Ainsi, les bâtiments de la
Knesset, le Parlement israélien, la Cour
suprême de justice, le Musée
d'Israël, les bureaux du Premier ministre
et les différents ministères se
trouvent sur le territoire des villages arabes,
qui étaient anciennement dans la partie
Est de la ville, comme, par exemple, Lifta,
Malha, Sheikh Bader, Dir Jassin, Ein Kerem. Ces
institutions sont éloignées
d'environ trois kilomètres du mont du
Temple et des lieux saints de
Jérusalem.
Une solution pour les
Palestiniens n'est envisageable que sur base
d'une égalité avec Israël;
cela signifie qu'ils pourront installer leurs
établissements nationaux et publics
à égale distance du mont du
Temple, mais dans la direction opposée,
c'est-à-dire à l'est.
Actuellement, l'AP construit, au carrefour de
Abu Dis, un bâtiment qui pourrait servir
de siège du Parlement palestinien. Il se
trouve en Cisjordanie, à 2,3
kilomètres à vol d'oiseau de la
mosquée Al-Aqsa, exactement à la
même distance que celle séparant la
Knesset du Mur Ouest. Sous l'angle du principe
de l'égalité, les Palestiniens
n'ont aucune raison de se plaindre d'être
chassés de la ville et de devoir
installer leur capitale sur le territoire de Abu
Dis, étant donné que ce lieu se
trouve à l'intérieur des limites
du Grand-Jérusalem, tout comme,
aujourd'hui, Sheikh Bader et Lifta se situent
à l'intérieur du district de la
ville de Jérusalem.
Naturellement, il y a
encore toute une série de
problèmes qui se poseront dans le cadre
de la transposition pratique de l'administration
dans les zones israélienne et
palestinienne. Mais les propositions concernant
l'élargissement des limites de
Jérusalem ainsi que le principe de la
réciprocité relativement aux lieux
des sièges gouvernementaux d'Israël
et des Palestiniens pourraient constituer un bon
point de départ lors des
négociations portant sur une des
questions les plus épineuses de l'accord
sur le statut final de la ville.
Nouvelles d'Israël 08 /
1999
©
Nouvelles d'Israël