Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'ORAISON DOMINICALE
Considérée comme un résumé du christianisme


ATHANASE COQUEREL
l'un des Pasteurs de l'Eglise réformée de Paris
 1850
***********
I

 LA SANCTIFICATION DU NOM DE DIEU

Que ton nom soit sanctifié ! ( Saint Matthieu, VI, 9.)

Mes Frères,
Détruire l'idolâtrie et populariser l'idée pure de Dieu, au point de rendre impossible tout retour de l'esprit humain vers le paganisme ; abolir l'exception religieuse qui avait constitué le peuple hébreu en peuple unique de Dieu et faire expirer son privilège en même temps que son mandat, c'était, s'il est permis de parler ainsi, la première affaire du Christianisme, sa première tâche, sa première conquête, et comme cette pensée ouvre le Christianisme, elle ouvre l'Oraison Dominicale.

Quelle en est la seconde ?
La notion de Dieu, révélé au monde comme le Père commun des hommes, suppose, avons-nous dit, la foi en une Providence universelle, toujours attentive, toujours bienveillante. Les dieux indifférents et oisifs du polythéisme tombaient, comme tous les autres ; l'Évangile n'admet point que le Créateur oublie la création. Mon Père travaille continuellement, a dit Jésus.
Oui, l'activité infinie est sans intermittence, infatigable, immense, éternelle ; le gouvernement du roi de l'univers n'admet point d'interrègne, et notre Père céleste travaille continuellement dans la Providence qui conserve et dirige tous les mondes ; dans la grâce qui conduit et seconde tous les progrès ; dans notre vie, pour qu'elle atteigne son but ; dans notre mort, dont il marque l'instant et dont il émousse l'aiguillon ; dans notre immortalité, dont il entr'ouvre une à une les profondeurs et décerne une à une les récompenses, les félicités, les gloires.
À moins de tout cela, Dieu serait Dieu peut-être ; mais il ne serait plus notre Père, et le premier mot de l'Oraison Dominicale en serait la première déception.

Si Dieu s'occupe ainsi de l'humanité, il faut que l'humanité le lui rende et s'occupe de lui ; l'humanité, sans désavouer sa nature, ne peut pas plus être indifférente à l'égard de Dieu que Dieu ne peut l'être envers elle ; tout, entre Dieu et nous, est réciproque ; un lien, conforme à sa nature et à la nôtre, doit exister entre nous et lui ; ce lien, le second intérêt du Christianisme naissant, ce lien, sans lequel la notion pure de Dieu se perdrait de nouveau, ce lien est exprimé dans la seconde demande de l'Oraison Dominicale : Que ton nom soit sanctifié !

Que ton nom soit sanctifié !
L'expression, au premier aspect, est assez hardie pour inquiéter la foi, pour étonner l'humilité, et ses analogues, dans le style des livres divins, ne le sont pas moins.
Le nom de Dieu, c'est Dieu lui-même, comme votre nom, c'est vous ! car sans vous, vous retranchés et anéantis, qu'est-ce que votre nom ? un vain bruit, un son mort, qui ne dit rien à l'oreille des hommes et sortira bientôt pour jamais de leur mémoire... Quel est donc le sens positif de ces termes répandus par toute l'Écriture, sanctifier, glorifier, magnifier Dieu ?
S'agirait-il d'ajouter réellement quelque chose à sa sainteté, à sa gloire, à sa grandeur ?

La folie d'aucun orgueil ne peut aller jusque-là et prétendre usurper sur Jésus qui seul a pu dire : Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie !
Tous nos plus consciencieux efforts pour sanctifier ou glorifier Dieu, tous les ravissements de la ferveur, les transports de la foi, les merveilles du génie, n'ajoutent rien à sa gloire ! Elle ne croît ou ne diminue que relativement à nous ; pour Dieu, elle est la même toujours ; seul, il se connaît ; seul, il se juge et s'approuve ; seul, il sanctionne ses volontés et ses ouvrages ; il sait qu'il est parfait, et quand on sort ainsi ces expressions du vague où trop souvent elles se perdent, on arrive à cette simple conclusion : que la sanctification du nom de Dieu est tout entière dans le lien qui nous unit à lui, et que plus ce lien devient conforme à sa nature et à la nôtre, plus ce lien s'étend et se ramifie pour ainsi dire à travers l'humanité, plus ce lien est intime, et dévoué, et spirituel, plus notre âme le resserre et le cultive fidèlement, et plus le nom de Dieu est glorifié parmi ses enfants de la terre.

En partant de ces principes, j'essaierai de vous montrer que la sanctification du nom de Dieu consiste dans la connaissance, dans la fidélité, et dans l'adoration.

I.

Il se présente, avant d'entrer en matière, une remarque à faire, une précaution à prendre ; l'Oraison Dominicale n'a point de transitions entre ses demandes, ou, pour mieux dire, les transitions sont mentales et non littérales ; l'esprit passe d'idée en idée, sans l'aide d'expressions intermédiaires, et l'ordre des pensées est du plus vaste et du plus élevé à ce qui est en comparaison plus restreint, de la religion en général à la morale en particulier, du Ciel au monde, de Dieu à nous. Il résulte de ces gradations que dans les premières demandes les dernières sont implicitement contenues, et que la première de toutes exprime comme d'avance celles qui la suivent et qui n'en sont qu'un développement. Ainsi, la connaissance de Dieu, nécessaire à la sanctification du nom de Dieu, c'est la vérité ou la foi, qui n'est que le règne de son esprit sur le nôtre ; ainsi encore, la fidélité, sans laquelle nul ne sanctifie Dieu, c'est sa volonté qui doit être faite sur la terre comme au ciel.

Je m'efforcerai de vous épargner des répétitions stériles ; je réserve à nos méditations suivantes de vous montrer comment la prière du Seigneur s'intéresse à l'empire de la vérité religieuse sur nos âmes et à l'accomplissement de la volonté divine en ce monde. Mais je ne puis me dispenser de comprendre et la connaissance et la fidélité dans la sanctification du nom de Dieu ; ce sont deux anneaux indispensables dans le lien qui nous unit à lui.

Sanctifier Dieu, c'est avant tout le connaître. On ne peut sanctifier son nom, si on l'ignore, et plus on le connaît, plus on le sanctifie. Quand notre raison se met à la recherche et plus tard en possession d'une vérité, elle glorifie Dieu, le Dieu de vérité. Toute découverte de l'esprit humain est un triomphe religieux ; car ces études, ces explications ont toujours des oeuvres de Dieu pour objet, et à plus forte raison, quand ces nouvelles conquêtes de l'intelligence dévoilent Dieu, est-il juste de les considérer comme le service de sa gloire. Aussi l'ordre est donné de croître en la connaissance de Dieu, et qui osera se dire qu'il connaît Dieu assez et qu'il n'a rien de plus à en étudier, rien de pressant, ou de salutaire, ou d'intéressant à en savoir encore ?
Ce serait l'offenser que de se réfugier dans une vague et flottante idée de ses attributs et de s'y tenir tranquille ; nul ne peut refuser de regarder dans ces mystères et s'attribuer le droit et le bénéfice de l'indifférence, sans en souffrir tôt ou tard.

Que m'importe ? est, au sujet de Dieu, un mot qu'on ne prononce jamais avec sincérité. Dieu nous importe, vu sous tous les aspects, et qui en néglige un seul, peut finir par les négliger tous ; qui intercepte devant ses yeux distraits un des rayons de celte gloire, court risque de les intercepter tous ; qui ferme les yeux un moment, peut les rouvrir au sein de ténèbres qui ne se dissiperont plus. Je ne viens pas imprudemment vous demander de substituer ou même d'ajouter au nom de Père que l'Évangile vous livre à sanctifier, ces noms mystérieux et difficiles d'Être des Êtres, de Cause Première, d'Être Infini et Absolu existant par lui-même, l'Éternel Géomètre, l'Architecte des mondes, l'Ordonnateur de l'univers qui a lancé les astres sur la tangente de leurs orbites ; l'Être qui sait tout, non parce qu'il prévoit, mais parce qu'il voit.

Laissez de si hautes pensées à ces esprits que Dieu a faits pour elles ; n'aspirez à rien au-delà de vos forces ; votre portée de vue est bonne, parce que Dieu vous l'a mesurée ; vous n'avez besoin de rien voir au-delà. Que celui donc qui dans la simplicité de sa foi, dans la timidité de sa piété, veut s'arrêter à la seule certitude que Dieu est notre Père, que celui-là s'y arrête et s'y tienne ; il a pleine raison de s'y arrêter ; il a un droit divin de s'y tenir ; je le reconnais, mais à une condition : il faut qu'il ne puisse aller plus loin ; s'il le peut, il le doit ; car sanctifier Dieu, c'est le connaître, et le plus sûr moyen de chérir cette touchante et admirable définition du Créateur se révélant comme Père, est de la prendre pour point de départ, de monter au-delà, et d'y revenir sans cesse avec délices. Croissez donc dans la connaissance de Dieu ; contemplez ses perfections ; efforcez-vous d'en découvrir l'équilibre et l'éternelle harmonie ; suivez-en la trace dans les merveilles de la nature et dans celles de sa parole ; sondez les intentions de sa Providence, et prêtez l'oreille à sa voix dans les avertissements de votre conscience, vous remplirez ainsi le devoir de sanctifier son nom et de servir sa gloire ; car vous chercherez ainsi la vérité, et il est la vérité.

II.

Sanctifier Dieu, c'est être fidèle, c'est obéir, et la pratique du bien nous rapproche de lui ainsi que la recherche du vrai. Quand notre conscience de progrès en progrès aspire à la perfection, et voit dans une vertu acquise un échelon pour s'élever vers celles qui restent à acquérir, elle sanctifie Dieu, le Dieu de sainteté.

On peut dire que toute perversité est un blasphème, non en paroles, mais en actes. D'où vient que dans la langue de la religion offense et péché sont synonymes ? C'est que tout péché offense Dieu, puisqu'il consiste en une substitution de notre volonté mauvaise à sa volonté toujours excellente ; pécher, c'est donc outrager sa gloire, déshonorer sa création, mettre sous ses yeux ce qu'il ne veut pas voir, et refaire le monde autrement qu'il ne l'a fait.
L'iniquité, dans sa nature intime, respire le sacrilège, et moins il y a de vertu parmi les hommes, moins Dieu apparaît saint. En vain prétend-on que Dieu est bien au-dessus de la portée de nos fautes, que rien ne trouble sa sérénité infinie, et qu'aucune vapeur de la terre ne peut voiler l'éclat de sa face ; en vain prétend-on que la religion reste pure des excès commis en son nom et des fautes dont une indulgence qu'on lui impose semble la rendre complice.
La honte du vicieux retombe sur le culte qu'il célèbre, sur la foi qu'il professe, et l'on se sent peu porté à confesser avec lui un Dieu qu'il outrage et qu'il brave si tranquillement. Dieu est notre législateur : une de ses gloires est l'accomplissement de sa loi. C'est la gloire de mon Père, a dit Jésus à ses disciples, que vous portiez beaucoup de fruits ; faites luire votre lumière devant les hommes, en sorte qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est aux Cieux. Admirable et touchante relation entre sa majesté et l'intégrité des justes ; leur gloire remonte à sa source et s'unit à la sienne ; leurs progrès sont des garants de sa perfection ; s'ils sont charitables, c'est qu'il est amour ; s'ils sont saints, c'est qu'il est la sainteté même ; s'ils sont fidèles, c'est qu'il est parfait.
L'indifférent, l'incrédule, l'impie, s'étonnent et cherchent ailleurs que dans ce monde l'origine de vertus si belles ; le maître se reconnaît aux disciples, et leur voix ne dit pas en vain : Que ton nom soit sanctifié !

III.

Il faut cependant à ce service de Dieu une expression plus directe, plus expansive, où le sentiment domine, où la ferveur trouve l'occasion de ses ravissements : cette expression, c'est le culte, la prière, l'adoration ; sanctifier le nom de Dieu, c'est aussi l'adorer.

On est tellement accoutumé, dès l'enfance, à payer au Seigneur ce tribut, et si l'indifférence nous a pris au passage sur les marches du temple et fait redescendre sur le sol commun du monde, on est tellement accoutumé à voir la foule les franchir, que l'adoration est souvent une simple affaire d'habitude, un spectacle de tous les jours, et à peine sait-on en quoi elle consiste ; on y est fait, au point de ne savoir la définir. Trop souvent aussi la forme déguise le fond ; les pratiques du culte dérobent le culte même aux yeux de l'âme, et comme les anciens Juifs, nous n'apercevons que le voile du sanctuaire et non l'arche qu'il recouvre.....

Mes frères, adorer pour la foi éclairée et attentive qui comprend ce qu'elle fait et qui sait se recueillir et y penser, adorer, c'est prendre le nom du Père dans son sens sublime, infini, absolu ; c'est donner à Dieu une qualité et en revêtir soi-même une autre ; c'est reconnaître Dieu comme Créateur et se reconnaître comme créature.
Toute adoration réelle aboutit là, et se résout en ces deux pensées qui se tiennent, en ces deux expressions dont l'une dit assez de Dieu et dont l'autre dit tout de nous.

Vous ne trouverez pas un enseignement de la Parole, depuis le commandement de Moïse : Tu adoreras l'Éternel ton Dieu et tu le serviras lui seul, jusqu'au précepte de Jésus : Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité ; vous ne trouverez pas un élan de ferveur exaltant les perfections ou comptant les oeuvres divines ;
vous ne trouverez pas une expression de dépendance, depuis la reconnaissance du psalmiste : Que rendrai-je à l'Éternel ? tous ses bienfaits sont sur moi ! jusqu'à la résignation du patriarche : L'Éternel l'a donné, l'Éternel l'a ôté, que le nom de l'Éternel soit béni !

Vous ne trouverez pas un acte de culte, depuis l'assemblée solennelle d'Israël au désert, sous la conduite de Moïse, au lendemain de la sortie des fers de l'Égypte ou la dédicace du temple par les mille holocaustes de Salomon, jusqu'à ces oraisons sans témoins que le Christ recommande à ses fidèles d'adresser dans le silence de la retraite ; vous ne trouverez rien dans l'adoration la plus expansive ou la plus intime, qui ne revienne à cette double effusion de l'âme transportée ou attendrie : O Dieu, tu es le Créateur, et ta création est à toi, et ta création est ton empire, et moi, que tu as formé à ton image, que tu as couronné de gloire et d'honneur, moi que tu as fait un peu moindre que les anges, je viens prosterner cette couronne devant celui qui me l'a donnée et me reconnaître ta créature, ta créature qui ne suis rien par moi-même, et qui par toi, sous ta conduite, avec ton secours, puis parvenir à accomplir et ma destinée de vie et ma destinée d'immortalité, et à sanctifier ton nom dans ma part de ta création, à ma place sur la terre, à ma sortie du monde lors du trépas, et en mon rang dans les cieux !

En cette simple et féconde définition de l'adoration, on voit se rapprocher et s'unir (je ne dis pas se confondre et s'égaler entre elles) toutes les nuances, toutes les formes d'adoration, la plus pure et celles où se rencontre l'alliage de la superstition, la plus sublime et celles dont l'humilité semble trop naïve, si ce n'est pour Dieu, du moins pour nous. L'homme adore selon qu'il lui a été donné, selon son degré de connaissance et de lumière, le nom du Seigneur ; mais l'idée de la création est-elle à la base de ses prières, c'est assez de sa part et il le sanctifie.
Aussi, ces pensées sont si justes que vous pouvez les transporter en dehors du Christianisme : elles ne perdent rien de leur vérité. Dieu est connu où Christ ne l'est pas encore ; il l'est moins, il l'est mal ; et nous, Chrétiens, nous savons que le Fils, qui était au sein du Père, est celui qui nous l'a révélé.

Néanmoins, c'est un point de fait que, hors des limites du règne de l'Évangile, l'idée de l'unité d'un Dieu créateur s'est fait jour et s'est emparée des esprits de populations immenses avec une force irrésistible. Sans nous faire la moindre illusion sur l'insuffisance de leurs croyances et l'imperfection de leur culte, nous nous réjouissons de voir ces races, longtemps bien plus éloignées de Dieu, s'être mises en chemin vers la vérité ; nous les attendons au rendez-vous commun, le bercail du bon Pasteur, le temple du Dieu révélé ; et nous espérons leur arrivée avec plus ou moins de confiance, selon que, dans leurs adorations, se dévoile, avec plus ou moins de pureté, la notion d'un Créateur.

IV.

Ici se découvre, vous le voyez, le lien qui unit le Christianisme à l'idée native de Dieu ; ici se présente l'explication de cette gloire de notre foi, que l'Évangile seul apprend à sanctifier le nom de Dieu autant qu'il peut l'être en un monde tel que le nôtre, en une existence qui aboutit à une tombe, par un genre humain devenu ce que nous sommes, et en une immortalité qui commence par un jugement.

Mes Frères, la rédemption est une seconde création...
Sanctifier, c'est adorer ; adorer, c'est donner à Dieu le titre de Créateur et prendre devant lui le nom de créature...
Qui êtes-vous, pour oser le porter ? Qu'avez-vous fait de votre création ? Êtes-vous tels que Dieu voulait que vous fussiez, et votre création, pure, glorieuse, sainte, qu'est-elle devenue par votre faute ? L'avez-vous conservée, ou détruite, appauvrie, souillée par le péché, empoisonnée par le mensonge ?

Ah ! créé pour l'esprit, l'homme a vécu pour la matière ; créé pour la vérité, il en a détourné sa raison ; créé pour la vertu, il l'a chassée de son âme ; créé pour Dieu, il n'a pas vécu pour lui ; il s'est profané lui-même ; sa création est une accusation contre lui, et quand il lève vers son front sa main orgueilleuse ou tremblante pour y toucher sa couronne, sa main retombe sur lui en condamnation, car elle n'a rien trouvé...
Mais la rédemption est une seconde création ; Jésus vous offre le moyen de redevenir vraiment créatures de Dieu, les enfants de son amour, les héritiers de son alliance, adoptés de nouveau et rétablis dans la maison paternelle, non comme mercenaires, mais comme fils.
Admirable et touchant accord de l'Évangile avec la nature de Dieu et avec notre nature ! Toute adoration non chrétienne reste donc incomplète ; la barrière du péché l'arrête au passage ; l'adoration chrétienne seule ne trouve aucun obstacle entre elle et Dieu ; l'adoration chrétienne seule suppose une intimité parfaite et sans cesse croissante entre le Créateur et la créature ; Jésus nous a réconciliés avec Dieu ; notre existence sert donc véritablement à la gloire divine, et c'est le triomphe du Sauveur du monde que personne au monde n'ait le droit de dire à Dieu au même titre que ses rachetés : Que ton nom soit sanctifié !

Connaître, obéir, adorer, voilà, mes Frères, la véritable et la seule sanctification du nom de Dieu.
Il me reste deux pensées à vous offrir, hélas ! bien différentes l'une de l'autre... Pourquoi faut-il que de ces magnificences de la foi, je doive faire descendre votre esprit aux plus mesquines indignités de ce monde ?
Ah ! c'est que les petites irréligions conduisent aux grandes impiétés, comme un fétu dans notre oeil peut nous cacher toute la lumière du soleil.

Les Hébreux connaissaient le vrai Dieu sous le nom révélé par Moïse, sous le nom de Jéhova, l'Éternel, celui qui est, et à ce nom ils attachaient une sainteté si extraordinaire qu'ils en étaient venus à ne plus l'écrire, à ne plus le proférer, à le cacher comme au fond de la nuée sainte, à l'ensevelir dans un silence mystérieux, comme un secret du ciel que la terre n'était pas digne d'entendre.
Les païens, au contraire, variaient à plaisir les noms propres de leur Olympe, les combinaient de mille façons, ou poétiques ou dérisoires, les environnaient des épithètes les plus ingénieuses, et en semaient tous leurs discours, sérieux ou légers...

Nous, mes Frères, nous n'avons pas voulu de la superstition juive, de ce respect exagéré pour le bruit de quelques syllabes, de cette contemplation muette des formes de quelques lettres, et nous avons eu raison. Mais nous avons préféré la liberté païenne, et l'usage a prévalu de jeter à tout propos le nom de Dieu dans les entretiens, de l'employer comme une interjection de la langue, d'en faire un cri de surprise, et même de dépit et de colère ; quelquefois d'en orner la verve d'un proverbe ou d'un adage ; quelquefois de l'accoler à des jeux d'esprit qui semblent des hardiesses et qui ne sont que des profanations ; en un mot, l'usage a fait du nom de Dieu et du nom de Christ deux locutions familières...
Vous devriez rougir, vous les disciples de la pure foi spirituelle, vous qui adorez vraiment en esprit, de prononcer ces noms sacrés en dehors de vos adorations. Enseignez-vous les uns aux autres à donner un meilleur exemple, et pour vous y déterminer, je n'ajoute qu'un mot : Représentez-vous ce que serait le monde, ce que serait la chrétienté, si le respect habituel du nom de Dieu y régnait au point que le ciel, attentif à tous les bruits de la terre, n'y entendit jamais prendre en vain le nom de Dieu... N'en doutez pas : la foi de tous, la fidélité de tous, l'adoration de tous en deviendraient meilleures.

De tous, vous ai-je dit ?...
Je touche ainsi à la dernière pensée que je vous ai promise, et que nous retrouverons souvent dans le cours de cette étude. De qui parlez-vous en disant à Dieu : Que ton nom soit sanctifié, et quelle est l'étendue de cette prière ?
Vous ne voulez pas que cette sanctification ait lieu seulement par intervalle, à époques fixes, aux jours mis à part, donnant prétexte d'oublier Dieu le reste du temps, et seulement les jours de culte, de fête, de communion ; vous ne voulez pas que cette sanctification ait lieu pendant les jours de la jeunesse comme moyen d'éducation, ou de la vieillesse comme ressource pour se désennuyer de vieillir et se rassurer de mourir ; vous ne voulez pas que cette sanctification ait lieu seulement lors des épreuves et des deuils, parce que Dieu après tout console mieux que les hommes et que sur les bords de tombes chéries on s'aigrit moins, si l'on pense à Dieu, et l'on pense moins à la mort...
Que le nom de Dieu soit sanctifié toujours, car le temps et l'éternité sont à lui...

Et vous ne désirez pas que cette sanctification soit réservée à des lieux privilégiés, pour le sanctuaire de vos dévotions domestiques. pour le temple de votre culte fraternel ; Dieu n'habite point dans des tabernacles bâtis de main d'homme ; le ciel est son trône, et la terre est le marchepied de ses pieds...
Que le nom de Dieu soit sanctifié partout !...

Encore moins songerez-vous à laisser ce soin aux savants et aux sages, aux esprits d'élite, aux hommes de génie ; qui a de la science, qui a du génie devant Dieu ? Il a confondu la sagesse des sages et anéanti l'intelligence des intelligents.
Le philosophe dit : je sais que je ne sais rien ; le fidèle dit : il n'y a qu'un seul sage, et c'est Dieu.
De la bouche des petits enfants le Seigneur peut faire éclater ses louanges, et puisque l'Évangile aura encore une conquête à faire tant qu'une race, une famille, un seul homme ne sera pas chrétien, puisque le courant de l'Évangile doit continuer de s'étendre et de monter jusqu'à ce que ses eaux salutaires aient couvert le monde comme celles de la mer couvrent leur fond... que ton nom soit sanctifié par tous les humains, et que dans les conseils irrésistibles de ta sagesse, de ta puissance et de ta bonté, tu daignes, ô Dieu de tous les hommes, hâter l'époque promise qui aura le monde pour temple, l'humanité pour assemblée, la croix pour unique symbole, la cène pour unique consécration, l'Évangile pour livre de prières, et les coeurs de tous tes enfants pour sacrifice vivant et saint !...

Eh bien ! s'il n'y a jamais trop de voix s'unissant dans ce concert filial et universel à la gloire du Père, si chaque enfant de Dieu doit y prononcer sa louange, que votre voix, applaudie ou inconnue, écoutée des hommes ou seulement de Dieu, prenne part à cette adoration comme votre coeur à cette espérance ; ce Christianisme qui doit remplir le monde et se perpétuer d'âge en âge, faites, en attendant, qu'il remplisse votre conscience ; faites qu'il s'étende d'année en année à travers toute votre vie, et vous reconnaîtrez au calme de vos jours, y compris le dernier, que contribuer à la sanctification du nom de Dieu, c'est sanctifier votre âme pour les progrès terrestres et pour les progrès éternels !


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