SERMON SUR
LA MANIÈRE D'ÉTUDIER LA
RELIGION.
Jaques SAURINPasteur à La Haye
1762
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Celui qui
aura regardé attentivement dans la Loi
parfaite, qui est celle de la
Liberté,
et qui aura
persévéré, n'étant
point un Auditeur qui oublie, mais mettant en effet
l'Oeuvre, celui-là sera, heureux en ce qu'il
aura fait.
Mais celui qui aura
plongé les regards dans la loi parfaite, la
loi de la liberté, et qui aura
persévéré, n'étant pas
un auditeur oublieux, mais se mettant à
l'oeuvre, celui-là sera heureux dans son
activité. Jacques I. 25.
SAINT JACQUES nous fournit dans les paroles que
vous venez d'entendre un moyen pour repousser une
des difficultés les plus odieuses, qui
puisse être opposées à la
Religion.
Depuis que nous sommes au monde, on nous donne de
grandes idées de la doctrine, qui est
contenue dans nos Livres saints. Les hommes
inspirés en font les éloges les plus
magnifiques. Ils nous la représentent comme
la source de la félicité : Ils
nous disent, qu'elle restaure l'Âme
(Ps. XIX. 8-11) :
qu'elle donne la sagesse au simple :
qu'elle est plus désirable que
l'or : qu'elle est plus douce que le
miel : qu'elle est propre à
instruire, à convaincre, à corriger,
à rendre accompli l'Homme de Dieu
(II Tim. III. 16-17). Ils nous
attestent que ce ne sont pas là de simples
idées, destituées de sens et de
vérité. Ils nous assurent, qu'ils
connaissent cette vertu par leur propre
expérience : que quand ils ont fait de
cette doctrine l'objet de leur méditation,
ils ont été rassasiés comme
de graisse et comme de moelle
(Ps. LXIII. 6.) : qu'ils
y ont trouvées sources intarissables de
plaisirs et de bon conseil : qu'elle les a
rendus plus sages que les anciens :
qu'elle les a fait passer en prudence ceux
qui les avaient enseignés
(Ps. CXIX. 24.
99-100).
Lorsque nous montons dans cette Chaire, nous
ramassons tous ces éloges. Nous
étalons tous ces exemples. Nous pressons
tous ces motifs. Nous nous en servons pour nous
concilier votre attention, et pour échauffer
votre zèle. Nous vous
promettons de la part de Dieu, que si vous
méditez la Parole, elle éclaircira
vos doutes : elle fixera vos pensées
flottantes : elle dissipera vos
ténèbres : elle adoucira vos
amertumes. - Vous n'êtes, ni insensibles
à ces promesses, ni immobiles à ces
exhortations. Vous lisez cette parole dans vos
maisons. Vous Tenez en entendre l'explication dans
ces Temples. Et cependant vous vous trouvez
toujours misérables : toujours dans le
doute : toujours enveloppés de
ténèbres : toujours
livrés à des pensées
flottantes : toujours privés de ces
ineffables douceurs qu'on vous avait fait
attendre.
N'est-ce pas de quoi rendre suspecte la
Religion ? N'est-ce pas de quoi décrier
notre ministère ?
Non, dit St. Jacques. Ce défaut ne vient pas
de la Parole qu'on vous prêche, mais de ceux
à qui elle est prêchée. Ce
n'est point à des idées vagues des
vérités qu'on vous annonce, que nous
promettons ces avantages ; ce n'est point
à une étude
légère : ce n'est point à
quelques réflexions, qui s'offrent à
l'esprit véritablement, mais qui ne font
aucune impression sur le coeur, et qui n'ont aucune
influence sur la vie. C'est à une profonde
connaissance ; c'est à une étude
infatigable ; c'est à un retour continuel de
réflexions : surtout c'est à une
pratique confiante, que ces
prérogatives sont attachées. Celui
qui aura regardé attentivement dans la Loi
parfaite, qui est cette de la
liberté, et qui aura
persévéré, n'étant
point un Auditeur qui oublie, mais mettant
en effet l'Oeuvre, celui-là sera
heureux en ce qu'il aura fait.
Entrons plus avant, M. F., dans le dessein de notre
Apôtre. Et, pour bien entendre sa
pensée, attachons de justes idées
à ses expressions.
Celle qui a le plus grand besoin d'être
expliquée, c'est celle-ci : la Loi
parfaite, qui est celle de la Liberté.
Cette Loi, c'est la Religion, ou, pour
parler avec plus de précision encore, c'est
l'Évangile. L'Évangile est bien
nommé une Loi, une Loi parfaite, une Loi
de liberté.
I. C'est une Loi. Malheur
à celui qui ne l'envisage que comme une
science de simple spéculation. C'est une
science pratique : c'est une science
même, dont tout se rapporte à la
pratique. St. Jacques le dit immédiatement
après notre Texte : La Religion pure
et sans tâche envers notre Dieu et
Père, consiste à visiter les
Orphelins et les Veuves dans leurs afflictions,
et à se garder de ce monde sans en
être souillé
(Jacq. I.
27).
Tous les dogmes que cette science nous apprend,
tous les préceptes qu'elle nous impose,
toutes les promesses qu'elle nous fait, toutes les
menaces dont elle se sert pour nous atterrer, tout
cela est destiné à nous rendre
sages.
Mais, si l'Évangile est une Loi,
c'est aussi une Loi parfaite.
Formez-vous l'idée d'une Loi parfaite.
Elle doit émaner d'un pouvoir
légitime. C'est là le
caractère de l'Évangile. Les
préceptes qu'il nous impose, viennent de
notre Souverain, qui a droit de nous commander
comme à ses serviteurs et à ses
créatures. Les vertus suprêmes qu'il
possède, le rendent infiniment digne de
notre obéissance et de notre soumission.
Notre vie, notre mouvement, notre
Être
(Actes XVII. 28), tout ce que nous
possédons, émane de ses
bontés, tout nous dit qu'il est notre
Maître.
Bien plus. Les Lois de l'Évangile ont une
justice intrinsèque, essentielle, et
indépendante de celui qui nous les donne. En
sorte que, quand il n'y aurait ni
révélation céleste, ni ordre
venu d'en-haut, les lumières de la Raison,
le dictamen (sentiment)
de la Conscience, devraient nous porter
à nous y soumettre. Entrez dans votre propre
coeur. Écoutez cette voix intérieure
qui vous parle.
Examinez ces pensées, qui vous
accusent, ou qui vous excusent, et
que l'Auteur de votre être a comme
gravées dans la substance de vos âmes.
Vous verrez qu'elles ont un rapport intime avec les
Lois de l'Évangile.
Une Loi parfaite doit être praticable.
C'est là le caractère de
l'Évangile. En vain le Portique se
vante-t-il de faire descendre la Sagesse du plus
haut des Cieux, et de la porter sur la Terre.
L'esprit est ébloui de ces idées,
mais il n'en est point éclairé. Le
coeur se sent accablé d'un fardeau, dont le
poids surpasse ses forces. Mais les Lois de
L'Évangile sont praticables. Il est vrai
qu'elles nous proposent la perfection pour but, et
l'Être parfait pour modèle. Cependant,
elles sont accompagnées de tant de support,
de tant de charité, de tant de
condescendance, qu'elles sont toujours
proportionnées à notre faiblesse.
Une Loi parfaite doit être soutenue de
grands motifs. C'est encore là le
caractère de l'Évangile.
Craignez-vous la haine des hommes ?
Mais si vous n'obéissez pas aux Lois de
l'Évangile, vous attirez sur vous la
colère fulminante de ce Souverain
législateur, qui peut sauver, et qui
peut perdre
(Jacq. IV. 12.)
Êtes-vous sensibles aux plaisirs ? Mais
si vous obéissez aux Lois de
l'Évangile, vous irez par le chemin des
peines et des tribulations au torrent des
délices éternelles.
Êtes-vous prenables par les Grandeurs, par
les Royaumes du monde, et par leur
gloire ?
(Matth. IV. 8) Les Lois de
l'Évangile vous promettent, que vous
jugerez le monde (
I Cor. VI. 2), que vous serez
Rois et Sacrificateurs
(Apoc. I. 6)
L'Évangile est donc une Loi,
c'est une Loi parfaite. Mais c'est aussi
une Loi parfaite, qui est de Liberté.
Cela parait d'abord opposé.
La Loi et la Liberté semblent
directement contraires. Être asservi à
des lois, et être dans l'esclavage, c'est
souvent une même chose. Ici au contraire, la
Loi et la Liberté sont
réunies.
Être asservi aux lois de l'Évangile,
et être affranchi de l'esclavage, ce n'est
qu'une même chose, selon ce beau mot de
l'Évangile, vous connaîtrez la
vérité, et la
vérité vous affranchira
(Jean VIII. 32). Si le monde
croit, que c'est de l'abandon aux passions
criminelles que doit naître la
liberté, il se trompe. Le
péché est un Tyran. Les passions
tiennent leurs adorateurs à la chaîne.
Je suis convaincu que la vengeance appartient
à Dieu, et je ne puis m'empêcher
d'acquiescer à cette voix
Divine : À moi
appartiens la vengeance, et je rendrai, dit le
Seigneur
(Rom. XII. 19.). Cependant, je
sens je ne sais quelle chaleur dans mon sang, je ne
sais quelle fougue qui m'emporte, et qui veut que
je me venge.
N'est-ce pas là un véritable
esclavage ?
Je sens que je suis formé pour
l'éternité ; et cependant mon
coeur, mon faible coeur, penche toujours vers cette
terre qui m'a trompé tant de fois, et qui va
me tromper encore, N'est-ce pas là un
véritable esclavage ? Je sens que je
suis mortel ; je sens même que ce serait
pour moi le comble des malheurs que de
traîner sans cesse une vie, qui semble ne
prolonger ma durée que pour prolonger ma
misère : et cependant je crains la mort
dans le temps même que je déplore ma
vie ; je suis las de vivre, et je n'ai pas le
courage de mourir. N'est-ce pas là un
véritable esclavage ?
La Loi de l'Évangile, au contraire ;
est une Loi de Liberté. Elle nous
affranchit du joug, sous lequel nos passions nous
faisaient gémir. Elle permet à notre
âme de chercher dans ces grands objets
qu'elle nous propose, de quoi remplir sa
capacité. Elle accorde nos lumières
avec nos penchants. Et s'il reste encore quelque
corruptiondans notre coeur, qui
barre, pour ainsi dire, le chemin du Ciel,
et qui en rétrécisse la porte,
les réflexions, la prière, vont faire
évanouir ces difficultés, et nous
rendre nos devoirs faciles.
L'Évangile est donc bien nommé une
Loi, une Loi parfaite, une Loi de
Liberté. C'est ce que vous sentiriez
beaucoup mieux encore, si nous opposions
l'Économie Évangélique
à celles qui l'ont
précédée, à la Religion
Naturelle, qui n'était pas une Loi
parfaite, à l'Économie
Lévitique, qui ne saurait être
envisagée comme une Loi de
Liberté.
Mais s'engager ici dans des discutions de ce genre,
ce serait substituer des vérités
étrangères à celles que notre
Texte nous appelle à vous mettre devant les
yeux. Hâtons-nous de venir au grand dessein
de St. Jacques. Il me semble qu'il
caractérise quatre sortes d'hommes, qui,
vivant sous la Loi parfaite de la
Liberté, et étant en quelque
sorte à la source de la
félicité, sont pourtant toujours
misérables. Ou, pour approcher encore de
plus près nos idées des moeurs de
notre siècle, on dirait que l'Apôtre a
caractérisé quatre sortes de nos
Auditeurs.
1. L'Auditeur, qui s'arrête
à l'écorce de la Religion.
2. L'Auditeur, qui se lasse dans les travaux qu'il
entreprend pour l'étudier et pour la
connaître.
3. L'Auditeur, dont les idées s'effacent
incontinent après qu'il les a
reçues.
4. Et l'Auditeur qui néglige de les mettre
en pratique.
À ces quatre dispositions d'esprit, St.
Jacques oppose quatre devoirs, à
l'observation desquels la véritable
félicité est annexée.
1. Une connaissance profonde :
celui qui aura regardé attentivement dans
la Loi parfaite, qui est celle de la
Liberté.
2. Une étude infatigable : celui
qui aura persévéré.
3. Un retour continuel de
réflexions : celui qui n'aura pas
été Auditeur qui oublie.
4. Une pratique confiante : celui qui
aura mis en effet /'Oeuvre. Celui qui aura
regardé attentivement dans la Loi parfaite,
qui est celle de la Liberté, et qui
aura persévéré, n'étant
point un Auditeur qui oublie, mais mettant en effet
l'Oeuvre, celui-là sera heureux en ce qu'il
aura fait.
Quatre idées, que nous allons ramener
tour à tour. C'est tout ce qu'il nous reste
à vous proposer.
II y a des Auditeurs qui
s'arrêtent à
l'écorce de la Religion.
Pour tirer de nos Écritures le fruit que
nous pouvons en attendre, il faut en avoir une
confiance profonde. Il faut regarder avec
attention dans la Loi parfaite. Le mot de
l'Original est singulier : il signifie se courber, ou se pencher.
C'est le
même que celui qui est employé par
l'Apôtre St. Pierre, qui dit que les Anges
se courbent sur nos Mystères,
(1 Pier. I. 12) pour les
pénétrer jusqu'au fonds. Celui qui
aura regardé attentivement ; celui qui
se sera courbé pour voir dans le fonds
de la Loi parfaite, qui est de
Liberté ; c'est celui qui fera heureux
dans ce qu'il aura fait.
Mais, qu'est-ce que s'arrêter à
l'écorce de la Religion ?
S'arrêter à l'écorce de la
Religion, c'est ramener, sous le masque de la
Réformation, les principes de la
Communion de Rome : c'est supposer, qu'en
venant au monde, on est logé au centre de la
vérité : c'est négliger
de rechercher pourquoi l'on croit qu'il y a un Dieu
au Ciel ; pourquoi l'on adhère au
Christianisme, plutôt qu'à la Religion
des Juifs, ou à la Secte de Mahomet :
c'est se contenter d'avoir certaines preuves
superficielles des grands
principes sur lesquels roule tout le Système
de la Religion. Une connaissance si
légère ne saurait rendre un homme
heureux. Celui qui ne connaît la
Religion que de cette manière, sentira sa
foi chanceler à la première objection
de l'Incrédule. Pour puiser une
félicité solide dans la Religion, il
faut y regarder avec attention. Il faut
examiner, autant qu'on en est capable, ces belles
démonstrations, sur lesquelles elle est
appuyée. Il faut la comparer avec les
ouvrages de la Nature, avec la voix de la
Conscience, avec ce concours unanime de Peuples,
qui divisés sur tant d'articles, semblent
s'être réunis pour admettre
l'existence d'un premier Être, la
nouveauté du monde, une différence
essentielle entre le juste et l'injuste, des peines
et des récompenses dans une autre vie.
S'arrêter à l'écorce de la
Religion, c'est avoir un respect superstitieux, un
zèle sans connaissance
(Rom. X. 2), pour ce Livre
sacré, dans lequel Dieu a
déposé ses Oracles. C'est le
vénérer avec le même esprit de
préjugé, qui a concilié tant
de vénération à l'Alcoran
(Le Coran). Une
connaissance si légère ne saurait
suffire à rendre un homme heureux.
Celui qui ne connaît la
Religion que de cette
manière, se trouvera toujours en bute aux
railleries du Libertin, et aux instances du
Sophiste.
Pour tirer de nos Écritures la
félicité que nous pouvons en
attendre, il faut regarder attentivement dans la
Loi parfaite, qui est celle de la Liberté.
Il faut apercevoir ces caractères de
Divinité, qui y brillent de toutes parts,
cette supériorité de lumière,
cette sublimité d'idées, cette
pureté de morale, cette force de motifs,
cette harmonie des Auteurs, qui ont vécu
dans des lieux et dans des temps différents,
et qui ont tous prêché la même
Doctrine.
S'arrêter à l'écorce de la
Religion, c'est se contenter de savoir les
vérités générales
qu'elle enseigne : c'est borner les vues du
St. Esprit : c'est croire qu'il suffit de
parcourir nos Écritures pour
découvrir toutes les vérités
qu'il a parsemées dans ce Livre. Une
connaissance si légère ne saurait
suffire à rendre un homme heureux.
Celui qui ne connaît la Religion que de
cette manière, se dérobe à
lui-même mille délices. C'est celui
qui regarde attentivement dans la Loi parfaite,
qui est celle de la Liberté, qui y
découvre ces beautés divines qu'elle
renferme. Il est rempli d'admiration, quand
il voit la Divinité
travaillant depuis la chute de l'homme à le
relever. Il est rempli d'admiration, quand il voit
ce Rédempteur promis à la
misérable postérité d'Adam,
entrant dans tous les plans que Dieu a
formés à l'égard de l'homme.
Il est rempli d'admiration quand il voit
l'Économie Légale préparant
les esprits à l'Économie
Évangélique, et toutes les Nations de
l'Univers venant rendre hommage à ce
JÉSUS, qui devait avoir pour son
héritage les Nations, et pour sa
possession les bouts de la terre.
(Ps. II. 8.)
S'arrêter à l'écorce de la
Religion, c'est se contenter de savoir les Lois
générales qu'elle nous prescrit.
C'est être prévenu de cette
pensée, que toutes les questions de morale
sont aisées à résoudre, que
tous les cas de Conscience s'éclaircissent
sans peine. Une connaissance si
légère ne saurait suffire à
rendre un homme heureux. Celui qui ne
connaît la Religion que de cette
manière, commettra souvent sans scrupule les
plus grands crimes, et se verra exposé
ensuite aux justes reproches des Casuistes (Théologiens)
éclairés, qui lui viendront dessiller
les yeux. Pour tirer de la Religion le fruit que
nous en pouvons attendre, il faut regarder
attentivement dans la Loi parfaite, qui est
celle
de la Liberté. Il faut
examiner en détail jusqu'à quel
degré vont les engagements du
Chrétien, quel temps on peut donner à
Dieu, quel temps on peut donner au monde , quel
temps aux exercices publics de - la Religion, et
aux dévotions particulières, quel
temps à la Société, quel temps
aux soins de la vie. Il faut examiner en
détail combien il est permis de
dépenser pour la bienséance de sa
condition, combien en charité et en
aumônes. Il faut examiner jusqu'à quel
degré il est permis de s'attacher à
la terre, et jusqu'à quel degré l'on
est obligé de s'en détacher.
C'est cet examen qui peut procurer une
félicité solide. Un homme qui est
entré dans ce détail, peut marcher
avec fermeté. Il est au dessus des doutes,
des incertitudes, des scrupules. Celui qui aura
regardé attentivement dans la Loi parfaite,
qui est celle de la Liberté, celui-là
sera heureux en ce qu'il aura fait.
Pour acquérir cette profonde
connaissance, il faut une profonde application, une
étude confiante et infatigable. St.
Jacques, après avoir combattu l'Auditeur qui
s'attache à l'écorce de la Religion,
combat celui qui se lasse dans les
travaux qu'il entreprend pour
la connaître. Celui, dit-il, qui
aura regardé attentivement dans la Loi
parfaite, qui est celle de la Liberté,
et qui aura
persévéré,
celui-là sera heureux en ce qu'il aura
fait. Ce fera notre seconde
Réflexion.
Pour vous donner une idée plus
particulière de cette
persévérance, il faut vous la montrer
réduite en acte, il faut vous tracer une
vie, dans laquelle, à l'aide d'un
génie heureux, secondé d'une bonne
éducation, on aura
persévéré dans
l'étude de la Religion. Il est vrai, que peu
de personnes se trouvent dans les circonstances que
nous supposons dans l'homme que nous allons
dépeindre. Cependant, cette supposition vous
fera sentir ce qui manque à votre
éducation, et vous engagera à y
suppléer. Elle pourra même servir
de direction à chacun de vous, selon les
circonstances où il se trouve, pour
l'instruction de ses Enfants. Qu'il me soit donc
permis de supposer, que je fuis appelé
à former à la connaissance de la
Religion un enfant bien né. Voici comment je
ferai le partage de ses
méditations.
1. Dès ses plus tendres
années, je tâcherai de lui faire
ouvrir les yeux sur les misères des hommes.
Je le rendrai attentif aux mortifications qu'il
essuie, aux larmes qu'il répand, aux
douleurs auxquelles il est exposé.
Je lui ferai comprendre, que les peines et les
tourments ne sont pas des apanages de l'enfance,
particuliers à un certain âge, mais
des suites nécessaires de la Nature.
Je lui ferai sentir, que les personnes d'un
âge avancé, que celles d'une condition
plus relevée, que ses maîtres, que ses
aïeux, ont eu leurs afflictions et leurs
amertumes. Surtout, je lui dirai, que tous les
hommes sont mortels, et je lui donnerai pour
première leçon, ou plutôt je
poserai pour principe et pour fondement de toutes
mes leçons, cette Sentence, prononcée
à chacun des enfants d'Adam : Tu es
poudre, et tu retourneras en poudre.
(Genèse III. 19.)
2. Après lui avoir parlé de
ses misères, je l'entretiendrai de ses
ressources et de son bonheur. Je lui dirai, que
quand j'entreprends de lui enseigner la Religion,
j'entreprends par cela même de le munir
contre tous ces malheurs, dont je lui ai fait la
triste énumération : je lui
dirai, que je viens l'armer contre les frayeurs de
la mort, et le conduire à
une vie plus heureuse que celle dont il commence
à sentir lui-même les travers. Je me
servirai de ces promesses, pour me concilier son
attention, sa docilité, et son amour.
3. Je préviendrai les mauvais effets
que pourrait produire dans son âme une trop
grande préoccupation en ma faveur. Je lui
dirai, que s'il doit être attentif à
mes Discours, il ne doit pourtant pas les
écouter comme des Oracles : que s'il
doit me témoigner de la docilité, il
ne doit pourtant pas me regarder comme
infaillible ; que s'il doit m'aimer, il ne
doit pourtant pas s'imaginer que c'est en moi que
la souveraine félicité réside.
Je tâcherai de lui donner ainsi les
premières semences de cette vertu sans
laquelle on ne sera jamais, ni de bons Philosophes,
ni de bons Chrétiens ; cette vertu, qui
fait que l'on n'admet que des idées claires,
que l'on suspend son jugement sur les choses
obscures, qu'on ne se rend qu'à
l'évidence, ou aux décisions de
l'Être infaillible.
4. Je lui enseignerai d'abord, mais d'une
manière historique seulement, et sans exiger
avec tyrannie qu'il croie aveuglément tout
ce que je vais lui proposer ;
je lui enseignerai d'abord les
principaux Points de la Religion. Je lui dirai, la
Religion Chrétienne contient tels et tels
Articles. La Communion, dans laquelle vous
êtes né, se distingue par tel et tel
dogme, de cette autre Communion. Mais je lui
proposerai ces choses, non pas comme des
vérités qu'il doit croire sans autre
examen, et sans autre discussion, mais comme des
propositions, à la discussion desquelles une
partie de ses jours doit être
destinée, et qu'il doit examiner avec
application, à mesure que son esprit viendra
à se développer, et que ses talents
augmenteront.
5. Je lui ferai comprendre, que dans cette
Religion, dont le plan vient de lui être
tracé, il y a des choses qui sont à
sa portée, et d'autres qui font au-dessus de
sa portée.
À l'égard de celles qui sont à
sa portée, telles que sont l'existence d'un
premier Être, la droiture de certains
sentiments, et de certaines actions, je lui en
alléguerai les preuves, et je cultiverai
ainsi cette vertu, dont je lui avais donné
les premières semences ; cette vertu,
qui fait que l'on ne se rend qu'à
l'évidence et à la lumière. Je
lui ferai comprendre, que l'examen des
vérités, qui sont
au-dessus de sa portée,
doit être réservé à un
temps où son esprit aura plus
d'étendue.
6. Après avoir ainsi divisé
toutes les vérités de la Religion en
deux Classes, la Classe des vérités,
dont les preuves sont à la portée de
mon Élève, et la Classe des
vérités, dont les preuves sont
au-dessus de sa portée, la Classe des
vérités qu'il doit croire, parce
qu'il en sent les preuves, et la Classe des
vérités qu'il ne doit retenir que
d'une manière historique, parce qu'il n'a
pas encore la faculté de connaître si
elles font bien fondées, j'observerai avec
soin les progrès de son esprit. Je verrai si
une nouvelle année l'aura rendu plus capable
que les précédentes d'examiner les
preuves de ces vérités, qui ne lui
avaient d'abord été proposées
que d'une manière historique. Je
proportionnerai ainsi sa Foi à ses talents.
Je le ferai croître en connaissance et en
lumière, à mesure qu'il croîtra
en âge et en force de génie. Je
continuerai cette méthode jusqu'à ce
que je doive abandonner cet homme à
lui-même.
7. Quand il fera parvenu à cet
âge, où l'on n'a plus d'autre Docteur
que soi-même, je lui déclarerai, que
je ne prétends point lui avoir donné
toutes les lumières qu'il doit avoir. Je lui
ouvrirai un nouveau champ d'étude et de
connaissances. Je lui dirai, que c'est à lui
maintenant d'examiner par ses propres yeux, si j'ai
abusé de son enfance, ou si je l'ai
formé avec prudence et avec
ménagement. Je lui dirai, que c'est à
lui de peser de nouveau des arguments, qui lui ont
peut-être fait illusion, lorsqu'il
était encore dans ses plus tendres
années : que c'est à lui
maintenant de voguer sur ce vaste Océan de
vérités et de lumières, dont
je ne lui ai montré que les bords.
Un homme, qui suivra ces principes,
persévérera dans l'étude de la
Religion. Mais aussi un homme, qui suivra ces
principes, sera heureux. Celui qui aura
regardé attentivement dans la Loi parfaite,
qui est celle de la Liberté, et qui aura
persévéré,
celui-là sera heureux en ce qu'il aura
fait.
Un homme qui suivra ces principes, aura
l'esprit juste : il ne donnera point dans les
puérilités, et dans les minuties, qui
défigurent la Religion, et qui la
décrient.
Un homme qui suivra ces principes, fera toujours de
nouveaux progrès : à mesure
qu'il apprendra, il sentira croître le
désir d'apprendre
encore.
Un homme qui suivra ces principes, goûtera
des délices dans le cabinet, dans le
recueillement, et dans le silence.
Un homme qui suivra ces principes, trouvera au
milieu de ses plus grandes afflictions, de
puissantes consolations dans cette douce habitude,
qu'il se sera formée de méditer sur
la Loi de Dieu.
Un homme qui suivra ces principes, soupirera
souvent de ce qu'il ne peut connaître que si
imparfaitement ce Dieu, qui est le grand objet de
ses méditations et de ses études. Il
verra avec des transports de joie, approcher cette
période qui doit tirer tous ces voiles, qui
lui cachent tant d'objets ravissants, et qui lui
dérobent la connaissance de tant de
vérités intéressantes.
Le troisième ordre d'Auditeurs, que
l'Apôtre combat ; ce sont les
Auditeurs qui oublient. Et la
troisième chose qu'il demande de ceux qui
veulent retirer du fruit de la Parole, c'est qu'ils
en conservent les impressions. Celui qui aura
regardé attentivement dans la Loi parfaite,
qui est cette de la Liberté,
n'étant point un Auditeur qui oublie,
celui-là fera heureux en ce qu'il
aura fait.
On peut donner deux sens à cette expression,
l'Auditeur qui oublie.
Par un Auditeur qui oublie, on peut
entendre celui qui s'attache véritablement
à l'étude de l'Évangile,
à consulter les Ouvrages qui ont
été faits pour en faciliter
l'intelligence, à écouter les
Discours que l'on prononce pour l'expliquer et pour
l'inculquer ; mais qui, par un défaut
de mémoire, perd incontinent les
idées des vérités qui ont
été l'objet de son attention et de
ses lectures.
Celui qui oublie de cette manière,
est quelquefois moins coupable que malheureux. Il
ne doit pas même se faire des idées
trop mortifiantes de son malheur. Il n'est pas en
nôtre pouvoir de posséder certains
talents. L'Auteur de nôtre être
distribue ses grâces comme il lui
plaît. Il ne dépend pas de nous de
naître avec un esprit
pénétrant, avec une conception
aisée, avec une mémoire
fidèle. Il y a des hommes, que Dieu destine
avant leur naissance à de grandes choses, au
maintien de l'État, au commandement des
Armées, à l'édification de
l'Église. Il proportionne l'étendue
des grâces qu'il leur communique, aux actions
auxquelles il les
a destinés. Mais le
défaut d'une faculté naturelle, si
nous n'y contribuons pas par nôtre faute, ne
doit point nous abattre. Quand nous ne sommes des
Auditeurs qui oublient parce que Dieu n'a
pas jugé à propos de nous accorder
cette faculté, nôtre état est
plutôt un sujet d'humilité, que de
douleur. J'ai pourtant quelques Avis à
donner à ceux, qui font des Auditeurs qui
oublient dans ce premier sens.
Voici le premier Avis. Exercez vôtre
mémoire. La mémoire est une des
facultés qui a le plus besoin d'être
cultivée. Si elle s'affaisse, quand elle est
chargée d'un trop grand poids, elle se perd
et s'évapore quand elle est sans
exercice.
Voici le second. Proportionnez le retour des
réflexions au peu de facultés que
vous avez pour les retenir. Une simple
méditation et une simple lecture ne peuvent
vous suffire : employez plus de temps à
lire et à méditer.
Voici le troisième. Au défaut d'une
mémoire de mots, faites-vous une
mémoire de choses. Accoutumez-vous, quand
vous lisez un Livre de Religion, accoutumez-vous
à en tirer le suc et la
substance.
Remarquez-en les points essentiels :
découvrez-en les idées principales.
Faites les passer et repasser souvent dans
vôtre esprit. Si les expressions vous
échappent, les choses vous resteront.
En voici un quatrième. Ne passez pas,
incontinent d'un exercice tout temporel à un
exercice de Religion. Il serait à souhaiter,
qu'avant de venir dans ce Temple, on fit quelque
réflexion sur ce que l'on se propose en y
entrant. Il serait à souhaiter que l'on eut
dégagé son âme d'une partie des
objets, dont elle est remplie. Au sortir d'une
Conférence politique, au sortir d'une partie
de jeu, au sortir de la discussion d'un
intérêt de famille, l'on est peu en
état de donner aux vérités de
la Religion cette profonde application, qui les
imprime dans la mémoire.
Voici le cinquième. Qu'il y ait quelque
intervalle entre l'exercice de Religion auquel vous
venez de vaquer, et les exercices temporels,
auxquels vous devez vaquer encore.
Cet Avis est important. Taxez-nous tant qu'il vous
plaira d'être des Déclamateurs, quand
nous voulons mettre des bornes à vôtre
cupidité ; quand nous vous
représentons, que certains
lieux, où la mondanité est sur le
trône, conviennent peu à un
Chrétien. Mais, du moins, n'entreprenez pas
de soutenir les Paradoxes les moins soutenables.
Vous vous plaignez de l'infidélité de
vôtre mémoire, et vous joignez l'art
à la nature pour la rendre beaucoup plus
infidèle encore. Dès qu'on vous a
donné quelque légère
impression de la Parole de Dieu, vous allez dans le
bruit et dans le tumulte. La méditation, le
silence, le recueillement, sont les
suppléments de la mémoire.
Enfin, le dernier Avis, c'est de redoubler son
amour pour la Religion.
On oublie difficilement les choses auxquelles on
prend un grand intérêt. Si nous vous
donnions dans ces Temples des règles pour
augmenter vos revenus, pour grossir vos capitaux,
pour illustrer votre famille ; les personnes
qui se plaignent le plus de
l'infidélité de leur mémoire,
retiendraient sans peine une partie de nos
Discours. Disons-nous donc souvent à
nous-mêmes, que la Religion est notre
véritable bien, notre trésor,
nôtre tout. Embrasons notre amour pour
elle : elle se gravera dans nôtre
cerveau : et nôtre
coeur rappellera notre mémoire.
Mais, on peut donner un deuxième sens
à ce mot d'oublier, qu'emploie ici
nôtre Apôtre. Par un Auditeur qui
oublie, on peut entendre un homme, qui agit
dans sa conduite comme s'il avait oublié
les vérités de la Religion :
non qu'il les ait oubliées en effet,
mais, parce qu'à juger de sa mémoire
par ses actions, on dirait que toutes ses
idées sont effacées. C'est le sens
qu'on donne souvent à ce terme dans la
Société. C'est ainsi qu'on dit
à un homme, qui est devenu insolent depuis
qu'il est sorti de la bassesse où il avait
été élevé, vous avez
oublié vôtre première
condition : parce qu'à juger de lui par
le faste qu'il étale, on dirait qu'il a
oublié en effet son extraction et son
origine. C'est ainsi qu'on dit à un homme,
qui fait de grands projets pour cette vie, vous
oubliez que vous êtes mortel :
parce qu'à juger de lui par des desseins,
dont l'exécution suppose une longue suite
d'années, On dirait qu'il a oublié
que la mort va bientôt souffler sur tous
ses projets. C'est ainsi que Dieu disait à
l'ancien Peuple : Tu as oublié le
Dieu fort qui t'a formé, et
le Rocher qui t'a engendré.
C'est ainsi que l'Auteur du
Psaume CVI. disait des
Israélites : Ils oublièrent
le Dieu fort leur Libérateur, qui avait fait
de grandes choses en Égypte, des choses
merveilleuses au pays de Caïn, et des
choses terribles sur la mer rouge. Et c'est
ainsi que nous pouvons dire avec trop de raison de
la plupart de nos Auditeurs, qu'ils oublient
les vérités qu'on leur annonce,
parce que s'ils y sont attentifs, si elles leur
inspirent quelques bonnes résolutions, ils
agissent comme s'ils n'avaient eu aucune attention,
comme s'ils n'avaient formé ni voeux, ni
résolutions, ni promesses.
Il me semble, mes Frères, que ce dernier
sens est précisément celui de
l'Apôtre. Ce qui nous le persuade, c'est que
St. Jacques oppose à l'Auditeur qui
oublie, non l'Auditeur qui se souvient, mais
l'Auditeur qui agit ; Celui, dit-il,
qui n'aura pas été un de ses
Auditeurs qui oublient, mais qui aura mis en effet
l'Oeuvre, celui-là sera heureux en ce qu'il
aura fait.
Nous trouvons cette même opposition dans les
versets qui précèdent. Là St.
Jacques représente, sous une image bien
singulière, un homme qui connaît
la Religion, et qui refuse d'en
faire la règle de sa conduite. Voici ce
Texte :
Si quelqu'un écoute la parole, et ne la
met point en effet, il est semblable
à un homme, qui considère dans un
miroir sa face naturelle. Car,
s'étant considéré
soi-même., et s'en étant allé,
il a aussitôt oublié quel il
était.
(Jacq. I. 23-24.)
Ce sont là des paroles concises, qu'on
ne saurait bien expliquer, si l'on n'y
supplée quelques expressions. Il faut les
paraphraser de cette manière. Un homme qui a
appris ses devoirs dans la Religion, et qui les
néglige, est semblable à un homme,
qui s'étant regardé dans un miroir,
pour examiner s'il y a quelque impureté sur
son visage, l'aurait vu tout couvert de boue, mais
qui après avoir perdu cet objet de vue,
aurait négligé de se laver. Cette
image est le meilleur Commentaire que nous
puissions vous proposer dans nôtre dernier
article, où nous devons combattre l'Auditeur
qui néglige de pratiquer.
Vous venez dans ce Temple, pour apprendre à
vous connaître vous-mêmes. La Parole de
Dieu est un miroir. Nous vous présentons ce
miroir. Nous vousproduisons
vous-mêmes à vous-mêmes. Vous
voyez vos difformités : vous en
êtes épouvantés. Mais si,
contents d'avoir vu ce que vous êtes, vous ne
travaillez à vous réformer, vous
êtes semblables à cet homme, qui
regarde dans un miroir sa face naturelle,
qui y voit mille impuretés, mais qui
s'en va, et qui oublie aussitôt ce
qu'il était.
Vous entassez monceaux sur monceaux. Vous gardez
avec sordidité des biens, que vous avez
acquis avec avidité, peut-être
même avec injustice. Vous venez dans ce
Temple pour apprendre si vous êtes en
état de grâce. La Parole de Dieu est
un miroir, dans lequel vous pouvez découvrir
ce que vous êtes. Nous vous présentons
ce miroir. Nous vous disons, que les Avares
n'hériteront point le Royaume des Cieux.
(I Cor. VI. 10.)
Nous vous disons, que votre terre crie
contre vous, et que vos sillons gémissent.
(Job XXXI.)
Nous vous disons, que les pierres de vos
maisons crient d'entre la paroi, et que
la travaison (la
charpente) leur répond d'entre le
bois.
(Hab. II. 11.)
Nous vous disons, avec les
Prophètes : Malheur à
celui qui assemble ce qui
ne lui appartient point ! Il entassera de la
boue.
(Hab. II. 6.)
Nous vous crions avec nôtre Apôtre.
Riches, pleurez ; heurlant (hurlant) pour vos
misères. Vos richesses sont pourries, et
vos vêtements sont rongés :
votre or et vôtre argent sont
rouillés, et leur rouillure vous sera
en témoignage, et mangera vôtre chair
comme le feu. Le salaire des Ouvriers, qui ont
moissonné vos champs, duquel ils ont
été frustrés par vous,
crie : leurs cris sont entrés aux
oreilles du Seigneur des Armées.
(Jacq.
V. 1- 6.)
Riches!
Pleurez et gémissez, à cause des
malheurs qui viendront sur vous. Vos richesses sont
pourries, et vos vêtements sont rongés
par les teignes. Votre or et votre argent sont
rouillés; et leur rouille
s'élèvera en témoignage contre
vous, et dévorera vos chairs comme un
feu....le salaire des ouvriers qui ont
moissonné vos champs, et dont vous les avez
frustrés, crie, et les cris des moissonneurs
sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des
armées.
Vous êtes effrayés de vôtre
état. Mais, si vous gardez ce bien mal
acquis, vous êtes semblables à
cet homme, qui considère dans un miroir sa
face naturelle, mais qui s'étant
considéré soi-même, et s'en
étant allé, a aussitôt
oublié quel il était.
Vous vivez dans la mollesse : vous raffinez
sur (vous allez
vers...) les plaisirs ; et dans ces
tristes temps, où un si grand nombre de gens
de bien souffrent, dans ces tristes temps
où tant de personnes illustres, qui se sont
exposées mille et mille fois à la
mort avec intrépidité pour
vôtre sûreté, et ont fait de
leurs têtes comme des
remparts autour de cet État, manquent de
pain, pour soutenir cette vie qu'ils vous ont tant
de fois sacrifiée, vous augmentez vos
équipages, vous élevez de superbes
maisons, vous consumez (dépensez) des sommes
immenses en ameublements, en riens, en
puérilités. Vous venez dans cette
maison, pour apprendre si vous êtes en
état de grâce.
La Parole de Dieu est un miroir, dans lequel vous
pouvez découvrir ce que vous êtes.
Nous vous présentons ce miroir. Nous vous
montrons ces déclarations
réitérées de l'Écriture
contre la mondanité, contre le faste, contre
les plaisirs du siècle : nous
produisons ces préceptes pressés,
entassés, qui vous recommandent la
charité. Nous vous disons de la part de
Dieu, que celui qui a pitié du pauvre
prête à l'Éternel, qui
lui rendra son bienfait
(Prov. XIX. 17), que ce
qui aura été fait à un
de ces plus petits
(Matt. XXV. 45), Dieu le tiendra fait
à lui-même : que si quelqu'un,
qui a des biens de ce monde, voit son frère
en avoir besoin, et lui ferme ses entrailles, la
charité de Dieu n'est point en lui :
(I Jean III. 17) que J.
Christ. dira un jour en la
présence des hommes et des Anges, à
ceux qui auront manqué de charité,
Allez, allez maudits, au feu
éternel, qui est préparé au
Diable et à ses Auges. Car j'ai eu
faim, et vous ne m'avez pas donné
à manger : j'ai eu soif, et vous ne
m'avez pas donné à boire.
(Matt. XXV. 41 et suiv..)
Vous êtes effrayés de vôtre
état. Mais, si vous n'arrêtez le cours
de ces cruelles dépenses, si vous n'employez
en charité ce que vous consumiez (dépensiez) en faste
et en mollesse, vous êtes semblables
à cet homme qui considère dans un
miroir sa face naturelle ; mais qui
s'étant considéré
soi-même, et s'en étant allé,
oublie aussitôt quel il était.
Vous nourrissez des haines et des animosités
implacables : vous les soufflez à vos
enfants : vous souhaiteriez les communiquer
à tous ceux qui vous approchent : vous
feriez volontiers descendre le feu du Ciel sur cet
homme, que vous regardez si impatiemment sur la
terre : vous voudriez lui abréger
l'économie de la patience et de la longue
attente ; et, dut (par) une mort
prématurée lui enlever tous les
moyens de conversion, vous désireriez
déjà de le voir sans mouvement et
sans vie. Vous venez dans ce
Temple, pour apprendre si vous êtes en
état de grâce. La Parole de Dieu est
un miroir, où vous pouvez découvrir
ce que vous êtes.
Nous vous présentons ce miroir. Nous vous
disons de la part de J. Christ : À
ceci connaîtra-t-on, que vous êtes mes
Disciples, si vous vous aimez les uns les
autres.
(Jean XIII. 35.) Jugement sans
miséricorde sera exercé contre ceux
qui n'auront point usé de
miséricorde.
(Jacq. II. 13.) Si vous ne
pardonnez aux hommes leurs offenses, votre
Père qui est aux Cieux, ne vous pardonnera
point aussi les vôtres.
(Mat. VI. 15.)
Vous êtes épouvantés de
vôtre état. Mais, si vous ne
déracinez ces sentiments affreux, vous
êtes semblables à cet homme,
qui considère dans un miroir sa face
naturelle. Car s'étant
considéré soi-même, et s'en
étant allé, il a aussitôt
oublié quel il était.
Mes Frères, ne soyons pas ingénieux
à nous tromper nous-mêmes. Bien loin
que la volonté de Dieu connue puisse
contribuer à nôtre salut, lorsqu'elle
n'est pas réduite en pratique, elle ne
servira qu'à nous attirer de plus
sévères jugements : Celui qui
me rejette, disait J. Christ, et ne
reçoit point mes paroles, il a
qui le juge :la parole que
j'ai portée, c'est celle qui le jugera.
(Jean XII. 48.)
Oui, cette Parole que nous vous portons, c'est
elle qui vous jugera : c'est elle qui sera le
Ministre des vengeances divines, si vous ne la
mettez en pratique.
Elle fera naître de violents
remords dans vôtre Conscience.
Elle empoisonnera vos plaisirs.
Elle aggravera vos douleurs dans vos maladies.
Elle vous bourrellera (tourmentera) dans
vôtre lit de mort.
Elle irritera contre vous dans
l'éternité ce ver qui ne mourra
point,
(Marc IX. 48.) et elle donnera
de l'activité à ce feu qui ne doit
jamais s'éteindre.
Pour puiser la félicité dans cette
Parole, il faut connaître et pratiquer. Il
faut joindre l'action à la
lumière : Vous êtes
bienheureux si vous savez ces choses, et si
vous les faites.
(Jean XIII. 17.) Bienheureux celui
qui lit, et ceux qui entendent les
paroles de nôtre Prophétie, et qui
gardent les choses qui y sont écrites.
(Apoc. I. 3.)
Celui qui aura regardé attentivement dans la
Loi parfaite, qui est celle de la
Liberté, et qui aura
persévéré,
n'étant point un Auditeur qui oublie,
mais mettant en effet l'Oeuvre,
celui-là sera heureux en ce qu'il aura
fait.
Les vérités que nous venons de
proposer, portent leur preuve avec
elles.
Mais St. Jacques nous fait entendre que quelques
Chrétiens de son temps étaient
ingénieux à les obscurcir. Si leurs
Prédicateurs les instruisaient, s'ils
mettaient ces vérités dans un jour
où il n'était plus possible de ne pas
les apercevoir, ces Chrétiens faisaient
sortir les ténèbres du fonds de leur
corruption : à mesure qu'on faisait des
efforts pour les détromper, ils
travaillaient à s'aveugler et à se
tromper eux-mêmes : Mettez en effet
la Parole, leur dit cet Apôtre, et ne
l'écoutez point seulement, en vous trompant
vous-mêmes par de vains discours.
(Jacq. I. 22.)
Quel but, quel détestable but, M. F.,
que celui de vouloir se tromper
soi-même ! Quel contraste, quand le
Prédicateur s'épuise, pour trouver
des Démonstrations propres à faire
tomber ce funeste bandeau, qui cache la
vérité à la plupart des
hommes, et que ces hommes à leur tour
s'épuisent, pour rendre ce bandeau plus
épais et plus
impénétrable ! Mais, à
quels excès tes Siècles passés
se sont-ils portés, que nous n'en trouvions
des exemples dans nôtre Siècle ?
J'entends de tous côtés de ces
Discours, que l'on prononce pour se tromper
soi-même. Mais,
que sont-ils ces
Discours ?
Nôtre Apôtre les a bien
qualifiés : ce sont de vains
Discours. Mettez en effet la parole, et ne
l'écoutez point seulement, en vous trompant
vous-mêmes par de vains Discours.
Et il faut que vous nous donniez encore quelque
instant d'attention, afin que nous vous fassions
voir l'injustice de quelques-uns de ces
prétextes, qu'on nous allègue, pour
se dispenser des devoirs que nous avons
marqués. Il faut que nous examinions
quelques-uns de ces Discours, et que nous en
montrions la vanité, afin de justifier ce
mot sentencieux de nôtre Apôtre :
Mettez en effet la parole, et ne
l'écoutez point seulement, en vous trompant
vous-mêmes par de vains Discours.
Premier prétexte. Nous avons nos
occupations : nous avons une vocation à
remplir, et nous manquons de temps pour vaquer
à l'étude de la Religion.
Prétexte frivole : Vain Discours.
Qu'appelez-vous vos occupations ? Quelle
idée vous formez-vous de vôtre
vocation ? Est-ce d'être attachés
jour et nuit à augmenter vos revenus ?
Est-ce de chercher sans cesse les moyens de
satisfaire vôtre ambition ou vôtre
avarice ? Mais c'est là la vocation
de
vôtrecupidité, c'est
la vocation du monde, c'est la vocation
du démon.
Vôtre grande affaire, vôtre
véritable vocation, la seule chose
nécessaire, c'est de vous employer
à votre salut avec crainte et avec
tremblement
(Philip. II. 12.) :
c'est de vous sanctifier et de vous instruire.
Il est permis, il est ordonné même, de
travailler pour son entretien, et de contribuer au
maintien de la Société. Je suis
même très convaincu que Dieu aura de
l'indulgence pour des indigents, pour un
misérable Père de famille, qui ayant
été obligé de gagner son pain,
et celui de ses enfants, à la sueur de son
visage, n'aura mis que peu de temps à
l'étude de la Religion. Mais, qu'une femme
mondaine, dont l'occupation ordinaire est de se
produire et de se répandre : que ces
personnes oisives, qui consument leur vie à
fouler nos rues, et qui semblent avoir pris
à tâche de distraire ceux qui font un
meilleur usage de leur temps : que des
personnes de ce caractère allèguent
leurs affaires, pour excuser leur ignorance sur la
Religion, c'est une injustice que Dieu punira des
derniers supplices.
Second prétexte. Les
vérités de
la Religion sont des
vérités de sentiment. Il suffit de
les proposer, pour en faire apercevoir
l'évidence.
Frivole prétexte encore : Vain
discours. J'avoue que le Système de la
Religion peut se prouver par sentiment. Un homme
qui a naturellement l'esprit droit et le coeur
bon : un homme, qui ayant fait de
sérieuses réflexions sur
lui-même, reconnaît que le monde entier
ne saurait le satisfaire, que ses promesses sont
fausses, que ses plaisirs sont vuides (vides), que ses
appâts sont trompeurs ; un tel homme
trouvera tant de rapport entre les préceptes
de l'Évangile, et ces lois
d'équité, qui sont gravées
dans sa conscience, entre les désirs de son
coeur, et les biens que la Religion lui fait
espérer, qu'il ne pourra s'empêcher de
reconnaître, que c'est là
précisément la Religion dont il avait
besoin. Mais ces dispositions sont rares. Il y a
très peu de gens assez revenus des
vanités de la vie, pour connaître la
Religion par la voie de sentiment.
La plupart des hommes sont enfoncés dans la
matière. Bien (Si) loin qu'ils (ne) se laissent (pas) prévenir en
faveur d'une Religion qui choque leurs passions et
leurs préjugés, ils sont
portés à
se révolter contre elle.
Ils ont besoin qu'on les conduise par la main,
qu'on les fasse remonter jusqu'aux premiers
Siècles de l'Église, qu'on leur fasse
voir que ceux qui ont prêché cette
Religion qui leur prescrit des devoirs si
pénibles, ont été
autorisés par des miracles sensibles, qui
mettent leur mission au-dessus de toute
difficulté.
Troisième prétexte. La Parole
de Dieu est mal prêchée.
Les Sermons n'ont pas toute la justesse, toute la
profondeur qu'il est nécessaire pour
inculquer la Religion. Vain Discours encore.
La Parole de Dieu est mal prêchée,
dites-vous. Mais vous, qui vous donnez la licence
de juger des Sermons en dernier ressort, avez-vous,
pour la plupart, des idées saines de la
Prédication ? Savez-vous distinguer ce
que c'est que bien prêcher, et ce que
c'est que mal prêcher ?
Des gens qui n'ont ni principe, ni
éducation ; des gens nourris
d'illusions, et de préjugés ;
des gens qui ne connaissent nos Sermons, que par
l'ennui qu'ils leur ont causé ; des
gens qui ont l'esprit rempli d'objets grossiers et
matériels ; des gens qui n'apportent
à nos exercices qu'une attention
superficielle,et qui sont plus
occupés, en nous écoutant, de cette
partie de jeu qu'ils viennent de quitter, et de
celle qu'ils s'apprêtent à lier (à faire), que des
vérités qu'on leur annonce ; des
gens de cet ordre savent-ils ce que c'est que
bien prêcher ? Est-ce à
des gens de cet ordre de déterminer, si un
homme raisonne avec précision, ou s'il se
perd dans les espaces des
généralités et des
idées vagues ; s'il cite avec
exactitude, ou s'il forge lui-même des
autorités ; s'il enseigne selon
l'Analogie de la Foi, ou s'il débite
ses propres chimères ?
(Rom, XII. 6)
La Parole de Dieu est mal prêchée.
Mais entrez dans vôtre conscience :
rappelez le souvenir des Sermons qui vous ont paru
les moins supportables, et qui étaient en
effet les moins réguliers ; en
avez-vous entendu quelques-uns qui ne put vous
être utile ? En avez-vous entendu
quelques-uns qui ne fut propre à vous
inspirer de sérieuses réflexions sur
vous-mêmes, si vous l'aviez
écouté dans le dessein de vous
connaître et de vous corriger ?
La Parole de Dieu est mal prêchée.
Ah ! si cette Manne, dont vous êtes si
dégoûtés, parce qu'elle
tombe tous les jours à vos
portes, si cette Manne était accordée
à ces pauvres Reformés, qui
éprouvent l'effet de la menace que Dieu
faisait autrefois à l'ancien Peuple :
Je leur enverrai une famine, non pas une famine
de pain, mais une famine d'ouïr la
Parole de Dieu !
(Amos VIII. 11.)
Si le moindre de ces Sermons, dont vous
êtes si las, était adressé
à nos pauvres frères ! Si le
plus petit de ces Pasteurs qui vous prêchent,
était envoyé à ces Brebis
égarées de la Maison d'Israël,
qui ont été arrachées du
bercail du Seigneur, et qui n'y rentreront
peut-être jamais, qu'elles regarderaient avec
d'autres yeux le Ministère dont vous
jouissez !
(Matt. XX. 24.)
La Parole de Dieu est mal prêchée. Et
que (pourquoi) ne
faites-vous chacun vos efforts pour qu'elle soit
prêchée avec plus de force ? Que
(pourquoi) ne
destinez-vous au saint Ministère ceux de vos
enfants, en qui vous trouvez les talents propres
à le remplir avec édification et avec
éclat ? Que (pourquoi) n'avez-vous de la
vénération pour un Emploi, que votre
Rédempteur et vôtre Dieu n'a pas
dédaigné lui-même
d'exercer ? Que (pourquoi) ne formez-vous
des établissements pieux, en faveur de ceux,
qui voulant se vouer à
cette charge, manquent de facultés pour
fournir aux frais de l'étude ?
La Parole de Dieu est mal prêchée. Et
c'est parce qu'elle est mal prêchée,
si elle l'est de cette manière, c'est pour
cela même, que vous devez travailler avec
plus de persévérance à
acquérir des connaissances et des
lumières, afin que vous soyez en état
d'agiter vous-mêmes ces Questions, auxquelles
vous êtes si intéressés.
Est-ce la Parole de Dieu, ou est-ce la Parole de
l'homme qu'on me prêche ? Est-ce la
Doctrine de J. Christ qu'on m'annonce, ou est-ce la
Doctrine du Prédicateur ?
Quatrième prétexte. La Doctrine des
Prédicateurs est obscurcie par leur vie.
La gloire des bons exemples est enlevée au
Ministère Évangélique, comme
la gloire des Miracles.
Frivole prétexte : Vain Discours
encore. Ha ! Dieu veuille déployer
ses plus riches miséricordes envers nous, et
nous faire grâce sur ce qu'il y a de bien
fondé dans ces reproches ! Dieu veuille
nous donner de marcher nous-mêmes à la
tête des Chrétiens dans cette
carrière de vertus que nous leur
traçons ! Dieu veuille qu'à
l'exemple du Chef et du
Consommateur de nôtre foi, nous
puissions dire en parlant de vous : Pour
eux je me sanctifie, afin qu'eux aussi soient
sanctifiés !
(Jean XVII. 19.) Mais cependant, si
nous reconnaissons avec confusion et avec amertume
ce qu'il y a de bien fondé dans ce reproche,
ce ne fera point au Tribunal de vos calomnies et de
vos médisances, que nous serons
jugés. De ce Tribunal d'Iniquité nous
appellerons au Tribunal de Vérité,
devant lequel nous paraîtrons tels que nous
sommes en effet, et non tels que vous aimez
à nous dépeindre. Là, nous
serons disculpés de tant de pensées
extravagantes que vous nous attribuez, de tant de
tours empoisonnés que vous donnez à
nos Discours, de tant de sinistres
interprétations que vous avez la barbarie de
donner à nos actions. Là, dans le
temps que nous frapperons nos poitrines, dans le
temps que nous gémirons sur nos
péchés, dans le temps que nous
crierons : 0 Dieu ! à toi est
la justice, et à nous la honte et la
confusion de face.
(Dan. IX. 7.) O Dieu ! si tu
prends gardes aux iniquités, qui est-ce qui
subsistera !
(Ps. CXXX. 3.) 0 Dieu !
n'entre point en compte, ni en jugement avec ton
serviteur
(Ps. CXLIII) : dans ce
temps, nousserons pourtant
reconnus tels que nous sommes en effet,
charmés du Système de la Religion,
plus zélés pour vôtre bonheur,
que vous ne sauriez l'être pour nous
perdre : vous portant dans le fonds de
nôtre coeur, et présentant à
Dieu les Prières les plus sincères et
les plus ferventes pour vos âmes.
La Doctrine des Prédicateurs, dites vous,
est obscurcie par leur vie, et la gloire des bons
exemples semble être enlevée au
Ministère Évangélique, avec la
gloire des miracles. Mais, des Discours pleins de
vérité ne changeraient pas de nature,
quand celui qui les prononce serait faible et
corrompu.
Si vos Prédicateurs se perdent, ne vous
perdez point avec eux. Les tourments des enfers ne
seront pas plus supportables, si vous les partagez
avec ceux qui ont eu la fureur de s'y plonger,
lorsqu'ils vous exhortaient à les
éviter. Fils de l'homme, disait Dieu
à un Prophète, si tu n'as pas
averti ce pécheur il mourra ;
mais je demanderai son sang de ta main.
Ezéch. III. 12.) Voilà la
destinée, et du Prédicateur
infidèle, et de l'Auditeur infidèle.
Si nous n'avons pas assorti nôtre Doctrine
avec nos actions, et que vous ayez suivi nos
actions au lieu de suivre
nôtre Doctrine, nous mourrons, il est
vrai, mais vous mourrez avec nous :
Ce pécheur mourra, mais je
demanderai son sang de ta main.
Cinquième prétexte. Si l'on
voulons remplir tous les devoirs qu'exigent les
Prédicateurs, il faudrait être
toujours dans la peine, toujours dans l'agitation,
toujours dans de nouveaux tourments. Ce ne serait
pas jouir de la vie, ce serait anticiper sur les
angoisses de la mort.
Frivole prétexte encore : Vain
discours, le plus vain même et le plus
odieux de tous les Discours. Oui, ce dont nous
sommes le plus jaloux pour la Religion, c'est de
cette paix qu'elle procure à ceux qui la
connaissent ; c'est de cette joie, dont elle
inonde ceux qui ont le bonheur d'y faire tous les
jours de nouveaux progrès. Et ce qui est le
plus capable d'exciter tour à tour
l'indignation et la pitié, c'est d'entendre
les mondains, qui osent comparer, qui osent
même préférer leur état
à celui d'un Chrétien, qui a
continuellement devant les yeux et dans le coeur
les vérités que nous vous avons
annoncées.
Quoi ! vivre comme les mondains ;
s'aveugler, s'étourdir
continuellement ; n'oser jamais penser
à ce qu'on est, À ce qu'on doit
devenir ; chercher dans
le bruit et dans le tumulte du monde des secours pour
oublier qu'on est mortel, et qu'on va mourir dans
quatre jours : se sentir agité de mille
frayeurs, dès que l'on sent la moindre
douleur dans la tête, la moindre
altération dans la santé :
croire voir partout alors des messagers de mort,
croire entendre de toutes parts des voix qui
crient, rend compte de ton administration
(Luc XVI. 2.) :
regarder la mort comme un objet d'horreur et
de désespoir, et n'avoir
d'espérance que pour ces quatre jours de
vie, pour cette fumée, pour cette vapeur,
est-ce là ce que vous appeliez être
heureux ? Est-ce là vivre ?
Mais, connaître la Religion,
l'étudier, y découvrir ces
ravissantes lumières qui y brillent de
toutes parts : faire tous les jours de
nouveaux progrès dans le chemin de la
vertu : remporter tous les jours sur
soi-même de nouveaux triomphes :
être en droit de s'appliquer ces consolantes
vérités, dont l'Évangile est
parsemé : pouvoir se dire à
soi-même, c'est pour moi que font ces
assurances de grâce, c'est pour moi que sont
ces trésors de miséricorde, que J.
Christ annonce au pécheur
pénitent : avoir sans cesse devant les
yeux une éternité bienheureuse,
l'espérer, la posséder par
anticipation, et fournir dans ces sentiments et dans cette attente
le reste de sa carrière : voilà
ce que j'appelle vivre, voilà ce que
j'appelle être heureux. Dieu veuille, mes
chers Auditeurs, que vous soyez remplis de ces
idées, et pénétrés de
ces sentiments ! Amen. À Dieu soit
gloire à jamais. Amen.
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