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 INTRODUCTION

 

En parlant de lui-même, Henri Rappard aimait à dire qu'il n'était autre chose qu'un «objet de la miséricorde divine». Et ce mot jaillissait des profondeurs d'un coeur qui avait fait dans maint douloureux combat l'expérience de sa propre faiblesse et de la toute-puissance de Dieu. Ce n'était pas seulement une allusion au salut gratuitement accordé par la miséricorde de Dieu, à lui comme à chacun, en réponse à sa foi en Jésus-Christ. Il pensait aussi, en le prononçant, aux circonstances spéciales de sa vie et de son activité. Il s'était senti, en effet, dans sa jeunesse, si parfaitement incapable, si mal préparé aux tâches qui l'une après l'autre vinrent s'imposer à lui, qu'il ne lui restait qu'à s'abandonner à la grâce de Dieu et à en attendre tous les secours et toute la sagesse dont il avait un si pressant besoin. Il apprit ainsi à voir dans cette attitude d'entière dépendance de Dieu tout le secret du succès. Voilà comment s'explique, chez cet homme fort, cette touchante humilité que prisaient si haut ceux qui le connaissaient d'un peu près.

La grande modestie qui le caractérisait n'affaiblissait point toutefois le sentiment profond qu'il avait d'être un instrument entre les mains de Dieu. Il revenait avec insistance, dans les dernières années de sa vie, sur le mot de l'apôtre : «Nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les exécutions. » (Eph. 2, 10.)

Dieu lui-même, pensait-il, crée et prépare ses serviteurs en vue des oeuvres qu'il veut leur confier et qu'il prépare aussi pour eux. De même que, sur le toit de la maison où il logeait à Joppe, Pierre se trouva préparé au moyen d'une remarquable vision à aller prêcher l'Evangile aux Gentils, de même Corneille, à Césarée, se trouva préparé à accepter cette prédication. Ensuite, au moment voulu, la main de Dieu amena l'ouvrier en face de sa tâche, pour le bonheur éternel de toutes les générations futures. Ce qui s'est produit alors d'une façon si frappante et si merveilleuse, se produit sans cesse encore aujourd'hui, quoique, en général, d'une façon toute simple et peu apparente. De temps à autre seulement Dieu laisse apercevoir sa main et manifeste ainsi sa gloire, pour fortifier la foi des siens.

 

A mesure que se déroulait sa vie, Henri Rappard discernait plus clairement, jusque dans les circonstances les plus insignifiantes, ou même en apparence les plus contraires, les moyens éducatifs sans lesquels il n'aurait jamais pu apprendre ce qu'il lui fallait savoir pour s'acquitter de ses tâches futures. Et de même, à mesure que des tâches nouvelles s'imposaient à lui, il pouvait les accepter de la main de Dieu comme lui étant assignées à l'heure choisie par Dieu. Il s'y sentait poussé intérieurement. Dieu lui-même lui ouvrait la porte, lui frayait la route, lui donnait ce qu'il fallait, et le bénissait au delà de tout ce qu'il aurait osé demander et imaginer.

C'est ce qui apparaîtra dans la biographie de cet homme bien-aimé. Le désir profond de l'auteur est qu'elle soit en bénédiction à ceux qui la liront, de sorte que Dieu soit glorifié. Que peut-il y avoir de plus bienfaisant et de plus sage pour chacun que de se livrer avec foi à son Créateur et Sauveur pour être affranchi et purifié de toutes les tares et imperfections causées par le péché ? C'est cet acte de foi que Rappard réclamait constamment dans ses allocutions. Puisse ce volume être un écho de son message, et attester joyeusement à tous, surtout aux jeunes gens de tous les milieux, - oui, même à ceux des familles cultivées, qui se figurent trop souvent que la piété n'est bonne que pour les petites gens - que la foi au Seigneur Jésus-Christ, le Seigneur de gloire, et l'obéissance à ses ordres et à ses directions sont ce qu'il y a au monde de meilleur et de plus noble. Au service de ce Roi on est vraiment libre. Sa faveur est plus précieuse que la vie même.

 

Ce n'était pas une petite entreprise que de dépeindre une vie aussi riche, et celle qui a osé la tenter n'a pu le faire que parce qu'elle se sait assez étroitement unie à celui qui n'est plus pour être la fidèle interprète de ses sentiments et de ses pensées. Si doué qu'il fût, il était d'une grande simplicité il convient donc que ce récit soit aussi dépourvu de tout artifice. Il faut avant tout qu'il soit vrai. Pour une biographie, c'est parfois malaisé et délicat. Mais il n'y a, ou le sait, pas de tableau sans ombre, pas de caractère sans quelque imperfection, et ce sont précisément ceux qui recherchent avec passion la sanctification qui sentent le plus vivement combien la parole de l'apôtre leur est précieuse : « Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père », ainsi que cette autre : « Le sang de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, nous purifie de tout péché. »

Aux grandes natures les grandes luttes, mais aussi, grâces en soient rendues à Dieu, les grandes victoires.

Notre ardent désir - et ce serait indubitablement aussi le sien, s'il pouvait l'exprimer - est de glorifier par cette esquisse, non pas l'homme faible et pécheur, mais le Seigneur puissant et miséricordieux, non pas la grande foi du serviteur de Jésus-Christ, mais le grand Sauveur en qui il a cru de toute son âme.

« A Celui qui peut préserver les siens de toute chute et les faire paraître devant sa gloire irrépréhensibles et dans l'allégresse, à Lui soit la gloire pour l'éternité! Amen. »


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