MÉDITATIONS SUR LE
QUATRIÈME CHAPITRE DE L'ÉPÎTRE
DE SAINT-JACQUES.
Félix Neff
MINISTRE DU SAINT-ÉVANGILE
1828
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VERSET 1.
D'où viennent parmi
vous les dissensions et les querelles ?
N'est-ce pas de vos désirs
déréglés, qui combattent dans
vos membres ?
L'amour du monde est sans contredit la cause
nécessaire des dissensions et des
inimitiés ; car la terre n'offrant
qu'une somme de biens très insuffisante
comparativement à l'avidité de
ses habitants, les objets terrestres ne peuvent
être, parmi ceux qui les cherchent, qu'une
source intarissable d'envie et de querelles.
Les biens célestes, au contraire, surpassant
infiniment tout ce que des créatures
bornées peuvent désirer, nul ne pense
à en être jaloux. Comme les eaux de la
mer baignent également la baleine et le plus
petit coquillage, comme une pluie abondante arrose
suffisamment le chêne et le gramen (sorte de graminée),
ainsi l'amour de Dieu, embrassant tous les
êtres qui vivent en Lui, rassasie pleinement
chacun d'eux, comme s'il ne s'occupait que de lui
seul. Si toute une armée
dévorée par la soif se porte vers une
petite fontaine, on conçoit
que le plus grand désordre y régnera,
parce que chacun, craignant que l'eau manque,
voudra boire le premier ; tandis que s'ils
vont boire au bord d'un grand fleuve, tout se
passera sans la moindre contestation. Aussi
longtemps donc que nous demanderons notre bonheur
aux hommes ou aux biens périssables, nous
serons par le fait les ennemis les uns des
autres.
Plus, au contraire, nous renoncerons à la
gloire et aux biens quelconques de ce monde, plus
aussi notre coeur s'élargira, et moins nous
aurons de peine à pardonner, à aimer,
à « vivre en paix avec tous les
hommes, et surtout avec ceux qui invoquent le
Seigneur d'un coeur pur. »
VERSETS 2, 3.
Vous convoitez et vous
n'avez pas ce que vous désirez ; vous
avez une envie mortelle, vous êtes jaloux, et
vous ne pouvez obtenir ce que vous enviez :
vous vous querellez et vous vous disputez, et vous
n'avez point ce que vous désirez, parce que
vous ne le demandez point. Vous demandez et vous ne
recevez point, parce que vous demandez mal et pour
l'employer à la satisfaction de vos
convoitises.
C'est toujours la recherche des choses de la vie
présente qui cause les querelles et les
jalousies. Plutôt que de porter envie
à vos frères, présentez vos
besoins à Dieu : mais gardez-vous
de lui demander de quoi satisfaire à vos
convoitises ou à vos vanités ;
demandez-lui votre pain quotidien, et il
vous le donnera.
Peut-être vos désirs paraissent-ils
moins charnels, et est-ce des dons spirituels de
vos frères que vous êtes jaloux ;
mais craignez qu'en les demandant au seigneur votre
coeur ne soit séduit par
l'orgueil et par le désir d'être
estimé, considéré des hommes,
et compté pour quelque chose dans
l'Église de Dieu. Telle était en
partie la cause des désordres et des maux de
l'Église de Corinthe ; et telle est
encore souvent la source des troubles qui agitent
nos âmes et affligent le peuple de Dieu.
Désirons avant tout les dons les plus
excellents et non pas les plus brillants
(I Cor. XII, 31) ; recherchons
ce qui peut nous rendre précieux aux yeux du
Seigneur, et non ce qui attire les regards de nos
frères ; nous obtiendrons alors ce que
nous demanderons ; et le reste, s'il
est nécessaire, nous sera donné
par-dessus. Encore une fois, cherchons la gloire de
Dieu et non pas la nôtre. Que notre richesse
et notre joie soient en Dieu et non dans les
hommes, et la paix sera multipliée
en nous et entre nous.
VERSET 4.
Hommes et femmes
adultères, ne savez-vous pas que l'amour du
monde est inimitié contre Dieu ? Celui
donc qui voudra être ami du monde., se rendra
ennemi de Dieu.
Entre les diverses figures sous lesquelles
l'Éternel nous peint dans les
Écritures son affection pour l'Église
et les rapports qui l'unissent à elle, le
lien conjugal est une des plus fréquemment
employées. L'Église est
l'épouse du Seigneur. Il réclame
toute son affection et regarde comme un
adultère tout partage qu'elle peut en faire
entre lui et un autre. C'est le reproche ordinaire
des prophètes à l'ancienne Sion, et
ici nous le retrouvons adressé à
l'Église chrétienne. L'épouse
de l'Agneau doit être pure et sans tache, et
toutes les âmes qui font partie de ce corps
mystique doivent se donner tout entières
à Celui qui mourut pour
elles, qui les aime, et qui veut leur faire
partager la gloire et les délices de son
royaume. Dieu ne peut souffrir les coeurs
partagés. « Nul ne peut servir
deux maîtres : on ne peut aimer Dieu et
le monde ; si quelqu'un aime le monde, l'amour
du Père n'est point en lui »
(Luc XVI, 13.
1 Jean II, 15).
Le monde dont l'amour est inimitié contre
Dieu, peut être considéré sous
deux rapports : les choses du monde,
et les hommes du monde.
Quant aux choses, l'affection que nous avons
pour elles, ne peut s'accorder avec l'amour de
Dieu, dont elles prennent la place : elles
fixent nos regards vers la terre, et appesantissent
nos esprits et nos coeurs, qui devraient
s'élever au-dessus des vanités
d'ici-bas et soupirer après notre domicile
éternel. D'ailleurs, comme nous l'avons
déjà vu, la recherche des objets
sensibles (visibles) nous met à chaque instant en
division avec nos semblables et en contradiction
avec la loi de Dieu ; l'amour du monde est le
tombeau de la piété comme celui de la
charité.
Quant au monde pris pour la multitude de ceux qui
n'obéissent point à
l'Évangile, ce n'est pas proprement de
l'amour que nous lui portons, qu'il est question
dans les paroles de Saint-Jacques ; puisque
nous devons, dans un sens, aimer tous les hommes.
L'apôtre parle plutôt de l'amour que
nous voudrions que les gens du monde conservassent
pour nous, et que nous ne pouvons obtenir qu'en
renonçant à la fidélité
envers Dieu.
En ce sens, rien n'est plus vrai que ces
paroles : Celui qui veut être ami du
monde se rend ennemi de Dieu. Le monde est en
révolte contre Dieu ; « il
obéit à l'esprit de rébellion
qui agit en lui avec efficace »
(Ephés. II, 2) ; il a ses
principes, ses maximes, ses habitudes, en
contradiction avec les principes, les
maximes et les ordonnances de
l'Évangile. La sagesse de Dieu lui
paraît une folie ; il appelle le mal
bien, et le bien mal, il plaint ceux que Dieu
appelle bienheureux, et envie le sort de ceux
à qui l'Évangile dit :
Malheur à vous
(Luc VI, 20-26).
Le monde méprise les biens du ciel, et
regarde comme une triste servitude la
liberté glorieuse des enfants de Dieu. En un
mot, il n'y a pas plus de communion entre le monde
et Dieu, qu'entre les ténèbres et la
lumière. Comment donc pouvez-vous plaire en
même temps à l'un et à
l'autre ?
Pour être aimé du monde, il faut agir,
parler et penser comme lui, approuver ce qu'il
approuve, aimer ce qu'il aime. « Ils
s'étonnent, dit Saint Pierre, de ce que vous
ne courez plus avec eux à la même
dissolution, et ils vous en
blâment »
(I Pierre IV, 4)
Les hommes, il est vrai, pourront aimer les
vertus du chrétien, mais ils n'aimeront
jamais le principe dont elles émanent, et
ces vertus mêmes cesseront de leur plaire,
dès qu'elles ne seront plus dans leurs
intérêts.
Ils aimeront en vous la droiture, le
désintéressement, la charité,
dans vos diverses relations avec eux ; mais
aimeront-ils votre franchise à reprendre en
eux ce qui est mal, et votre refus constant de vous
prêter à leurs intrigues, et de
favoriser leurs vues ambitieuses ?
Aimeront-ils cette indifférence pour les
biens terrestres qui contrariera si souvent leurs
projets, ou sera la censure continuelle de leur
avarice ?
Aimeront-ils en vous le mépris que vous
témoignez pour les grandeurs, les
vanités et les plaisirs du monde ?
Aimeront-ils votre fidélité à
rendre témoignage à la
vérité, à parler devant eux de
la mort et du jugement à venir, ou
même de l'amour de Dieu et du bonheur de ses
enfants ?
Vous êtes chrétien, et cependant vous
avez, dites-vous, conservé
l'affection de beaucoup de gens qui sont encore du
monde : mais est-ce pour votre
piété qu'ils vous aiment, ou bien
à cause de votre esprit naturel, de votre
légèreté et de votre
complaisance coupable à parler de tout avec
eux, excepté de la seule chose
nécessaire ?
Aiment-ils en vous le nouvel homme ou
l'homme naturel ? Prenez-y bien garde,
mes frères ; malheur à nous si
nous sommes aimés du monde ;
« car il aime ce qui est à
lui »
(Jean XV, 19). « Le monde
ne peut vous haïr », disait
Jésus à ses frères, lesquels
alors ne croyaient point en lui ;
« le monde ne peut vous haïr, mais
il me hait, moi, parce que je rends ce
témoignage que ses oeuvres sont
mauvaises »
(Jean VII, 7).
Sans doute on serait très coupable de
s'attirer comme à dessein l'inimitié
des hommes, par un ton dur ou un air
dédaigneux, en affectant de mépriser
leur jugement et de les blâmer en tout et par
tout, en les traitant comme des profanes et des
réprouvés, ou « en jetant
les perles devant les pourceaux, et en voulant
mettre le vin nouveau dans des vaisseaux
fêlés », ou enfin en
manquant aux devoirs sociaux que l'Évangile
même nous impose.
« Que nul de vous, dit l'apôtre, ne
souffre comme malfaiteur ou curieux des affaires
d'autrui ; mais s'il souffre comme
chrétien, qu'il n'en ait point de
honte »
(I Pierre IV, 15, 16).
Mais quelle que soit la douceur et la
simplicité du chrétien, il ne peut
manquer d'être haï du monde, par
cela seul qu'il n'est pas du monde, et qu'il
appartient à Jésus
(Jean XVII, 14) ; et les
chrétiens les plus humbles, les plus
fidèles, sont souvent ceux qu'on aime le
moins. Toujours et partout « celui qui
est né de l'Esprit sera
persécuté par celui qui est né
de la chair »
(Gal. IV, 29). Faisons donc notre
compte, mes bien-aimés
frères, si nous voulons être amis de
Dieu, d'avoir le monde pour ennemi ; et n'en
soyez point étonnés, nous a dit le
Sauveur : « car il m'a haï
avant vous »
(Jean XV, 18).
Le Maître que nous servons nous a
fidèlement prévenus :
« Si quelqu'un veut venir après
moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il
charge sa croix ; vous serez haïs de tous
à cause de mon nom ; vous aurez des
afflictions dans ce monde ; mais ayez bon
courage, j'ai vaincu le monde »
(Luc IX, 23.
Matt. X, 22.
Jean XVI, 33).
Réjouissons-nous donc si nous sommes
crucifiés pour le monde. Que, de
même, le monde soit crucifié pour
nous
(Gal. VI, 14) - Et si quelqu'un parmi
vous ne peut se résoudre à perdre
ainsi l'approbation et l'affection des hommes,
s'il n'est pas prêt à renoncer
à tout, qu'il ne jette pas les
fondements de la tour...
(Luc XIV, 28-33.)
Mais si nous devons, à l'exemple de
Jésus, souffrir patiemment l'injuste
inimitié des hommes, n'oublions jamais de
rendre, comme Lui, le bien pour le mal,
« d'aimer nos ennemis, de bénir
ceux qui nous maudissent et de prier pour ceux qui
nous persécutent », nous souvenant
que nous sommes « de notre nature des
enfants de colère, comme les autres, et que
nous n'avons rien que nous ne l'ayons
reçu »
(Matt. V, 44 ;
Ephés. II, 3 ;
I Cor. IV, 7).
VERSET 5.
Pensez-vous que
l'Écriture parle en vain ?
Combien de fois, en voyant agir et en entendant
parler ceux-là même qui disent
recevoir la Sainte Bible, ne serait-on pas
tenté de croire que pour eux
l'Écriture parle en vain ?
L'incrédulité ne consiste pas
seulement à rejeter les
dogmes de l'Évangile ; il y en a tout
autant à affaiblir ses préceptes
moraux ; car il est aussi vrai « que
celui qui veut se rendre ami du monde est ennemi de
Dieu, et que l'orgueil marche devant
l'écrasement » ; il est aussi
vrai que « les menteurs, les avares, les
impurs n'hériteront pas le royaume de Dieu
(1 Cor. VI, 10), et que celui
« qui n'aime pas son frère demeure
dans la mort »
(1 Jean III, 14), qu'il est vrai que
Jésus est venu mourir pour les
pécheurs, qu'il est ressuscité
d'entre les morts, et qu'il y a une élection
de grâce.
La vraie foi consiste à recevoir tout ce que
l'Évangile enseigne, et non à
s'attacher exclusivement à une
vérité, ou à un certain nombre
de vérités, ou seulement à des
vérités : « Toute
l'Écriture est divinement inspirée et
propre à enseigner, à convaincre,
à corriger, à rendre l'homme de Dieu
accompli en toute bonne oeuvre. Recevez donc avec
douceur et soumission la Parole plantée en
vous, laquelle peut sauver vos
âmes »
(Jacq. I, 21) ; et quand
l'Éternel a parlé, ne cherchons point
à nous séduire par de vains
raisonnements ; car Il n'a point
parlé en vain.
SUITE DU VERSET 5.
L'Esprit qui habite en
nous nous porte-t-il à
l'envie ?
Ces paroles semblent se rapporter aux deux premiers
versets, où il est question de
l'envie ; et ajoutées à la
première partie du verset suivant, au
contraire il accorde plus de grâce, elles
forment une espèce d'appel à
l'expérience du chrétien. En effet,
si l'Esprit de Dieu nous fait sentir quels sont les
dons qui nous manquent, il est certain que, loin de
nous inspirer une basse jalousie contre ceux qui
les possèdent, cet Esprit
nous invite à puiser ces dons à leur
véritable source.
Ces fréquents appels de l'Écriture au
témoignage et à l'action du
Saint-Esprit dans le coeur des croyants sont dignes
de toute l'attention de ceux qui ont de la peine
à croire à la présence
sensible de cet Esprit. « Je vous ferai
seulement cette question, dit Saint-Paul aux
Galates : « Avez-vous reçu
l'Esprit par la loi ou par la prédication de
là foi ? Éprouvez-vous
vous-mêmes, dit-il aux Corinthiens, pour voir
si vous êtes dans la foi, si
Jésus-Christ habite en vous. Or nous savons,
dit Saint-Jean, qu'il habite en nous, par l'Esprit
qu'il nous a donné, et c'est, dit Saint
Paul, cet Esprit qui rend témoignage
à notre esprit que nous sommes enfants de
Dieu. »
Et vous, mes frères, qui savez que cet
Esprit habite en vous, soyez dociles à ses
directions, et vous serez vraiment
enseignés de Dieu. Mais ici encore,
rappelez-vous que cet Esprit doit vous instruire de
vos devoirs, aussi bien que des
vérités de
l'Évangile.
VERSET 6.
C'est pourquoi
l'Écriture dit : Dieu résiste
aux orgueilleux, et il fait grâce aux
humbles.
(Ps. XVIII, 28.
Es. II, 11.)
L'Apôtre applique ces paroles à ceux
qui ne reçoivent pas, parce qu'ils
demandent mal et en vue de leur propre gloire.
Mais le sens n'en est pas restreint à cette
application particulière ; l'orgueil,
que l'homme naturel a tant de peine à
reconnaître en lui, est le
péché primitif, la source de tous les
péchés ; c'est lui qui dans un
instant transforma des chérubins en
démons, et les précipita du haut du
ciel au fond de l'abîme. L'orgueil est le
principe de la rébellion, ou plutôt il
est lui même la
rébellion, et toute créature qui,
oubliant qu'elle a tout reçu, se
contemple elle-même avec complaisance,
s'estime, s'applaudit, et se croit digne de quelque
louange, se soustrait par cela même à
l'absolue dépendance de son Créateur,
et se sépare à jamais de Lui et de
tous les biens dont II est la source.
Sondez-vous maintenant, ô vous qui avez tant
de peine à reconnaître votre
état de péché, et la justice
du jugement de Dieu sur vos âmes. Ce
péché n'est-il pas en vous, n'est-il
pas le grand mobile de vos actions ?
S'élève-t-il dans votre esprit une
seule pensée qui n'en soit empreinte ?
Et quand vous prétendez être sans
orgueil, n'est-ce pas l'orgueil même qui vous
fait parler ainsi ? Ah ! si jamais vos
yeux sont ouverts, vous verrez avec effroi que
votre vie tout entière ne fut qu'un long
péché, et que les seuls mouvements
d'orgueil dont votre coeur fut rempli, suffiraient,
s'ils étaient distribués entre des
milliers d'anges, pour les plonger tous dans la
perdition.
VERSET 7.
Soumettez-vous donc
à Dieu.
Est-ce bien à de chétives
créatures, que Dieu tira hier du
néant, et qui demain rentreront dans la
poudre ; est-ce bien à de frêles
humains dont la vie s'évanouit comme une
vapeur légère, qu'il est besoin de
dire : soumettez-vous à Dieu ?
Mais telle est la folie de l'homme mortel, qu'il
ose résister au Dieu fort et braver ses
jugements ! Et telle est la bonté de ce
Dieu miséricordieux, qu'au lieu
d'écraser sans retour ce vermisseau qui,
selon l'énergique expression d'un
réformateur, se recoquille contre Lui,
II le supporte avec patience, II l'invite, Il
le fait supplier d'être
réconcilié avec Lui
(2 Cor. V, 20) ; et tandis qu'il
est temps encore, Il lui fait dire :
Soumettez-vous à Dieu. Soumettez-vous
donc à Dieu, Tous qui jusqu'à cette
heure avez résisté aux attraits de sa
grâce ! Soumettez-vous à Dieu,
avant que le jour terrible vienne où, de
gré ou de force, « tout genou
ploiera devant Lui »
(Philip. II, 10.
Esaïe XLV, 25). Soumettez-vous
à Dieu, recevez son Évangile ;
donnez-lui votre coeur ; car son joug est
doux, et sa volonté est bonne,
agréable et parfaite »
(Rom. XII, 2).
Et vous aussi qui connaissez son amour,
soumettez-vous à Lui, en lui sacrifiant vos
mauvais désirs, « en marchant dans
les bonnes oeuvres qu'il vous a
préparées ; en ne vivant plus
pour vous-mêmes, mais pour celui qui vous a
rachetés à grand prix. »
Soumettez-vous à Dieu, en vous chargeant
avec joie de la croix de
Jésus-Christ ; en supportant avec
patience les contradictions et les afflictions de
toute espèce, par lesquelles il lui
plaît d'éprouver votre foi et de vous
préparer à la vie
éternelle.
SUITE DU VERSET 7.
Résistez au Diable,
et il s'enfuira de vous.
Ce n'est pas ici le lieu de traiter en
détail la doctrine importante et trop
méconnue de la malheureuse influence
qu'exercent les « puissances de
l'air » sur l'esprit et le coeur des
enfants d'Adam : c'est à des
chrétiens que l'apôtre
s'adresse : eux seuls peuvent le comprendre et
profiter de son conseil.
Les enfants « de
rébellion » ne connaissent point
l'Esprit « qui agit en eux avec
efficace : » il leur cache avec soin
les chaînes par lesquelles il les retient. Et
lors même qu'ils gémiraient dans cet
esclavage, ils ne pourraient
en être délivres
jusqu'à ce que « le Fils les
eût affranchis. » Mais si vous
êtes allés à Christ, vous
n'avez pu sortir du royaume des
ténèbres sans ouïr le
rugissement du lion qui en garde les avenues ;
car s'il laisse en repos ceux qui se plaisent dans
son empire, il ne manque jamais de poursuivre ceux
qui cherchent à en sortir. Il se jette sur
leur passage et met tout en oeuvre pour les
retenir.
Mais aussi, si vous êtes à Christ,
« le prince de ce monde n'a plus rien en
vous. L'homme fort a « été
désarmé par un plus fort que lui
(Luc. XI, 22) ; et ses captifs
ont été délivrés.
L'Éternel a « plaidé
lui-même contre vos oppresseurs
(Esaïe XLIX, 25). Il a
payé votre rançon
(XXXV, 10) ; « et la
dette pour laquelle vous étiez en prison a
été acquittée. L'obligation
qui était contre vous a été
déchirée et clouée à la
croix »
(Col. Il, 14).
Vous êtes rachetés, vous êtes
réconciliés, vous êtes
passés de l'esclavage du péché
« à la glorieuse liberté
des enfants de Dieu. »
Quel droit pourrait donc avoir sur votre âme
le prince de ce monde ? n'est-il pas vaincu,
n'est-il pas désarmé, et
« le Dieu de paix n'écrasera-t-il
pas bientôt Satan sous nos pieds
(Rom. XVI, 20) ?
Résistez-lui donc et il s'enfuira de
vous. »
Votre lâcheté seule peut lui inspirer
du courage ; mais s'il vous trouve vigilants
et revêtus des armes de Dieu, il n'osera vous
attaquer ; car « celui qui est
né de Dieu, dit Saint-Jean, se garde
soi-même et le malin ne le touche point
(I Jean V, 18). Jeunes gens, je vous
écris, disait le même apôtre,
parce que vous êtes forts et que vous avez
vaincu le malin. Ne vous laissez donc jamais
surmonter par le mal, sachant qu'aucune tentation
ne vous surviendra qui soit au-dessus de vos
forces, et sans que Dieu vous en donne
l'issue. »
La voie du chrétien est appelée
« un train de guerre. »
II est souvent parlé dans
l'Écriture, de combats, de victoire, et des
couronnes réservées aux vainqueurs.
« Portez-vous donc vaillamment dans cette
bonne guerre ; fortifiez vos mains qui sont
lâches et vos genoux qui sont
tremblants. »
Ne dites pas : je suis faible, je ne puis
rien ; car vous êtes forts,
« et vous pouvez tout en Christ qui vous
fortifie. Ceux qui sont avec vous sont en plus
grand nombre que ceux qui sont contre vous
(2 Rois VI, 16) ; et celui qui
est en vous est plus grand que celui qui est dans
le monde »
(I Jean IV, 4)
N'alléguez donc plus votre impuissance ni la
supériorité de votre
adversaire ; vos excuses ne seront point
reçues au dernier jour ; car si vous
criez au Seigneur dans votre faiblesse, il est
près de vous pour vous secourir :
l'Éternel marche devant vous et le Dieu
d'Israël est votre arrière-garde ;
si vous êtes vaincus, c'est votre
faute ; si vous demeurez dans la servitude,
c'est que votre coeur y trouve encore un secret
plaisir, ou bien c'est parce que votre foi est
faible et que vous oubliez les promesses du
témoin fidèle : c'est que vous
n'allez pas « au trône de
grâce pour être aidés dans le
besoin. »
VERSET 8.
Approchez-vous de Dieu, et
il s'approchera de vous.
« Ce n'est pas vous qui m'avez choisi,
disait Jésus à ses disciples, mais
c'est moi qui vous ai choisis. Je me suis fait
trouver à ceux qui ne me cherchaient point
et je me suis fait connaître à ceux
qui ne s'informaient point de moi. Je me tiens
à la porte et je frappe.... »
Le Seigneur n'attend donc pas que nous nous
approchions de lui pour s'approcher lui-même
de nous ; et cette invitation de
Saint-Jacques, loin de supposer
le contraire, est elle-même
une preuve que « le règne de Dieu
est venu jusqu'à nous. » Mais si
Dieu nous a aimés le premier, s'il a pris la
forme d'un serviteur pour descendre et pour habiter
au milieu de nous, s'il nous a ouvert
« un chemin nouveau et
vivant » pour communiquer avec
lui ; s'il nous a prévenus par sa
grâce et s'il nous appelle avec tant d'amour,
ne devons-nous pas répondre à cet
appel, céder à cet attrait,
et nous lever, en quelque sorte comme
Bartimée et comme Marie, pour aller
au-devant de lui ?
Voyons donc ce que c'est que d'aller à
Christ et que s'approcher de Dieu. Aller
à Christ, a-t-on dit souvent, c'est croire
en lui. Sans doute qu'on ne peut aller à
Christ sans croire en lui, et que ces deux choses
doivent aller ensemble
(Jean VI, 35) ; mais ne
pourrait-on pas jusqu'à un certain point
croire sans aller ? et n'est-ce pas là
justement la foi morte et stérile de tant de
prétendus chrétiens ?
Croire n'est pas s'approcher, croire n'est
pas aller. Ces expressions indiquent un
mouvement : c'est le mouvement d'une âme
travaillée et chargée qui, poursuivie
par la frayeur du jugement et « fuyant la
colère à venir » vient
chercher un refuge dans le sein de
Jésus.
C'est le mouvement d'un coeur, qui,
altéré de grâce, vient aux
pieds du Sauveur implorer son pardon et solliciter
les secours de son Esprit. On va aujourd'hui
à Jésus comme on allait à lui
dans les jours de sa chair ; car
« il est toujours avec nous
jusqu'à la fin du monde. » On va
à lui comme l'aveugle, comme le
lépreux, comme la pécheresse ;
en se prosternant à ses pieds, en lui
montrant ses plaies, en lui confessant ses
péchés, en lui disant :
« Seigneur aie pitié de
moi ! » Et si l'on est trop
oppressé pour lui adresser la parole, on se
tient devant lui en silence, on soupire aux pieds
de sa croix. C'est là, pauvres
pécheurs, votre heureux
privilège. Jésus, l'Agneau de Dieu,
doux et humble de coeur, vous attend pour vous
faire grâce. Il crie au milieu de vous :
« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne
à moi et qu'il boive ! Venez à
moi vous tous qui êtes travaillés et
chargés, et vous trouverez le repos de vos
âmes... »
Allez donc à lui, allez-y avec
confiance ; car « il ne met point
dehors ceux qui vont à lui. Il
leur donne la vie éternelle. Il la leur
donne abondamment ! »
Et vous, mes bien-aimés frères, qui
vous êtes déjà approchés
de Dieu par Jésus-Christ, et qui avez
trouvé près de lui cette paix que le
monde ne saurait donner, ne vous êtes-vous
jamais éloignés de lui depuis cet
heureux moment ? Ne vous êtes-vous
jamais égarés dans les vanités
et les sollicitudes de la vie ? Votre coeur
n'est-il point retourné plus ou moins
« à sa première
folie », et ne vous trouvez-vous point
peut-être actuellement loin de Dieu et
privés des consolations de sa
grâce ?
Ah ! s'il en est ainsi, écoutez
l'exhortation de l'apôtre ; c'est
à vous tout particulièrement qu'elle
est adressée. Approchez-vous de Dieu tout de
nouveau ; surmontez une fausse honte qui ne
provient que d'une propre justice ; n'attendez
pas d'avoir en quelque sorte réparé
votre chute et remporté par vous-mêmes
quelque avantage sur l'ennemi ! Vous le savez
depuis longtemps, « hors de Christ on ne
peut rien faire : approchez-vous donc de Dieu,
et il s'approchera de vous. »
Vous l'avez négligé, vous l'avez
perdu de vue. Hé bien ! retournez
à lui, il est toujours prêt à
vous recevoir, à vous pardonner, à
vous secourir ; il vous rendra la paix par son
Esprit de lumière et de vie.
Mais avant de quitter ce sujet, nous croyons devoir
donner plus d'extension à la première
idée qui nous a
frappé en le traitant. Nous le
répétons donc : pour l'âme
qui cherche Dieu, comme pour l'âme qui l'a
déjà connu, s'approcher de Dieu,
c'est aller à lui du fond de son
coeur ; c'est laisser toute autre
pensée, pour s'adresser à lui
directement et pour entrer avec lui en une
communion intime.
Cette démarche n'est pas toujours si
facile ; elle est plus rare qu'on ne
pense.
On peut lire toute sorte de bons livres, ou peut
lire et méditer la Bible, on peut
écouter les meilleures prédications,
les conversations les plus chrétiennes, les
prières les plus onctueuses ; on peut
soi-même prêcher, parler des choses
saintes, prier en public et en particulier ;
on peut courir ça et là tout le jour
pour chercher ou pour procurer de
l'édification, et cependant ne point
s'approcher de Dieu véritablement.
Ne l'avez-vous jamais éprouvé, mes
bien-aimés frères ? Ne
l'éprouvez vous point peut-être
à cette heure même ?
Ah ! si tel est votre cas, ne vous
étonnez plus de la langueur de votre
piété, de l'inquiétude et du
malaise de votre coeur. En vain direz-vous :
je crois, j'ai la foi, en vain ferez-vous
extérieurement les plus belles
oeuvres ; en vain serez-vous entourés
de tout l'appareil de la piété :
vous n'y trouverez point la vie, votre âme
n'en sera point
désaltérée.
Approchez-vous de Dieu ; ouvrez-lui votre
coeur ; parlez-lui bouche à bouche,
à l'exemple de Moïse, comme à
votre ami, à votre meilleur ami. Cette
démarche, je le répète,
paraît souvent difficile ; elle
répugne à notre coeur, parce qu'il
conserve encore pour Dieu une secrète
inimitié. Le vieil homme irait chercher son
pardon au bout du monde, plutôt que de
s'approcher ainsi intimement du Seigneur,
« il aime mieux les
ténèbres que la lumière,
parce que ses oeuvres sont mauvaises. Or
Dieu est lumière, et cette lumière
manifeste tout... »
Nous craignons
« cette épée à deux
tranchants qui pénètre jusqu'aux
divisions de l'âme, des jointures et
des moelles ! »
Jamais notre coeur ne nous paraît plus
corrompu, plus trompeur ; jamais nos passions
ne nous semblent plus vives, notre chair plus
rebelle, notre orgueil plus grand que quand nous
voulons nous approcher ainsi de notre Dieu ;
et c'est souvent ce qui nous en tient
éloignés.
Mais devrions-nous craindre que le céleste
médecin touchât et sondât nos
plaies ? Qu'allons-nous chercher auprès
de lui, si ce n'est la guérison de notre
âme ? Et comment peut commencer cette
guérison, si ce n'est par le sentiment vif
et intime de notre maladie ?
Jamais les plaies d'un blessé ne le font
plus souffrir que quand on les panse ; et
cependant il ne fuit pas le chirurgien : il
sait que cette douleur est nécessaire, et il
s'y soumet. Aussi, combien n'est-il pas
soulagé quand cette opération est
achevée, quand un baume consolateur a
été versé sur ses
blessures !
Approchez-vous donc de Dieu, je ne puis trop vous
le répéter ; et plus cela vous
paraît difficile, plus vous devez vous
hâter de le faire.
Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous.
Il vous découvrira toutes vos
misères, mais aussi il les
guérira ; et bientôt vous
trouverez tant de paix, tant de joie, tant de force
et de vie dans cette heureuse communion, que vous
direz de tout votre coeur avec un cantique :
« O Dieu ! quand
je te possède,
II n'est rien que je ne cède,
Et je dis jusqu'à la mort :
Oui, Jésus est mon
trésor ! »
SUITE DU VERSET 8.
Pécheurs, nettoyez
vos mains.
Saint-Jacques fait peut-être allusion aux
paroles d'Esaïe
(I, 16) :
« Lavez-vous, nettoyez-vous, ôtez
de devant mes yeux la malice de vos actions,
etc. »,
L'abus que des hommes étrangers à la
grâce de Dieu ont souvent fait de ces paroles
et de beaucoup d'autres, pour combattre la doctrine
du salut par la foi, pourrait donner lieu à
un autre abus.
Il est difficile, en effet, à cause de
l'ignorance et de la malice des hommes, de traiter
ce sujet, si simple pourtant et si essentiel, sans
avoir l'air ou « d'anéantir la loi
par la foi », ou de prêcher le
salut par les oeuvres.
Il demeure néanmoins certain, comme le dit
un docteur célèbre, qu'on ne va pas
au ciel par le chemin de l'enfer, et quiconque
annonce aux pécheurs un pardon gratuit par
le sang de Jésus, leur déclare
par cela même de la manière la plus
puissante que le péché est abominable
aux yeux du Seigneur. Car si Dieu pouvait
tolérer le péché, aurait-il
fait, pour l'expier, un si grand
sacrifice ?
Que diriez-vous, vous-mêmes, à
un homme qui prétendrait chercher la paix de
son âme en J. C. et qui vivrait pourtant dans
l'ivrognerie, dans l'adultère, dans la
fraude et l'usure ?
Ne lui diriez-vous pas : Hypocrite !
oses-tu bien parler de salut et de grâce en
te vautrant dans la souillure ? Nettoie tes
mains qui sont pleines d'iniquités ;
romps tes liaisons criminelles ; fuis les
mauvaises compagnies ; cesse d'exiger le
surcroît des malheureux que tu
dévores... Alors je croirai que tu es
sincère et que c'est tout de bon que tu
cherches Dieu. Et si ce pécheur,
touché de vos exhortations et convaincu par
sa conscience, renonce enfin à son mauvais
train ; s'il s'humilie
véritablement ; s'il
sent ses misères et qu'il pleure,
penserez-vous contredire vos discours
précédents, en lui annonçant
comme une pure grâce le salut acquis
par le sang de Jésus ?
Vous aurez changé de langage, il est vrai,
mais c'est qu'il aura changé de disposition.
Hé bien ! c'est justement ce que fait
la Bible. C'est ce que fait tout prédicateur
simple, conduit par l'expérience et surtout
par l'Esprit de Dieu et par sa Parole. Il emploie
tantôt les avertissements
sévères, les menaces terribles ;
tantôt les promesses gracieuses, consolantes,
sans jamais pour cela encourager ni la propre
justice, ni l'abus de la grâce.
FIN DU VERSET 8.
Et vous qui êtes
doubles de coeur, purifiez vos coeurs.
Héb. X, 22.
La duplicité du coeur dont il est ici
question, consiste à vouloir servir ensemble
Dieu et le monde, et jouir à la fois des
biens du ciel et des délices de la
terre ; c'est cette disposition qui nous fait
craindre de nous approcher du Seigneur
intérieurement et qui nous empêche de
recevoir ce que nous demandons.
La droiture du coeur, au contraire, consiste
à vouloir bien réellement tout ce que
Dieu veut, et dès lors à renoncer
entièrement à notre propre
volonté, à notre propre gloire, en un
mot, à nous-mêmes : c'est un
dévouement complet et sincère
à Celui qui nous a rachetés. Celte
disposition est comme l'âme de la
piété, et selon qu'elle domine plus
ou moins en nous, notre christianisme est aussi
plus ou moins réel. Plus nous observerons
l'oeuvre de Dieu dans les coeurs, et plus nous
serons convaincus qu'à quelque forme
d'église qu'appartienne un homme d'ailleurs
réellement en Christ, si son coeur est
vraiment entier devant Dieu, il se
distinguera par ses oeuvres et
par sa vie spirituelle. Tandis qu'avec la
profession de foi la plus orthodoxe, et dans
l'Église la plus pure, une âme qui
manque intérieurement de cette droiture
d'intention ne fera que végéter
misérablement. Demandez donc à Dieu
un coeur pur et vraiment sincère ;
c'est le premier de ses dons, car avec
celui-là, on obtient tous les autres.
VERSETS 9, 10.
Sentez vos misères,
et soyez dans le deuil et pleurez ; que votre
ris (rire) se change en pleurs et votre joie
en tristesse. Humiliez-vous devant le seigneur, et
il vous élèvera.
Dans une grande ville de l'Orient, on
s'était soulevé contre l'empereur et
l'on avait brisé ses statues ; le
monarque irrité envoie des troupes contre la
cité rebelle. À cette nouvelle, le
peuple consterné, députe au-devant de
lui pour implorer sa clémence. En même
temps on revêt, comme à Ninive, le sac
et la cendre ; on ferme les
théâtres, les bains, tous les lieux
publics ; on interdit toute joie bruyante.
Mais bientôt une folle jeunesse
ennuyée de l'appareil d'une tristesse qui
n'était point dans son coeur, recommence ses
jeux, ses divertissements. Le vengeur arrive :
l'allégresse publique semble insulter
à son courroux ; et un affreux massacre
plonge dans le deuil tout ce qui échappe
à l'épée !
Cet exemple est tiré de l'histoire
profane ; mais la Bible nous en
présente de bien frappants encore.
L'heure avait sonnée en laquelle
l'oppresseur des enfants d'Israël,
l'orgueilleux peuple de Chaldée, devait
être jugé : déjà
les Mèdes et les Perses entouraient
Babylone, et le lit de l'Euphrate,
desséché par de grands travaux,
allait ouvrir une large voie à
l'armée de Cyrus.
Cependant l'indolent monarque,
l'efféminé Belsatzar, oubliant le
péril qui le menaçait, ou refusant
d'y croire, chantait, s'enivrait avec ses femmes et
ses courtisans, et profanait indignement les vases
sacrés du temple de Jérusalem. Mais
quel effroi ne succéda pas aux transports
d'une joie impie, lorsqu'on vit une main divine
tracer sur la muraille du palais la terrible
sentence qui allait être
exécutée, et qui le fut en effet
cette même nuit !
Telle est, mes bien-aimés frères, la
joie du mondain. Ennemi de Dieu par ses
pensées et ses mauvaises oeuvres, en
état de révolte et sous le poids
d'une affreuse condamnation, il laisse
écouler le temps de la patience de Dieu, et
dissipe les jours précieux de la grande
amnistie ; il semble vouloir insulter la
justice divine et se jouer de la redoutable
éternité. Cependant la cognée
est mise à la racine des arbres
stériles ; l'ange exterminateur
n'attend qu'un signal pour jeter sa faux
meurtrière
(Apoc. XIV, 14-20).
Déjà bouillonne dans le sein de la
terre le lieu qui doit la consumer ;
l'accusateur demande à grands cris
l'exécution d'une sentence
déjà tant différée, et
l'enfer réclame sa proie.
Et tu folâtres, ô pécheur !
sur les bords de ce gouffre horrible ! et tu
oses appeler insensé le chrétien qui
veille et qui prie, en tout temps, pour être
jugé digne d'éviter toutes ces choses
qui doivent arriver, et de subsister devant le Fils
de l'homme !
Le Seigneur est bon, cries-tu, il est
miséricordieux, il ne veut pas la mort du
pécheur.... Il ne veut pas la mort du
pécheur : non ; mais il veut qu'il
se convertisse et qu'il s'humilie.
« À qui
regarderai-je ? », a dit
l'Éternel : « au coeur
froissé, au coeur brisé, qui tremble
à ma parole. »
« Le Seigneur l'Éternel vous
appelle en ce jour au deuil et aux pleurs, à
vous arracher les cheveux et à ceindre le
sac ; et voici il y a de la
joie et de
l'allégresse : on tue les boeufs et on
égorge les moutons ; on mange la chair
et ou boit le vin ; puis on dit :
mangeons et buvons, car demain nous mourrons. Or
l'Éternel me l'a
déclaré : (Non, ce crime ne vous sera point
pardonné que vous ne soyez morts) si
jamais cette iniquité vous est
pardonnée, dit le Seigneur, l'Éternel
des armées ! »
(Es. XXII, 12-14)
Et cette miséricorde sur laquelle tu
prétends te reposer ; si tu la
connaissais véritablement ; si tu
savais à quel prix elle nous fut acquise, ne
toucherait-elle pas ton coeur, ne changerait-elle
pas ton rire insensé en une tristesse
salutaire ?
Était-il léger cet Agneau
débonnaire, cet homme de douleur qui porta
nos péchés en son corps sur le
bois ? et serais-tu léger
toi-même si tu le contemplais en
Gethsémané, saisi d'une angoisse
mortelle et suant des grumeaux de sang ; ou
chez Caïphe, chez Pilate, couronné
d'épines, outragé,
déchiré ?
Pourrais-tu folâtrer en le suivant sur le
Calvaire, en portant avec lui son gibet, en le
voyant étendu sur la croix ? Et si tu
disais avec un cantique :
« C'est moi, c'est bien
moi-même,
Par ma malice extrême,
Par mes péchés nombreux,
Oui, c'est moi qui t'attire
Ces tourments, ce martyre,
Ce déluge de maux
affreux ! »
Ah ! si nous sentions vivement la
nécessité de ce grand
sacrifice ; si nous savions lire dans les
souffrances de Jésus, ce que mérite
le péché et combien il est terrible
de tomber entre les mains du Dieu vivant, aurait-on
besoin de nous dire : Menez deuil, et
pleurez ?
Non, il est impossible que la paix de Dieu et
la vraie espérance de la vie
éternelle, soient jamais le partage d'un
coeur impénitent qui cherche à
s'étourdir dans les vaines
joies de ce monde. Ce sont ceux qui ont soif que
Jésus désaltère, et ceux qui
sont accablés qu'il soulage ; ce sont
« ceux qui pleurent qui seront
consolés ; mais, malheur a vous, qui riez
maintenant ; malheur à vous, qui
êtes riches et rassasiés, car vous
pleurerez et vous serez dans la
disette ! »
Sentez donc maintenant vos
misères, et soyez dans le deuil et
pleurez, que votre ris (rire) se change en pleurs,
et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le
Seigneur, et le Seigneur cous
élèvera.
Oui, le Seigneur vous élèvera ;
car « il élève ceux qui
s'abaissent ; l'Éternel a envoyé
son Christ pour annoncer la bonne nouvelle aux
pauvres, pour guérir ceux qui ont le coeur
froissé, pour consoler ceux qui
mènent deuil, et pour leur annoncer que la
magnificence leur sera donnée au lieu de la
cendre, et l'huile de joie au lieu de l'esprit
abattu. »
(Esaïe LXI, 1-3.)
Cependant, mes bien-aimés frères, la
joie d'une Âme réconciliée avec
Dieu est-elle inaltérable ?
« La tristesse selon Dieu qui produit la
vie » n'est-elle pas une disposition
chrétienne, et ne sont-ce pas souvent
les disciples de Jésus-Christ qui sont
invités à prendre le deuil et
à pleurer en sentant leurs
misères ? Sans doute il nous est
dit : « Réjouissez vous au
Seigneur, soyez toujours joyeux » ;
mais il est dit immédiatement
après : « Priez sans
cesse. »
Celui qu'on invite à se réjouir est
supposé fidèle, il est supposé
en communion avec Dieu. Or sommes-nous toujours
dans cette heureuse situation ? et faudra-t-il
nous réjouir quand nous serons tombés
dans le péché, dans l'oubli de Dieu
et de sa loi sainte ? quand nous serons repris
par notre conscience et convaincus d'un secret
accord avec la corruption du vieil homme ?
Faudra-t-il nous réjouir quand l'Esprit
Saint nous fera faire la
triste revue de nos nombreuses
infidélités ; ou bien
faudra-t-il fermer constamment les yeux sur le
véritable état de nos âmes, et
désobéir à l'apôtre qui
nous dit : Sentez vos
misères ?
Ah ! si nous devons repousser les traits
enflammés du malin, gardons-nous d'opposer
la cuirasse et le bouclier de la foi aux aiguillons
de la conscience et aux coups salutaires de cette
épée à deux tranchants qui
doit pénétrer jusqu'aux moelles et
détruire en nous le
péché !
La. joie du salut n'est point
nécessairement inséparable de la
foi ; c'est une effusion de l'Esprit de Dieu
dont il faut savoir supporter la privation quand ce
même Esprit juge à propos de nous
conduire par une autre voie.
S'il est des âmes qui soient constamment
conduites à l'obéissance par la joie,
et que le bon Berger paisse toujours
« dans des parcs herbeux et près
des eaux tranquilles », qu'elles
en bénissent le Seigneur, mais qu'elles n'en
infèrent pas qu'il n'est point d'autre voie
pour les brebis de Christ et que cet état
doive être nécessairement permanent,
chez tous les fidèles.
Il nous est dit « que c'est par beaucoup
d'afflictions que nous devons entrer dans le
royaume de Dieu, que les fils de Lévi
doivent être purifiés comme l'or au
creuset »
(Mal. III 2, 3.
Es. XLVIII, 10), et que pour
être rendu conforme à la
résurrection de Christ, et pour
régner avec lui, il faut être rendu
conforme à sa mort et souffrir avec lui.
On dira peut-être qu'il s'agit dans ces
dernières déclarations,
d'épreuves temporelles et surtout de maux
endurés pour le nom de Jésus.
Peut-être : mais comme tous ne sont pas
appelés à beaucoup d'afflictions
pour la profession de la vérité,
qu'en outre plusieurs ont le malheureux talent de
les éviter, et que cependant c'est
un principe de la Bible, que les
souffrances sont nécessaires pour
l'accomplissement de l'oeuvre de Dieu en nous
(1), ne
faudra-t-il pas que les épreuves
intérieures et spirituelles suppléent
aux temporelles, si même elles ne les
accompagnent pas ?
D'ailleurs, il s'agit dans cette question, bien
moins d'une doctrine que d'un fait, et d'un fait
constaté par l'expérience des
chrétiens les plus recommandables de tous
les temps et de tous les lieux. Où est en
effet le disciple de Christ tant soit peu ancien
dans la foi qui n'ait pas éprouvé,
comme Saint-Paul, que la tristesse selon Dieu
produit la vie, et qui ne sache qu'une
véritable communion du coeur avec Dieu
accompagne pour l'ordinaire cet abaissement d'une
âme humiliée dans le sentiment de ses
propres misères, ou attristée
à la vue de celles de
l'humanité ?
Ah ! combien cette tristesse est
préférable à la folle
gaieté du mondain, ou du chrétien
léger !
C'est peut-être dans cette disposition qu'on
prie avec le plus d'humilité et qu'on
reçoit le plus de grâces. Ayez donc
bon courage, ô vous qui croyez en
Jésus et qui savez qu'il est votre Sauveur,
mais qui ne goûtez point habituellement en
lui cette joie triomphante dont d'autres sont
favorisés. Vous que le souvenir de vos
nombreux péchés afflige et humilie,
ou vous aussi que le Seigneur semble repousser
comme la Cananéenne, abaissez-vous sous sa
main puissante, mais ne vous laissez jamais
abattre, et « quand même il vous
tuerait, ne cessez point d'espérer en lui.
Soumettez-vous à Dieu, quelles que
soient ses dispensations à l'égard de
votre âme : suivez Jésus sur
le Calvaire et en
Gethsémané aussi bien que sur le
Tabor, mais demeurez aux pieds du Sauveur et
gardez-vous de chercher du soulagement loin de
lui. « Humiliez-vous ainsi sous la
puissante main de Dieu, et quand il en sera
temps il vous
élèvera. »
Marchez, en attendant, avec confiance au travers du
désert, vers la céleste Canaan :
« bientôt Celui qui doit venir
viendra, et il ne tardera point », et
quand il semblerait tarder, ne perdez jamais
courage ; continuez votre route malgré
l'obscurité ; l'Éternel, votre
Dieu, vous suit pas à pas. « Quand
vous passerez par les eaux profondes, elles ne vous
noieront point, et quand vous passerez par le feu,
vous n'en serez point
consumés » ; mais comme une
toile d'amiante
(2) votre
âme sortira de la fournaise des afflictions
plus blanche et plus pure !
VERSET 11.
Mes frères, ne
médisez point les uns des autres. Celui qui
médit de son frère et qui condamne
son frère, médit de la loi et
condamne la loi. Or si tu juges la loi, tu n'es
plus observateur de la loi, mais tu t'en rends le
juge.
Médire signifie ordinairement
répandre sans nécessité ce
qu'on sait de désavantageux sur le compte du
prochain ; mais il paraîtrait qu'ici
l'apôtre emploie ce mot dans le même
sens que blâmer, condamner, juger. C'est donc
dans cette acception que nous le prendrons dans les
réflexions suivantes. On abuse
singulièrement de tous ces passages
où il est défendu de juger. Ne jugez
point, ne jugez donc point !
répète
constamment un monde qui ne
cesse de juger à tort et à travers,
mais qui voudrait qu'on ne jugeât point, ni
lui ni ses oeuvres, qu'on appelât pour lui
plaire le mal bien, et les
ténèbres Lumière,
etc., et qu'on décorât tous ses
vices du nom de quelque vertu ; qu'on
appelât, par exemple, son avarice,
économie ; sa fausseté,
réserve ; son orgueil, honneur ;
sa jalousie, émulation ; sa
dureté, force d'âme ; son
effrayante sécurité, confiance en la
miséricorde divine ; son ignorance des
choses saintes, humble respect pour les
mystères.
Le monde dit : Ne jugez point,
c'est-à-dire, n'en croyez point vos yeux ni
vos oreilles, et ne vous rendez point à
l'évidence. Ne pensez pas, par exemple,
qu'un homme qui ne lit pas la Bible et ne parle
jamais de choses religieuses, et qui passe le jour
du Seigneur à ses affaires ou à ses
plaisirs, ne puisse pas être, malgré
cela, un très bon chrétien.
Et quand vous verrez beaucoup de gens ne courir
qu'après la fortune, la gloire ou les
plaisirs du monde, et ne fréquenter que des
amis frivoles et légers, n'allez pas croire
néanmoins que ce soient des mondains, des
gens qui négligent le salut de leurs
âmes : jugez-les charitablement ;
pensez à vous-mêmes, et ne vous
inquiétez pas des autres ; croyez que
chacun a son salut à coeur aussi bien que
vous, et que finalement Dieu ne veut abandonner
personne....
Mais, malheur à ce monde incrédule
« qui dit aux voyants : Ne voyez
point ; et aux prophètes : Ne
prophétisez point ; ou voyez pour nous
des visions trompeuses, et prophétisez-nous
des choses agréables » !
Ce n'est pas en sa faveur et pour couvrir, ses
iniquités que la Parole de Dieu dit tant de
fois : Ne jugez point. Examinons-la
cette parole, ou plutôt relisons-la
simplement et avec attention.
Celui qui médit de
son frère et qui condamne son
frère, médit de la loi et condamne la
loi : or si tu juges la loi, tu n'es plus
observateur de la loi, mais tu t'en rends
juge...
Or, est-ce médire de la loi et condamner
la loi que de blâmer ce qu'elle
défend, et de condamner ce qu'elle
condamne ?
Suis-je juge de la loi quand je dis avec
elle : « Les injustes, les
ravisseurs, les idolâtres, les impurs, les
ivrognes n'hériteront pas le royaume des
cieux » ?
Quand je répète avec
l'Évangile « que l'amour du monde
est inimitié contre Dieu et qu'on ne peut
servir deux maîtres » ; et
même quand je vais jusqu'à faire
l'application de cette loi à ceux qui la
violent ouvertement sous mes yeux ?
Est-ce juger que de dire d'un homme qui
blasphème, que c'est un impie ; d'un
homme qu'on voit chaque jour sortir de la taverne
en chancelant, que c'est un ivrogne ?
Est-ce juger que de dire d'un homme qui nie la
divinité du Sauveur et la
nécessité de son sacrifice, la
corruption de l'homme et l'action du Saint-Esprit
dans le coeur des croyants, et qui le fait
publiquement dans ses discours ou ses
écrits ; est-ce juger que de
dire : Voilà un incrédule, un
ennemi de la croix de Christ ?
« L'homme spirituel juge de
tout », et son jugement est juste, parce
qu'il est basé sur la loi de Dieu et non sur
les préjugés et les maximes du
monde.
À qui donc, demanderez-vous, s'adressent,
ces paroles de l'apôtre ; qui sont ceux
qui en condamnant leurs frères
médisent de la loi et condamnent la
loi ? Ne sont-ce point ceux qui condamnent
ce que la loi ordonne et qui approuvent ce qu'elle
blâme ? Ne sont-ce point ceux qui
méprisent les autres et qui les taxent
d'exaltation, de bigotisme et d'hypocrisie
dès qu'ils les voient s'appliquer
sérieusement à vivre selon la
piété qui est en
Jésus-Christ ?
Ne seraient-ce point encore (et plus
particulièrement peut-être) ceux qui,
parmi les fidèles, sont disposés
à blâmer ceux d'entre leurs
frères qui se montrent plus exacts et plus
scrupuleux qu'eux-mêmes dans
l'accomplissement de certains devoirs ?
Nous avons un triste penchant à critiquer ce
que nous n'avons pas le courage d'imiter, et
à prêter de mauvais motifs à
ceux qui font mieux que nous. Nous trouvons
celui-ci trop sérieux, trop grave ;
celui-là trop simple dans sa mise, dans son
ameublement, trop sévère dans ses
habitudes : nous disons qu'il est sous la
loi, qu'il cherche sa propre justice.
Nous condamnons celui qui, convaincu d'un
devoir qui ne nous paraît pas tel à
nous, obéit à sa conscience, et s'y
soumet même aux dépens de son repos et
de ses intérêts temporels....
En toutes ces choses nous condamnons la loi et nous
médisons de la loi ; car c'est à
cause de la loi et par respect pour elle que ceux
que nous jugeons, agissent comme ils le font ;
et fussent-ils dans l'erreur, nous devrions
respecter la droiture de leur intention et nous
souvenir que « celui qui agit contre sa
persuasion commet un
péché ».
Lisez ici
les treize premiers versets du XIVe
chapitre de l'Épître de Saint-Paul aux
Romains, où vous verrez qu'il n'est question
que des choses qui ne sont point mauvaises en
elles-mêmes, et qu'on peut faire ou ne pas
faire pour le Seigneur, et nullement des
choses décidément
réprouvées par la loi, qui doivent
toujours être qualifiées comme elles
le méritent.
VERSET 12.
Il y a un seul
Législateur qui peut sauver et qui peut
perdre. Toi, qui es-tu qui juges les
autres ?
Si nous sommes appelés souvent à
reprendre ce qui est mal,
n'oublions jamais que le jugement absolu, le
jugement final, ne peut appartenir qu'à
Celui qui a donné la loi, et qui d'ailleurs
peut seul sonder les coeurs et les reins et
apprécier le degré de
culpabilité du pécheur. Aussi si nous
devons reprendre « les oeuvres
infructueuses des
ténèbres, » nous ne devons
jamais soupçonner le mal (1 Cor.
XIII, 5), ni juger témérairement du
motif secret qui fait agir nos semblables.
VERSETS 13-16.
Je viens maintenant
à vous qui dites : Nous irons
aujourd'hui ou demain en une telle ville, nous y
passerons une année ; nous y
trafiquerons et nous y gagnerons, Vous ne savez
pourtant pas ce qui arrivera le lendemain, car
qu'est-ce que votre vie ? ce n'est qu'une
vapeur qui paraît pour un peu de temps et qui
ensuite s'évanouit. Au lieu que vous devriez
dire : Si le Seigneur le veut et si nous
sommes en vie, nous ferons telle ou telle chose.
Mais au contraire, vous vous glorifiez dans vos
pensées orgueilleuses. Toute vanterie de
cette espèce est mauvaise.
Dirait-on, à l'assurance avec laquelle les
hommes parlent de leurs projets, que leur vie n'est
qu'une vapeur qui paraît pour un peu
de temps et qui bientôt
s'évanouit ? Cette orgueilleuse
confiance en son avenir est déjà une
folie aux yeux du sage de ce monde, mais aux yeux
du Seigneur c'est une impiété ;
elle annonce un manque de foi à la
Providence qui dirige tous les
événements, un oubli de notre absolue
dépendance, et surtout un funeste oubli de
cette mort dont la pensée est si salutaire
à notre âme.
Il n'est point nécessaire que nos projets
soient mauvais en eux-mêmes pour qu'ils
soient coupables devant Dieu
et contraires à nos intérêts
spirituels. Il suffit qu'ils occupent trop notre
coeur et qu'ils détournent nos
pensées des objets éternels. C'est
ainsi qu'au jour de l'avènement du Seigneur,
comme aux temps de Noé et de Loth, les
hommes, absorbés par les soucis et les
occupations de la vie, se laisseront surprendre par
le jugement, sans s'y être
préparés.
Combien de gens, de nos jours, semblent ignorer
qu'il existe un Dieu de qui tout dépend et
qui a leur souffle en sa main ? et s'il en est
plusieurs qui semblent respecter le conseil de
Saint-Jacques, qu'est-ce autre chose le plus
souvent qu'une vaine formule dont on finit par
oublier entièrement la
signification ?
Vous dites bien : s'il plaît au
Seigneur, si Dieu le permet ; mais le
dites-vous du fond du coeur et dans un
véritable esprit de soumission et
d'humilité ? Le ton assuré qui
accompagne ordinairement ces paroles ne leur
donne-t-il pas au contraire l'air d'un défi
à la puissance de Dieu ?
Il est si vrai que l'emploi de ces expressions est
fréquemment accompagné d'un oubli
total de l'intervention divine, qu'on les prononce
même quelquefois en annonçant de
mauvais desseins....
Ce n'est point par une vaine et coupable habitude
que le vrai disciple de Christ dit en toute
occasion : s'il plaît à Dieu, si
telle est la volonté du Seigneur, si nous
sommes encore en ce monde.
C'est dans le vif sentiment de sa fragilité
et de sa dépendance.
C'est parce qu'il sait que « nous
sommes ici-bas étrangers et voyageurs et
qu'il n'y a rien de stable sous le
soleil ».
C'est parce qu'il est prêt à tout
événement et qu'il sait que nous
devons voir échouer nos plus justes projets
et manquer nos plans les mieux conçus, sans
en être déconcertés et surtout
sans nous laisser aller au
murmure. Rappelons-nous que « notre vie
n'est qu'une vapeur qui
s'évanouit ». Rappelons-nous
« qu'il ne tombe pas un cheveu de notre
tête sans la permission de notre Père
céleste ».
Rappelons-nous surtout que sa volonté est
toujours bonne, agréable et parfaite, et que
toutes choses tournent au bien de ceux qui
l'aiment », et nous suivrons de bon coeur
et en vérité le conseil de
Saint-Jacques, et nous y trouverons une paix et une
tranquillité d'esprit que le monde ne
connaît point.
VERSET 17.
Celui-là
pèche qui sait faire le bien et qui ne le
fait
pas.
Vous n'attendez pas sans doute que nous cherchions
à rapprocher ce passage des versets
précédents. Il forme à lui
seul un sens assez complet, et la
vérité qu'il exprime est assez
importante pour devenir l'objet des plus
sérieuses réflexions.
Je ne fais aucun mal, je ne fais tort à
personne, dites-vous aussitôt si l'on cherche
à vous convaincre de péché. Il
est fort douteux que vous ne fassiez aucun mal
même dans le sens où vous
l'entendez ; mais quand vous pourriez le dire
avec vérité, seriez-vous pour cela
justices devant Dieu et même devant les
hommes ?
Voilà vraiment un bon et fidèle
serviteur qui se glorifie de ce qu'il n'a pas
dévasté l'héritage de son
maître, ni maltraité ses compagnons,
et de ce qu'il a représenté tel quel
le talent qui lui fut confié !
Est-ce donc simplement à ne pas faire de mal
que nous sommes appelés ? est-ce
« pour occuper inutilement la
terre » que l'Éternel nous a
plantés dans sa vigne ?
Est-il nécessaire qu'un arbre porte de
mauvais fruits pour qu'il soit coupé et
jeté au feu ; ne suffit-il pas
qu'il soit
stérile ?
Si lors même que nous aurions fait tout ce
qui nous a été commandé, nous
serions des serviteurs inutiles, que serons-nous si
nous l'avons négligé ? La loi
prononce malédiction non seulement contre
celui qui fait ce qu'elle interdit, mais encore
contre celui qui n'a pas
persévéré à faire tout
ce qu'elle ordonne
(Gal. III, 10).
Entrez maintenant en compte avec Dieu, vous qui
prétendez vous justifier en ne faisant
pas de mal. Débattez vos droits avec
l'Éternel, et voyez si sur mille articles
vous pouvez lui répondre à un
seul.
Quoiqu'il y ait entre les hommes des degrés
de responsabilité bien divers, on peut
néanmoins dire hardiment qu'il n'est
personne sur la terre à qui les paroles de
notre texte ne soient applicables. Il n'est pas un
païen, pas un sauvage qui ne sache faire
quelque bien s'il en a la volonté. Il n'en
est pas un qui ne puisse sentir la
vérité et la justice de ce principe :
ce que tu veux que les autres fassent pour toi,
fais-le de même pour eux. « Car les
gentils, dit Saint-Paul, qui n'ont point de loi, se
tiennent lieu de loi à eux-mêmes, et
leur conscience qui les approuve ou les condamne
suivant ce qu'ils font, fait voir que la loi est
écrite dans leur coeur »
(Rom. II, 14, 15). Aussi, au jour du
jugement, seront-ils « sans excuse et
reconnus coupables devant Dieu »
(Rom. I, 20,
32 ;
II, I,
16 ;
III, 9,
19).
Mais si le païen, malgré son ignorance,
a la bouche fermée, où
paraîtrons-nous, nous qui avons tant de
lumière ? Il est cependant des gens
parmi nous qui pensent justifier leur
indifférence et leur paresse pour le bien en
alléguant qu'il sera peu redemandé
à celui qui a peu reçu.... Sans
doute, mais quelle excuse ces paroles peuvent-elles
vous fournir ? Vous avez lu l'Évangile,
ou vous l'avez entendu lire,
puisque vous en citez des paroles. Vous savez que
c'est Dieu qui donne, et que nous avons un compte
à lui rendre. N'est-ce pas avoir
déjà beaucoup reçu ? et
si ce n'est pas assez, pourquoi ne demandez-vous
pas davantage ? pourquoi ne cherchez-vous pas
à connaître plus exactement la
volonté de votre Père
céleste ?
Vous ne savez pas lire ! direz-vous.
Ah ! si vous pensiez que la Sainte Bible
dût vous enseigner le secret
d'acquérir des richesses, de conserver votre
santé ou de prolonger vos jours sur la
terre, vous auriez bientôt appris à
lire, ou du moins vous chercheriez bien vite
quelqu'un qui voulût vous lire ce saint
livre.
Vous êtes placé
désavantageusement ; vous n'avez
près de vous personne qui puisse vous aider
à comprendre les Saintes Écritures,
et vous entretenir des choses qui concernent votre
salut ! Mais craignez-vous de faire quelques
lieues pour vos intérêts temporels ou
pour vos plaisirs ?
Vous avez peu d'intelligence ; vous
êtes, dites-vous, trop idiot, trop
simple ! Vous ne l'êtes peut-être
pas tant pour le mal. D'ailleurs Dieu n'a-t-il pas
« révélé aux petits
enfants ces choses qu'il a cachées aux
intelligents ». Et Saint-Jacques ne
dit-il pas : « Si quelqu'un manque
de sagesse, qu'il la demande à Dieu qui ne
la refuse point ».
Dites plutôt que vous vous souciez peu de
connaître la volonté de Dieu, et que
vous préférez votre ignorance, dans
la pensée qu'elle doit vous exempter de
l'obéissance et du châtiment. Votre
conduite ressemble assez à celle d'un soldat
lâche et paresseux qui fuit ou se cache quand
il entend battre l'appel, de peur d'être
commandé de service ; mais si cette
ruse réussit rarement au soldat, qui n'a
pourtant à faire qu'à des hommes,
comment pourrez-vous échapper à celui
qui sonde les coeurs ? Votre
ignorance, loin d'être une
excuse, s'élève en condamnation
contre vous ; car elle vient, comme dit un
apôtre, « de l'endurcissement de
votre coeur »
(Ephés. IV, 18).
Et vous qui ne manquez ni d'instruction ni
d'intelligence, et qui avez tant de moyens de vous
rendre utile, direz-vous aussi que vous ne savez
pas faire le bien, ou que vous faites tout le bien
que vous pourriez faire ? Les forces de votre
corps, les facultés de votre esprit,
les connaissances que vous avez acquises,
sont-elles fidèlement employées
à la gloire de Dieu et au bien de vos
semblables ; et croyez-vous pouvoir rendre au
dernier jour un compte satisfaisant des nombreux
talents que vous avez reçus ?
Mais c'est à vous surtout qui êtes
entés sur le vrai cep, que s'adressent les
paroles de notre texte ; c'est de vous que le
Père a droit d'attendre des fruits abondants
(Jean XV, 1, 8). « Vous
êtes comme un arbre planté près
des eaux, qui étend ses racines le long
d'une eau courante; le vent brûlant du
désert ne saurait flétrir son
feuillage, et dans l'année de la
sécheresse il ne doit point cesser de porter
du fruit.
(3) »
Vous ne chercherez point comme le mondain à
vous excuser sur votre ignorance ou votre
faiblesse, car « l'onction de l'Esprit
doit vous enseigner toutes choses
(I Jean II, 27.
Jean XIV, 26,
Héb. VIII, 11). Dieu produit
en vous le vouloir et l'exécution
(Phil. II, 13), et vous pouvez
tout en J. C. qui vous fortifie. »
Examinez-vous vous-même, et voyez si vous
êtes fidèles dans l'emploi de ces
grâces, dont le Seigneur vous a
comblés. « Vous êtes le
sel de la terre
(Matt. V, 13) ; vous êtes
la lumière du monde ; vous
êtes « la lampe
allumée et placée sur le
chandelier ; et votre lumière doit
luire devant les hommes à la gloire de Dieu,
car c'est lui qui vous a créés en J.
C. pour les bonnes oeuvres, et qui les a
préparées afin que vous marchiez en
elles »
(Eph. II, 10).
La mesure de vos obligations est donc celle de vos
facultés ; et si vous avez le
désir d'accomplir le bien qui vous est
proposé, les occasions ne vous manqueront
point. Ce n'est pas seulement en donnant du pain ou
de l'argent que vous devez faire le bien ;
c'est peu de chose que cela ; il ne suffit pas
de faire au nécessiteux une chétive
aumône qui le rendra peut-être encore
plus misérable. Il faut agir avec
discernement ; il faut entrer dans sa demeure,
connaître par soi-même son
véritable état, et tâcher de le
rendre à l'amour du travail, de l'ordre et
de l'économie.
S'il est malade, il faut, en lui donnant les
secours nécessaires, veiller à ce
qu'ils soient administrés convenablement.
Ces choses-là sont plus difficiles, plus
fatigantes, plus désagréables
à la chair, que de répandre au hasard
des aumônes plus ou moins abondantes ;
mais ce n'en est pas moins à cela que vous
êtes appelés si vous voulez être
vraiment bienfaisants.
Vous contribuez aux frais du culte et de
l'enseignement, vous envoyez aux Gentils des
messagers de paix, vous aidez par vos dons la
distribution de la Bible et des ouvrages
religieux ; c'est très bien, mais ne
pourriez-vous rien faire de plus ? et si vous
n'avez pas les moyens de contribuer de cette
manière à ces bonnes oeuvres, y
demeurerez-vous étranger ? Ne
pourriez-vous pas, riche ou pauvre, faire part de
vos connaissances utiles à ceux qui sont
moins instruits que vous ?
Combien de gens peut-être croupissent autour
de vous dans l'ignorance, auxquels vous pourriez
enseigner à lire ; et
pouvez-vous calculer le prix de
ce bienfait ? Combien d'exemplaires de la
Parole de Dieu, combien de bons livres vous
pourriez placer utilement en vous donnant un peu de
peine ?
Combien d'âmes immortelles vous pourriez,
avec l'aide de Dieu, tirer de leurs
ténèbres, de leur
indifférence, de leur misère
spirituelle, avec un peu de zèle et
d'activité ? et sans être pasteur
ni docteur, sans en prendre le ton ni les formes,
combien de services vous pourriez rendre à
la cause de l'Évangile et à
l'Église de Jésus-Christ ?
Aquilas et Priscille sa femme, et la
bien-aimée Perside, qui avaient les uns et
les autres beaucoup travaillé pour le
Seigneur, étaient-ils ministres ?
(Rom. XVI, 5,
12). Est-ce seulement aux
ecclésiastiques qu'il est dit :
« Que chacun emploie le don qu'il a
reçu au service des autres, comme
étant de bons dispensateurs des diverses
grâces de Dieu
(1 Pier. IV, 10), car quoique nous
soyons plusieurs, nous ne sommes qu'un seul corps
en Christ, et chacun en son particulier les membres
les uns des autres (4).
L'Esprit qui se manifeste dans
chacun, lui est donné pour
l'édification commune, afin qu'il n'y ait
point de division dans le corps, mais que les
membres aient un soin mutuel les uns des
autres »
(1 Cor. XII, 7,
25).
Vous ne pouvez donc, « concitoyens des
saints et domestiques de Dieu, demeurer oisifs et
stériles dans la connaissance de notre
Seigneur et Sauveur Jésus-Christ »
sans pécher grièvement contre lui et
contre tous les membres de son corps. Vous ne
pouvez donc, je vous le répète
(1 Cor. XII, 15-21), rester en
arrière et vous refuser à contribuer,
selon les dons que vous avez
reçus, à l'édification,
à l'avancement spirituel de vos
frères, pas plus qu'à leur
bien-être temporel. Demandez à Dieu
qu'il vous fasse sentir vivement combien cette
obligation est pressante.
Hâtez-vous « de faire du bien
à tous, pendant que vous en avez l'occasion
(Gal. VI, 10). Rachetez le temps
(Éphes. V,
16) » ; ne le perdez pas, ce
temps précieux, dans l'inaction, la mollesse
ou la frivolité.
Rappelez-vous cette maxime si souvent
répétée dans
l'Évangile : « Ne cherchez
point votre intérêt particulier, mais
celui des autres (5).
Ne soyez point paresseux à
vous employer pour autrui
(Rom. XII, 11). Ne vous lassez pas en
faisant le bien ; car nous moissonnerons en
son temps, si nous ne nous relâchons pas
(Gal. VI, 9). Rappelez-vous que celui
qui sème peu, moissonnera peu
(2 Cor. IX, 6). Rappelez-vous que
vous n'êtes plus à vous-mêmes,
mais à Celui qui vous a rachetés, et
que vous ne devez plus vivre pour vous-mêmes,
mais pour Celui qui est mort et ressuscité
pour vous
(2 Cor. V, 14, 15). Rappelez-vous
enfin que celui-là pèche qui sait
faire le bien et qui ne le fait
pas. »
« Or le Seigneur vous fasse croître
et abonder de plus en plus en charité les
uns envers les autres, et envers tous ; et
Dieu est puissant pour faire abonder toute
grâce en vous, afin qu'ayant toujours tout ce
qui suffit en toute chose, vous soyez abondants en
toute bonne oeuvre. Amen,
(1 Thess. III, 12.
2. Cor. IX, 8.) »
FIN.
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