Sermons et
Méditations
Impossible quant aux hommes.
« Comme Jésus se
mettait en chemin, un homme accourut, et, se jetant
à genoux devant lui : Bon Maître,
lui demanda-t-il, que dois-je faire pour
hériter la vie éternelle ?
Jésus lui dit : Pourquoi m'appelles-tu
bon ? Il n'y a de bon que Dieu seul. Tu
connais les commandements : Tu ne commettras
point d'adultère ; tu ne tueras
point ; tu ne déroberas point ; tu
ne diras point de faux témoignage ; tu
ne feras tort à personne ; honore ton
père et la mère. Il lui
répondit : Maître, j'ai
observé ces choses dès ma jeunesse.
Jésus, l'ayant regardé, l'aima et lui
dit : Il te manque une chose : va, vends
tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras
un trésor dans le ciel. Puis viens, et
suis-moi. Mais, affligé de cette parole, cet
homme s'en alla tout triste, car il avait de grands
biens.
Jésus, regardant autour de lui, dit
à ses disciples : Qu'il sera difficile
à ceux qui ont des richesses d'entrer dans
le royaume de Dieu !
Les disciples furent étonnés
de ce que Jésus parlait ainsi. Et reprenant,
il leur dit : Mes enfants, qu'il est difficile
à ceux qui se confient dans les richesses
d'entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus
facile à un chameau de passer par le trou
d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans
le royaume de Dieu. Les disciples furent encore
plus étonnés, et ils se dirent les
uns aux autres : Et qui peut donc être
sauvé ? Jésus les regarda et
dit : Cela est impossible aux hommes, mais non
à Dieu, car tout est possible à
Dieu. »
Marc X, 17-27.
Si l'on me disait, mes frères, de
signaler les figures les plus aimables avec
lesquelles l'Évangile nous fait faire
connaissance, je n'hésiterais pas à
nommer cet homme qui, saisissant une occasion
propice, vint se mettre à genoux devant
Jésus et lui dit : Mon bon
Maître, que dois-je faire
pour hériter la vie éternelle ?
Il y a dans ces accents quelque chose de candide et
de profondément touchant. Celui qui parle
ici occupait une certaine position. St-Luc nous
apprend qu'il était l'un des principaux du
lieu. St-Marc ajoute que les biens de la terre
abondaient dans sa maison. De plus, il avait grandi
dans une parfaite honnêteté,
entouré du respect de tous. Il avait le
droit de dire, quant à la loi de Dieu :
J'ai observé toutes ces choses dès ma
jeunesse. Ce n'était donc en aucune
façon la misère qui l'amenait
à Jésus. Cet homme qui accourait et
qui, sans fausse honte, sans craindre le
qu'en-dira-t-on, avec le courage d'une âme
droite, sincère, demandait des
lumières nouvelles sur le sentier de la vie
éternelle, cet homme était un
heureux, un privilégié de ce monde.
J'admets qu'il n'entendait pas, comme nous
l'entendons, la portée des termes qu'il
employait. La vie éternelle, pour ce fils de
l'ancienne alliance, c'était, sans doute, un
étrange alliage de choses célestes et
de choses terrestres. Qu'importe ! L'aspect de
ce riche, à genoux devant Jésus, nous
édifie, son langage nous touche, et il n'y a
pour nous rien d'étonnant dans cette
observation faite par Saint Marc : Et
Jésus, ayant jeté les yeux, sur lui,
l'aima.
Il l'aima. Attachant sur lui un de ces
regards dans lesquels, plus d'une fois, nous voyons
Jésus mettre toute son âme, tout son
coeur, il l'aima. Essayerai-je d'analyser le
sentiment qui, à la vue de ce jeune homme,
se fit jour dans le coeur du Seigneur ? Il y
avait là, bien
certainement, un mouvement de satisfaction et de
joie intime en présence de cet
Israélite qui, sans se laisser retenir par
les préjugés du jour, sortant des
préoccupations de la terre, venait lui poser
la question des questions, celle du salut de
l'âme. Mais il y avait là aussi un
mouvement de profonde compassion. Jésus
comprenait que ce jeune homme, si excellent
à tant d'égards, si digne de
confiance et d'affection, marchait, malgré
tout, dans une fausse voie. Cette âme si
belle était encore enveloppée
d'erreur. Ce coeur ne se connaissait pas
lui-même. Cette existence qui venait se
répandre tout entière aux pieds de
Jésus pour lui demander conseil et dans
laquelle l'homme n'aurait découvert aucune
tache ; cette vie qui, à tout
observateur humain, paraissait si propre pour le
royaume des cieux, elles étaient en
réalité rivées encore à
la terre par une forte chaîne. Au
désir de faire la volonté de Dieu et
de tout sacrifier plutôt que de lui
déplaire, s'opposait, dans le coeur de ce
jeune homme, sans qu'il eût réussi
à se rendre compte de ce désordre,
une volonté contraire. Ses biens, ses
richesses, toutes ces faveurs dont il jouissait en
abondance, le tenaient sous leur redoutable empire.
Par eux, la terre dominait sur son coeur. Sous leur
influence, ses efforts étaient
détournés du grand but que la loi de
Dieu leur avait donné en ces termes :
Je suis l'Éternel, ton Dieu, tu me serviras,
moi seul. Non, il n'appartenait pas à Dieu,
il appartenait à ses biens, et tout cela,
sans qu'il eût jamais vu clair dans
les affaires de son âme,
sans qu'il eût jamais compris de quelles
dangereuses illusions il se berçait, lui qui
se croyait sur le bon chemin et qui venait dire,
comme s'il ne se fût agi que d'un tout
dernier pas à accomplir : Que dois-je
faire, bon Maître, pour avoir la vie
éternelle ?
Serait-il difficile, dès lors, de
comprendre la manière d'agir et de parler de
Jésus ? Son regard de flamme a
sondé ce coeur, et avec une infinie sagesse,
il montre ce qu'il y a découvert. C'est dans
ce but qu'il suit son interlocuteur sur le terrain
où celui-ci s'est placé. Ce que ce
jeune homme doit faire après avoir
observé les ordres du décalogue du
premier jusqu'au dernier ? Il te manque une
chose. Va, vends tout ce que tu as et le donne aux
pauvres, et tu auras un trésor dans le
ciel ; après cela, viens et suis-moi,
t'étant chargé de la croix.
Est-ce souvent que vous avez vu le
Maître si sévère ? Est-ce
souvent que vous l'avez vu appliquer de la sorte
à une existence humaine, sans aucun
ménagement, les paragraphes du code de son
royaume ? Est-ce souvent que, dans la
pratique, il n'a laissé à ses
disciples, après les avoir
dépouillés de tout le reste, qu'une
croix qui pèse sur leurs
épaules ? Est-ce souvent qu'il a
poussé ses exigences jusqu'à cette
toute dernière
extrémité ? Je ne le pense pas.
Mais, dans le cas spécial qui nous occupe,
ce grand moyen, ce grand coup étaient de
rigueur. Jamais, si Jésus n'avait
parlé comme il l'a fait, ce jeune homme
n'aurait su qu'il était l'esclave de ses
biens, et que ce qu'il lui
fallait pour obtenir la vie éternelle,
était, non pas telle bonne disposition
ajoutée à telle autre, ni telle
oeuvre méritoire de plus, mais un miracle du
ciel qui brisât ses chaînes. Il s'en
alla tout triste, nous est-il dit, tout triste,
parce que, tout d'un coup, il se trouve en face de
son vrai lui-même, en face de ce vieil homme
plein de puissance qui ne veut pas servir Dieu seul
et pour lequel les biens de la terre ont plus de
valeur que le salut de l'âme. Tout triste,
parce que, à ce moment, il sent son malheur
et, avec son malheur, toute sa faiblesse, toute son
impuissance morale. Tout triste, parce que la vie
éternelle lui échappe, à lui,
tout à l'heure encore si disposé
à tout faire pour l'obtenir.
Quelle leçon, mes
frères ! Elle est pleine de
sérieux pour nous tous. Serait-il impossible
que nous fussions comme ce jeune riche, qu'il y
eût en nous, à notre insu
peut-être, mais connue de Dieu, une
résistance semblable à celle que ce
malheureux opposait à la volonté
divine, et que, tout bien considéré,
la terre l'emportât en nous aussi sur le
ciel ? Sommes-nous bien sûrs de
nous-mêmes ? Sûrs de l'absolue
sincérité et de la valeur de nos
paroles chrétiennes ? Sûrs de ne
servir que ce Dieu Sauveur que nous invoquons et
auquel nous disons à notre tour : Que
dois-je faire pour obtenir la vie
éternelle ? Nous voudrions être
sauvés, sans doute. Le milieu même
dans lequel nous nous trouvons, la Parole du
Seigneur que nous avons lue, son Esprit qui a
travaillé en nous, tout cela a
éveillé en nous ce
désir. Mais, averti par l'histoire de ce
jeune homme, je vous demande, mes frères,
si, malgré tout, il n'est point quelque
objet, quelque bien, quelque richesse auquel notre
coeur tient plus encore qu'au salut ? Je
demande si nous ne nourrissons pas en
nous-mêmes un autre désir, hostile,
celui-là, à ces aspirations saintes,
incompatible avec elles, la volonté du vieil
homme attaché à ce qui a du prix aux
yeux du monde, et vendu à la
vanité ? Je demande si nous autres qui
affirmons aimer Dieu et les frères, puisque
nous avons reconnu que c'est là la loi
royale, ne tenons pas malgré tout à
nous-mêmes, à nos
intérêts bien plus qu'à la
volonté de Dieu ? Je demande s'il
n'arrive point à ceux auxquels Dieu a
donné des enfants à élever, de
songer, eux qui se nomment disciples de Christ,
à l'avenir terrestre, au bien-être
passager et matériel de ces enfants,
plutôt qu'à leur avenir éternel
et à la prospérité de leur
âme ?
Ah ! si Jésus nous
plaçait soudain en face d'une exigence
semblable à celle qu'il mit devant
l'âme du jeune riche : Va, vends tout ce
que lu as et le donne aux pauvres et tu auras un
trésor dans le ciel, et après cela,
viens et suis-moi, t'étant chargé de
ta croix ! S'il trouvait bon de nous
éprouver ainsi afin de mettre à nu la
vérité, de dissiper les illusions et
de nous montrer enfin ce que nous sommes, ce que
nous valons, ce que nous voulons ; s'il
fallait, dis-je, une bonne fois, choisir entre le
ciel et la terre, entre la volonté de Dieu
et la nôtre, entre ses ordres, d'une part,
et les goûts, les
inclinations de notre coeur, d'autre part ;
choisir sans qu'il nous restât de moyens de
nous donner le change à
nous-mêmes ; choisir celui que nous
voulons servir, nous et notre maison, je craindrais
de nous voir faire la plus triste des
découvertes, c'est que plus d'une
chaîne nous lie encore au monde, à la
terre, à nos biens, quels qu'en soient la
nature et le nom. Le jeune riche,
désillusionné, comprenant enfin une
situation qui, jusqu'alors, lui avait
été cachée, s'en alla tout
triste. Plus il avait été convaincu
d'être dans le vrai, convaincu aussi que le
ciel ne pouvait pas manquer de lui appartenir, plus
sa douleur est grande quand il doit se dire :
Il ne t'est pas possible de faire le sacrifice au
prix duquel seul tu obtiendras la vie
éternelle ! Qu'en pensez-vous ?
Son expérience ne pourrait-elle pas se
renouveler pour nous ? Incapable de sacrifier
le monde et ses biens, de les livrer en
échange du salut, oui, tel est cet homme
qui, naguère, par sa conduite, par sa
parole, nous paraissait si pieux, j'allais dire si
chrétien ! Le Maître
lui-même en est frappé. Les disciples,
profondément émus,
s'écrient : Qui peut donc être
sauvé ? Et Jésus, les regardant,
leur répond : Quant aux hommes, cela
est impossible, mais non pas quant à
Dieu : car toutes choses sont possibles
à Dieu. Vous l'entendez, mes
frères : le jeune homme riche, les
disciples, nous tous, nous ne réussirons
jamais à nous arracher aux liens dans
lesquels ce monde nous retient ; personne ne
se sauvera lui-même en accomplissant ce
sacrifice par lequel l'homme
lâche tout pour l'amour de son salut. Quant
aux hommes, cela est impossible. Mais, ô
rayon d'espoir pour les perdus ! ce que
l'homme est impuissant à faire, ce que le
plus excellent ne fera jamais lui-même, est
possible, à Dieu. Toutes choses, dit
Jésus, sont possibles à Dieu !
Toutes choses, mon frère, et parmi elles,
ton salut et le mien ! Abandonnés
à nous-mêmes, nous nous perdons, mais
lui, Dieu, peut et veut nous sauver, triompher en
nous des obstacles que rencontre notre salut, nous
délivrer, une fois que nous aurons compris
notre malheur, de l'empire des choses de la terre.
Appelons-le donc à notre secours.
Disons-lui : Sauve-moi, ô Dieu, et je
serai sauvé ! Pour l'amour de
Jésus-Christ qui s'est donné
lui-même pour moi, sauve-moi, et que
j'obtienne la vie éternelle! Impossible
quant aux hommes, mais non quant à
Pieu ! Béni soit Jésus d'avoir
dit ces paroles, dans lesquelles la plus grande
humiliation se rencontre pour moi avec la
consolation suprême !
À propos de la catastrophe de la Martinique.
En ce même temps, quelques
personnes parlèrent à Jésus
des Galiléens dont Pilate avait
mêlé le sang avec celui de leurs
sacrifices. Il leur répondit :
Croyez-vous que ces Galiléens fussent plus
grands pécheurs que tous les autres
Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la
sorte ? Non, je vous le dis. Mais si vous ne
vous amendez, vous périrez tous
également. Ou bien ces dix-huit personnes
sur qui est tombée la tour de Siloé
et qu'elle a tuées, croyez-vous qu'elles
fussent plus coupables que tous les autres
habitants de Jérusalem ? Non, je vous
le dis. Mais si vous ne vous amendez, vous
périrez tous également.
Luc XIII, 1-5.
Un frisson d'effroi a parcouru et parcourt
encore le monde civilisé auquel le
télégraphe a transmis et continue
à transmettre le récit des
événements de la malheureuse
Martinique. Jusqu'à quand la pitié de
plusieurs et l'intérêt public
resteront-ils tournés du côté
de cette île, frappée d'une
manière si inattendue et si
terrifiante ? Ce sera jusqu'au jour où
la pensée se sera habituée aux
nouvelles qui lui parviennent d'au delà de
l'océan, jusqu'au jour aussi où
quelque autre catastrophe fera prévaloir ses
droits à l'attention générale.
On vit si vite de nos jours ! La vague chasse
la vague. L'esprit, le coeur, l'âme à
peine fixés quelque part, sont
entraînés vers des objets nouveaux.
Peut-être serait-il inutile de vouloir
lutter contre le courant. Nous sommes les enfants
de notre temps qui ne connaît plus le calme,
le repos, les arrêts salutaires et
bienfaisants pour l'être humain. Chacun aura
sa part du malheur de tous ; nul
n'évitera son destin. Mais, ces concessions
faites, n'aurons-nous pas soin, nous autres
chrétiens, d'écouter la voix
puissante et divine qui nous parle dans ce qui se
passe autour de nous, au près, au
loin ? Et quand il arrive que le Maître
absolu de la terre et des cieux souligne, par
quelque signe extraordinaire, telle parole de
l'Écriture. n'y prendrons-nous pas
garde ? Ne demanderons-nous pas ce que le
Souverain veut nous dire par là ? Ne
nous recueillerons-nous pas en sa présence
pour recevoir humblement ses ordres ? Que
l'enfant de ce monde presse le pas et se hâte
d'échapper à un avertissement
sérieux, c'est son affaire. À nous de
nous arrêter jusqu'à ce que le
Seigneur ait parlé.
Un jour, il y a de cela de longs
siècles, deux événements
vinrent jeter les habitants de Jérusalem
dans une consternation facile à comprendre.
Un tragique et horrible massacre souilla les parvis
du temple. Sur l'ordre de Pilate, une troupe de
Galiléens avaient été
égorgés, au moment même
où ils offraient leur sacrifice. Scandale,
profanation, acte de violence inouï, dont
aucun écrivain profane ne nous
révèle la raison et que
l'Écriture se borne à relater.
Il en est de même d'un accident qui,
selon toute probabilité, avait plongé
dans la douleur plus d'une
famille de la sainte
cité. Au-dessus de la source de
Siloé, coulant au midi de Jérusalem,
se dressait une tour, destinée, soit
à protéger la ville, soit à
abriter ceux qui venaient puiser de l'eau. Soudain,
ébranlée dans ses fondements, elle
était tombée, ensevelissant sous ses
ruines dix-huit personnes. La nouvelle de
l'accident avait été portée de
maison en maison. Avez-vous appris ? Combien
de morts ? Et les causes du malheur ? Et
le nom des victimes ? Et les
détails ? Toutes ces questions avaient
été posées comme elles se
seraient posées dans nos milieux.
Aujourd'hui, les choses ont pris des
proportions plus grandes. La
génération actuelle aime les chiffres
élevés et, à sa
stupéfaction, elle les retrouve jusque dans
les afflictions et les fléaux dont elle est
témoin. Les quelques Galiléens de
Jérusalem sont devenus en Chine des
milliers, en Arménie des centaines de
milliers. Quels flots de sang répandus dans
les demeures chrétiennes, dans les chapelles
et dans les temples ! Quelles atrocités
sans nom et sans nombre ! Et quant aux
dix-huit qui trouvèrent leur tombeau sous
les décombres de la tour de Siloé,
aujourd'hui, à la Martinique, ils sont
devenus quarante mille et au delà,
peut-être. En un clin d'oeil, une
épouvantable éruption volcanique a
couvert de lave brûlante et de cendres une
ville florissante où, naguère, selon
la parole de Jésus-Christ, les hommes
mangeaient et buvaient, se mariaient et donnaient
en mariage, sans songer le moins du monde à
la fin horrible qui était à la porte.
Que penserons-nous de tout cela ?
Quelles conclusions en tirerons-nous ? Selon
les Juifs, tout grand malheur était le
châtiment d'un grand péché
particulier. Il est probable, dès lors, que
ces quelques personnes qui vinrent raconter
à Jésus ce qui était
arrivé aux Galiléens, auraient voulu
apprendre de sa bouche pour quelle raison ces
malheureux avaient été si cruellement
frappés. Mais Jésus se refuse
à entrer dans leurs vues. Sa réponse
n'est autre chose qu'une épée
à deux tranchants. Elle s'enfonce dans les
coeurs et dans les consciences de ses
interlocuteurs qu'elle place devant un
suprême devoir, de l'accomplissement duquel
dépendra leur sort, leur avenir personnel.
Non, il n'est pas de l'avis de la foule ; il
n'interprète pas selon la manière
qu'elle a choisie les désastres du
jour ; il ne veut pas qu'on en parle comme on
en parle couramment. Il y a dans ces choses une
leçon, un appel qui doivent être
écoutés, et malheur à celui
qui n'y comprendrait rien ! Pensez-vous,
répondit Jésus, que ces
Galiléens fussent plus grands
pécheurs que tous les autres
Galiléens, parce qu'ils ont souffert ces
choses ? Non, vous dis-je. Mais si vous ne
vous amendez, vous périrez tous aussi bien
qu'eux. Puis, rappelant l'accident de Siloé,
et comme si son premier avertissement ne suffisait
pas : Pensez-vous que ces personnes fussent,
plus coupables que tous les habitants de
Jérusalem. Non, vous dis-Je. Mais si vous ne
vous amendez, vous périrez tous aussi bien
qu'eux.
Mes frères, ce serait bien
évidemment mal comprendre
le Seigneur que de lui faire dire qu'il n'y a
jamais, dans tel événement qui nous
jette dans la stupeur, un jugement de Dieu, un
châtiment que les pécheurs se sont
attiré. Qui donc, si ce n'est lui, a
prononcé sur quelques villes
galiléennes ces menaces
sévères : Malheur à toi,
Chorazim ! Malheur à toi,
Bethsaïda ! car si les miracles qui ont
été faits au milieu de vous, eussent,
été faits à Tyr et à
Sidon, il y a longtemps qu'elles se seraient
repenties en prenant le sac, et la cendre. C'est
pourquoi je vous dis que Tyr et Sidon seront
traitées moins rigoureusement que vous au
jour du jugement. Et toi, Capernaüm, qui as
été élevée jusqu'au
ciel, tu seras abaissée jusqu'en enfer, car
si les miracles qui ont été faits au
milieu de toi, eussent été faits
à Sodome, elle subsisterait encore
aujourd'hui. C'est pourquoi je vous dis que ceux de
Sodome seront traités moins rigoureusement
que toi, au jour du Jugement. Qu'est-ce, sinon nous
apprendre que si ces villes, que Jésus
nomme, ont disparu, il y a eu, dans les
bouleversements qui ont amené leur ruine, le
coup de la justice divine ? Je ne pense donc
pas que le chrétien ait toujours tort
d'établir un rapport intime entre telle
catastrophe qu'il contemple et l'état moral
et spirituel de ceux qu'elle frappe. On a eu
raison, sans doute, - que je ne cite que ce seul
exemple - de voir un jugement de Dieu dans
l'horrible incendie qui, il y a peu de temps, a
réduit en cendres la ville de Paterson, aux
États-Unis. Cette cité était
un enfer, où les péchés les
plus odieux et les plus dégradants se
donnaient libre cours. La
justice humaine s'était alarmée. Un
pasteur, au nom de son Maître, avait
prédit aux pécheurs le sort de Sodome
et de Gomorrhe, détruites par une pluie de
soufre et de feu. Un dimanche matin, le foyer
s'enflamma et il ne resta de Paterson que de
misérables débris !
Cependant, Jésus ne veut pas qu'en
présence de ces événements qui
semblent se multiplier de nos jours, je veux dire
ce déchaînement des
éléments, ces cataclysmes
effroyables, ces grandes calamités qui
laissent des victimes sans nombre, nous mesurions
la responsabilité et la culpabilité
de ceux qui ont souffert. Non seulement, nous
pourrions mal établir nos calculs, nous dont
les combinaisons restent celles de la terre ;
mais aussi et surtout, nous avons quelque chose de
mieux à faire. Nos regards, au lieu d'errer
au loin, au lieu de chercher les autres et de
s'efforcer de pénétrer leur vie,
doivent se tourner vers nous-mêmes. En nous,
il y a une âme à préserver de
l'éternel malheur. Pour nous peut exister,
menaçant notre prospérité et
notre vie même, ce danger auquel nous avons
vu nos semblables exposés. Le jugement, le
châtiment dont ont été atteints
les autres, peuvent nous atteindre nous aussi.
Jésus le sait et, par
fidélité, par amour de la
vérité, par amour pour nous, il ne
nous le cache pas. Sur le ton d'un grand
sérieux, sachant qu'il y va de notre avenir,
il s'écrie : Si vous ne vous amendez,
vous périrez ; tous aussi bien
qu'eux.
C'est nous dire, à nous, sur la
tête desquels est
suspendue une épée
toujours prête à tomber, que pour
échapper à ces rigueurs auxquelles
pourrait nous livrer le Juge suprême, nous
devons accomplir cet acte qu'avec la foi et l'amour
de Dieu et du prochain, j'appellerai l'acte le plus
personnel et le plus individuel de l'homme. Mes
frères, ce que Jésus demande, le
conseil qu'il nous donne, c'est qu'en lisant et en
entendant ce qui s'est passé dans la vie des
autres, frappés, retranchés en un
clin d'oeil de la terre des vivants,
précipités dans
l'éternité, nous fassions sur
nous-mêmes ce retour sérieux qui se
nomme le repentir et qui est un changement de
pensée et de vie, une réforme
radicale, une révolution profonde dans le
sens du bien. Jamais, peut-être,
génération chrétienne n'a eu
besoin plus que celle dont nous faisons partie,
d'une instruction semblable. Notre christianisme
manque de profondeur et de puissance, parce qu'il
ne connaît pas assez, ni ne pratique
suffisamment cette chose qui s'appelle le repentir.
Nous estimons pouvoir être sauvés sans
passer par cette porte étroite où le
pécheur renonce au monde et choisit une voie
nouvelle. Serait-ce pour nous ouvrir les yeux sur
ce qui nous fait défaut et pour nous amener
à un christianisme plus vrai à sa
base et plus vigoureux dans ses
manifestations ; serait-ce pour produire dans
nos Églises, quelque peu endormies et
singulièrement peu séparées du
monde dans le sens de l'Évangile, ce
réveil des consciences qui serait, pour
elles, le plus grand bienfait ; serait-ce pour
rendre ses serviteurs et ses servantes
plus propres à faire leur
tâche qui est le relèvement et le
sauvetage de ce qui est perdu ; serait-ce pour
tout cela que Dieu multiplie, sous nos regards
effrayés et devant nos coeurs tremblants, le
nombre de ces événements qui doivent
nous faire rentrer en nous-mêmes et nous
presser de nous éprouver, sous les yeux de
Celui qui est aussi un feu consumant, pour savoir
si, dans notre pensée et dans notre vie, le
changement a eu lieu ?
Quoi qu'il en soit, souvenons-nous ici d'un
fait qui achèvera de nous faire comprendre
l'extrême sérieux de la situation. La
menace de Jésus a eu, pour ses
interlocuteurs, un accomplissement que nul n'avait
prévu, excepté lui seul. Si vous ne
vous amendez, vous périrez tous aussi bien
qu'eux leur avait dit Jésus. Et quarante ans
plus tard, ces gens qui n'avaient pas
écouté et chez lesquels rien n'avait
changé, ces gens qui se croyaient à
l'abri du jugement, parce qu'ils se nommaient le
peuple de Dieu, périssaient,
égorgés, comme les Galiléens
dans le temple, par les légionnaires
romains, ou ensevelis, comme les victimes de la
tour de Siloé, sous les murs et les tours de
la ville, dont l'ennemi n'avait laissé
pierre sur pierre !
Demanderons-nous, mes frères, pour
être instruits à salut, quelque
exemple plus éloquent et plus
persuasif ? Serait-il possible de le
découvrir quelque part dans l'histoire de ce
monde, où abondent pourtant les
bouleversements nationaux et les épreuves
détruisant le bonheur des familles et celui
des individus ?
Vraiment, je ne saurais le dire et je serais
tenté d'en douter. Mais ce que nul ne peut
ignorer, c'est que Dieu nous a placés, nous
autres enfants de la nouvelle Alliance, dans une
situation plus riche encore en
responsabilités que, ne l'était celle
de ces Juifs avec lesquels, un jour, Jésus
s'entretenait du massacre des Galiléens et
de l'accident de la tour de Siloé. Nous
savons et nous possédons ce que
ceux-là n'ont pas su et n'ont pas
possédé. Ce que nous savons, nous,
c'est que Dieu a envoyé son Fils unique dans
ce monde ; c'est encore que la tempête a
éclaté, terrible, furieuse, sur la
tête de ce Saint et de ce Juste ; c'est
qu'on a vu s'accomplir ici-bas, sur la personne de
cet enfant du ciel, un crime sans pareil ;
c'est que le meurtre de l'innocence même a
été accompli sur la croix, afin
qu'à la vue de ce spectacle inouï,
l'homme se frappât la poitrine, comprit enfin
toute la gravité de son péché,
se jetât, couvert de confusion et de honte,
aux pieds de son Dieu, et changeât de
pensées et de vie ! Et ce que nous
possédons, nous autres chrétiens,
c'est un Sauveur ! L'Évangile ne nous
ordonne pas de nous sauver nous-mêmes, mais
en ce jour qui nous réunit devant la face de
Dieu, tout prend une voix pour nous crier : Il
en est un qui t'a sauvé ; son sang,
aujourd'hui encore, lave de tout
péché et rouvre, devant les perdus,
le ciel et sa félicité, à la
seule condition que le pécheur s'amende et
qu'il croie !
Mes frères, où trouverai-je,
après cela, dans le langage de la terre, le
mot pour vous dire combien est
grave, sur les lèvres de
ce même Jésus, et de quelle
responsabilité écrasante nous charge
cette parole qu'il a dite: Si vous ne vous amendez,
vous périrez tous aussi bien qu'eux ?
Périr avec le monde, mais ce serait, en ce
qui nous concerne, rendre inutile le sacrifice de
la croix et fouler aux pieds la suprême
manifestation de la justice et de l'amour de Dieu!
Non, Seigneur, nous ne voulons pas périr!
Nous voulons nous repentir pour avoir notre part de
ton salut. Amen.
À propos
d' Alliance
évangélique.
Allocution faite au temple de
St-François, à Lausanne, le 16
septembre 1895.
L'Alliance évangélique, loin
de devoir son origine à quelque esprit en
quête d'une intéressante
nouveauté, répond à un besoin
profond du coeur chrétien. Elle n'est pas
une affaire d'Eglise. L'Alliance, en effet, ne
s'est pas formée entre des
dénominations religieuses ou des branches
d'Eglise, mais entre des chrétiens
individuels agissant chacun sous sa propre
responsabilité. Elle veut et doit être
une alliance d'hommes et de femmes, se rattachant,
les uns à telle Église et les autres
à telle autre, mais éprouvant tous le
désir de se tendre la main en
Jésus-Christ qui les a
réconciliés avec Dieu par son sang.
Et cela, remarquons-le bien, non pas, tout d'abord,
avec l'intention d'accomplir en commun, sous le
regard du divin Chef, je ne sais quelle oeuvre
utile d'évangélisation, de Mission ou
de protection de frères
persécutés, ni pour former un bureau
d'arbitrage devant lequel d'autres puissent
porter leurs cas difficiles,
mais uniquement dans le but d'obéir à
la volonté du Christ allant à la mort
et de se fortifier les uns les autres dans la foi,
l'amour et l'espérance.
En agissant de la sorte, ils mettent en
évidence un grand fait : c'est qu'il
existe, pour ceux qui ont cru, au Sauveur du monde,
un point de ralliement plus élevé,
plus dégagé d'alliage impur, plus
sûr, plus parfait à tous égards
que celui de l'Eglise ou de la dénomination
religieuse terrestre. Ces dernières, tout
excellentes qu'elles puissent être,
dépendront toujours, quant à leurs
conditions d'existence, des lieux et des temps.
Très utiles, nécessaires même
aujourd'hui, elles pourront avoir fait leur temps
demain et être appelées à
céder la place à des combinaisons et
à des constellations nouvelles. Mais ce qui
demeurera, ce qui survivra à toutes les
fluctuations humaines, c'est Jésus-Christ et
son royaume. C'est autour de lui, le glorieux
Sauveur, que les membres de l'Alliance serrent les
rangs. Le lien qui les unit, leur force, c'est lui.
Le but qu'ils se proposent, c'est lui. Le
glorifier, lui dont le saint nom, victorieux de
tout ce qui sépare ici-bas, a brillé
à leurs yeux : voilà leur
ambition.
Et nous ne comprendrions pas, en
présence de ces faits, que l'Alliance
évangélique est un objet digne de
notre attention chrétienne ? Il ne
vaudrait pas la peine de nous en occuper, de
l'examiner de plus près ? Il n'y aurait
là rien qui nous attirât et nous fit
désirer notre part de ce qui a
été donné à
d'autres ? Essayons donc de
nous dire quelles sont les conditions à
remplir ou bien aussi, si vous le voulez, - car les
deux choses se tiennent de tout près, - les
obstacles à surmonter par ceux qui
désirent entrer et demeurer dans l'Alliance,
telle que nous l'entendons.
Et d'abord, ils devront avoir reconnu en
Jésus-Christ leur Seigneur, le fils du Dieu
vivant, envoyé dans ce monde pour sauver les
pécheurs, la Parole faite chair qui a habite
parmi nous pleine de grâce et de
vérité. Je ne parle point ici de
formules dogmatiques ; celles-ci peuvent
varier et se modifier. Mais ce qui, pour les
membres de l'Alliance, doit être
élevé au-dessus de tout doute, c'est
la divinité de ce Jésus qui a
laissé pour nous sa vie sur la croix. Qu'on
ne songe pas à vouloir faire d'une
créature issue de nos rangs, très
excellente, parfaite peut-être, mais
après tout simple homme comme nous, un point
de ralliement vers lequel chacun puisse regarder
avec confiance et vénération, et qui
ait en lui-même assez de vertu secrète
pour unir ce qui, à vues humaines et
d'après les lois de ce monde, resterait
séparé à toujours. Je ne
m'étonne pas que dans des milieux où
l'on ne laisse pas à Jésus-Christ la
gloire dont l'a revêtu cette parole :
C'est ici mon Fils bien-aimé,
écoutez-le, l'Alliance ne soit pas comprise.
Elle sera difficile, elle sera, à tout
prendre, impossible partout où le coeur, en
adorant l'Envoyé du Père, ne lui dit
pas : Mon Seigneur et mon Dieu. Vraiment, pour
nous unir les uns aux autres, pour nous servir de
centre commun à tous, il nous
faut quelqu'un qui soit
véritablement au-dessus de nous tous, plus
grand que nous tous, un représentant de
notre race qui, en même temps, appartienne au
ciel.
Il me semble, en second lieu, que l'alliance
ne sera possible que là où la vie
religieuse gravite en toute vérité
autour de la personne de Jésus-Christ, le
crucifié d'hier, le glorifié
d'aujourd'hui. Qu'on déplace le centre de la
foi chrétienne, qu'on porte et fixe
l'attention sur quelque détail accessoire,
qu'on mette en avant, que sais-je ? des vues
sur le ministère ou bien le baptême,
des questions d'organisation ecclésiastique,
quelque doctrine particulière, quelque dogme
favori ou bien aussi les intérêts de
telle Église spéciale, et l'Alliance,
si toutefois elle continue à être
pratiquée, restera imparfaite et en
souffrance. Ah ! je ne dis pas que nous
n'ayons le droit d'affectionner nos
Églises ! Aimons la portion du corps de
Christ à laquelle la main de Dieu nous a
rattachés, tenons ferme ce que notre
Église à nous possède selon
nos convictions de préférence
à d'autres, mais sachons nous dire aussi
qu'au-dessus de l'Eglise et de chacune de nos
Églises, il y a Jésus-Christ et que
c'est à lui qu'il faut regarder. Nous ne
serons des membres utiles et vivants de l'Alliance
qu'à cette condition-là.
Et ceci me conduit à un
troisième fait qu'il faut relever. S'il ne
suffit pas, pour être membre de l'Alliance,
de donner à Jésus-Christ une place
quelconque, mais s'il faut lui accorder la
première place et la place centrale, il ne
suffit pas non plus d'être en principe
seulement et
théoriquement d'accord sur celle question.
Ce qu'il faut, c'est la communion du coeur avec ce
Sauveur, la communion personnelle et individuelle
avec lui. « Je suis en eux et tu es en
moi, afin qu'ils soient perfectionnés dans
l'unité ! » Où donc,
si ce n'est dans la communion personnelle et
journalière avec Jésus-Christ, le
chrétien apprendra-t-il à refouler
l'amour-propre, les rivalités de clocher,
l'esprit de jugement et de parti qui sont les
ennemis attitrés et les grands obstacles de
l'Alliance ? Ou bien sera-ce ailleurs qu'il
trouvera la force de s'incliner sous la discipline
du Saint-Esprit, de maîtriser et son coeur et
sa langue, d'user de largeur à droite comme
à gauche, d'unir la vérité
à la charité, et la charité
à la vérité - conditions
indispensables pour être membre de
l'Alliance ? Je ne le pense pas.
Le siècle passé a vu
naître et travailler un homme qu'on serait
tenté de nommer le père de l'Alliance
évangélique, si celle-ci ne
s'était constituée 86 ans
après sa mort seulement. Nous avons
nommé le comte de Zinzendorf. Or, ce qui a
fait que ce serviteur de Dieu a, dans une grande
mesure, devancé son temps, absolument
étranger à la pensée de
l'Alliance, c'est que, comme peu d'autres, il a
vécu avec Jésus-Christ et en
Jésus-Christ. À l'âge de 15 ans
déjà, nous l'entendons
s'écrier : « Gagner les
coeurs des hommes à Celui qui a donné
sa vie pour nos âmes, voilà le but du
travail que, sans nous lasser, nous poursuivons
à travers le monde. » - Celui qui
parlait ainsi, n'avait, selon ses propres
termes, qu'une seule
passion : le Christ. Aimer le Sauveur et le
faire aimer par d'autres : là fut le
premier et le dernier mot de sa vie. Que
faudrait-il de plus pour m'expliquer son ardent
désir et sa constante préoccupation
de réunir en un seul corps tous ceux qui
croyaient ? Son amour pour le Sauveur, c'est
là ce qui a fait de Zinzendorf l'homme par
excellence et j'allais dire l'incarnation de
l'Alliance évangélique, longtemps
avant que celle-ci vit le jour.
Qu'il me soit permis d'ajouter une
observation qu'on a faite quelquefois, c'est que
dans tel champ de Mission, sur terre païenne,
l'Alliance a été plus facile à
pratiquer que dans notre vieille Europe et au sein
de la vie ecclésiastique et religieuse de la
patrie. Ce qui me fait comprendre ce fait, c'est
que, en face des puissances
déchaînées du paganisme, le
coeur de celui qui est appelé à les
combattre, éprouve un plus urgent besoin de
se rapprocher de Jésus-Christ et oublie plus
facilement tout ce qui est question secondaire. Et
voilà la route qui nous est indiquée
à tous. Ce qu'il faut faire, ce qu'il faut
laisser pour trouver place dans les rangs des
membres de l'Alliance, le voici : Resserrer le
lien qui nous unit à Jésus-Christ, le
fils du Dieu vivant, notre Sauveur ; nous
souvenir à toute heure qu'il est, lui seul,
digne d'être le centre de notre vie
religieuse individuelle, comme aussi de notre vie
d'Eglise ; subordonner tout le reste à
son nom, à sa cause, à sa gloire et
ne jamais nous arrêter à ce qui
risquerait de détourner de lui le regard de
l'âme. Frères,
quiconque aura fait cela sera un membre utile de
l'Alliance, un homme richement béni et
capable d'être en bénédiction
à d'autres.
Je ne puis entrer ici dans beaucoup de
détails. Mais voici au moins deux mots
à ce sujet. Prenez n'importe quel groupe de
chrétiens qui se soient conformés
à la règle de conduite que nous
venons de tracer. Prenez l'Alliance dans son
ensemble, en tant qu'elle a adopté et
pratiqué ces principes. Jésus-Christ
ne s'est-il pas plu à couronner de
précieuses bénédictions
l'union ainsi établie en son nom et autour
de sa personne ?
Presque sans s'en douter, ces
chrétiens sont devenus ici-bas - les 50
dernières années l'ont prouvé
- une puissance ; puissance par la
prière faite en commun à
l'entrée de chaque nouvelle
année ; puissance pour amener la
sanctification du dimanche : on sait que
l'association internationale pour l'observation du
jour du Seigneur doit son origine à
l'assemblée de l'Alliance à
Genève en 1861 ; puissance pour
délivrer plus d'un prisonnier innocent, plus
d'un persécuté pour la justice et
pour assurer la liberté religieuse ;
puissance de protestation aussi contre telle
infamie tolérée par la loi
humaine : je ne nommerai que le trafic de
l'opium et la traite des noirs ; puissance de
rapprochement, enfin, entre nos
dénominations et Églises diverses.
C'est ainsi qu'il leur a été
donné, dans leur faiblesse, de faire de
grandes choses, à eux dont l'unique
préoccupation a été
l'accomplissement de cette dernière
volonté du Christ : Que tous ne soient
qu'un, comme toi, ô
Père, tu es en moi et, que je suis en
toi ; qu'eux aussi soient un en nous et que le
monde croie que c'est toi qui m'as
envoyé.
Oui, c'est ainsi qu'il leur a
été permis de servir de
témoignage à Jésus devant les
nations, et de préparer l'avènement
de la grande Église de l'avenir qui ne
connaîtra plus de division ni d'injustice.
C'est ainsi encore que le Maître a bien voulu
récompenser un acte de
fidélité de la part de quelques-uns
de ses serviteurs. - Ah ! mes
frères ! quelle grâce, quels
privilèges, quel bonheur ! Dans la
seule pensée déjà de
répondre, par leur union, au suprême
désir du Sauveur, de s'encourager les uns
les autres à son service et de s'entr'aider
à l'heure du combat, les membres de
l'Alliance eussent trouvé sans doute une
riche satisfaction. Et voilà qu'il leur a
été fait bien au delà de ce
qu'ils avaient demandé et
cherché ! Ne vous étonnez donc
pas qu'ils plaident une cause qui leur est
chère, et qu'ils vous engagent à vous
joindre à eux pour bénéficier
avec eux des immenses bontés du Seigneur.
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