LA
MÉDITATION DU CHRÉTIEN,
ou
SERMON
Sur le Ps. XIX. v. 15.
Pierre Butini
Ministre du Saint Évangile.
1786
***********
Que les paroles de ma bouche et
la médition de mon coeur te soient
agréables, ô Éternel mon Rocher
et mon Rédempteur.
Reçois
favorablement les paroles de ma bouche Et les
sentiments de mon coeur, O Éternel, mon
rocher et mon libérateur ! (Ps. XIX. 15)
Mes Frères, Le coeur de l'homme est trompeur et
désespérément malin par-dessus
toutes choses ; qui le connaîtra ?
Je suis l'Éternel qui sonde les coeurs et
qui éprouve les reins, pour donner
à chacun selon sa voie et
selon le fruit de ses oeuvres.
(Jérém. Ch. XVII. v. 9.
10) Tout est nu et à
découvert devant les yeux
pénétrants de celui à qui nous
avons à faire ici.
Auprès des hommes, il suffit presque de
ménager les apparences ; Ils ne jugent
des pensées, des affections de l'âme,
que par la conduite extérieure, et il est
facile de les tromper par une artificieuse
hypocrisie. Mais notre souverain Juge ne tient
compte de nos bonnes oeuvres, qu'autant qu'elles
ont pour principe des motifs saints et louables et
qu'autant qu'elles ont pour but l'avancement de sa
gloire et l'édification de nos
frères. Il ne fait pas moins d'attention aux
mouvements de nôtre coeur, qu'à nos
actions et à nos démarches, et ce
n'est qu'à ceux qui sont nets de coeur
qu'il fera voir sa face en justice.
Nôtre Prophète paraît
pleinement convaincu de cette
vérité ; non content de demander
à Dieu, qu'il le soutienne dans la pratique
de ses devoirs, il implore encore le secours de sa
grâce, afin qu'elle règle ses
pensées mêmes et ses inclinations les
plus secrètes. Que la méditation
de mon coeur, dit-il, te soit
agréable, ô Éternel, mon
rocher et mon
Rédempteur !
Ces paroles peuvent regarder l'excellent Cantique
même, dont elles sont la clôture. Elles
font l'effet d'une humble défiance
(méfiance) qu'a
l'Auteur sacré, tant sur les mouvements de
son coeur, que sur les expressions de sa
bouche.
Il prie son Dieu de supporter avec indulgence les
défauts et les imperfections qui peuvent s'y
être mêlées. Ce Psaume à
des beautés incomparables. On nous y donne
les idées les plus nobles et les plus
majestueuses de la Divinité, et de ses
perfections. On nous y fait une peinture de ses
ouvrages tout à fait propre à exalter
la profonde sagesse et son infinie
puissance. Quels traits n'y emploie pas le
Prophète pour nous faire concevoir
l'équité et les douceurs des Lois
Divines ? Il en fait un portrait qui charme,
et qui nous porterait à les pratiquer pour
elles-mêmes, quand elles ne seraient pas
appuyées d'ailleurs, par de ravissantes
promesses. Il y trouve les lumières les plus
sûres et les plus épurées, des
consolations vives et touchantes ; et il
s'exprime là-dessus en des termes qui
marquent qu'il est pénétré
jusqu'au fond de l'âme de
sentiments qu'il fait paraître ; II
préfère la connaissance, et surtout
l'observation des lois de Dieu, a tout ce que le
monde a de plus attrayant, de plus exquis et de
plus rare ; et bien loin qu'il y ait rien de
contraint et de forcé dans son
obéissance, il témoigne qu'il en fait
toute sa joie, et qu'il ne goûte de
satisfaction, qu'à pratiquer les ordres de
son grand Maître.
Ensuite il fait une confession humble et
sincère de ses fautes ; II ne se
contente pas d'implorer la miséricorde de
Dieu sur les péchés les plus criants,
les plus grossiers, sur ceux qui avaient
laissé dans sa conscience des plaies
cuisantes et profondes ; II y demande encore
le pardon de ses fautes les plus
légères, de celles qu'il pouvait
avoir commises par inadvertance, de celles qui lui
étaient échappées
malgré lui, et par une faiblesse presque
invincible, de celles dont à peine avait-il
conservé la mémoire, ou qui
s'étaient entièrement effacées
de son souvenir, tant elles semblaient
petites.
Enfin il reconnaît combien il est incapable
de s'acquitter de ses devoirs par ses propres
forces, il implore le secours
d'en-haut, afin de pouvoir se garantir de nouvelles
chutes ; II fait éclater une ardeur
vive et empressée pour la sanctification et
pour la réformation entière de sa
conduite ; mais il fait et il avoue en
même temps, que ce grand, que ce
pénible ouvrage est beaucoup au-dessus et de
ses forces et de sa constance, que sans
l’assistance de Dieu il ne saurait s'arracher
avec efficace au monde et à ses
délices.
Voilà les sentiments qui règnent dans
tout ce Cantique, mais exprimés d’une
manière tout à fait propre à
les inspirer aux autres. Cependant telle est
l’humilité de notre Prophète,
qu'il croit avoir besoin d'indulgence et de
support, par rapport à cet acte même
de sa piété et de sa
reconnaissance : il craint que son amour n'ait
pas été assez tendre, que sa
gratitude n'ait pas été assez vive,
que ses transports n'aient pas été
assez animés, que son attention n'ait pas
été assez soutenue, que d'importunes
distractions ne soient venues troubler le sacrifice
de ses lèvres, qu'une languissante froideur
n'ait ralenti les mouvements de son zèle,
que ses expressions n'aient pas été
assez respectueuses assez
conformes à la suprême grandeur de
celui dont il célébrait les louanges,
et que les sentiments de son coeur n'aient pas
entièrement répondu aux paroles de sa
bouche ; II craint qu'il ne fut pas dans le
fond aussi rempli de la grandeur, des
bontés et des perfections infinies de Dieu,
qu'il le fait paraître, qu'il n'y eut dans
ses expressions plus de vivacité, que dans
les sentiments de son âme. Que la
méditation de mon coeur,
s'écrie-t-il, dans cette
appréhension ; Que la
méditation de mon coeur, que les
paroles de ma bouche te soient
agréables, o Éternel,
mon rocher et mon Rédempteur.
Quelle prodigieuse différence entre les
dispositions où se trouve nôtre
Prophète, et celle de la plupart des
Chrétiens ! On regarde le devoir de la prière, comme
une tâche désagréable et
gênante, on s'en dispenserait presque, si
ce n'était pas se plonger dans une
indévotion entière ; on
tâche de s'en tirer le plus promptement qu'il
est possible, et bien loin de faire de
sérieuses réflexions sur la
manière dont on s'est acquitté de
cette obligation feinte, on est toujours assez
content de soi-même, pourvu
qu'on ne l'ait pas entièrement
négligée. On prie avec langueur, avec
ennui, avec nonchalance ; on prie presque sans
application à ce qu'on dit, on ne se
présente devant Dieu qu’en apparence,
pendant que le coeur est tout rempli, tout
occupé de pensées mondaines ;
point de zèle, point de ferveur, point
de respect dans cet exercice ; et cependant on
ne daigne pas s'en faire le moindre reproche, et
finir au moins ses prières par un aveu
ingénu et humble de son indignité, en
gémissant amèrement sur sa
stupidité, sur sa profane
indifférence et en demandant à
Dieu avec larmes, qu'il lui plaise d'exaucer nos
voeux malgré les défauts si
essentiels qui les accompagnent, et qu'il nous
fasse la grâce de nous présenter dans
la suite devant lui avec des dispositions plus
respectueuses et plus Chrétiennes ; il
faut dire avec David ; Que la
méditation de mon coeur te soit
agréable.
C'est par là que devraient commencer
toutes nos prières, afin d'obtenir cet
esprit de supplication qui prie dans le coeur des
fidèles par des soupirs inénarrables
(inexprimables).
Souvent nous demandons à Dieu de faux biens,
que nôtre aveuglement nous fait regarder
comme véritables et solides, mais qui sont
en effet des maux très réels et
très funestes ; et ce Suprême
Arbitre de toutes choses ne saurait nous donner des
marques plus accablantes de son indignation, qu'en
exauçant des prières si
téméraires.
Au lieu de lui abandonner entièrement le
soin de ce qui nous concerne, nous
prétendons faire la loi à sa sagesse
et à sa providence.
L'un demande des richesses, et peut-être les
emploiera-t-il pour satisfaire ses désirs
déréglés, peut-être
rempliront-elles son coeur d'une présomption
excessive.
L'autre demande la santé avec des mouvements
d'inquiétude et d'impatience, et
peut-être en ferait-il un pernicieux et
criminel usage.
Plusieurs demandent des dignités, un rang
distingué dans le monde, et peut-être
ne s'en serviront-ils que pour satisfaire leur
ambition et leur vanité. Mais pour les biens
précieux de la grâce, à peine
daigne-t-on les rechercher par ses prières,
ou on ne le fait au moins que par manière
d'acquit
(par devoir, par
obligation),
avec la dernière indolence.
Ces biens exquis et inestimables, on ne les
juge presque pas dignes de ses
empressements et on abandonne avec une
stupidité aveugle le capital, l'essentiel,
ce qui peut seul nous procurer un bonheur solide et
durable, pour s'appliquer uniquement à
l'acquisition des biens de la terre, qui sont si
trompeurs, si vains, si fragiles.
Des prières de ce caractère ne font
qu'irriter la Divinité contre ceux qui les
lui adressent, bien loin de leur procurer les
effets de sa faveur et de sa bienveillance.
L'Évangile n'a presque en vue que de nous
détacher de ce monde : et nous ne
présentons à Dieu dans nos
prières, que des coeurs tout remplis des
convoitises mondaines ; et pour ce qui est des
richesses de la grâce, dont la parole de Dieu
nous fait des peintures si attrayantes, on n'en
connaît pas du tout le prix, et l'on y est
entièrement insensible.
Jugez après cela s'il n'est pas absolument
nécessaire que nous demandions à Dieu
avant que de commencer nos prières, qu'il
nous inspire lui-même ce qui doit en faire
l'objet, afin que nous n'ayons ni désirs, ni
inclinations qui ne lui soient agréables.
Mais ce n'est pas encore assez, et
il faut que nos prières
soient accompagnées de plusieurs saintes
dispositions, pour être exaucées. Nous
devons être tout
pénétrés de la Majesté
suprême de l'Être que nous adorons, et
que nous invoquons dans nos
nécessités ; nous devons
nous anéantir en sa présence par
l'humiliation la plus profonde. Nôtre
respect, nôtre vénération ne
doivent avoir aucunes bornes.
C'est le Maître souverain du monde, c'est le
sage, le puissant Auteur de ces ouvrages si
grands, si merveilleux qui nous
environnent. C'est le suprême dispensateur de
tous les biens, de toutes les grâces
temporelles et spirituelles. Il possède dans
un degré sublime toutes les perfections
imaginables ; il est élevé
par-dessus tous les Cieux et il habite une
lumière inaccessible. Nous sommes à
son égard dans une entière
dépendance ; sans sa
bénédiction, tous nos soins sont
inutiles, tous nos projets s'évanouissent,
nos entreprises les mieux concertées, les
mieux conduites échouent ; nôtre
chair, nos passions, triomphent de nôtre
faiblesse ; ils nous tiennent opprimés
sous leur joug, et dans un
honteux esclavage.
Voilà les réflexions qui doivent nous
occuper, avant que de faire nôtre
prière.
Voilà les sentiments de respect et
d'humiliation, que nous devons demander à
Dieu qu'il nous inspire, afin que la
méditation de notre coeur lui soit
agréable, au lieu que pour l'ordinaire,
nous paraissons en sa présence redoutable,
sans la moindre préparation, sans
réfléchir tant soit peu, et sur ce
qu'il est, et sur ce que nous sommes, l’esprit
encore tout rempli de pensées frivoles, et
quelquefois même de pensées vicieuses
et criminelles.
Enfin nôtre zèle, nôtre ardeur
doit être proportionnée à
l'excellence des biens précieux, qui sont
l'objet de nos voeux et de nos prières,
C'est la grâce de la sainteté qui fait
nôtre première gloire, qui nous rend
agréables à Dieu, qui nous procure la
protection, son amour, qui retrace en nous son
image, qui nous transforme à sa
ressemblance. C'est le pardon de nos fautes qui
nous fait approcher avec confiance du trône
de la grâce, qui comble nôtre
âme, d'une douceur, d'une paix, et d'une joie
ineffable, qui dissipe nos
frayeurs, nôtre désespoir, nos
alarmes, qui nous fait trouver en Dieu, non pas un
Juge sévère et terrible, mais un
Père tendre et propice ; qui nous rend
héritiers de Dieu et cohéritiers du
Seigneur Jésus ; qui nous donne de
légitimes prétentions sur la
béatitude céleste, qui nous en
procure dès cette vie et les
avant-goûts et les arrhes, et qui ne manquera
pas de nous en faire posséder un jour la
plénitude pendant toute l'étendue des
siècles. Nos transports sauraient-ils
être assez vifs, nôtre ardeur assez
empressée, nôtre zèle assez
animé, nos désirs assez
véhéments, nôtre coeur assez
enflammé, nos prières assez
ferventes ?
Mais le malheur est que tout précieux, tout
immenses que sont les biens de la grâce et de
la gloire, nous ne sommes à leur
égard que tiédeur et
qu'indifférence : nous ne les demandons
presque que pour la forme, mais sans une intention
sincère de les ravir par une
importunité pieuse, par une sainte violence.
Les délices du présent siècle,
ses amusements, nous tiennent lieu de tout, nous y
bornons nôtre
félicité, et travaillant uniquement
pour cette vie, ne soupirant qu'après ce qui
peut flatter nos sens, nôtre vanité,
nos passions vicieuses, à peine pensons-nous
qu'il y ait des biens plus relevés, plus
dignes de nos empressements, et des joies plus
vives, et plus solides.
Il n'y à que l'Esprit Saint qui puisse
enflammer nos désirs, et animer nos
prières ; II n'y a que le
charbon pris de dessus l'Autel, qui puisse
allumer dans nos coeurs les flammes d'une
dévotion fervente ; II n'y a que Dieu
lui-même qui puisse sanctifier nos voeux, et
y imprimer les caractères qui seuls les
rendent efficaces. Que la méditation de
mon coeur te soit agréable, ô
Éternel, mon rocher et mon
Rédempteur, doit dire le fidèle,
avec l'homme selon le coeur de Dieu.
Mais étendons plus loin, Mes Frères,
les vues de ce saint Prophète ; il
vient de confesser ses péchés commis
par erreur, et ses fautes cachées, il vient
de demander à Dieu qu'il le préserve
de ces péchés que l’on commet
par un principe d'obstination dans le crime, et
contre les lumières les plus distinctes de
sa conscience
N'y a-t-il pas beaucoup d'apparence, quand il
implore sa grâce dans nôtre
texte ; afin qu'elle l'empêche aussi de
tomber dans les fautes même les plus
légères afin qu'elle sanctifie en
général ses pensées et ses
paroles, en sorte qu'il ne lui en échappe
aucune qui ne contribue à
l'édification du prochain et à la
gloire de son grand Maître ?
Il serait à souhaiter qu'il ne
s'élevât dans nos coeurs, ni
désir, ni pensée, qui ne fut bien
réglée, et toute
Chrétienne ; mais telle est nôtre
faiblesse et le dérèglement naturel
de nôtre esprit, que nous ne saurions sans
témérité prétendre
à une pureté si parfaite. Nous ne
sommes pas les maîtres d'empêcher que
mille pensées soudaines et imprévues
ne naissent malgré nous, dans nôtre
âme : souvent nous ne pouvons pas les en
bannir aussitôt que nous souhaiterions, elles
y laissent des traces qui ne s'effacent pas dans un
moment, il faut que le temps les dissipe, ou
qu'elles s'évanouissent d'elles-mêmes.
Nôtre condition à cet égard est
bien triste, et doit nous rendre à nos
propres yeux bien vils et méprisables, Que
l'on prenne l'homme en apparence
le plus grave et le plus sage, de ces gens qui
semblent ne s'occuper que de choses ou pieuses, ou
au moins importantes et solides ; de ces gens
qui regardent avec dédain tout ce qui sent
la bagatelle, et qui n'est d'aucune
conséquence : Qu'il nous soit permis de
pénétrer au travers de cet
extérieur vénérable, et qui
nous fait concevoir des idées si
avantageuses de la situation de leur âme.
Combien de pensées absurdes, combien de
désirs ridicules et vicieux peut-être,
combien de projets extravagants, combien de
mouvements de vanité, mais dune
vanité pleine de petitesse et mal entendue,
ne verrions nous pas se succéder en foule
les uns aux autres dans son coeur ?
Qui est-ce qui pourrait soutenir un examen de cette
nature, et sans être comme accablé de
confusion et de honte ?
Ainsi, Mes Frères, avouons qu'à cet
égard nous sommes très faibles et
qu'il n'y a que Dieu qui puisse réformer un
dérèglement si étrange.
Demandons lui avec ardeur qu'il nous corrige, qu'il
nous change ; Car enfin aucune de nos passions
honteuses, aucune de nos pensées
ridicules ne lui
échappent. Et quel spectacle pour cet
Être suprême, que de voir des
créatures qu'il n'a tirées du
néant qu'afin qu'elles soutinssent avec
dignité l'excellence de leur nature, et la
grandeur de leur destinée, ramper pourtant
avec tant de bassesse, se faire une occupation
presque continuelle de choses frivoles, former nuls
desseins fous et nuisibles, et qui ne sauraient
à la fin manquer de les perdre ?
Mais le principal et ce que nous devons
demander avec le plus d'empressement et d'instance,
c'est que nous n'attachions pas au moins
nôtre esprit à des pensées de
cette nature, c'est que nous n'en fassions pas le
sujet de nos méditations les plus
appliquées ; que nous ne
négligions rien pour les étouffer
dès leur naissance même ; que
nous ne nous plaisions pas à les entretenir
par des réflexions pernicieuses ; que
bien loin de les exciter ou de les nourrir dans nos
coeurs, nous gémissions de ne pouvoir pas
l'épurer entièrement de ces
pensées ou criminelles ou extravagantes.
Rien ne nous attache plus vivement
à ce qui frappe nos sens et qui
les flatte. Nous ne connaissons presque de biens
réels, que ceux que nos sens et que le monde
nous procure.
Voilà les funestes douceurs qui nous
ravissent et qui nous enchantent !
Voilà ce qui enflamme nos désirs et
qui réveille nos convoitises !
Voilà ce qui fait le sujet de nos
rêveries les plus agréables ! et
voilà après quoi nous soupirons avec
la passion la plus emportée !
Si nous ne jouissons pas actuellement de ce que
nôtre âme souhaite, nous nous faisons
au moins un amusement plein de charmes de nous en
occuper, de nous le promettre.
Nos passions souvent rebutées
s'évanouiraient d'elles-mêmes ;
mais les espérances flatteuses dont nous
nous repaissons, les entretiennent et les
fortifient. Les impressions dangereuses que les
objets sensibles peuvent avoir faites dans nos
coeurs, deviennent tous les jours plus profondes,
et à là fin entièrement
ineffaçables.
Un homme esclave de ses plaisirs ne roule dans son
esprit d'autres pensées, que celles que lui
inspirent ses passions honteuses, ses
voluptés passées, ou celles qu'il se
promet dans la suite.
Est-il possible que Dieu jette
sur une âme si
dépravée, de favorables
regards ? Les soucis, les inquiétudes
du siècle, n'obsèdent pas moins
l'Esprit. Non seulement elles font passer les
journées presque entières, sans
songer sérieusement à ce que Dieu a
fait pour nous, et à ce que nous sommes
obligés de faire pour lui, afin de lui
témoigner nôtre reconnaissance :
Mais ne dérobent-elles pas même
à la dévotion les moments si courts
et si rares qu'on lui destine ? N'en est-elle
pas troublée et interrompue ? N'y
répandent-elles pas de la distraction, de la
langueur et de la négligence ?
Nos prières n'en sont-elles pas plus
froides et moins appliquées si ce n'est quand il s'agit de demander au Ciel, ou le
succès de nos desseins, ou un remède
à nos inquiétudes ?
On assiste bien souvent aux saintes
Assemblées, comme n'y étant
point ; on y porte ses sollicitudes mondaines,
et on s'en occupe tout entiers, en la
présence de Dieu même. Ce ne sont chez
bien des gens, que projets nouveaux pour avancer sa
fortune, ce n'est qu'une continuelle application
à profiter des conjonctures, ou à en
faire naître de favorables, ce ne sont que
profondes réflexions sur
les voies les plus sures et les plus propres
à réussir dans ses entreprises. Nous
ne prétendons pas condamner les soins que
l’on se donne pour pourvoir à ses
nécessités, et à celles de sa
famille, après que l'on s'est
acquitté avec toute l'exactitude dont on est
capable de ses devoirs envers Dieu : Ces soins
sont légitimes et indispensables.
Mais ce qui nous semble peu conforme aux maximes de
l'Évangile, ce sont ces vues si ambitieuses,
si vastes, qui font que l’on ne fait donner
aucunes bornes à ses convoitises, que l'on
voudrait tout engloutir par une avidité
démesurée et insatiable ; que
l'on cherche plus à satisfaire la
vanité, son amour pour l'éclat et
pour la pompe, qu'à se mettre en état
de soulager les misérables, et de donner
à ses enfants une éducation
avantageuse. Et plut à Dieu que l'on s'en
tint encore à ne pas régler ses vues
et ses desseins avec assez de modération et
de retenue !
Ce qu'il y a de pis, c'est qu'on se permet tout
pour réussir dans ses entreprises ; on
n'examine pas si les moyens que l'on emploie sont
légitimes, on se contente qu'ils soient
sûrs et immanquables.
Combien de supercheries ne met-on pas en oeuvre
pour se tromper les uns les autres, pour
établir sa fortune, ou pour la soutenir,
pour se tirer d'embarras, au préjudice de
son prochain ?
Tel est le sujet et le fruit des
méditations les plus sérieuses et les
plus ordinaires d'un très grand nombre de
personnes. Pourvu que le larcin ne soit pas
grossier et qu'il se puisse pallier
(se dissimuler) en quelque
manière, combien de gens qui s'en font peu
de scrupule ?
Vous diriez que c’est un privilège
attaché à la profession que l'on
exerce. Et ces gens qui ont les mains pleines
d'extorsion et de rapine, ne sont pas moins
contents de leur conduite, ne sont pas moins
remplis de présomption et de
confiance, que s'ils s'étaient enrichis ou
maintenus par les voies du monde les plus
équitables.
Un vindicatif qui croit avoir reçu quelque
injure, se donne-t-il le moindre repos
jusqu'à ce qu'il ait donné effort
à son ressentiment et à sa
rage ; Ne met-il pas toute son
application, toute son industrie à imaginer
les moyens de satisfaire sa passion dans toute son
étendue et sans courir aucun risque ?
N'a-t-il pas le coeur déchiré par le
plus violent dépit lors qu'il ne saurait
venir à bout
d'exécuter ses desseins funestes ? En
un mot, nous ne méditons la plupart du temps
que sur ce qui a du rapport à nos faiblesses
et à nos affections dominantes ; nos
pensées sont toujours terrestres, souvent
même elles sont vicieuses : Et
nôtre vie n'est qu'un tissu continuel ou
de vues intéressées ou de desseins
criminels, ou de projets illégitimes.
Ah ! que nous avons bien besoin que la
grâce nous sanctifie, qu'elle nous
détache du monde, qu'elle réprime nos
convoitises, qu'elle efface les impressions si
vives, que font dans nos coeurs les objets
sensibles, qu'elle nous les fasse regarder avec
dédain, ou au moins avec
indifférence, qu'elle nous en
découvre la fausseté, l'inconstance,
les pièges ; qu'elle nous donne
du goût et du zèle pour les biens
spirituels, qui sont les seuls qui nous puissent
procurer une félicité solide. De nous-mêmes nous ne saurions avoir une
bonne pensée ; II n'y a que
l'Auteur de tout don parfait qui puisse nous
inspirer des dispositions Chrétiennes et
saintes ! c'est à lui que nous devons nous
adresser avec d'ardents soupirs, et par des voeux
sincères pour lui
dire ; Que la méditation de
notre coeur te soit agréable !
Il ne suffit par d’écarter de notre
esprit ces pensées vicieuses que
l'Évangile condamne ; II ne suffit pas
de n'avoir pas le coeur
pénétré et toujours rempli ou
d'un sordide intérêt, ou d'une
sensualité grossière ; mais il
faut lui donner des objets dignes de la
qualité d'enfants de Dieu que nous
possédons, et d'héritiers du Royaume
céleste. Ce serait une stupidité
criminelle que de ne s'occuper de rien.
La Religion et la Nature nous fournissent des
sujets de méditation relevés,
importants et sublimes. Un Être
éternel, tout parfait, immense, les
merveilles étonnantes de ses bontés
infinies et de sa profonde sagesse, l'incomparable
beauté qui éclate dans tous ses
ouvrages, cet artifice sans égal, qui
paraît dans leur structure, la conduite de sa
Providence, la durée de cet Univers qu'il
soutient depuis tant de siècles, dans un
état si uniforme ; le cours si
réglé, si invariable de ces corps
lumineux, qui roulent sur nos têtes ; la
pluie et la chaleur qu'il dispense successivement
avec un soin si utile pour les hommes ; tout ce qui peut
servir à nos besoins, qu'il tire du sein de
la terre avec abondance, les douceurs mêmes
qu'il nous fait goûter dans tout ce qu'il a
créé pour nôtre usage.
Tous cela mérite bien que nous y fassions de
temps en temps des réflexions
sérieuses, pour rendre au Sage Auteur de la
Nature, au Suprême Arbitre de toutes choses,
les actions de grâces, et les louanges qui
lui sont dues.
Mais ce qui doit nous occuper surtout, et ne sortir
jamais de nôtre pensée, ce sont les
faveurs signalées, les richesses
inépuisables qu'il nous procure par son
Évangile. Cette bonté
incompréhensible avec laquelle il nous
supporte, la longue attente de ses compassions, qui
nous invite tous les jours à la
repentance ; le pardon qu'il nous offre de nos
fautes même les plus criantes, de nos
habitudes les plus invétérées,
pourvu que nous y renoncions par une conversion
sincère ; le sang de son Fils unique
qu'il a répandu pour nous, afin qu'il fit
l'expiation de nos offenses.
Alors que tous ces prodiges de tendresse ne nous
touchent presque point, ou ne le
font que d’une manière très
faible, alors que nous n'y pensons presque jamais,
ou que nous ne le faisons le plus souvent qu'en
passant et avec nonchalance :
- c'est ce qui devrait nous ravir hors de nous,
- c'est ce qui devrait nous remplir tout entiers et
nous occuper sans cesse,
- c'est ce qui devrait exciter dans nos coeurs de
saints transports et une reconnaissance sans
bornes,
- c'est ce qui devrait nous inspirer pour un si bon
maître, un dévouement sans
réserve, et nous faire surmonter avec joie
les plus grandes difficultés, pour lui
témoigner que rien ne nous coûte quand
il s'agit de lui obéir et de lui
plaire.
Ce n'est pas assez de nous occuper des grands et
nobles objets de la nature et de la grâce,
nous devons aussi méditer sur le
péché. Mais il faut prendre garde car
cet objet a deux côtés, l'un
agréable, et propre à nous
corrompre ; et l'autre hideux et propre
à nous sanctifier ; Bien loin de le
regarder par ce qu'il a de propre à nous
séduire, il faut méditer.
sérieusement sur les horreurs
du vice, sur tout ce qu'il a de
bas, de honteux et de détestable ; il
faut s'en faire des peintures affreuses, et propres
à le faire rejeter arrière de nous
avec une indignation toute sainte ; II n'y a
point d'horreur qu'il ne cache sous des
apparences flatteuses.
Pécher, c'est insulter la Divinité
elle-même,
- c'est mépriser ses lois ; les plus
inviolables,
- c'est renoncer à son amour, c'est le
renverser de dessus son trône, pour y placer
nos passions et nos convoitises, pour nous y placer
nous-mêmes avec une impiété
audacieuse,
- c'est ne faire, aucun cas des glorieuses
récompenses qu'il nous propose,
- c'est regarder les menaces de son Évangile
comme une fiction, comme de pures
chimères,
- c'est préférer la faveur du monde
à la sienne,
- c'est s'endurcir, se soulever contre les
exhortations les plus pressantes, les plus
vives,
- c'est payer les bienfaits les plus inestimables,
de l'ingratitude la plus odieuse,
- c'est crucifier de nouveau le Seigneur de
gloire,
- c'est tenir pour une chose profane le
précieux sang de son alliance.
Voilà les caractères du
péché et de la
persévérance dans le vice ;
Voilà ce que nous devrions
toujours avoir devant les yeux, afin que la seule
idée du crime nous soulevât, et nous
rendit incapables de le commettre, afin que nous ne
fussions pas le dupe des artifices du Diable, qui a
soin de nous présenter les actions
les plus criminelles sous une face riante et
perfide, et de nous en cacher la noirceur.
Ce ferait là un préservatif
assuré contre le venin de la
convoitise, et un bouclier
impénétrable à tous les traits
de nos ennemis les plus malins.
Il nous arrive souvent de méditer sur les
défauts d'autrui, et de gémir sur les
désordres, que l'on voit régner dans
le monde : mais nous évitons avec soin
de nous étudier, et de nous
connaître nous-mêmes.
Nous ne pouvons presque faire à cet
égard que des découvertes
mortifiantes, nôtre amour propre ne nous
permet pas d'entrer dans le détail de nos
imperfections et de nos faiblesses. La
vanité les couvre d'un voile pour
l'ordinaire impénétrable, elle les
déguise, elle les fait disparaître,
elle les adoucit, elle les excuse, elle les
revêt presque toutes d'un caractère
d'innocence ; Elle les
justifie sur l'exemple des
autres hommes, dont les sentiments ne sont pas plus
Chrétiens, ni la conduite mieux
réglée.
Elle les rejette sur l'infirmité de
nôtre nature qui les rend inévitables,
quoi qu'avec une sérieuse application l'on
pût enfin venir à bout de les
surmonter, et de les vaincre.
Elle érige souvent en vertus nos
défauts les moins pardonnables. L'avarice
perd à nos yeux ce qu'elle a de honteux et
de bas ; on a soin de l'appeler une sage
prudence, une économie louable. Le
ressentiment, la vengeance sont, dit-on, les
sentiments du monde les plus légitimes, les
effets d'un coeur bien placé, d'une
âme grande et généreuse. Les
voluptés les plus criminelles ne sont, dans
le discours de ces gens-là, qu’un
amusement nécessaire, pour passer ses jours
d’une manière moins languissante.
Mais l'on ne croit jamais porter ces
désordres à un excès qui soit
condamnable, on se flatte toujours d'observer assez
de modération et de retenue ; et ce
qu'on blâme le plus dans les autres, on le
souffre tranquillement chez soi, on s'en applaudit
même par une prévention tout à
fait aveugle. C'est là ce
qui devrait faire le sujet de nos
méditations les plus sérieuses et les
plus fréquentes.
Nous croyons être riches, et nous sommes dans
une étrange disette de vertus et de bonnes
oeuvres ; c'est là ce qui nous perd,
c'est là ce qui nous plonge dans une
sécurité funeste.
Nous croyons être nets de tout
péché, et nôtre âme se
trouve infectée par les souillures les plus
honteuses ! Voilà ce qui
précipite les pécheurs en foule dans
le fond de l'abîme !
Ouvrons enfin les yeux sur nous-mêmes ;
cette pénétration qui nous rend si
clairvoyants sur les défauts du prochain,
appliquons-la à découvrir les
nôtres ; ne nous flattons, ne nous
ménageons en aucune manière :
c'est là l'unique moyen de nous reformer, de
nous changer en de nouvelles
créatures :
Levons le voile trompeur, qui nous déguise,
qui nous cache nos faiblesses, et qui nous
empêche de connaître à fond
nôtre corruption et nos vices. Nos
méditations là dessus ne
sauraient qu'être très
agréables à Dieu, nôtre
Père, et notre Juge.
Mais il ne suffit pas qu'aucun de
nos défauts
n'échappe à nôtre application
et à nos recherches, il faut encore nous
instruire avec soin des moyens de nous en
défaire. C'est ce que faisait nôtre
Prophète ; il méditait jour et
nuit la Loi du Seigneur ; il faisait de cette
salutaire étude, toute sa joie et toutes ses
délices. Tes témoignages sont
mes plaisirs, dit-il, lui-même, 0
combien j’aime ta Loi, j’ai pris
pour héritage tes témoignages, car
ils sont la joie de mon coeur ; tes
témoignages sont des choses
merveilleuses.
II en fait sans cesse l'éloge, mais
d'une manière à montrer qu'il en
sentait vivement la beauté et l'excellence.
La Loi de l’Éternel est
parfaite, restaurant l’âme, le
témoignage de l’Éternel est
assuré, donnant la sagesse aux impies, les
commandements de l'Éternel sont droits,
réjouissants le coeur, le commandement de
l’Éternel est pur, faisant que les yeux
voient.
Voilà un exemple qui doit nous servir et
d'aiguillon et de modèle ; c'est dans
les saintes lettres que nous devons chercher les
paroles de la vie éternelle ; c'est
là où nous devons puiser comme dans
une source abondante et pure, les eaux de salut et
de grâce. C'est de cette
sainte pâture que nous devons nourrir nos
âmes dans l'espérance de la
béatitude céleste ; c'est
l'Évangile qui doit servir de lampe
à nos pieds et de lumière à
nos sentiers, en méditant ses
préceptes avec une application assidue, en
sorte qu'ils fassent dans nos coeurs des
impressions profondes et ineffaçables,
qu'ils soient toujours présents à
notre mémoire, et que nous ne les perdions
jamais de vue.
Nous ne manquons guère de lumières,
mais elles sont faibles et presque éteintes
à cause du peu de soin que nous prenons
à les entretenir, le trouble de nos passions
nous empêche facilement de les rallumer dans
le temps que nous en aurions le plus de besoin pour
éclairer nos pas et pour soutenir
nôtre constance.
Nous cherchons avec empressement à nous
instruire des vérités de
spéculation qui satisfont notre
curiosité, qui sont la matière de nos
controverses, qui ne gênent point nos
inclinations
(inclinaisons), et qui n'ont
aucune influence dans nôtre conduite.
Nous méditons aussi avec joie les
vérités qui nous consolent, qui
répandent la paix dans nos consciences, qui
nous rassurent contre nos
alarmes.
Combien de pécheurs qui semblent avoir
fondé toutes les profondeurs de la
miséricorde Divine, qui ne donnent aucunes
bornes à la confiance qu'ils ont en la
bonté de Dieu, et en la mort de son Fils
Unique, et qui quand on leur parle et de la
tempérance, et du
désintéressement, et du pardon des
injures, sont tout aussi surpris que si on
leur prêchait un nouvel Évangile, tant
il est vrai que nos lumières à
l'égard de la Morale sont très
confuses et imparfaites, et que rien n'est plus
essentiel, que de faire de sérieuses
réflexions sur tous nos devoirs, afin que
nôtre ignorance et nos erreurs ne nous
fassent pas tomber dans le piège.
Enfin, Mes Frères, les promesses et les
menaces de l'Évangile devraient nous occuper
sans cesse. Oh ! si nous avions bien devant
les yeux l'Enfer et toutes ses horreurs, ce ver
rongeur qui ne meurt point, ce feu qui ne
s'éteint point et dont la fumée monte
aux siècles des siècles
Si nous avions soin de nous dire, que telle est la
portion de ceux qui vivent dans le crime, et qui
meurent dans l'impénitence, que la mort les
saisira peut-être dans le plus
fort de leurs
désordres, qu'elle les traînera devant
le Tribunal de leur Juge, que leur repentance, si
elle est tardive, sera rejetée comme
contrainte, intéressée et
servile ; que leurs peines seront affreuses,
qu'elles dureront sans espoir, sans consolation,
sans adoucissement pendant une
éternité entière !
Qui est-ce qui serait assez stupide ; assez
furieux, assez ennemi de lui-même, pour ne
pas éviter avec toute Implication possible
des péchés dont la punition doit
être si épouvantable ?
Mais le malheur est qu'on ne
réfléchit pas assez souvent et assez
sérieusement sur les supplices, qui sont
réservez à
l’impénitence ; c’est que
cette voix terrible, morts sortez de vos
tombeaux pour comparaître en jugement, ne
retentit pas sans cesse à nos oreilles,
c'est que nous passions nos jours à cet
égard dans un oubli entier, dans une
indolence inconcevable.
Disons la même chose des récompenses
glorieuses, dont la vertu sera couronnée. De
bonne foi, si nous avions soin de nous faire
fréquemment de vives peintures de la
Jérusalem d'en-haut, de son éclat, de
sa pompe, de toutes ses merveilles, de ces
délices ineffables dont nous
serons comblez aux siècles
des siècles ; en un mot de tous ces
biens si relevés, si exquis, qui seront
à jamais le partage des
fidèles : quel cas ferions-nous alors
du monde et de ses vanités
frivoles ?
Ne le regarderions nous pas avec un
généreux mépris, avec une
noble indifférence ? Tout ce qu'il a de
plus précieux ne nous semblerait-il pas
indigne de notre attachement, et de nos
recherches ?
Ne serait-ce pas là une source
inépuisable de consolations dans nos
disgrâces les plus affligeantes ? Quand
nous aurions à être exposés
à toutes les rigueurs de la souffrance
pendant cette vie si courte, si incertaine, ne
compterions nous pas toutes ces épreuves
pour rien, et ne les soutiendrions-nous pas avec
une tranquillité inaltérable dans la
vue du bonheur éternel, immense, qui nous
est réservé aux lieux
célestes ?
Avouons encore une fois, mes Frères, que
nôtre grand défaut, c'est de nous
contenter de connaître et de croire ce que
l'Écriture nous dit de ces merveilles
augustes, et de ne pas prendre soin ne les graver
dans le fond de nos coeursdes
méditations sérieuses et
très souvent
réitérées.
D'où peut venir, je vous prie, cette
négligence si
incompréhensible ?
Quoi de plus délicieux pour nous, que de
tourner sans cesse nos regards du côté
du Ciel, que de contempler le Seigneur Jésus
assit à la droite de Dieu son Père,
nous préparant des Couronnes incorruptibles,
pour honorer nôtre triomphe ? que de
pénétrer au travers du voile par les
transports d'une foi vive ? que de jouir
déjà en quelque manière
dès cette vie de la félicité
suprême, qui nous est destinée dans
l'autre ?
Mais les biens, les plaisirs terrestres
épuisent toutes nos affections, et
remplissent nos coeurs dans toute leur
étendue ; il ne nous reste aucun
goût pour la béatitude
céleste ; tournés et rampants du
côté de la terre par nôtre
sensualité, par nôtre pente vicieuse,
nous n'avons pas la force d'élever
nôtre vue vers le Sanctuaire.
Réparons nôtre stupide nonchalance par
des réflexions salutaires et
fréquentes sur les biens du Ciel afin de
modérer enfin cette passion si
déréglée
que nous avons pour ceux de la terre. Faisons,
faisons, mes Frères, que la
méditation de notre coeur, à tous
ces égards, soit agréable au
Seigneur, nôtre Rocher et nôtre
Rédempteur.
Remarquez, Fidèles, que le Prophète
parle de la méditation de son coeur.
Souvent nôtre esprit pense,
réfléchit, raisonne, sans que
nôtre coeur soit touché, et sans qu'il
sorte de sa langueur ordinaire. Nous faisons de
saintes lectures et des méditations pieuses,
nous calculons nos fautes, nous les pesons à
la balance, nous étalons devant nos yeux les
faveurs de Dieu les plus signalées, nous
contemplons les grandeurs du Maître du monde,
nous avouons que les promesses de son
Évangile surpassent infiniment tout ce que
nous avons pu désirer et comprendre, que les
menaces sont capables de faire frémir les
âmes les plus fières : Mais
toutes ces réflexions s'arrêtent
à la superficie ; elles ne
pénètrent pas jusqu'au fond de
l'âme, elles n'y excitent pas des
émotions vives. Nous sentons bien que nous
sommes tous coupables, nous convenons bien, que
si Dieu nous traitait à la rigueur,
nous ne saurions subsister un seul
moment devant sa face. Il ne faut, pour se
convaincre de ces vérités
humiliantes, que comparer nôtre conduite avec
les Lois de nôtre grand Maître.
Mais nos coeurs sont-ils déchirés
dans la vue de nos
désobéissances ?
Mais nos âmes sont-elles remplies d'une
douloureuse amertume ?
Mais répandons-nous des larmes
abondantes et sincères ?
Mais nous détestons-nous en quelque
façon nous-mêmes ?
Mais nous accablons-nous des plus mortifiants
reproches ?
Mais sommes-nous au désespoir d'avoir
avec une persévérance
opiniâtre, offensé un si bon
Père, et à qui nous devions
être dévoués sans
réserve pour tant de raisons si
pressantes ?
Reconnaissons à nôtre honte que
nôtre repentir, que nos regrets n'ont point
ce caractère, et qu'ils font faibles et de
peu de durée. Quand nous nous sommes
instruits des préceptes que nous devons
pratiquer dans nôtre conduite, sortons-nous
de cette sainte étude avec un zèle
empressé, avec une vive ardeur, avec une
résolution sérieuse et
inébranlable de les observer, quoiqu'il nous
en coûte ?
Nous disons-nous à nous-mêmes,
charmés de leur équité et de
leur excellence ; Oui le monde entier avec
tous ses attraits, le Démon, avec tous ses
artifices, entreprendraient en vain de me
détourner de la bonne voie ; je ne
vivrai plus maintenant moi, mais Christ vivra en
moi, je suivrai ses inspirations, j'imiterai
son exemple, j'exécuterai ses ordres avec
une constance inviolable, et rien ne me
séparera de sa dilection
avec
des traits ineffaçables, et par
(son affection) et de son
obéissance.
Quand on nous parle du bonheur céleste,
quand on ramasse tous les traits les plus propres
à nous en donner une grande idée,
nos coeurs défaillent-ils après
les parvis de l'Éternel, après le
Tabernacle de sa gloire ?
Ressentons-nous ces vives faillies (manques) d'une joie
inénarrable, à la vue de nos grandes
destinées ?
Souhaitons-nous avec ardeur de
déloger, pour être avec
nôtre Sauveur y pour partager avec lui sa
félicité et son
trône ?
Ha ! Mes Frères, nous écoutons
et nous lisons les descriptions les plus touchantes
de la Jérusalem céleste, avec un
sang-froid inconcevable et l’espérance
d'une joie très médiocre, ou un
léger plaisir, nous animent plus que la
possession de Dieu
lui-même, de son amour. et de toutes ses
grâces. Endurcissement étrange que les
exhortations les plus fortes ne sauraient vaincre,
si l'Esprit saint ne les rend efficaces !
Implorons avec ardeur un secours qui nous est si
nécessaire. Nous avons bien besoin de
sagesse. Demandons-là à Dieu, qui la
donne libéralement, et elle nous sera
accordée : Mais demandons-la avec un
zèle proportionné à son prix, à son excellence. Celui qui plante et celui qui
arrose ne sont rien, c'est Dieu qui donne
l’accroissement :
Convaincus de nôtre faiblesse, confus du
peu de succès de nos résolutions,
..... dans l'humiliation de nôtre âme,
joignons nos voeux afin que le Dieu de notre
Seigneur Jésus-Christ, le Père
de gloire nous donne l'esprit de sagesse, qu'il
rende les yeux de notre entendement
illuminés, pour comprendre quelle est
l’espérance de sa vocation, et
quelles sont les richesses de la gloire de son
héritage ! Que nous soyons
puissamment fortifiés par
son esprit en l'homme
intérieur, de sorte que Christ habite en nos
coeurs par la foi, jusqu'à ce que nous
soyons réunis au Ciel, où il sera
tout en tous et où nous serons tout en lui,
comblez de gloire, et jouissant d'un bonheur qui ne
finira jamais.
Amen.
|