Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



DISCIPLINE MORALE
ou
SE GOUVERNER SOI-MÊME


Auteurs consultés et cités textuellement à plusieurs reprises :
VINET, LOUIS MEYER, AYMIEU, LÉVY, FÖRSTER, FREUTTEN



INTRODUCTION

Garde ton coeur plus que toute autre chose car de lui viennent les sources de la vie. Prov. 4, 23.

Autrefois, plus qu'aujourd'hui, on disait volontiers : « Heureux comme un roi ! » Nous sommes tous des rois ayant un royaume, bien à nous, à gouverner et je ne sais si notre gouvernement nous satisfait si bien, que nous y trouvions le bonheur.

C'est le sujet que je voudrais examiner avec vous. Ce royaume, c'est notre être intérieur, notre nous-mêmes avec notre nature complexe où règne en permanence une lutte à outrance entre le bien et le mal.

À peu d'époques peut-être y a-t-il eu aussi peu de vrais caractères, aussi peu d'énergiques volontés. Pourquoi ? La cause vaut la peine d'être étudiée.

Ce sujet est difficile à traiter rapidement, il mérite une étude approfondie ; l'espace me manque pour faire autre chose que d'indiquer les grandes lignes, que chacun pourra poursuivre en détail, à son gré.
Je diviserai mon étude en deux parties, la première : « psychologique », la seconde : « pratique ».



Première partie.

Psychologique.
Je n'apprends rien à personne en disant que notre nature humaine est complexe, mais se compose de deux parties essentielles, la partie spirituelle et invisible, et la partie matérielle et visible.

La partie spirituelle de notre être dirige la partie matérielle par un merveilleux intermédiaire qui transmet l'ordre de la première à la seconde avec une rapidité extraordinaire et qui s'appelle la volonté. Cette transmission est si instantanée que nous ne distinguons plus l'ordre donné par notre esprit et l'exécution accomplie par l'un de nos membres. Notre main saisit un objet, fait un mouvement, sans que nous réalisions le travail qui s'est opéré en nous.

Notre corps est l'instrument de notre esprit, Si notre esprit est corrompu, notre corps sera un instrument de corruption pour nous-mêmes et pour les autres. Si notre esprit est soumis aux lois de Dieu, notre corps sera un instrument pour le bien. Mais il faut une vigilance et une lutte de tous les instants. St-Paul a dit dans 1 Cor. 9., 27 « Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti. »
Il savait par expérience que jamais le corps ne doit dominer sur notre esprit, sinon l'équilibre moral disparaît.

La partie spirituelle de nous-mêmes se subdivise en esprit ou intelligence et en âme.

L'esprit et l'intelligence se ramifient à l'infini par tous les dons que Dieu nous fait : mémoire, jugement, compréhension, etc. L'âme est la partie la plus élevée de notre être, elle renferme l'étincelle divine, l'élément immortel, elle est le siège de la volonté et de la conscience, elle est notre vrai moi, et elle est ce qu'il y a de plus précieux en nous puisque Jésus-Christ a quitté la gloire pour venir la racheter au prix de son sang versé sur la croix du Calvaire.

Notre âme est aussi le principe de la liberté en nous, Dieu ne s'impose pas à nous en nous obligeant à l'aimer ou à le servir, c'est à nous de choisir. C'est un choix volontaire que chacun doit faire pour soi-même et que personne ne peut faire à notre place. Évidemment, l'entourage, le milieu et l'éducation auront une influence sur ce choix.

Dieu a mis en nous la conscience qui nous révèle ce qui est bien et ce qui est mal, et qui sera plus ou moins délicate suivant l'éducation que nous lui donnons ; plus nous l'écoutons, plus elle devient sensible. Dieu nous l'a donnée, à nous de la développer.
Notre cerveau joue aussi un rôle important dans notre organisme, c'est là que s'élaborent nos pensées, nos idées, nos réflexions, nos sentiments et notre volonté, en un mot, il est la source de nos actes.

D'après ce que nous avons dit, il est facile de comprendre que notre esprit, notre intelligence et notre âme ont une influence capitale sur nos actes, les uns ne peuvent exister sans les autres. C'est ce que j'appellerai l'influence intérieure sur l'extérieur.

Je donnerai un exemple ; un sentiment de compassion pour un être souffrant, nous fera accomplir, à son égard, un acte de charité ou d'amour. Mais d'autre part, les impressions et les circonstances extérieures ont aussi une influence indéniable et souvent profonde sur notre cerveau, notre esprit, notre coeur et notre âme. Pour compléter l'exemple ci-dessus, la vue d'une douleur physique ou morale, chez autrui, nous donnera l'idée de la soulager de notre mieux.
La vue d'un incendie éveillera en nous soit l'épouvante, l'horreur, ou une ardente sympathie pour les sinistrés qui nous portera à des actes de dévouement ou de charité. Un bel objet d'art, un beau tableau représentant une nature grandiose ou riante, une musique éclatante ou une harmonie douce auront une influence toute différente sur nous. Nous serons enthousiasmés ou attendris, troublés ou satisfaits.
Par contre ce qui est laid, vil ou mesquin amoindrira, abaissera ou avilira notre être moral.

Ceci prouve suffisamment que les choses et les circonstances extérieures ont une grande et positive influence sur notre être inférieur et spirituel, et que la discipline de nous-mêmes doit s'exercer aussi bien à l'égard de ce qui nous entoure que sur ce qui est en nous. Ceci nous amène à la seconde partie de notre étude, la partie pratique.



Seconde partie.

Pratique.
Je diviserai cette seconde partie en deux :

1° Le gouvernement de soi-même vis-à-vis de ce qui est extérieur.
2° La discipline de soi-même en ce qui concerne notre être intérieur.

 

Gouvernement de soi-même vis-à-vis de ce qui est extérieur.
Pour qu'une vie humaine soit utile, paisible et heureuse il faut qu'elle soit équilibrée et harmonieuse. Il faut que les circonstances extérieures de vie, de milieu et de travail soient d'accord avec l'intelligence, l'éducation intérieure et les dispositions de l'âme. Ici la volonté joue un grand rôle.

Nous répétons que notre être moral et spirituel doit dominer et diriger notre vie matérielle et extérieure ; mais, me direz-vous, notre volonté ne peut rien changer à nos circonstances de milieu, de pays, de famille, de position, d'éducation première, toutes choses qui sont ce qu'elles sont, sans que nous y soyons pour rien.

Cela est vrai, mais par notre volonté nous pouvons modifier les influences de ces circonstances sur notre être moral. Notre volonté peut harmoniser notre vie, par une acceptation joyeuse de la place où Dieu nous a mis, nous confiant de la façon la plus absolue en sa sagesse et en son amour, et par une adaptation de notre être moral à ces conditions mêmes, nous efforçant d'en tirer tout le parti possible pour notre éducation spirituelle et morale.

Se révolter contre des circonstances qu'on ne peut changer ne sert qu'à aigrir, amoindrir, avilir le caractère ; il faut plus de force de volonté pour accepter des circonstances défavorables que pour murmurer, se plaindre et gémir. Un acte quelconque, petit ou grand, conscient ou inconscient, répété constamment, devient "habitude", or l'habitude est une des choses les plus difficiles à déraciner, et une de celles qui exercent une influence capitale sur notre vie. Une bonne habitude peut élever notre niveau moral, une mauvaise habitude peut nous entraîner dans les abîmes. C'est pourquoi on ne saurait trop veiller à la formation des habitudes ; il est plus facile d'écraser un flocon de neige que de lutter contre une avalanche qui emporte et détruit tout sur son passage. Une habitude contre laquelle la volonté ne réagit pas peut devenir un esclavage qui ruine l'être moral et spirituel. Les exemples abondent, chacun peut en fournir de sa propre expérience ; l'un des plus probants est le cas de l'ivrogne qui commence par boire un seul verre d'alcool et qui en peu de temps devient un alcoolique forcené qui ne peut plus se passer du poison qui le tue.

De nos jours il y a moins de résistance au mal, moins de volonté pour le bien et plus de gens volontaires, c'est-à-dire ne voulant d'autre loi que leur propre volonté. D'où cela vient-il ?

Au Moyen-Age, Pierre l'Ermite souleva la chrétienté d'Europe au cri de "Dieu le veut", pour l'amener à surmonter toutes les difficultés, à affronter les pires dangers, à mépriser les privations de toutes sortes, à quitter famille, amis, foyer, patrie, en vue d'aller délivrer le Saint-Sépulcre de la main des infidèles. De quelle volonté indomptable les Croisés firent preuve ! Aujourd'hui, l'Europe chrétienne laisse massacrer les chrétiens d'Arménie sans lever un doigt pour les délivrer. D'où vient ce manque d'énergie ?

Rappelons-nous combien l'intelligence humaine a fait de conquêtes sur les forces de la nature et toutes ont eu pour résultat sinon pour but une vie plus facile, plus confortable, plus raffinée, et si ce résultat n'est pas contrebalancé par une éducation proportionnelle de l'esprit, de la volonté et de l'âme, notre énergie fera naufrage. Avec l'accroissement des biens matériels grandissent les tentations, les besoins nouveaux ; dès lors la lutte devient toujours plus intense pour ceux qui voyant le danger veulent le dompter, et l'affaissement, le laisser-aller et la défaite pour ceux qui ne luttent pas. Combien n'y en a-t-il pas qui préfèrent se laisser aller au courant de la vie moderne, se laissant dominer par les circonstances, d'où il résulte un affaiblissement physique, intellectuel, moral et spirituel. La discipline de soi-même fait défaut absolument pour ceux-là.

Actuellement l' "instruction" et la science ont pris la place de l' "éducation", surtout celle de la volonté, et pourtant la volonté a plus de valeur que le savoir.

Tout ce que je viens de dire ne nous prouve-t-il pas que le moment est venu de réagir contre toutes ces circonstances extérieures et de cultiver, comme tout à nouveau, notre volonté ? Nous avons à faire à forte partie, en nous et au dehors de nous ! Nos nerfs jouent un grand rôle dans notre vie, et sont souvent un prétexte à nous pardonner à nous-mêmes ce que nous avons peine à pardonner aux autres. Et pourtant nos nerfs sont une force précieuse à utiliser, et dont nous nous servirons toujours, soit pour le bien, en les mettant au service de notre conscience, soit pour le mal, en la bravant.

Une des conséquences de l'état de choses actuel, c'est la médiocrité qui envahit peu à peu tous les domaines, et dont nous ne devrions jamais nous contenter, surtout pas en ce qui concerne la volonté. L'éducation moderne en est une des causes, mais ce sujet nous entraînerait trop loin, il mériterait une étude spéciale ; j'adresserai seulement à la jeunesse d'aujourd'hui à qui incombera la responsabilité d'élever la génération de demain, un appel sérieux de veiller, dès la première enfance, à l'éducation de la volonté, volonté raisonnée pour le bien qui contribuera au relèvement du niveau moral de l'individu et de la race.

Entrons maintenant dans le domaine pratique de la vie de la jeune fille, où l'empire sur soi-même est nécessaire.
Une jeune fille sort de l'école primaire ou secondaire ; primaire pour entrer en apprentissage ou en place. Que de choses elle aurait encore à apprendre, que d'autres elle aurait à perfectionner ! Pour arriver à un degré supérieur, il faut qu'elle fasse un acte de volonté presque héroïque pour réserver dans sa journée une heure ou une demi-heure qu'elle emploiera à acquérir ce qui lui manque, qu'elle respectera consciencieusement et qu'elle saura faire respecter des autres. Voilà ce qui serait nécessaire pour elle et qui lui serait profitable à un double point de vue, celui de son instruction et surtout celui de l'exercice de sa volonté.
Quelle est la jeune fille qui aura l'énergie de faire cela ?

En sortant de l'École secondaire, une jeune fille croit son éducation terminée. Si elle a du loisir, c'est le moment pour elle de commencer sa véritable instruction, car c'est ce qu'on apprend soi-même qu'on apprend le mieux. Elle doit se faire un plan pour l' "emploi régulier de son temps" laissant dans chaque journée une place aux devoirs de la famille et à l'imprévu. Avoir ce plan et s'y tenir fidèlement demande de la force de volonté, et l'exerce admirablement ; c'est une excellente préparation pour avoir dans la vie de la méthode, de l'ordre moral, de la ponctualité, de la fidélité dans les engagements pris avec d'autres, toutes choses qui rendent le commerce avec son prochain plus facile et plus agréable ; si elles font défaut, le caractère s'en ressent des deux côtés. Si cette même jeune fille doit aller en place pour faire profiter d'autres de ce qu'elle a appris, il est bon qu'elle se réserve un certain temps pour elle, pour continuer ses études, pour se retrouver elle-même, pour se recueillir.

Un point essentiel pour toute vie humaine, c'est de se faire une règle à laquelle on ne manque jamais, d'avoir chaque matin son moment tranquille de recueillement avec Dieu par la lecture de sa Parole et la prière, cette heure est nécessaire pour la vie spirituelle. Jésus-Christ lui-même, tout Fils de Dieu qu'il était, en sentait le besoin, et souvent l'Évangile nous rapporte qu'il se retirait à l'écart pour prier. Les grands serviteurs de Dieu en ont tous fait l'expérience ; les Vinet, les Frommel, les réformateurs n'ont cessé de pratiquer cette communion avec Dieu et de la recommander aux chrétiens.

Combien plus la jeunesse de nos jours devrait-elle mettre la prière avant tout, et toujours commencer ses journées et son travail par là. Nous ne devrions jamais résister à l'appel de l'Esprit qui nous invite à prier, car une seule opposition de notre part suffit pour que Dieu nous abandonne et que nous soyons accablés par Satan.
Mais pour racheter ce moment précieux, il faut un effort de volonté renouvelé chaque jour.

Dans le domaine des "lectures", il faudrait une étude "ad hoc" tant il y aurait à dire, mais je dois le mentionner rapidement ici. Rien n'est absolument indifférent dans la vie, la lecture moins que toute autre chose, car toute lecture, quelle qu'elle soit, exerce une influence soit dans une direction soit dans une autre, sur le coeur, l'imagination ou l'esprit, ou ce qui est plus grave sur l'âme. Une lecture peut enrichir et ennoblir la vie, et peut avilir et conduire au crime ; des exemples récents en sont la preuve. Le choix d'une lecture est donc très important, et la conscience et la volonté ont à s'exercer sur ce point.

Il faut savoir fermer un livre, même palpitant d'intérêt, à l'instant où la conscience nous dit : Ce récit n'est pas fait pour les yeux d'une chrétienne, il peut souiller ton imagination et ton coeur, ferme-le ! Il y a là un acte énergique de volonté à accomplir pour agir loyalement vis-à-vis de sa conscience.

Disons un mot de "l'ordre" dans la vie, dans les affaires, dans l'emploi de son temps.
Certaines natures plutôt ardentes, imaginatives, impulsives, ont peu d'ordre ; laissant libre carrière à l'impulsion et l'entraînement du moment, elles ne mettent aucune méthode dans leur vie, et pour elles il faut une volonté plus forte pour remédier à ce lamentable état de choses qu'aux natures ordrées de tempérament.

Ordonner ses journées par un emploi régulier et méthodique de son temps, nécessite une volonté persévérante, mais aura pour la vie toute entière une influence bienfaisante, car peu à peu cet emploi du temps deviendra l'habitude, acquise par un effort, et l'habitude bonne, mise au service de Dieu est une des grandes forces de notre faiblesse, dont la volonté ne peut se passer ; elle n'est pas le bien, mais elle y contribue. La mauvaise économie du temps est une des choses qui démoralise le plus. Dans l'ordre matériel, souvent on croit en avoir quand, saisi d'un grand zèle, on se met un jour à remettre tout en ordre, on bouleverse tout, armoires, tiroirs, on arrange tout à nouveau avec une minutieuse symétrie, c'est superbe, mais là n'est pas le difficile ! Quel effort de volonté il faut pour "maintenir" ce merveilleux état de choses. C'est un effort constant, excellente occasion de dominer sa nature ou nonchalante ou trop vive.

Nous avons aussi à nous discipliner nous-mêmes dans les manifestations extérieures de certaines circonstances morales, telles que la douleur physique, le chagrin ou la colère.
Que faisons-nous en face de la "douleur physique" ?
La dominons-nous ? ou nous domine-t-elle ? Savoir, pouvoir et vouloir la dominer est un soulagement pour soi-même et pour ceux qui nous entourent. Ne pas se laisser aller à des manifestations extérieures violentes - qui parfois sont plus pour apitoyer notre entourage que l'expression vraie de ce que nous ressentons - est une excellente discipline de volonté et d'égards pour les autres.

On raconte qu'une fillette en rentrant d'une promenade, dit à sa mère qu'elle est tombée et s'est blessée au genou. Sa mère lui demande - As-tu pleuré ? - Oh ! non, maman, il n'y avait personne ! Ce mot d'enfant nous fait sourire peut-être, mais n'est-il pas souvent la vérité même pour les grands enfants que sont les hommes.

Nous entendons parler de malades qui supportent de grandes douleurs sans un murmure, ni une plainte ; nous les admirons sans réserve, mais nous nous gardons de les imiter. Ils dominent la douleur, nous nous laissons dominer par elle, voilà la différence.

Dans le "chagrin", que d'explosions de cris, de douleur véhémente qui sont souvent plus extérieures que réelles. Là aussi nous nous devons à nous-mêmes, je dirai même, par respect pour notre chagrin, d'avoir de l'empire sur nous-mêmes. Bien des gens pensent qu'il faut ces manifestations violentes pour qu'on croie à leur peine, mais combien souvent une douleur profonde ne se révèle pas au dehors !

Je n'aborde pas ici le côté de la soumission à Dieu, de la résignation accordée au chrétien par la force de Dieu lui-même, quoique ce soit un facteur important dans notre empire sur nous-même.

Dans la "colère", dans la "susceptibilité" que nous décorons du nom de "sensibilité", quelle force de volonté il faut pour nous dominer ! Que de paroles trop vives montent vite à nos lèvres, quitte à les regretter ensuite ! combien de bouderies et de mauvaise humeur, lorsque notre amour-propre ou notre orgueil a été blessé, bien souvent sans intention ! Combien nos premiers mouvements sont difficiles à réprimer !

Nous rions parfois de voir un petit enfant dans les bras, faire le geste de donner un coup, si l'on ne fait pas à l'instant ce qu'il veut. Nous devrions en pleurer plutôt, car c'est le premier indice de la colère en lui, qui, si elle n'est pas réprimée à temps, peut devenir de la haine et arriver jusqu'au meurtre. Se dominer dans ce domaine est des plus nécessaires, car il influe sur tout le caractère.

Rappelons qu'avoir du "caractère" c'est concentrer et renforcer son énergie morale par l'effort de la volonté, c'est lutter contre toutes nos faiblesses, nos lâchetés et en triompher, en s'affranchissant des influences extérieures affaiblissantes ou démoralisantes.
Il y aurait encore bien des sujets à faire rentrer dans ce chapitre, la peur, la lâcheté, etc., etc., mais je ne puis l'allonger indéfiniment.

La Discipline de soi-même en ce qui concerne notre être intérieur.
Passons maintenant à l'empire sur soi-même dans le domaine moral et spirituel, le plus important, car si nous l'acquérons, nous acquérons du même coup l'empire sur le domaine extérieur.

Je voudrais tout d'abord poser trois principes, dont j'ai trouvé l'énoncé précisant ma pensée dans Aymieu.

1° Qu'il faut agir comme si l'on avait le sentiment qu'on veut avoir, ou en sens inverse, ne "pas" agir comme si l'on avait le sentiment qu'on ne veut pas avoir.
2° Qu'il faut agir dans le même sens avec "persévérance", de façon à créer une habitude.
3° Qu'il faut avoir la volonté d' "aboutir" à un résultat et tendre constamment sa volonté vers ce but.

Ici les occasions d'exercer sa volonté sont si multiples qu'il est impossible de les citer toutes. Je n'en choisirai que quelques-unes parmi celles qui sont le plus nécessaires à la formation du caractère de la jeune fille.

Commençons par dire un mot de la "sympathie" et de l' "antipathie", qui jouent souvent un grand rôle dans la vie de la jeunesse.
Nous éprouvons tous des sympathies et des "antipathies". Quelquefois ces sympathies peuvent être dangereuses et nuisibles pour notre être moral, soit par leur influence directe, soit par leur nature.
Il s'agit donc de les déraciner de notre coeur, comment faire ? En mettant en pratique le premier des principes énoncés plus haut, en agissant comme si nous n'avions pas dans le coeur ce sentiment dangereux pour notre paix intérieure, en faisant acte de volonté, en ne pensant plus à l'objet de notre sympathie, en ne cherchant pas les occasions de le rencontrer ; en affamant notre sentiment, peu à peu, il s'atténuera et finira par disparaître.

En sens inverse, ce même travail de l'esprit et du coeur s'opérera pour vaincre une antipathie, en cherchant à découvrir les bons côtés de la personne antipathique, à nous rappeler ce qu'elle a fait de bien à notre égard, à lui rendre quelque service. Mais à mon sens le moyen le plus efficace, c'est de prier pour elle. Peu d'antipathies survivent à ce régime-là.

Qui n'a pris de "bonnes résolutions" ?
Une bonne résolution est un acte de la conscience qui reconnaît ce qui est bien et veut le faire ou ce qui est mal pour l'éviter ; c'est une décision prise ; c'est bien, mais la tenir est mieux, et c'est souvent là que le gouvernement de nous-mêmes est en défaut.

Il nous suffit souvent d'avoir pris une bonne résolution ; nous nous en voulons du bien et nous en restons là. Il nous semble que chacun doit savoir ce que nous avons résolu et nous en savoir tant de gré que les circonstances elles-mêmes devraient s'arranger de façon à nous en faciliter l'exécution. En un mot, nous attendons des autres l'accomplissement de nos bonnes résolutions au lieu de ne la chercher qu'en notre volonté ; cet appoint manquant, il résulte malaise, découragement et affaiblissement de la volonté. Discuter avec une résolution prise, c'est l'anéantir. L'enfant prodigue après avoir dit : "Je me lèverai", est parti immédiatement ; eût-il dit. Demain, "j'irai', il ne serait probablement jamais retourné vers son père.

Ne tergiversons pas, mais regardant loyalement et courageusement le pas à faire, le noeud à défaire, le fil à briser, faisons-le.

Nous avons tous fait l'expérience que lorsque nous avons devant nous un devoir pénible, plus nous remettons de l'accomplir, plus il nous devient difficile, que ce soit une visite, une lettre à écrire, un pardon à demander ; le seul moyen de pouvoir le faire, c'est d'agir immédiatement. Pour cela il faut un vigoureux effort sur nous-mêmes ; mais la satisfaction qui en résultera, en vaudra la peine.

Je voudrais parler d'une tentation qui assaille beaucoup de jeunes filles, c'est celle de la "rêverie".
Vivre d'une vie idéale, peuplée de créatures idéales aussi, faite de circonstances où le bonheur règne en maître, est plus agréable qu'être aux prises avec les sévères réalités d'une vie de devoirs souvent prosaïques et monotones, ou d'une existence difficile.

La rêverie a pour résultat immédiat le dégoût du devoir, le mécontentement de la vie réelle, l'énervement de l'âme et du coeur. Cette attente fiévreuse de ce qui n'arrive jamais, affaiblit la volonté et l'être moral tout entier. C'est une plante dangereuse et empoisonnée qu'il faut déraciner au plus vite et à tout prix, par un acte énergique de volonté, et l'empêcher de repousser en ne l' "alimentant pas". Dans ce cas-ci, l'acte de volonté doit être constamment renouvelé pour arriver au résultat désiré.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les conséquences de la rêverie qui peuvent entraîner les jeunes filles bien plus loin qu'elles ne le pensent, mais ceci n'est qu'un garde-à-vous qui suffira j'espère, en nous rappelant que le vagabondage de la pensée est toujours funeste.

Dans le domaine des "pensées", combien la maîtrise de soi-même est nécessaire.
La pensée est un terrain inconnu des autres, même de nos plus proches, quelquefois de nous-mêmes, lorsque soudain surgit, par exemple, une pensée que nous ne savons d'où elle vient, pensée qui nous surprend, nous horrifie, et que nous nous serions cru incapable de jamais avoir ! Luther a dit : "Nous ne pouvons empêcher les corbeaux de voler au-dessus de nos têtes, mais nous pouvons les empêcher de se fixer sur nos têtes" ! Nous ne pouvons empêcher des pensées malsaines de surgir subitement dans notre cerveau, mais par un effort de volonté nous pouvons les empêcher d'y séjourner et d'y prendre racine. Si nous laissons des pensées mauvaises, impures ou frivoles envahir notre cerveau sans les repousser de toutes nos forces, bientôt elles nous posséderont, nous obséderont à tel point que notre volonté ne sera plus assez forte pour les dominer.

Un autre point sur lequel notre volonté a à s'exercer, c'est la nécessité, pour notre éducation morale, de nous rencontrer nous-mêmes, dans un examen consciencieux sous le regard de Dieu. Que de fois nous cherchons à nous éviter nous-mêmes, lorsque nous savons qu'il y a quelque chose entre Dieu et nous. Que nous sommes habiles à nous éviter, que de faux-fuyants ! que d'excuses ! C'est un véritable malheur pour notre être spirituel. Nous avons peur de cette rencontre, peur des conséquences, peur de l'humiliation, et nous manquons de courage pour les affronter. Il faut un effort violent sur nous-mêmes pour remporter cette victoire.

Disons un mot de la "prière". Cela paraît étrange de parler d'effort de la volonté dans la prière, qui devrait être toujours facile, un élan du coeur vers Dieu devenu une nécessité pour l'âme ; mais qui ne connaît ces moments de sécheresse de l'âme, où nous n'avons plus de goût pour la prière, où le ciel nous semble fermé et toute prière inutile. Le seul remède, c'est de prier comme si nous en sentions le besoin, mais il faut un énergique vouloir pour y arriver.

En persévérant nous retrouverons le goût, la douceur, la ferveur de la prière. Mais nous aurons à soutenir les attaques de l'adversaire qui n'aime pas à nous voir prier et qui sait qu'il triomphera plus aisément de nous quand nous abandonnons ce moyen de communion avec Dieu.

Et le "qu'en dira-t-on" ? Voilà une occasion à nulle autre pareille où la volonté joue un rôle capital. Savoir dire "non", aux multiples tentations nous venant parfois de ceux qui nous sont chers. Avoir une conviction personnelle, éclairée de la lumière de Dieu, la maintenir avec douceur et fermeté, donne une haute valeur morale à tout individu. "Quand on a su dire non à soi-même, déclarait Vinet on peut le dire au monde entier ; quand on est fort contre soi-même, on est fort contre tous, et quand on a appris à obéir à sa conscience, on a appris à résister".

La même discipline intérieure et volontaire doit s'appliquer à tous nos défauts apparents ou cachés, à notre paresse, à notre gourmandise, au plaisir, au découragement, à nos sentiments, à nos affections, à nos paroles, champ immense où notre volonté exerce une puissante influence pour le bien et où son absence nous fait promptement descendre vers le mal. Mais nous en avons dit assez pour démontrer la nécessité d'être maître de soi et de faire l'éducation de sa volonté pour gouverner sa vie.
Nous arrivons ainsi à notre conclusion.



CONCLUSION

Moyens d'arriver à se gouverner soi-même.
"Se posséder soi-même à chaque instant, c'est être maître de sa vie", a dit Förster.
Vinet a dit : "Je veux que l'homme soit maître de lui-même, afin que Dieu soit maître de tous".

Pour ma part je crois que le seul moyen efficace pour que nous soyons maîtres de nous-mêmes, c'est que Dieu soit notre Maître absolu. Lorsque Dieu nous possédera, nous le posséderons et avec Lui toutes ses forces qu'Il met à notre disposition.

Dieu alors nous donnera le vouloir de le suivre et la possibilité de le faire ; mais il faut que par un premier acte de volonté personnelle, nous ayons accepté le salut gratuit qu'Il nous offre en Jésus-Christ, la sanctification, don gratuit en Jésus-Christ, et la vie éternelle, don gratuit en Jésus-Christ. Alors ce pas fait, nous n'aurons plus qu'un désir, obéir à Dieu et le glorifier en toutes choses, et plus qu'une volonté, celle de Dieu.

Tout le gouvernement de nous-mêmes deviendra chose facile ; notre vie aura un idéal sublime, imiter Christ, le prendre pour notre modèle en marchant dans la trace de ses pas ; elle aura un but unique, la gloire de Dieu. Le Saint-Esprit habitant en nous, nous fera réaliser la promesse "Vous avez tout pleinement en Lui".

En Lui nous aurons la force de vouloir et la force d'accomplir. Une première victoire nous amènera à une seconde, et nous marcherons de victoire en victoire. Le meilleur gouvernement de nous-mêmes sera quand Dieu seul régnera en nous, dominant sur nos pensées, nos paroles et nos actes.

Les moyens d'atteindre à cet idéal :

Étudier la Parole de Dieu pour connaître sa volonté.
Être et demeurer en communion avec Dieu par la prière et le recueillement.
Avoir constamment la gloire de Dieu à coeur dans notre vie tout entière.
Écouter notre conscience.
Soumettre en toute chose notre volonté à celle de Dieu, et lui obéir coûte que coûte, envers et contre tout.
S'attendre à Celui qui produit en nous le vouloir et le faire.

Que Dieu mette sa bénédiction sur cette étude et donne un nouvel entrain à toutes nos chères unionistes pour la lutte contre le mal en nous et autour de nous, et les encourage à gravir joyeusement le chemin qui monte et qui mène à la vie éternelle !

L-E. RILLIET.
 


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