DISCIPLINE MORALE
ou
SE
GOUVERNER
SOI-MÊME
Auteurs consultés et cités
textuellement à plusieurs
reprises :
VINET, LOUIS MEYER, AYMIEU,
LÉVY, FÖRSTER, FREUTTEN
INTRODUCTION
Garde
ton coeur plus
que toute autre chose car de lui viennent les
sources de la vie.
Prov.
4, 23.
Autrefois, plus qu'aujourd'hui,
on
disait volontiers : « Heureux comme
un roi ! » Nous sommes tous des rois
ayant un royaume, bien à nous, à
gouverner et je ne sais si notre gouvernement nous
satisfait si bien, que nous y trouvions le
bonheur.
C'est le sujet que je voudrais
examiner avec vous. Ce royaume, c'est notre
être intérieur, notre nous-mêmes
avec notre nature complexe où règne
en permanence une lutte à outrance entre le
bien et le mal.
À peu d'époques
peut-être y a-t-il eu aussi peu de vrais
caractères, aussi peu d'énergiques
volontés. Pourquoi ? La cause vaut la
peine d'être
étudiée.
Ce sujet est difficile à
traiter rapidement, il mérite une
étude approfondie ; l'espace me manque
pour faire autre chose que d'indiquer les grandes
lignes, que chacun pourra poursuivre en
détail, à son gré.
Je diviserai mon étude en
deux parties, la première :
« psychologique », la
seconde : « pratique ».
Première
partie.
Psychologique.
Je n'apprends rien à personne
en disant que notre nature humaine est complexe,
mais se compose de deux parties essentielles, la
partie spirituelle et invisible, et la partie
matérielle et visible.
La partie spirituelle de notre
être dirige la partie matérielle par
un merveilleux intermédiaire qui transmet
l'ordre de la première à la seconde
avec une rapidité extraordinaire et qui
s'appelle la volonté. Cette transmission est
si instantanée que nous ne distinguons plus
l'ordre donné par notre esprit et
l'exécution accomplie par l'un de nos
membres. Notre main saisit un objet, fait un
mouvement, sans que nous réalisions le
travail qui s'est opéré en
nous.
Notre corps est l'instrument de
notre esprit, Si notre esprit est corrompu, notre
corps sera un instrument de corruption pour
nous-mêmes et pour les autres. Si notre
esprit est soumis aux lois de Dieu, notre corps
sera un instrument pour le bien. Mais il faut une
vigilance et une lutte de tous les instants.
St-Paul a dit dans 1 Cor. 9., 27 « Je
traite durement mon corps et je le tiens
assujetti. »
Il savait par expérience que
jamais le corps ne doit dominer sur notre esprit,
sinon l'équilibre moral
disparaît.
La partie spirituelle de
nous-mêmes se subdivise en esprit ou
intelligence et en âme.
L'esprit et l'intelligence se
ramifient à l'infini par tous les dons que
Dieu nous fait : mémoire, jugement,
compréhension, etc. L'âme est la
partie la plus élevée de notre
être, elle renferme l'étincelle
divine, l'élément immortel, elle est
le siège de la volonté et de la
conscience, elle est notre vrai moi, et elle est ce
qu'il y a de plus précieux en nous puisque
Jésus-Christ a quitté la gloire pour
venir la racheter au prix de son sang versé
sur la croix du Calvaire.
Notre âme est aussi le
principe de la liberté en nous, Dieu ne
s'impose pas à nous en nous obligeant
à l'aimer ou à le servir, c'est
à nous de choisir. C'est un choix volontaire
que chacun doit faire pour soi-même et que
personne ne peut faire à notre place.
Évidemment, l'entourage, le milieu et
l'éducation auront une influence sur ce
choix.
Dieu a mis en nous la conscience
qui
nous révèle ce qui
est bien et ce qui est mal, et qui sera plus ou
moins délicate suivant l'éducation
que nous lui donnons ; plus nous
l'écoutons, plus elle devient sensible. Dieu
nous l'a donnée, à nous de la
développer.
Notre cerveau joue aussi un
rôle important dans notre organisme, c'est
là que s'élaborent nos
pensées, nos idées, nos
réflexions, nos sentiments et notre
volonté, en un mot, il est la source de nos
actes.
D'après ce que nous avons
dit, il est facile de comprendre que notre esprit,
notre intelligence et notre âme ont une
influence capitale sur nos actes, les uns ne
peuvent exister sans les autres. C'est ce que
j'appellerai l'influence intérieure sur
l'extérieur.
Je donnerai un
exemple ; un
sentiment de compassion pour un être
souffrant, nous fera accomplir, à son
égard, un acte de charité ou d'amour.
Mais d'autre part, les impressions et les
circonstances extérieures ont aussi une
influence indéniable et souvent profonde sur
notre cerveau, notre esprit, notre coeur et notre
âme. Pour compléter l'exemple
ci-dessus, la vue d'une douleur physique ou morale,
chez autrui, nous donnera l'idée de la
soulager de notre mieux.
La vue d'un incendie
éveillera en nous soit l'épouvante,
l'horreur, ou une ardente sympathie pour les
sinistrés qui nous portera à des
actes de dévouement ou de charité. Un
bel objet d'art, un beau tableau
représentant une nature grandiose ou riante,
une musique éclatante ou une harmonie douce
auront une influence toute différente sur
nous. Nous serons enthousiasmés ou
attendris, troublés ou
satisfaits.
Par contre ce qui est laid, vil
ou
mesquin amoindrira, abaissera ou avilira notre
être moral.
Ceci prouve suffisamment que les
choses et les circonstances extérieures ont
une grande et positive influence sur notre
être inférieur et spirituel, et que la
discipline de nous-mêmes doit s'exercer aussi
bien à l'égard de ce qui nous entoure
que sur ce qui est en nous. Ceci nous amène
à la seconde partie de notre étude,
la partie pratique.
Seconde
partie.
Pratique.
Je diviserai cette seconde
partie en
deux :
- 1° Le gouvernement de soi-même
vis-à-vis de ce qui est
extérieur.
- 2° La discipline de soi-même
en ce qui concerne notre être
intérieur.
Gouvernement
de
soi-même vis-à-vis de ce qui est
extérieur.
Pour qu'une vie humaine soit
utile,
paisible et heureuse il faut qu'elle soit
équilibrée et harmonieuse. Il faut
que les circonstances extérieures de vie, de
milieu et de travail soient d'accord avec
l'intelligence, l'éducation
intérieure et les dispositions de
l'âme. Ici la volonté joue un grand
rôle.
Nous répétons que
notre être moral et spirituel doit dominer et
diriger notre vie matérielle et
extérieure ; mais, me direz-vous, notre
volonté ne peut rien changer à nos
circonstances de milieu, de pays, de famille, de
position, d'éducation première,
toutes choses qui sont ce qu'elles sont, sans que
nous y soyons pour rien.
Cela est vrai, mais par notre
volonté nous pouvons modifier les influences
de ces circonstances sur notre être moral.
Notre volonté peut harmoniser notre vie, par
une acceptation joyeuse de la place où Dieu
nous a mis, nous confiant de la façon la
plus absolue en sa sagesse et en son amour, et par
une adaptation de notre être moral à
ces conditions mêmes, nous efforçant
d'en tirer tout le parti possible pour notre
éducation spirituelle et morale.
Se révolter contre des
circonstances qu'on ne peut changer ne sert
qu'à aigrir, amoindrir, avilir le
caractère ; il faut plus de force de
volonté pour accepter des circonstances
défavorables que pour murmurer, se plaindre
et gémir. Un acte quelconque, petit ou
grand, conscient ou inconscient,
répété constamment, devient
"habitude", or l'habitude est une des choses les
plus difficiles à déraciner, et une
de celles qui exercent une influence capitale sur
notre vie. Une bonne habitude peut élever
notre niveau moral, une mauvaise habitude peut nous
entraîner dans les
abîmes. C'est pourquoi on ne saurait trop
veiller à la formation des habitudes ;
il est plus facile d'écraser un flocon de
neige que de lutter contre une avalanche qui
emporte et détruit tout sur son passage. Une
habitude contre laquelle la volonté ne
réagit pas peut devenir un esclavage qui
ruine l'être moral et spirituel. Les exemples
abondent, chacun peut en fournir de sa propre
expérience ; l'un des plus probants est
le cas de l'ivrogne qui commence par boire un seul
verre d'alcool et qui en peu de temps devient un
alcoolique forcené qui ne peut plus se
passer du poison qui le tue.
De nos jours il y a
moins de
résistance au mal, moins de
volonté pour le bien et plus de gens
volontaires, c'est-à-dire ne voulant d'autre
loi que leur propre volonté. D'où
cela vient-il ?
Au Moyen-Age, Pierre l'Ermite
souleva la chrétienté d'Europe au cri
de "Dieu le veut", pour l'amener à surmonter
toutes les difficultés, à affronter
les pires dangers, à mépriser les
privations de toutes sortes, à quitter
famille, amis, foyer, patrie, en vue d'aller
délivrer le Saint-Sépulcre de la main
des infidèles. De quelle volonté
indomptable les Croisés firent preuve !
Aujourd'hui, l'Europe chrétienne laisse
massacrer les chrétiens d'Arménie
sans lever un doigt pour les
délivrer. D'où vient ce manque
d'énergie ?
Rappelons-nous combien
l'intelligence humaine a fait de conquêtes
sur les forces de la nature et toutes ont eu pour
résultat sinon pour but une vie plus facile,
plus confortable, plus raffinée, et si ce
résultat n'est pas contrebalancé par
une éducation proportionnelle de l'esprit,
de la volonté et de l'âme, notre
énergie fera naufrage. Avec l'accroissement
des biens matériels grandissent les
tentations, les besoins nouveaux ; dès
lors la lutte devient toujours plus intense pour
ceux qui voyant le danger veulent le dompter, et
l'affaissement, le laisser-aller et la
défaite pour ceux qui ne luttent pas.
Combien n'y en a-t-il pas qui
préfèrent se laisser aller au courant
de la vie moderne, se laissant dominer par les
circonstances, d'où il résulte un
affaiblissement physique, intellectuel, moral et
spirituel. La discipline de soi-même fait
défaut absolument pour
ceux-là.
Actuellement l'
"instruction" et
la science ont pris la place de l'
"éducation", surtout celle de la
volonté, et pourtant la volonté a
plus de valeur que le savoir.
Tout ce que je viens de dire ne
nous
prouve-t-il pas que le moment est venu de
réagir contre toutes ces circonstances
extérieures et de cultiver, comme tout
à nouveau, notre
volonté ? Nous avons à faire
à forte partie, en nous et au dehors de
nous ! Nos nerfs jouent un grand rôle
dans notre vie, et sont souvent un prétexte
à nous pardonner à nous-mêmes
ce que nous avons peine à pardonner aux
autres. Et pourtant nos nerfs sont une force
précieuse à utiliser, et dont nous
nous servirons toujours, soit pour le bien, en les
mettant au service de notre conscience, soit pour
le mal, en la bravant.
Une des conséquences de
l'état de choses actuel, c'est la
médiocrité qui envahit peu à
peu tous les domaines, et dont nous ne devrions
jamais nous contenter, surtout pas en ce qui
concerne la volonté. L'éducation
moderne en est une des causes, mais ce sujet nous
entraînerait trop loin, il mériterait
une étude spéciale ;
j'adresserai seulement à la jeunesse
d'aujourd'hui à qui incombera la
responsabilité d'élever la
génération de demain, un appel
sérieux de veiller, dès la
première enfance, à
l'éducation de la volonté,
volonté raisonnée pour le bien qui
contribuera au relèvement du niveau moral de
l'individu et de la race.
Entrons maintenant dans le
domaine
pratique de la vie de la jeune fille, où
l'empire sur soi-même est nécessaire.
Une jeune fille sort de
l'école primaire ou secondaire ;
primaire pour entrer en apprentissage ou en place.
Que de choses elle aurait encore à
apprendre, que d'autres elle aurait à
perfectionner ! Pour arriver à un
degré supérieur, il faut qu'elle
fasse un acte de volonté presque
héroïque pour réserver dans sa
journée une heure ou une demi-heure qu'elle
emploiera à acquérir ce qui lui
manque, qu'elle respectera consciencieusement et
qu'elle saura faire respecter des autres.
Voilà ce qui serait nécessaire pour
elle et qui lui serait profitable à un
double point de vue, celui de son instruction et
surtout celui de l'exercice de sa
volonté.
Quelle est la jeune fille qui
aura
l'énergie de faire cela ?
En sortant de l'École
secondaire, une jeune fille croit son
éducation terminée. Si elle a du
loisir, c'est le moment pour elle de commencer sa
véritable instruction, car c'est ce qu'on
apprend soi-même qu'on apprend le mieux. Elle
doit se faire un plan pour l' "emploi
régulier de son temps" laissant dans chaque
journée une place aux devoirs de la famille
et à l'imprévu. Avoir ce plan et s'y
tenir fidèlement demande de la force de
volonté, et l'exerce admirablement ;
c'est une excellente préparation
pour avoir dans la vie de la
méthode, de l'ordre moral, de la
ponctualité, de la fidélité
dans les engagements pris avec d'autres, toutes
choses qui rendent le commerce avec son prochain
plus facile et plus agréable ; si elles
font défaut, le caractère s'en
ressent des deux côtés. Si cette
même jeune fille doit aller en place pour
faire profiter d'autres de ce qu'elle a appris, il
est bon qu'elle se réserve un certain temps
pour elle, pour continuer ses études, pour
se retrouver elle-même, pour se
recueillir.
Un point essentiel pour toute
vie
humaine, c'est de se faire une règle
à laquelle on ne manque jamais, d'avoir
chaque matin son moment tranquille de recueillement
avec Dieu par la lecture de sa Parole et la
prière, cette heure est nécessaire
pour la vie spirituelle. Jésus-Christ
lui-même, tout Fils de Dieu qu'il
était, en sentait le besoin, et souvent
l'Évangile nous rapporte qu'il se retirait
à l'écart pour prier. Les grands
serviteurs de Dieu en ont tous fait
l'expérience ; les Vinet, les Frommel,
les réformateurs n'ont cessé de
pratiquer cette communion avec Dieu et de la
recommander aux chrétiens.
Combien plus la jeunesse de nos
jours devrait-elle mettre la prière avant
tout, et toujours commencer ses journées et
son travail par là. Nous ne devrions jamais
résister à l'appel
de l'Esprit qui nous invite à prier, car une
seule opposition de notre part suffit pour que Dieu
nous abandonne et que nous soyons accablés
par Satan.
Mais pour racheter ce moment
précieux, il faut un effort de
volonté renouvelé chaque
jour.
Dans le domaine des "lectures",
il
faudrait une étude "ad hoc" tant il y aurait
à dire, mais je dois le mentionner
rapidement ici. Rien n'est absolument
indifférent dans la vie, la lecture moins
que toute autre chose, car toute lecture, quelle
qu'elle soit, exerce une influence soit dans une
direction soit dans une autre, sur le coeur,
l'imagination ou l'esprit, ou ce qui est plus grave
sur l'âme. Une lecture peut enrichir et
ennoblir la vie, et peut avilir et conduire au
crime ; des exemples récents en sont la
preuve. Le choix d'une lecture est donc très
important, et la conscience et la volonté
ont à s'exercer sur ce point.
Il faut savoir fermer un livre,
même palpitant d'intérêt,
à l'instant où la conscience nous
dit : Ce récit n'est pas fait pour les
yeux d'une chrétienne, il peut souiller ton
imagination et ton coeur, ferme-le ! Il y a
là un acte énergique de
volonté à accomplir pour agir
loyalement vis-à-vis de sa conscience.
Disons un mot de "l'ordre" dans
la
vie, dans les affaires, dans l'emploi de son
temps.
Certaines natures plutôt
ardentes, imaginatives, impulsives, ont peu
d'ordre ; laissant libre carrière
à l'impulsion et l'entraînement du
moment, elles ne mettent aucune méthode dans
leur vie, et pour elles il faut une volonté
plus forte pour remédier à ce
lamentable état de choses qu'aux natures
ordrées de tempérament.
Ordonner ses journées
par
un emploi régulier et méthodique de
son temps, nécessite une volonté
persévérante, mais aura pour la vie
toute entière une influence bienfaisante,
car peu à peu cet emploi du temps deviendra
l'habitude, acquise par un effort, et l'habitude
bonne, mise au service de Dieu est une des grandes
forces de notre faiblesse, dont la volonté
ne peut se passer ; elle n'est pas le bien,
mais elle y contribue. La mauvaise économie
du temps est une des choses qui démoralise
le plus. Dans l'ordre matériel, souvent on
croit en avoir quand, saisi d'un grand zèle,
on se met un jour à remettre tout en ordre,
on bouleverse tout, armoires, tiroirs, on arrange
tout à nouveau avec une minutieuse
symétrie, c'est superbe, mais là
n'est pas le difficile ! Quel effort de
volonté il faut pour "maintenir" ce
merveilleux état de
choses. C'est un effort constant, excellente
occasion de dominer sa nature ou nonchalante ou
trop vive.
Nous avons aussi à nous
discipliner nous-mêmes dans les
manifestations extérieures de certaines
circonstances morales, telles que la douleur
physique, le chagrin ou la
colère.
Que faisons-nous en face de la
"douleur physique" ?
La dominons-nous ? ou
nous
domine-t-elle ? Savoir, pouvoir et vouloir la
dominer est un soulagement pour soi-même et
pour ceux qui nous entourent. Ne pas se laisser
aller à des manifestations
extérieures violentes - qui parfois sont
plus pour apitoyer notre entourage que l'expression
vraie de ce que nous ressentons - est une
excellente discipline de volonté et
d'égards pour les autres.
On raconte qu'une fillette en
rentrant d'une promenade, dit à sa
mère qu'elle est tombée et s'est
blessée au genou. Sa mère lui demande
- As-tu pleuré ? - Oh ! non,
maman, il n'y avait personne ! Ce mot d'enfant
nous fait sourire peut-être, mais n'est-il
pas souvent la vérité même pour
les grands enfants que sont les hommes.
Nous entendons parler de malades
qui
supportent de grandes douleurs sans un murmure, ni
une plainte ; nous les
admirons sans réserve, mais nous nous
gardons de les imiter. Ils dominent la douleur,
nous nous laissons dominer par elle, voilà
la différence.
Dans le "chagrin", que
d'explosions
de cris, de douleur véhémente qui
sont souvent plus extérieures que
réelles. Là aussi nous nous devons
à nous-mêmes, je dirai même, par
respect pour notre chagrin, d'avoir de l'empire sur
nous-mêmes. Bien des gens pensent qu'il faut
ces manifestations violentes pour qu'on croie
à leur peine, mais combien souvent une
douleur profonde ne se révèle pas au
dehors !
Je n'aborde pas ici le
côté de la soumission à Dieu,
de la résignation accordée au
chrétien par la force de Dieu
lui-même, quoique ce soit un facteur
important dans notre empire sur
nous-même.
Dans la "colère", dans la
"susceptibilité" que nous décorons du
nom de "sensibilité", quelle force de
volonté il faut pour nous dominer ! Que
de paroles trop vives montent vite à nos
lèvres, quitte à les regretter
ensuite ! combien de bouderies et de mauvaise
humeur, lorsque notre amour-propre ou notre orgueil
a été blessé, bien souvent
sans intention ! Combien nos premiers
mouvements sont difficiles à
réprimer !
Nous rions parfois de voir un
petit
enfant dans les bras, faire le geste de donner un
coup, si l'on ne fait pas à l'instant ce
qu'il veut. Nous devrions en pleurer plutôt,
car c'est le premier indice de la colère en
lui, qui, si elle n'est pas réprimée
à temps, peut devenir de la haine et arriver
jusqu'au meurtre. Se dominer dans ce domaine est
des plus nécessaires, car il influe sur tout
le caractère.
Rappelons qu'avoir du
"caractère" c'est concentrer et renforcer
son énergie morale par l'effort de la
volonté, c'est lutter contre toutes nos
faiblesses, nos lâchetés et en
triompher, en s'affranchissant des influences
extérieures affaiblissantes ou
démoralisantes.
Il y aurait encore bien des
sujets
à faire rentrer dans ce chapitre, la peur,
la lâcheté, etc., etc., mais je ne
puis l'allonger indéfiniment.
La
Discipline de
soi-même en ce qui concerne notre être
intérieur.
Passons maintenant à l'empire
sur soi-même dans le domaine moral et
spirituel, le plus important, car si nous
l'acquérons, nous acquérons du
même coup l'empire sur le domaine
extérieur.
Je voudrais tout d'abord poser
trois
principes, dont j'ai trouvé
l'énoncé précisant ma
pensée dans Aymieu.
- 1° Qu'il faut agir comme si l'on
avait le sentiment qu'on veut avoir, ou en sens
inverse, ne "pas" agir comme si l'on avait le
sentiment qu'on ne veut pas avoir.
- 2° Qu'il faut agir dans le
même sens avec
"persévérance", de façon
à créer une habitude.
- 3° Qu'il faut avoir la
volonté d' "aboutir" à un
résultat et tendre constamment sa
volonté vers ce but.
Ici les occasions d'exercer sa volonté
sont si multiples qu'il est impossible de les citer
toutes. Je n'en choisirai que quelques-unes parmi
celles qui sont le plus nécessaires à
la formation du caractère de la jeune
fille.
Commençons par dire un mot de
la "sympathie" et de l' "antipathie", qui jouent
souvent un grand rôle dans la vie de la
jeunesse.
Nous éprouvons tous des
sympathies et des "antipathies". Quelquefois ces
sympathies peuvent être dangereuses et
nuisibles pour notre être moral, soit par
leur influence directe, soit par leur
nature.
Il s'agit donc de les
déraciner de notre coeur, comment
faire ? En mettant en pratique le premier des
principes énoncés plus haut, en
agissant comme si nous n'avions
pas dans le coeur ce sentiment dangereux pour notre
paix intérieure, en faisant acte de
volonté, en ne pensant plus à l'objet
de notre sympathie, en ne cherchant pas les
occasions de le rencontrer ; en affamant notre
sentiment, peu à peu, il s'atténuera
et finira par disparaître.
En sens inverse, ce même
travail de l'esprit et du coeur s'opérera
pour vaincre une antipathie, en cherchant à
découvrir les bons côtés de la
personne antipathique, à nous rappeler ce
qu'elle a fait de bien à notre égard,
à lui rendre quelque service. Mais à
mon sens le moyen le plus efficace, c'est de prier
pour elle. Peu d'antipathies survivent à ce
régime-là.
Qui n'a pris de "bonnes
résolutions" ?
Une bonne résolution est un
acte de la conscience qui reconnaît ce qui
est bien et veut le faire ou ce qui est mal pour
l'éviter ; c'est une décision
prise ; c'est bien, mais la tenir est mieux,
et c'est souvent là que le gouvernement de
nous-mêmes est en défaut.
Il nous suffit souvent d'avoir
pris
une bonne résolution ; nous nous en
voulons du bien et nous en restons là. Il
nous semble que chacun doit savoir ce que nous
avons résolu et nous en savoir tant de
gré que les circonstances
elles-mêmes devraient
s'arranger de façon à nous en
faciliter l'exécution. En un mot, nous
attendons des autres l'accomplissement de nos
bonnes résolutions au lieu de ne la chercher
qu'en notre volonté ; cet appoint
manquant, il résulte malaise,
découragement et affaiblissement de la
volonté. Discuter avec une résolution
prise, c'est l'anéantir. L'enfant prodigue
après avoir dit : "Je me
lèverai", est parti
immédiatement ; eût-il dit.
Demain, "j'irai', il ne serait probablement jamais
retourné vers son père.
Ne tergiversons pas, mais
regardant
loyalement et courageusement le pas à faire,
le noeud à défaire, le fil à
briser, faisons-le.
Nous avons tous fait
l'expérience que lorsque nous avons devant
nous un devoir pénible, plus nous remettons
de l'accomplir, plus il nous devient difficile, que
ce soit une visite, une lettre à
écrire, un pardon à demander ;
le seul moyen de pouvoir le faire, c'est d'agir
immédiatement. Pour cela il faut un
vigoureux effort sur nous-mêmes ; mais
la satisfaction qui en résultera, en vaudra
la peine.
Je voudrais parler d'une
tentation
qui assaille beaucoup de jeunes filles, c'est celle
de la "rêverie".
Vivre d'une vie idéale,
peuplée de créatures idéales
aussi, faite de
circonstances
où le bonheur règne en maître,
est plus agréable qu'être aux prises
avec les sévères
réalités d'une vie de devoirs souvent
prosaïques et monotones, ou d'une existence
difficile.
La rêverie a pour
résultat immédiat le
dégoût du devoir, le
mécontentement de la vie réelle,
l'énervement de l'âme et du coeur.
Cette attente fiévreuse de ce qui n'arrive
jamais, affaiblit la volonté et l'être
moral tout entier. C'est une plante dangereuse et
empoisonnée qu'il faut déraciner au
plus vite et à tout prix, par un acte
énergique de volonté, et
l'empêcher de repousser en ne l' "alimentant
pas". Dans ce cas-ci, l'acte de volonté doit
être constamment renouvelé pour
arriver au résultat
désiré.
Il y aurait encore beaucoup à
dire sur les conséquences de la
rêverie qui peuvent entraîner les
jeunes filles bien plus loin qu'elles ne le
pensent, mais ceci n'est qu'un garde-à-vous
qui suffira j'espère, en nous rappelant que
le vagabondage de la pensée est toujours
funeste.
Dans le domaine des
"pensées", combien la maîtrise de
soi-même est nécessaire.
La pensée est un terrain
inconnu des autres, même de nos plus proches,
quelquefois de nous-mêmes, lorsque soudain
surgit, par exemple, une pensée que nous ne
savons d'où elle vient,
pensée qui nous surprend, nous horrifie, et
que nous nous serions cru incapable de jamais
avoir ! Luther a dit : "Nous ne pouvons
empêcher les corbeaux de voler au-dessus de
nos têtes, mais nous pouvons les
empêcher de se fixer sur nos
têtes" ! Nous ne pouvons empêcher
des pensées malsaines de surgir subitement
dans notre cerveau, mais par un effort de
volonté nous pouvons les empêcher d'y
séjourner et d'y prendre racine. Si nous
laissons des pensées mauvaises, impures ou
frivoles envahir notre cerveau sans les repousser
de toutes nos forces, bientôt elles nous
posséderont, nous obséderont à
tel point que notre volonté ne sera plus
assez forte pour les dominer.
Un autre point sur lequel notre
volonté a à s'exercer, c'est la
nécessité, pour notre
éducation morale, de nous rencontrer
nous-mêmes, dans un examen consciencieux sous
le regard de Dieu. Que de fois nous cherchons
à nous éviter nous-mêmes,
lorsque nous savons qu'il y a quelque chose entre
Dieu et nous. Que nous sommes habiles à nous
éviter, que de faux-fuyants ! que
d'excuses ! C'est un véritable malheur
pour notre être spirituel. Nous avons peur de
cette rencontre, peur des conséquences, peur
de l'humiliation, et nous manquons de courage pour
les affronter. Il faut un
effort
violent sur nous-mêmes pour remporter cette
victoire.
Disons un mot de la "prière".
Cela paraît étrange de parler d'effort
de la volonté dans la prière, qui
devrait être toujours facile, un élan
du coeur vers Dieu devenu une
nécessité pour l'âme ;
mais qui ne connaît ces moments de
sécheresse de l'âme, où nous
n'avons plus de goût pour la prière,
où le ciel nous semble fermé et toute
prière inutile. Le seul remède, c'est
de prier comme si nous en sentions le besoin, mais
il faut un énergique vouloir pour y
arriver.
En persévérant nous
retrouverons le goût, la douceur, la ferveur
de la prière. Mais nous aurons à
soutenir les attaques de l'adversaire qui n'aime
pas à nous voir prier et qui sait qu'il
triomphera plus aisément de nous quand nous
abandonnons ce moyen de communion avec
Dieu.
Et le "qu'en
dira-t-on" ?
Voilà une occasion à nulle autre
pareille où la volonté joue un
rôle capital. Savoir dire "non", aux
multiples tentations nous venant parfois de ceux
qui nous sont chers. Avoir une conviction
personnelle, éclairée de la
lumière de Dieu, la maintenir avec douceur
et fermeté, donne une haute valeur morale
à tout individu. "Quand on a su dire non
à soi-même, déclarait
Vinet on peut le dire au
monde
entier ; quand on est fort contre
soi-même, on est fort contre tous, et quand
on a appris à obéir à sa
conscience, on a appris à
résister".
La même discipline
intérieure et volontaire doit s'appliquer
à tous nos défauts apparents ou
cachés, à notre paresse, à
notre gourmandise, au plaisir, au
découragement, à nos sentiments,
à nos affections, à nos paroles,
champ immense où notre volonté exerce
une puissante influence pour le bien et où
son absence nous fait promptement descendre vers le
mal. Mais nous en avons dit assez pour
démontrer la nécessité
d'être maître de soi et de faire
l'éducation de sa volonté pour
gouverner sa vie.
Nous arrivons ainsi à notre
conclusion.
CONCLUSION
Moyens d'arriver à se gouverner
soi-même.
"Se posséder soi-même
à chaque instant, c'est être
maître de sa vie", a dit Förster.
Vinet a dit : "Je veux
que
l'homme soit maître de lui-même, afin
que Dieu soit maître de tous".
Pour ma part je crois que le
seul
moyen efficace pour que nous soyons maîtres
de nous-mêmes, c'est que Dieu soit notre
Maître absolu. Lorsque Dieu nous
possédera, nous le posséderons et
avec Lui toutes ses forces qu'Il met à notre
disposition.
Dieu alors nous donnera le
vouloir
de le suivre et la possibilité de le
faire ; mais il faut que par un premier acte
de volonté personnelle, nous ayons
accepté le salut gratuit qu'Il nous offre en
Jésus-Christ, la sanctification, don gratuit
en Jésus-Christ, et la vie éternelle,
don gratuit en Jésus-Christ. Alors ce pas
fait, nous n'aurons plus qu'un désir,
obéir à Dieu et le glorifier en
toutes choses, et plus qu'une volonté, celle
de Dieu.
Tout le gouvernement de
nous-mêmes deviendra chose facile ;
notre vie aura un idéal sublime, imiter
Christ, le prendre pour notre modèle en
marchant dans la trace de ses pas ; elle aura
un but unique, la gloire de Dieu. Le Saint-Esprit
habitant en nous, nous fera réaliser la
promesse "Vous avez tout pleinement en
Lui".
En Lui nous aurons la force de
vouloir et la force d'accomplir. Une
première victoire nous amènera
à une seconde, et nous
marcherons de victoire en victoire. Le meilleur
gouvernement de nous-mêmes sera quand Dieu
seul régnera en nous, dominant sur nos
pensées, nos paroles et nos
actes.
Les moyens d'atteindre à cet
idéal :
- Étudier la Parole de Dieu pour
connaître sa volonté.
- Être et demeurer en communion avec
Dieu par la prière et le
recueillement.
- Avoir constamment la gloire de Dieu
à coeur dans notre vie tout
entière.
- Écouter notre conscience.
- Soumettre en toute chose notre
volonté à celle de Dieu, et lui
obéir coûte que coûte, envers
et contre tout.
- S'attendre à Celui qui produit en
nous le vouloir et le faire.
Que Dieu mette sa bénédiction sur
cette étude et donne un nouvel entrain
à toutes nos chères unionistes pour
la lutte contre le mal en nous et autour de nous,
et les encourage à gravir joyeusement le
chemin qui monte et qui mène à la vie
éternelle !
L-E. RILLIET.
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