A propos du
massacre à Beyrouth
Les postes d'émission
israéliens enregistrent un taux très
élevé d'auditeurs qui choisissent
l'écoute des émissions.
d'interrogatoires concernant le
«massacre». car chacun en Israël se
sent en quelque sorte impliqué dans cette
affaire. Un peuple qui, lui-même, a
traversé des moments de massacres laissant
des millions de victimes, sait ce que cela
représente pour ceux qui sont menacés
d'être liquidés. Toutes les craintes
qui précédaient l'acte
n'étaient que des hypothèses se
limitant à un «aiguisement de
couteau» parmi les terroristes, les milices et
les extrémistes armés. Ce furent les
Israéliens qui furent les plus
choqués de ce que cela aboutisse à un
massacre parmi les femmes et les enfants. Les
Libanais eux-mêmes ne réagissaient que
peu, étant devenus insensibles par les huit
ans de guerre civile qui avaient
entraîné la mort de 98 854 victimes.
Ils supposent même que le massacre a
été effectué par l'OLP.
Certes, Winston Churchill
avait déjà forgé cette
idée: «Les Arabes sont des
tueurs». mais la grande tragédie de ce
massacre, c'est que ces Arabes se donnent le nom de
«chrétiens». sur leurs fusils sont
collées des images de madones et des
décalques d'icônes. Ici, en
Israël, on considère la consternation
générale au sujet des 762 victimes du
massacre comme étant de
«l'hypocrisie», car, où donc
étaient les protestations au moment de
l'exécution dans les fours à gaz des
six millions de Juifs, dont un million et demi
d'enfants
(... on n'aime guère
se souvenir de ces réalités, n'est-ce
pas)? On oublie tout cela et, sans vérifier,
on pousse d'abord Israël sur le banc des
accusés d'ailleurs inutilement, puisque
Israël s'est livré lui-même
à la justice.
Sous la présidence du
président de la Cour suprême
d'Israël. Yitzhak Kahan, du professeur Dr
Ahron Barak, doyen de la faculté de droit,
et de Yona Efrat, officier connu pour être
intègre et extrêmement correct, on
cherche à trouver comment il a
été possible que ce massacre ait pu
se faire. Pour la première fois, un Premier
ministre exerçant ses fonctions - Menachem
Begin - s'est présenté, à
côté du ministre de la Défense
et du chef d'état-major
général, pour un interrogatoire
judiciaire public.
J'ai devant mes yeux le texte
du protocole du procès, fort de 153 pages,
dont l'idée est reflétée par
le mini-extrait qui suit.
Une chrétienne bien
connue, habitant en Israël depuis 20 ans,
disait, lors de cette affaire du massacre:
«comme autrefois le Christ, Israël est
compté aujourd'hui parmi les malfaiteurs
!»
.
Le ministre de la
Défense Ariel Sharon le
25.10.1982
Kahan:Est-ce que, avant le meurtre de Beshir
Gemayel, on avait enregistré des massacres
au Liban?
Sharon: Avant notre entrée au Liban,
c'est-à-dire entre 1975 et le 6 juin 1982,
il y avait des massacres en masse. Les terroristes
sévissaient parmi les chrétiens. et
les chrétiens parmi les Palestiniens.
Kahan:: Qui a effectué cette tuerie
?
Sharon: L'organisation des terroristes de
l'OLP et aussi des troupes libanaises, dont Amin
Gemayel était l'un des chefs. Amin
lui-même avait utilisé le mot
«vengeance» lors de l'ensevelissement de
son frère, le 15.9.1982. Mais la vengeance
telle qu'elle se comprend chez les Arabes, n'exclut
ni les enfants, ni les femmes, ni les
vieillards.
Barak: Pouvait-on supposer que les
phalangistes chrétiens pourraient nuire
à la population palestinienne?
Sharon: Les forces armées des
chrétiens libanais ne sont pas une bande de
têtes brûlées, mais un
système patriarcal bien pensé, avec
comme leader Pierre Gemayel, malgré
l'effectif relativement jeune du commando
militaire.
Kahan:: Que devaient faire les phalangistes
en arrivant à Beyrouth-ouest quel
était leur rôle ?
Sharon: II était convenu de les
envoyer dans les quartiers terroristes comme
Shattila, Sabra et Fakahani.
C'est là que se
trouvaient les centres terroristes, ces maisons
à plusieurs étages. Dans le seul
quartier de Shattila, ledit camp de Shattila, il y
avait 2300 maisons de plusieurs étages. On y
a découvert des tunnels, parfois des
structures de plusieurs étages souterrains,
des centres pour le quartier général
du commando des terroristes.
Si nous avions su un seul
instant qu'il se trouvait des civils dans ces
centres, nous n'aurions pas permis que les
phalangistes s'y rendent. Lorsqu'on me demanda, un
jour, si les portes du camp avaient
été ouvertes, je me rendis compte
à quel point la notion de «camp»
était fausse, car il s'agissait ici d'un
quartier de la ville à la construction
dense.
Barak: Qui entra dans ce
«camp»?
Sharon: Je ne sais pas. Peut-être
aussi des personnes d'ailleurs. Tout compte fait,
il y avait des endroits sur lesquels nous n'avions
pas le contrôle.
Par exemple, les
côtés sud et est.
Nous n'y étions pas
stationnés. Si nous avions été
informés, ils auraient
pénétré par un autre
côté. Je ne sais pas d'où ils
venaient. Je ne le sais pas '
.
Le général
de division Amir Drori, commandant de la zone nord,
le 31.10.1982 .
Barak: Par rapport au plan de combat, ces
«camps» existaient-ils?
Drori: Oui, car 2000 à 3000
terroristes s'étaient barricades dans les
nombreux étages des maisons. En outre, il y
avait aussi 7000 à 8000 milices
privées et environ 5000 soldats de
l'armée sauvage . libanaise, alors que notre
force armée qui y stationnait n'en comptait
que quelques centaines.
Barak: Aviez-vous des craintes qu'on
pourrait faire du mal à la population
chrétienne civile ?
Drori: Pendant l'opération
«Paix en Galilée», on pouvait,
certes, observer quelques empiétements
isolés parmi les phalangistes, mais pas de
phénomène général. A
cette occasion, nous nous rendions compte que les
phalangistes chrétiens ne possédaient
pas l'éthique de champ de bataille de nos
soldats.
Barak: Que veut dire «pas notre
éthique de champ de bataille»?
Drori: Par exemple, pendant la
conquête d'une maison, nous nous efforcions
de faire comprendre aux habitants, par le moyen
d'un haut-parleur, qu'il leur fallait
déposer toute arme pour que nous ne leur
fassions pas de mal. Nous n'étions pas
certains que les phalangistes en feraient de
même.
Kahan:: Lors de votre rencontre avec le
ministre de la Défense, avez-vous
discuté l'affaire des phalangistes qui
entraient dans «le camp»? Avez-vous
manifesté des craintes?
Drori: Rien de tout cela. Cela ne comptait
pas parmi les priorités.
Kahan:: A quel moment des tirs
éclatèrent-ils aux «camps»
de Sabra et de Shattila ?
Drori: Des tirs, il y en a toujours eu. Par
exemple, des coups de feu de petits calibres,
d'armes anti-char, de mortiers, etc. Rien
d'extraordinaire.
Kahan:: Que disiez-vous aux phalangistes
chrétiens ?
Drori: Qu'ils devaient se comporter comme
des hommes, qu'ils ne devaient pas blesser les gens
sans défense, ni les femmes, ni les
vieillards, ni les enfants.
Kahan:: Êtes-vous sûr d'avoir
parlé de la sorte avec les phalangistes,
avant qu'ils ne pénètrent dans ces
quartiers de la ville?
Drori: Oui, je l'affirme !
Kahan:: Avez-vous parlé avec eux de
l'endroit où ils allaient
pénétrer?
Drori: Oui, du côté de
Shattila, région où, d'une part, nos
troupes étaient assez clairsemées, et
d'autre part, où il y aurait des
facilités lors d'un éventuel
combat.
Efrat: Connaissiez-vous l'effectif de la
troupe qui pénétrait au
«camp»?
Drori: Nous étions au courant de 100
à 150 personnes environ.
Kahan:: Que s'est-il passé le
vendredi (17.9) à 11 h. 30? Qu'avez-vous
entendu?
Drori: J'ai entendu Amos dire qu'il avait
un mauvais sentiment à cause des
phalangistes. Je lui ai demandé s'il avait
vu ou entendu quelque chose de particulier.
Kahan:: Que répondit-il ?
Drori: Qu'il n'y avait rien de
spécial, sinon qu'une jeune fille
était venue raconter qu'elle avait
reçu un coup de crosse sur la tête.
Elle répondit négativement à
la question si elle avait été
violée ou pillée. Elle se plaignait
uniquement du coup sur la tête.
Kahan:: Est-ce que personne ne fit allusion
à des gens massacrés?
Drori: Non, absolument pas. On avait
simplement le sentiment qu'il se passait quelque
chose d'irrégulier. Mais d'ici à
penser à un massacre, absolument pas!
.
Le Premier ministre
Menachem Begin le 8.11.1982
Efrat: V avait-il des
délibérations quant à ce qui
pourrait se passer après l'arrivée
des phalangistes dans les camps?
Begin: Non, pas du tout. Nous avons
expliqué aux phalangistes que l'armée
israélienne combattait en sacrifiant
beaucoup de victimes pour chasser les terroristes
et assurer la «paix à la
Galilée» - une fois pour toutes. Que
Beyrouth, leur capitale, était leur affaire
à eux.
Barak: Le meurtre effectué sur
Beshir Gemayel ne vous inspirait-il pas non plus la
pensée que les phalangistes pourraient se
venger?
Begin: Aucun d'entre nous ne pouvait
imaginer ce massacre. Le combat n'avait pour but
que les terroristes armés.
Efrat: A quel moment avez-vous entendu la
première fois que quelque chose d'anormal se
passait?
Begin: Samedi après-midi, en
écoutant l'émetteur de la
«BBC». Avant, de 8 h. 15 à 13 h.
30, j'étais à la synagogue.
(Sharon: J'essayais
d'atteindre Begin, mais il était à la
synagogue). J'en discutai immédiatement avec
le ministre de la Défense et le chef
d'état-major général.
Kahan: Sur quoi discutiez-vous?
Begin: On m'expliqua que des choses
terribles s'étaient passées, que nous
les avions chassés (les phalangistes. La
réd.) tout de suite en leur donnant l'ordre
de quitter la région sans tarder.
Ainsi, le massacre fut
arrêté.
Nouvelles
d'Israël 03 / 1990
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