LE
SALUT DE DIEU
FEUILLE CONSACRÉE À
L'ÉVANGÉLISATION
VOL. IV
QUATRIÈME
ANNÉE 1877
LA CONVERSION DE LA GARDE-MALADE
( Suite du « JEUNE
DOCTEUR » )
Je fus appelée à visiter la
garde-malade qui avait soigné le jeune
docteur dans sa maladie.
Elle me rapporta les paroles par lesquelles il
l'avait solennellement engagée à
s'occuper de son âme, et j'en pris occasion
de lui demander si elle était entrée
dans ce sentier béni que le jeune mourant
lui avait indiqué.
Elle répondit : Oh ! non, Madame,
je ne puis pas dire que je sois
sauvée ; je sens toujours que je suis
une pauvre pécheresse qui n'ai point
été pardonnée.
- Mais, lui demandai-je, que vous disait le Dr
M. ? N'était-ce pas d'aller, comme il
l'avait fait, au Sauveur de ceux qui sont
perdus ?
- Oui, répondit-elle.
- Eh bien, dis-je, croyez-vous que vous êtes
perdue ? Dieu est saint, et pensez-vous qu'il
puisse voir en vous quelque chose de bon ?
N'avons-nous pas vous et moi à nous
prosterner dans la poudre, en reconnaissant notre
entière indignité ?
- Il ne m'est pas difficile de reconnaître
cela, répliqua-t-elle. Bien des fois
déjà, j'avais senti quelle
misérable créature
j'étais ; mais jamais je n'avais
pensé que j'aurais à rencontrer Dieu,
jus qu'à cette nuit où le cher jeune
docteur m'a conjurée d'y penser. Ah !
Madame, il lui fallut rassembler toutes ses forces
pour me le dire, et il semblait tellement
effrayé à la pensée que je
pourrais aller en enfer ! Depuis cette nuit,
j'ai vu que je ne puis rencontrer Dieu sans
être condamnée et que, par
conséquent, il faut que j'aille dans
l'enfer. C'est le lieu où vont tous ceux qui
ne sont pas sauvés. Je suis dans le chemin
large,et, ce qu'il y a de pire,
c'est que je ne puis en sortir. Je suis
perdue !
- C'est vrai, dis-je, ceux qui ne sont pas
sauvés sont dans le chemin large qui aboutit
à l'enfer. Ils sont loin de Dieu, bannis de
sa présence. Mais vous ne devez pas penser
que vous ne puissiez pas sortir du sentier qui a
pour fin la destruction. Dieu, dans son amour, a
trouvé un moyen de salut. Dans ses conseils
d'éternité, il a tracé le
chemin par lequel l'homme pécheur pouvait
être ramené à lui et être
heureux dans sa présence. Dieu voulait cette
bénédiction, et Jésus est venu
au-devant du désir de son Père en
disant : « Voici, je viens, ô
Dieu, pour faire ta volonté. » Le
Fils a accompli le dessein de Dieu. Lui qui
était dans le sein du Père, est
descendu sur la terre dans l'humiliation ; II
est né d'une femme ; II a vécu
étranger et solitaire ici-bas ; II a
révélé à l'homme le
coeur du Dieu d'amour, et enfin a souffert la mort
et la croix, étant fait malédiction
pour nous. Sur la croix la paix fut faite, et tout
pécheur qui croit maintenant que Dieu a
accepté le sacrifice offert par son Fils,
est sauvé et amené à Dieu. Il
est approché « par le sang du
Christ »
(Éphésiens
II, 13).
« Combien le jeune docteur serait
reconnaissant d'entendre les derniers mots que vous
avez prononcés : « Je suis
perdue ! » Vous avez reconnu que
vous êtes perdue. C'est quand il eut pris
cette place qu'il trouva Jésus, et que
Jésus lui apprit qu'il était
sauvé. Vous êtes
maintenantprécisément
sur le terrain où Dieu peut vous purifier et
vous sauver.
La garde-malade écoutait avec une attention
croissante ce que je lui disais, et je demandais au
Seigneur d'appliquer à cette âme la
parole qu'il savait seul lui convenir. À la
fin, elle me dit : Je sais que je suis perdue,
et je crois que Jésus est mort pour ceux qui
sont perdus.
Ici, je l'interrompis en disant : Alors,
vous êtes sauvée, car il est
écrit : Celui qui croit a la vie
éternelle, et vous êtes passée
de la mort à la vie.
- Oh ! non, s'écria-t-elle, je ne suis
pas encore sauvée.
- Mais, lui dis-je, comment peut-il en être
ainsi ? Dieu dit que vous êtes
sauvée, et vous croyez sa parole, n'est-ce
pas ?
Elle réfléchit un moment, puis elle
répondit : Je vous dirai pourquoi je ne
crois pas être pardonnée. J'aime la
mémoire du cher jeune docteur beaucoup plus
que je n'aime Christ ; comment Dieu
pourrait-il me sauver, moi qui ai un tel
coeur ?
- Alors, lui dis-je, si vous aviez un coeur plein
d'amour pour Christ, vous seriez sûre
d'être sauvée ?
- Oui, j'aurais alors une excellente raison pour le
penser.
- Eh bien ! répliquai-je, vous n'aurez
jamais l'assurance que vous cherchez. Supposons que
vous arriviez à posséder les
sentiments que vous désirez, ce sont ces
sentiments qui seraient votre sauveur. Ah !
croyez-moi, laissez Christ
êtrevotre seul Sauveur, et
ne cherchez pas comme assurance de salut aucune
mesure d'amour pour Lui.
- Je sais bien que c'est son oeuvre seule qui peut
ôter mes péchés, dit-elle, mais
certainement je dois l'aimer, n'est-il pas
vrai ?
- Oh ! oui, répondis-je, mais Dieu
produira l'amour dans votre coeur quand vous aurez
pris votre place comme son enfant, et que vous
aurez cru que vos péchés sont
pardonnés. Alors le Saint-Esprit demeurera
dans votre coeur, et c'est son oeuvre constante de
prendre de ce qui est à Christ pour le
communiquer au croyant. Être occupé de
Christ, voilà ce qui forme dans le coeur
l'amour pour Lui, mais c'est l'oeuvre de Dieu et
non la vôtre. Nous lisons
(Philippiens II, 13) :
« C'est Dieu qui opère en
vous. » Ce qu'il demande de vous
maintenant, c'est que vous vous abandonniez
entièrement à Lui, et que vous
regardiez constamment à Christ. Dieu
veillera sur la semence qu'il a semée en
votre coeur et la fera croître ; ce
qu'il veut, c'est que vous poursuiviez la course
placée devant vous, « fixant les
yeux sur Jésus. » Je voyais
qu'elle n'était pas encore satisfaite. Elle
ne se remettait pas pleinement à la
grâce de Dieu. Je lui citai les
paroles : « En ceci est l'amour,
— non en ce que nous, nous ayons aimé
Dieu, mais en ce que Lui nous aima et qu'il envoya
son Fils pour être la propitiation pour nos
péchés »
(1 Jean IV, 10).
J'ajoutai :
Dieu connaît le coeur ; II voit que par
nature nous n'avons pas d'amour pour Lui ;
mais malgré cela II nous a
aimés et a fait tout ce qui était
nécessaire pour notre salut. Il nous faut
recevoir son amour et continuer à y penser.
Confessez à Dieu que vous n'avez rien.
Jésus disait à ses disciples
(Jean XV, 9) :
« Demeurez dans mon amour, »
c'est-à-dire dans la pensée de
l'amour que j'ai pour vous.
Il n'était pas besoin de lui en dire
davantage. Les paroles de l'Écriture :
« Non en ce que nous ayons aimé
Dieu, mais en ce que Lui nous aima, »
avaient mis son âme en
liberté.
- Je vois tout maintenant, dit-elle. Comme cela est
simple et pourtant merveilleux ! Tout est
grâce. Alors je ne puis être trop
mauvaise pour qu'il me reçoive. Dieu sait
tout ce qu'il en est de moi, et cependant II m'aime
et II m'a sauvée.
- Oui, et il n'y a maintenant aucune condamnation
pour ceux qui sont dans le Christ Jésus,
ajoutai-je. Comme vous avez reçu le Christ
Jésus, marchez en Lui
(Colossiens II, 6). C'est la
confiance simple en la parole de Dieu qui a
délivré votre âme et qui vous a
donné devant Lui une joie paisible.
Continuez à vous confier en Lui, pour que
vous puissiez vous réjouir sans cesse. Le
Seigneur Jésus est l'objet de toute notre
joie et II ne change jamais. « II est le
même hier, et aujourd'hui, et
éternellement »
(Hébreux XIII, 8). Paroles
précieuses ! Quel que soit votre
sentier, II vous montrera qu'il suffit pleinement
à tout ! Au milieu des plus sombres
circonstances, Paul était plein de joie.
Dans un étroit cachot, les
pieds dans des entraves, au milieu de la nuit, il
chantait les louanges de Dieu. Cela nous montre
qu'il n'y a ni lieu, ni moment où le croyant
ne puisse être plein de joie. Si nous
regardons à nous-mêmes, nous devons
dire :
Je suis un pauvre pécheur,
Nu, sans force et misérable.
Mais, grâces à Dieu, nous pouvons
ajouter :
Mais en Jésus le Sauveur
Je trouve TOUT. Quelle grâce
ineffable !
Voilà le secret de la force, de la joie,
et de la consolation pour l'ÂME.
« SIGNES » DE LA CONVERSION
Ne doit-on pas s'attendre à trouver en
soi-même quelques signes indiquant que l'on
est converti ? Voilà une question que
se posent constamment les âmes qui sont
sérieusement travaillées au sujet de
leur état devant Dieu.
C'est un fait que Satan fait tous ses efforts pour
empêcher ces âmes de regarder
simplement au Sauveur, et il profite de la
disposition naturelle au coeur humain de regarder
toujours à soi-même, pour les tromper
et mettre des obstacles dans leur chemin, du moment
qu'il les voit, décidées à
suivre Christ.
On a beaucoup de peine à en finir avec
soi-même. Jusqu'à ce qu'on l'ait fait,
comme on ne se contente pas de Christ et de son
oeuvre, on cherche au dedans de
soi divers sentiments, — quelques signes ou
preuves que l'on appartient réellement au
Seigneur. Or ces signes n'apparaissent jamais
à la personne qui les recherche en soi.
Quand même on croirait les trouver, on ne
pourrait, sur ce sable mouvant, fonder aucune
assurance devant Dieu.
Pour que la conscience soit
« bonne, » c'est-à-dire
délivrée du fardeau des
péchés, pour que l'on soit en paix
devant Dieu, il faut que l'on ait saisi cette
vérité que Dieu a été
pleinement satisfait ; et que lorsqu'il fait
approcher de Lui-même le pécheur,
c'est qu'il a ôté les
péchés d'une manière conforme
à sa justice absolue. Or, cette satisfaction
divine ne se trouve que dans la mort de Christ, et
nous avons dans sa résurrection une garantie
de l'efficacité de l'oeuvre de la
rédemption et du fait que Dieu l'a
acceptée.
C'est donc uniquement dans l'oeuvre de Christ qu'il
faut chercher la certitude et la plénitude
du salut. Puisque cette oeuvre est valable devant
Dieu, celui qui y met sa confiance en se soumettant
au Seigneur est sauvé ; car Dieu dit
que, « par son nom, quiconque croit en
lui reçoit la rémission des
péchés. »
« J'AI UNE BONNE
ESPÉRANCE »
II y a quelques mois, un chrétien,
entouré de plusieurs membres de sa famille,
se trouvait sur son lit de mort. Deux
médecins essayaient les
dernières ressources de
l'art pour prolonger la vie de leur malade. La
consultation finie, le patient demanda aux
médecins quel était leur avis sur son
état, ajoutant d'une voix presque
éteinte, mais avec la calme et ferme
assurance de la foi : « Quoi qu'il
en soit, j'ai une bonne
espérance, » et, d'un dernier
effort, il montrait le ciel où il allait
bientôt entrer.
Durant sa maladie, et la veille encore de son
délogement, il aimait à
répéter avec l'apôtre
Paul : « Être avec Christ,
cela est de beaucoup meilleur »
(Philippiens I, 23).
Depuis trois mois je donnais des soins à
un malade de l'un des grands hôpitaux de
Paris. Je ne lui avais jamais encore parlé
de son âme, lorsqu'un matin je me sentis
pressé de le faire et de lui
présenter le Sauveur.
Mais, au premier mot que je lui dis, son visage
s'assombrit, et, jetant sur moi un regard de
dédain : « Gardez pour vous,
me dit-il, votre religion et votre Dieu ; je
n'ai besoin ni de l'un ni de
l'autre. »
Cette réponse me remplit de douleur. Il
avançait rapidement vers la mort, et son
coeur, fermé aux réalités
éternelles, ne cessait de former des projets
pour un avenir terrestre qu'il ne devait pas
voir.
Quelques jours plus tard, un ami, convalescent de
la même maladie, étant venu le voir,
le malade il lui dit combien il lui tardait de
laisser aussi l'hôpital pour reprendre sa vie
ordinaire. Quelques instants
après, il quittait en effet l'hôpital,
mais pour entrer dans l'éternité.
Cher lecteur, l'éternité va s'ouvrir
pour vous aussi, plus tôt peut-être que
vous ne le pensez. Avez-vous « une
bonne espérance, » reposant
non sur votre bonne conduite, votre
moralité, une vague attente de la
miséricorde de Dieu, mais sur le seul
fondement qui puisse être posé, savoir
Jésus-Christ ?
Ou bien, dans une fatale insouciance, pensez-vous
que vous n'avez pas besoin de ces choses, qu'il
sera toujours assez temps d'y songer ?
Je place devant votre conscience les faits que je
vous ai rapportés et les questions qu'ils
m'ont suggérées.
Il faut que vous rencontriez Dieu un jour.
Oh ! que ce puisse être en étant
abrité sous l'efficace du sang
précieux que Christ a versé sur la
croix. Puissiez-vous avoir ainsi en Lui une bonne
espérance et échapper au jugement,
car c'est une chose terrible que de tomber entre
les mains du Dieu vivant !
« RÉSISTEZ AU
DIABLE »
Quand, en face d'une tentation, nous savons
discerner Satan sous son masque, nous l'avons
vaincu. Satan a de la puissance contre les
prétentions et aussi contre la connaissance,
mais il n'en a point contre l'obéissance
lorsque nous marchons selon la Parole de Dieu sans
aucune volonté propre. (Extrait.)
QUELLE EST LA PENSÉE DE DIEU RELATIVEMENT
AUX HOMMES ?
Voilà une question qui nous touche tous
de près, cher lecteur. Et faites-y
attention : ce qu'il s'agit de savoir n'est
pas : Qu'est-ce que Dieu pensera de nous
après que nous aurons prié,
changé de vie et fait telle ou telle oeuvre
pour Lui ; mais que pense-t-Il de nous
maintenant ? Dans quel état nous
voit-Il ?
Encore moins est-il question de ce que nous,
pécheurs, pensons de Dieu. Nous pouvons
avoir, à son égard, des notions plus
ou moins justes, suivant les lumières que
nous avons reçues ; mais cela importe
peu. Dieu est au-dessus de nous, infiniment grand
et puissant ; nous avons affaire avec le Dieu
vivant, et il s'agit de comparaître devant
Lui. Que deviendrons-nous alors ? Voilà
la question capitale. Y a-t-il un moyen de savoir,
sans erreur possible, comment Dieu l'a
résolue ? Nous a-t-Il fait
connaître ce qu'il pense des habitants de
cette terre, de chacun de nous, par
conséquent ? A-t-il
révélé ce que nous sommes
à ses yeux, et a-t-Il dit de quelle
manière II nous apprécie maintenant,
tels que nous sommes ici-bas ?
Les saintes Écritures ne nous laissent pas
dans le doute sur ce sujet. Elles nous font
connaître le résultat de la longue
épreuve que Dieu a faite de
l'humanité. Durant quatre mille ans, toutes
les voies de Dieu envers les hommes n'ont fait
que mettre en évidence ce
qu'ils sont, et donner occasion à Dieu de
manifester ce qu'il pense d'eux.
Pour bien saisir la portée de notre sujet,
examinons d'abord ce que l'homme aurait dû
être selon les pensées de Dieu.
Lorsque Dieu l'eut créé et
placé dans le jardin d'Éden, l'homme
était un être innocent, ne connaissant
pas le bien et le mal. Formé pour être
heureux et pour jouir de la communion de Dieu, il
aurait dû répondre en toutes choses
aux desseins et à la volonté de son
Créateur.
Au lieu de cela, il désobéit à
Dieu. Le péché entra dans le monde,
et dès lors les hommes ne cherchèrent
qu'à faire leur propre volonté, sans
plus s'inquiéter de celle de Dieu. Aussi
Lui-même fait-Il entendre cette
déclaration : « Toute
l'imagination des pensées de leur coeur
n'est que mal en tout temps. » Et
encore : « L'imagination du coeur
des hommes est mauvaise dès leur
jeunesse »
(Genèse VI, 5 ;
VIII, 21).
Quel témoignage solennel !
« Toute l'imagination, »
et non pas seulement une partie,
« n'est que mal » :
il n'y a aucun mélange de bien qui puisse
modifier en quoi que ce soit la noirceur de leur
caractère. Et il ne faut pas croire que ce
soit la description d'une certaine race plus
méchante que les autres, ou d'une
époque plus particulièrement
dépravée ; il en est toujours
ainsi : « En tout
temps », est-il dit. Et c'est le cas
de chaque individu pris séparément
« dès sa
jeunesse. » Tel est l'état des
hommes sans Dieu.
La terre n'est plus qu'une scène de
désordre, de violence, de corruption et de
mensonge.
Est-il possible de porter remède à
cet état de choses ? C'est ce que nous
allons voir. Dieu se choisit un peuple du milieu
des nations, et en fit l'objet de sa plus tendre
sollicitude. Il étendit en sa faveur sa main
toute-puissante, signala la protection dont II le
couvrait par toutes sortes de signes et de
miracles, et enfin lui donna une Loi :
c'étaient les dix commandements
proclamés du haut du Sinaï par Dieu
Lui-même. Mais avant •même que les
deux tables de pierre sur lesquelles cette loi fut
gravée se trouvassent entre les mains du
peuple d'Israël, celui-ci, de la
manière la plus grossière, avait
enfreint le premier commandement. Dieu avait
dit : « Je suis l'Éternel ton
Dieu, qui t'ai retiré du pays
d'Égypte, de la maison de servitude ;
tu n'auras point d'autres dieux devant ma
face. » La gloire de l'Éternel,
comme un feu consumant, couvrait le sommet de la
montagne de Sinaï où l'Éternel
avait appelé Moïse ; le camp des
enfants d'Israël était au pied de la
montagne ; et là, au milieu du camp,
à la face du Dieu vivant, était
dressé un veau d'or, ouvrage de leurs mains,
devant lequel ils criaient : « Ce
sont ici tes dieux, ô Israël ! qui
t'ont fait monter du pays d'Égypte.
Était-il possible de pousser plus loin
l'outrage envers l'Éternel ? Cependant
Dieu, dans sa grâce, supporta ce peuple
durant bien des siècles, quoiqu'il leur
eût dit par la bouche de Moïse :
« Vous avez été rebelles
à l'Éternel depuis le jour que
je vous ai
connus ; » et encore :
« J'ai regardé ce peuple, et
voici, c'est un peuple de col roide »
(Deutéronome IX, 7,
13, 24 ;
XXXI, 27, etc.).
Il leur envoya des messagers, hommes et anges, pour
les avertir ; II les somma par ses
prophètes d'abandonner leurs mauvaises
voies ; mais ils refusèrent
d'écouter les appels de la grâce de
Dieu, et persécutèrent et mirent
à mort ceux qui leur parlaient de sa part.
Tel fut, sous le régime de la loi,
l'état du peuple que Dieu avait choisi et
gardé. Bien loin d'améliorer le coeur
de l'homme, la loi ne servit qu'à montrer
qu'il est. foncièrement mauvais. Ni le
support, ni le jugement de Dieu n'eurent d'efficace
pour le toucher et l'attendrir.
Le prophète Ésaïe résume
en quelques mots cette triste
expérience :
« Cieux, écoutez ; et toi,
terre, prête l'oreille ; car
l'Éternel a parlé, disant : J'ai
nourri des enfants, je les ai
élevés ; mais ils se sont
rebellés contre moi. Le boeuf connaît
son possesseur, et l'âne, la crèche de
son maître ; mais Israël n'a point
de connaissance ; mon peuple n'a point
d'intelligence. Ha ! nation pécheresse,
peuple chargé d'iniquité, race de
gens malins, enfants qui ne font que se
corrompre ! Ils ont abandonné
l'Éternel, ils ont irrité, par leur
mépris, le Saint d'Israël, ils se sont
retirés en arrière. Pourquoi
sériez-vous encore battus ? Vous
ajouterez la révolte : toute tête
est en douleur, et tout coeur est languissant.
Depuis la plante du pied jusqu'à la
tête, il n'y a rien d'entier en lui ; il
n'y a que blessure, meurtrissure
et plaie pourrie, qui n'ont point été
nettoyées, ni bandées, et dont aucune
n'a été adoucie d'huile »
(Ésaïe I, 2-6).
À la fin, Dieu envoya sur la terre son Fils
unique et bien-aimé, qui, durant tous les
jours de son ministère de grâce et de
bonté, déploya sa puissance divine
pour alléger les souffrances et la
misère de l'homme. Il guérit les
malades, ressuscita les morts, pardonna les
péchés ; mais les hommes le
prirent, et, après l'avoir accablé
des derniers outrages, le crucifièrent entre
deux brigands ; puis ils se tinrent devant sa
croix en se moquant de ses souffrances.
C'est à la croix du Seigneur Jésus
que nous voyons la dernière et suprême
épreuve du coeur de l'homme ; là
il met le comble à sa
méchanceté ; là est
pleinement découvert son état de
rébellion acharnée contre Dieu ;
là, les hommes ont montré qu'ils
mettraient Dieu à mort, s'ils le
pouvaient.
Quel spectacle pour les anges ! Voilà
ce qu'est « la chair, » ainsi
que les Écritures nomment la nature de
l'homme déchu.
D'un autre côté, la croix de Christ
nous fait voir que l'état des hommes est
désespéré, en sorte que, pour
les sauver, il n'a fallu rien moins que la mort du
Fils de Dieu. Lui seul pouvait ôter les
péchés de devant Dieu, en les portant
dans son propre corps sur le bois. Grâces
à Dieu, II l'a fait !
C'est donc la mort de Christ qui seule nous fournit
une réponse pleinement satisfaisante
à laquestion posée
en tête de cet article, car elle nous
dévoile parfaitement les pensées de
Dieu à l'égard des hommes, soit en
jugement, soit en grâce.
Les hommes sont pécheurs, et, plus
que cela, ils sont perdus, absolument
incapables de se sauver eux-mêmes.
Non-seulement ils sont mauvais, mais incapables de
devenir meilleurs. Dieu Lui-même n'essaie pas
d'améliorer la nature pervertie de
l'homme ; II nous montre qu'un jugement
inexorable peut seul ôter le
péché de devant sa face. Ce jugement,
II le fait tomber, sur qui ?... Non sur le
pécheur, mais, dans sa grâce
infinie... sur la personne du Sauveur, qui souffre
pour les péchés, Lui juste, pour les
injustes
(1 Pierre III, 18).
En contemplant la croix de Christ, si, d'un
côté, je suis humilié et
épouvanté devant l'effrayant tableau
de la méchanceté du coeur humain,
comment, d'un autre côté, ne serais-je
pas confondu par la grâce ineffable du Dieu
Sauveur, qui a trouvé un tel moyen de faire
entrer des pécheurs perdus dans la joie
indicible de sa communion ?
Dieu nous a vus vivant dans le péché,
transgressant ses commandements, méprisant
sa grâce, de toute manière impropres
pour sa présence ; malgré tout
cela, II a déclaré son dessein de
faire de nous ses enfants, « ses
héritiers, cohéritiers avec
Christ ! » Puis II envoie son Esprit
dans le coeur de ses enfants, et, « la
chair » n'étant aucunement
changée en eux, Dieu écrit
surelle la sentence de mort par
la croix de Christ, et leur donne le pouvoir et la
grâce de ne plus marcher selon la chair, mais
selon l'Esprit.
TON ÂME TE SERA REDEMANDÉE
Dans un village du département du D.,
vivait une famille composée du père,
de la mère et d'un jeune garçon.
L'unique occupation des parents, la pensée
constante de leur coeur, le seul souci de leur vie,
était d'amasser de l'argent, afin de pouvoir
se reposer et jouir ici-bas, quand leur fortune
serait suffisante à leur gré. Leurs
affaires d'ailleurs prospéraient d'une
manière remarquable, de sorte que la
mère disait un jour à une personne de
sa connaissance : « II ne nous
manque plus grand'chose pour pouvoir nous retirer,
et vivre tranquilles ensemble, le reste de nos
jours. »
Hélas ! ils ne devaient pas les voir,
ces jours de repos et de bonheur terrestre qu'ils
avaient rêvés. Un jour ou deux
après les paroles que nous avons
rapportées, la mère tomba tout
à coup gravement malade. Pendant que son
mari était allé consulter le
médecin, un ami chrétien vint voir la
malade et voulut lui parler de son âme. Mais
bien qu'elle eût une extrême frayeur de
la mort, la pauvre femme, uniquement
préoccupée de sa maladie, ne
prêta nullement l'oreille aux paroles qui
tendaient à diriger son attention vers le
Seigneur Jésus, le Sauveur des
pécheurs. Toute sa
confiance était dans les soins et les
remèdes du médecin qui, disait-elle,
la soulageraient et la guériraient. L'ami
chrétien se retira, le coeur rempli de
tristesse, en voyant une âme sur le bord de
l'éternité, perdue, et
n'éprouvant pas même le désir
d'être sauvée.
Le mari rentra, apportant une potion qu'avait
ordonnée le médecin. Il se
préparait à en verser dans un verre
pour la faire prendre à la malade, lorsqu'il
entendit un cri perçant. Il s'approcha du
lit, la fiole à la main... Sa femme rendait
le dernier soupir ; un instant après,
son âme était entrée dans
l'éternité.
Foudroyé par cette mort inattendue, le mari
tomba malade à son tour. Il ne put
même suivre au cimetière la
dépouille mortelle de sa femme ; et,
peu de jours après, il alla la rejoindre au
lieu d'où l'on ne revient pas. Il mourut
sans avoir donné le moindre signe qu'il
possédât la vie que Dieu donne.
Le fils restait donc seul avec tous les biens que
ses parents avaient acquis. Il se maria, et donna
par contrat toute sa fortune à sa femme,
s'il mourait avant elle. Quelques mois à
peine s'étaient écoulés qu'une
maladie de poitrine l'emportait. Ainsi toute cette
famille, qui n'avait vécu absolument que
pour la recherche et la jouissance des biens de la
terre, avait disparu de la scène de ce
monde.
On pensera peut-être que ces avertissements
solennels durent parler au coeur de la jeune veuve.
Hélas ! quand les jours de deuil
extérieur que les
convenances du monde exigent, furent
écoulés, les richesses, les
vanités et les plaisirs de la vie reprirent
sur elle tout leur empire ; elle continua
à vivre comme ceux qui l'avaient
précédée.
Et vous, lecteur, qui poursuivez aussi avec ardeur
les biens périssables, ce récit ne
sera-t-il pas pour vous un sérieux et
puissant appel ? Écoutez ce que disait
une fois le Seigneur Jésus-Christ à
ses auditeurs que préoccupaient aussi
par-dessus tout les intérêts de la
terre : « Les champs d'un homme
riche avaient beaucoup rapporté ; et il
raisonnait en lui-même, disant : Que
ferai-je, car je n'ai pas où je puisse,
assembler mes fruits ? Et il dit : Voici
ce que je ferai : J'abattrai mes greniers et
j'en bâtirai de plus grands, et j'y
assemblerai tous mes produits et mes biens ;
et je dirai à mon âme : Mon
âme, tu as beaucoup de biens assemblés
pour beaucoup d'années ; repose-toi,
mange, bois, et fais grande chère. Mais Dieu
lui dit : INSENSÉ ! CETTE NUIT
MÊME TON ÂME TE SERA
REDEMANDÉE ; et CES choses que tu as
préparées, à qui
seront-elles ? Il en est ainsi de celui qui
amasse des trésors pour lui-même et
qui n'est pas riche quant à Dieu »
(Luc XII, 16-21).
Combien ils sont nombreux ceux qui, pendant toute
leur vie, n'ont été occupés
que de se bien établir sur la terre, et qui,
tout à coup, sont surpris par la mort qui
vient mettre fin à toutes leurs
espérances ! Quelle perspective
redoutable s'ouvre devant eux ! Il est
réservé aux hommes de
mourir une fois, s dit la parole
de Dieu
(Hébreux IX, 27) ; et
après ?... Oh ! après...
C'est cet avenir que l'âme inconvertie, qui
n'est pas riche quant à Dieu, ne devrait
envisager qu'en frissonnant. « Et
après cela le jugement, » continue
la même parole qui ne peut se tromper. Oui,
le jugement de Dieu, du Dieu saint et juste,
jugement sans appel, inexorable, qui a pour
conséquence la condamnation
éternelle, la seconde mort, l'étang
brûlant de feu et de soufre :
voilà le sort terrible de qui n'est pas
sauvé.
Et qu'est-ce qui vous sépare de ce
redoutable avenir, ô mon lecteur, si vous
n'êtes pas un enfant de Dieu ? Tout ce
qu'il y a de plus fragile, de plus incertain, de
plus en dehors de votre pouvoir. Vous n'êtes
suspendu sur l'abîme que par le fil de votre
vie, qu'un rien peut briser au moment même
où tout semble vous sourire. Et une fois
passé hors de ces choses visibles et
périssables auxquelles votre coeur
s'attache, — pensez-y bien, tout est
irrévocable.
Oh ! je vous en supplie, au nom de votre
bonheur éternel, ne restez pas un instant de
plus dans l'indifférence ou l'incertitude
sur un sujet d'une telle importance. Pensez au
réveil qui suivra le moment où VOTRE
ÂME VOUS SERA REDEMANDÉE, si
auparavant vous n'êtes pas sauvé, si
vos péchés ne sont pas
pardonnés, si vous n'avez pas encore cru au
Seigneur Jésus-Christ pour avoir la vie
éternelle.
Il est là, ce précieux Sauveur,
prêt à vous recevoir, si,
désespérant de vous-même, ne
trouvantaucun moyen
d'échapper au juste jugement de Dieu, vous
venez à Lui. Lui-même vous appelle, en
disant : « Venez à
moi »
(Matthieu XI, 28). Pour vous
encourager, II vous montre la disposition pleine de
tendresse de son coeur : « Je ne
mettrai point dehors celui qui vient à
moi »
(Jean VI, 37). À tous ceux qui
ont soif de pardon, de paix, d'un repos et d'un
bonheur permanents, qui soupirent après ce
que le monde, malgré ses belles promesses,
ne peut donner, à tous ceux-là,
Jésus crie, dans sa grâce :
« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne
à moi, et qu'il boive. » C'est de
Lui seul que coulent pour l'âme les fleuves
d'une bénédiction éternelle.
Oh ! ne vous laissez donc pas entraîner
à la poursuite des biens trompeurs de cette
terre, ne laissez pas votre âme se remplir de
ce qui n'est qu'un vain songe. En Jésus, le
Fils de Dieu, en Lui seul, se trouve la
réalité ; Lui seul ne trompe
pas ; II donne LA VIE ÉTERNELLE.
Que vous le sentiez ou non, cher lecteur, il y a
une chose certaine : c'est qu'un lourd fardeau
de péchés pèse sur vous, et
vous entraîne dans l'abîme de la
perdition. Apportez-le à Jésus, que
ce fardeau vous abatte à ses pieds, et vous
entendrez de sa bouche ces paroles
bénies : « Tes
péchés te sont pardonnes. »
Sinon, sachez-le, quand le jour de grâce, qui
est appelé
« aujourd'hui, » et non demain,
quand ce jour si fugitif aura pris fin pour vous,
c'est le poids accablant de vos
péchés, joint au mépris que
vous aurez fait du nom de Jésus, qui vous
plongera dans l'étang de
feu et de soufre, « là où
leur ver ne meurt point et où le feu ne
s'éteint pas »
(Marc IX, 48).
Aujourd'hui donc, recevez le témoignage que
Dieu a rendu au sujet de son Fils : CELUI QUI
CROIT AU FILS A LA VIE ÉTERNELLE.
TOUT POUR CHRIST
Eh bien, Mesdemoiselles, je vous apporte des
nouvelles, dit une belle jeune fille, vêtue
à la dernière mode, en entrant dans
une chambre où se trouvaient plusieurs
jeunes personnes, ses cousines, occupées
à divers travaux de leur sexe.
- Qu'est-ce que c'est, Ada ?
s'écrièrent-elles toutes
ensemble.
- Vous aurez peine à le croire. Elisa a fait
profession de religion, répondit Ada d'un
ton moitié sérieux, moitié
railleur.
- Élisa !
répétèrent les autres d'un ton
où se peignait la plus vive surprise.
- Comment ! dit l'aînée
sérieusement, Élisa qui plaisantait
toujours sur ces sujets !
- Une personne tellement à la mode, qui
daignait à peine abaisser ses regards sur
quelqu'un de moins bien mis qu'elle, remarqua une
autre.
- Et son père, comment prend-il la
chose ?
- J'ai entendu dire, répliqua Ada, qu'il
l'avait renvoyée de sa maison.
Un long silence suivit ces paroles.
- Eh bien, commença brusquement la plus
jeune de la famille, nous allons voir quelle
réalité il y a
dans la religion dont parlent tant ceux qui se
vantent d'être meilleurs chrétiens que
les autres. Je ne pense pas qu'il y ait dans la
famille d'Élisa une seule personne
religieuse. Elle aura terriblement à
souffrir. Je ne voudrais pas être à sa
place.
- Souffrir ! bah ! il n'y a plus de
persécutions de nos jours. Ce serait chose
étrange que devoir un martyr.
Ces paroles furent dites d"un ton léger par
Ada, qui avait été la plus intime
amie d'Elisa, et qui éprouvait une sorte
d'amertume envers la jeune fille qui, elle le
sentait instinctivement, ne pourrait plus jouir de
sa société comme auparavant. Il ne
manque pas, même de nos jours, de martyrs de
persécutions religieuses, comme plus d'un
exemple pourrait le montrer.
Après le départ d'Ada, ses cousines
s'empressèrent d'aller faire une visite
à Élisa, qui les reçut avec sa
grâce accoutumée et un sourire plus
doux encore que d'habitude ; mais elle
était pâle et sa figure
fatiguée portait les traces d'une lutte
douloureuse. Quoiqu'elle ne parlât pas
directement de ses nouvelles convictions et de la
paix qu'elle avait trouvée, ses amies ne
purent qu'être frappées du grand
changement qui s'était opéré
dans sa toilette, ses manières, et jusque
dans sa physionomie. Elles la quittèrent
avec le sentiment que sa profession n'avait pas
été faite à la
légère.
Élisa était fiancée. Son futur
époux, Georges P., était, dans toute
l'acception du mot, un parfait homme du monde.
Riche, brillant, plein d'esprit,
d'une intelligence cultivée, partout il
était remarqué et admiré.
Quand il apprit la nouvelle qui concernait
Élisa, son front s'obscurcit. Quoi ! la
femme de son choix, celle qu'il voulait placer
à la tête de tout le luxe de sa maison
pour en être l'ornement, elle serait devenue
une triste dévote ! Il ne pouvait le
croire sans l'avoir entendu de sa bouche.
Souffrirait-il que son salon fut transformé
en une salle de prières, qu'il devînt
le rendez-vous d'anciens et de ministres à
la mine allongée, et de vieilles
bigotes ! C'était impossible !
C'était, pensait-il, quelque ridicule
plaisanterie que l'on faisait courir. Pouvait-il
supposer que la fille d'Henry A., le plus
avancé des libres penseurs, fût
devenue une chrétienne ! Pour lui,
c'était un non-sens.
Il se rendit chez elle. Son froid regard la
parcourut des pieds à la tête, tandis
qu'elle s'avançait et lui souhaitait la
bienvenue d'une voix plus mélodieuse que
jamais. Toute sa personne respirait la grâce
la plus attrayante et l'aisance que donne une haute
naissance ; le plus aimable sourire se
dessinait sur ses lèvres, et cependant il y
avait en elle je ne sais quoi
d'indéfinissable qui le fit tressaillir.
Enfin, moitié riant, il raconta à
Élisa ce qu'on lui avait rapporté. Un
léger tremblement la saisit, pendant un
moment ses lèvres refusèrent de
s'ouvrir, puis, comme un éclair passa sur sa
figure ; ses yeux s'illuminèrent d'un
nouvel éclat, ses joues se couvrirent d'une
teinte plus vive, tandis qu'elle
disait : « Georges, je vous en prie,
ne traitez pas cela comme une plaisanterie. Oui,
grâces à Dieu, je suis
chrétienne. 0 Georges ! ajouta-t-elle
en posant ses mains sur son bras ; ô
Georges ! c'est maintenant seulement que j'ai
commencé à vivre. Si vous
saviez... »
II se leva brusquement en repoussant Élisa,
et, pendant quelques instants, incapable de
prononcer une parole, tant était grande son
irritation, il se promena avec vivacité dans
la chambre ; puis, s'arrêtant devant
elle, pâle et d'une voix mal affermie, il lui
dit : « Avez-vous réellement
l'intention de vous joindre à ces gens, et
voulez-vous dire que pour eux vous abandonnerez
tout ?
- J'abandonnerai tout pour
Christ, » répondit-elle
d'une voix basse et avec lenteur, mais d'un ton
ferme et réfléchi.
Les lèvres de Georges, rigides comme
l'acier, restèrent fermées un
moment ; puis, d'une voix
décidée, il dit :
« Elisa... Mademoiselle... si tels sont
vos sentiments et vos intentions, notre chemin ne
peut plus être le même. »
C'était une épreuve cruelle : la
jeune fille avait, on peut le dire, abrité
sa vie sous la garde de l'homme qu'elle aimait.
Avant qu'un amour plus élevé, plus
pur, eût pris naissance dans son coeur, elle
avait concentré sur Georges P. toute son
affection ; faut-il s'étonner si la
pensée de voir ces liens brisés
faisait pâlir son visage et remplissait ses
yeux de larmes ? Il s'en aperçut et
changea de tactique. Il eut recours aux
supplications. Il plaça
devant elle la position qu'il voulait lui donner,
faisant briller à ses yeux tout ? ce
qui peut faire appel à un coeur de femme et
avoir pour elle quelque attrait. Jamais sa voix,
ses accents, ses regards ne furent plus insinuants,
jamais arguments ne furent plus habilement
employés pour la cause qu'il soutenait. Plus
d'une fois la jeune chrétienne sentit son
coeur faiblir. Seul le secours venant d'en haut put
la soutenir dans cette lutte et lui donner la force
de résister. Il semblait qu'il lui fût
dit : « Je te donnerai toutes ces
choses, si, te prosternant, tu me rends
hommage. » II fallait opter.
« Christ ou moi, » telle
était l'alternative. Il n'y avait aucun
compromis possible, c'était Christ ou lui.
Et la jeune fille, nouvellement revêtue du
manteau d'une foi céleste, les yeux
fixés sur Celui dont l'amour rayonnait dans
son coeur et illuminait ses traits pâlis,
détourna ses regards du monde et de ses
splendeurs, et, avec une fermeté digne des
martyrs d'autrefois, elle dit :
« Christ. »
Quoique rempli d'une irritation profonde devant ce
qu'il regardait comme une folle obstination,
Georges P. ne put se défendre d'un sentiment
de crainte étrange mêlé
d'admiration, à la vue de la douce figure
qui était devant lui, de ce regard
sérieux, de cette attitude si ferme et
pourtant si modeste, éloquente par son calme
même. Mais son hostilité contre la
piété était si grande qu'elle
ferma son coeur à la tendresse et y
étouffa son amour. Pour la première
fois il quitta Élisa avec toute la froideur
d'un étranger.
L'engagement fut rompu, mais qui peut dire à
quel prix ? Ce n'était cependant que la
première épreuve pour la jeune
fille ; une autre vint bientôt ajouter
une seconde blessure à son coeur.
Le père d'Élisa ne lui avait jamais
témoigné une grande tendresse. Mais
il était fier de sa beauté, de son
esprit, de son intelligence. Elle était le
plus brillant joyau de sa splendide demeure ;
il tenait à elle comme un avare à son
trésor : elle lui appartenait. Il la
fit appeler dans son cabinet d'étude, et se
fit rendre par elle un compte
détaillé de la manière dont
elle avait été conduite à
embrasser ses nouvelles convictions. Il avait
entendu courir certains bruits, lui dit-il, il
avait aperçu en elle un changement
surprenant et qui ne lui avait pas
été agréable. Elle
était devenue morose, triste ; quelle
en était la cause ?
C'était une épreuve grande et
difficile que de se trouver en présence de
ce père incrédule, au visage froid,
à la parole glaciale, et là, de
rendre témoignage à Christ. Mais
Celui qui a promis d'être avec les siens, se
tint près d'elle, et elle raconta les faits
avec calme et simplicité.
- Et vous avez l'intention de continuer dans cette
voie ? lui dit-il.
- Oui, mon père ; fut sa
réponse, tandis qu'un rayon
d'espérance se glissait dans son coeur.
Elle n'avait pas espéré son
approbation, mais elle ne pouvait penser qu'il
s'opposât à ce qu'elle suivît
ses convictions.
- Vous savez, continua-t-il, que votre tante
Eunice a longtemps
désiré que vous alliez demeurer avec
elle ?
- Oui, mon père, répondit-elle d'une
voix défaillante.
- Eh bien, vous pouvez y aller maintenant. À
moins que vous n'abandonniez ces idées
absurdes et que vous ne les fouliez sous vos pieds,
je ne veux pas que vous restiez sous mon toit.
Soyez telle que vous l'avez été
auparavant, et vous ne manquerez ni d'affection de
ma part, ni du luxe dont je puis vous
entourer ; mais si vous suivez votre
misérable dessein, dès ce moment je
ne serai plus votre père que de nom.
Et, encore une fois, bien que son coeur fût
brisé, elle répéta :
« Christ. »
Elle abandonna tout pour Lui, mais le combat avait
été plus grand que son faible corps
ne pouvait le supporter. Elle commença
à décliner et à descendre
lentement cette vallée, obscure pour l'homme
naturel, mais pour elle pleine de la lumière
que Christ y répandait.
Trop tard, lorsque sa vie était
irréparablement atteinte, l'homme qui avait
si puissamment cherché à l'attirer
loin de Christ, vint implorer son pardon. Dans
cette heure suprême, les yeux de Georges P.
s'ouvrirent sur sa vie de péché, et
près de celle qui allait quitter la
scène terrestre pour être avec Christ,
il promit solennellement de se tourner vers
Dieu.
Son père aussi, tout orgueilleux et
incrédule qu'il était, ne put
s'empêcher de contempler avec
étonnement et respect ce corps ruiné,
mais où l'âme par
la foi triomphait de la mort. Elle avait tout
quitté pour Christ, et, à sa
dernière heure, « l'Esprit de
gloire et de Dieu » reposait sur elle
(1 Pierre IV, 14).
Près de sa fin, elle demanda que l'on
chantât l'hymne qui commence ainsi :
Rocher des siècles, c'est sur toi Que mon
espoir se fonde...
Lorsque le cantique fut terminé, on entendit
encore un mot, un seul, s'échapper de ses
lèvres, c'était
« Christ. »
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