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LES
ENSEIGNEMENTS DU PAPILLON
Pourquoi je
m'occupe des papillons
Plusieurs de mes lecteurs
trouveront sans doute étrange qu'un pasteur
s'attarde à aborder un sujet aussi vain que
celui des papillons.
Est-ce le moment d'en
parler ? Appartient-il à un messager de
la bonne nouvelle, dans les temps graves où
nous sommes, de perdre son temps à pareille
futilité ?
On raconte que, dans
les premiers siècles de notre ère, un
vieil ermite, célèbre par sa
piété, vivait dans les
contrées de la Thébaïde. Un
jour, un savant d'Alexandrie étant venu le
visiter, lui exprima son étonnement de ne
point lui voir de bibliothèque.
« J'ai deux livres écrits de la
main de mon Père céleste,
répondit l'ermite, la Bible et la
nature ; j'ai appris à lire dans les
deux, et cela me suffit. » C'est dans ces
deux livres que j'essaie également
d'apprendre à lire. Ce que j'ai
trouvé dans la Bible, je le dis, le
dimanche, dans mes prédications ; ce
que j'ai lu dans la nature, je voudrais le dire
ici, non en savant, mais en simple amateur. Combien
je serais heureux si ces quelques pages,
écrites avec amour, pouvaient
éveiller en quelqu'un, tout à la
fois, le goût de la nature et le goût
des choses de Dieu !
Alors que, tout jeune
pasteur, je gravissais, un certain matin du mois de
mai, l'une de nos montagnes jurassiennes, je vis,
au bord du chemin, un papillon tout frais qui
venait de sortir de sa chrysalide. C'était
l'Aglia Tan, ce beau bombyx d'un jaune-fauve, aux
quatre ailes ornées d'un oeil noir ;
chatoyant en bleu, dont la prunelle blanche est
à peu près semblable à un Tau
grec.
Cette merveille du
monde des insectes, en cette matinée de
printemps, m'apparut si radieuse, si pure, si
incomparablement belle que, du coup, je fus
gagné à l'entomologie. Je
résolus de concentrer désormais mon
attention, lors de mes courses pastorales à
travers champs et bois, sur ce monde si gracieux
des papillons, de façon à leur
arracher, si possible, le secret de leur
mystérieuse existence.
Il y a de cela
quarante ans ! Je ne saurais dire les
jouissances pures, les tressaillements d'adoration,
l'édification profonde surtout que j'ai
trouvé dans la contemplation de ces petits
êtres si fragiles, mais d'un
intérêt si palpitant.
Il m'a semblé
que le moment était venu pour moi de sortir
quelque chose de ces trésors de
beauté et d'en parler. Natura maxima in
minimis miranda, disait le grand Linné.
C'est dans les plus petites choses que la nature
fait voir ses plus grandes merveilles.
Henry Drummond, le
célèbre professeur de
l'Université de Cambridge, donnait à
ses étudiants un cours de sciences
naturelles et parlait, le dimanche, à un
auditoire composé principalement d'ouvrier,
de sujets d'un caractère moral et religieux.
Pendant un certain temps, il avait réussi
à caser ces deux choses disparates, la
science et la religion, dans un compartiment
différent de son esprit. Mais, Peu à
peu, le mur de séparation céda et le
moment vint où il parla aux ouvriers de la
même manière qu'il parlait à
ses étudiants. En d'autres mots, Drummond
arriva à la conviction que les lois de la
nature se prolongent jusque dans le monde
spirituel, dont les réalités peuvent
être formulées exactement dans les
mêmes termes que celles de la
biologie.
J'ai
expérimenté à maintes reprises
quelque chose de pareil : ce que j'ai
trouvé dans la Bible m'a paru être la
continuité de ce que j'avais observé
dans le livre de la nature. Ce n'était pas
seulement des images ou des paraboles ou de
frappantes analogies. Entre les deux règnes,
j'ai souvent constaté une vraie similitude
de lois ; certains phénomènes du
monde spirituel m'apparaissaient comme le
prolongement de ceux de la nature.
Vous
représentez-vous la joie que l'on
éprouve lorsqu'une hypothèse se
vérifie, qu'un mystère
s'éclaircit ou qu'un problème du
monde spirituel se résout par la simple
contemplation de la Création ? Ce genre
de découvertes fait chanter.
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