Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA PIÉTÉ
DANS

LA VIE ORDINAIRE



LAUSANNE

LIBRAIRIE DELAFONTAINE ET CIE
1856

CXXXVIII

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« Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose,
faites tout pour la gloire de Dieu. »
I Cor. X, 31

Combiner une vie d'occupations avec la vie spirituelle cachée avec Christ en Dieu, conserver un esprit réel de piété au milieu du mouvement et des distractions des affaires, est une des plus grandes épreuves du chrétien. Il est comparativement facile d'avoir des pensées sérieuses, des sentiments religieux le dimanche, au culte, pendant le recueillement du jour du repos.
Mais servir réellement le Seigneur, vivre en sa présence dans nos comptoirs, dans nos salons, dans nos magasins, au milieu des travaux de la campagne ou des frottements journaliers de la vie domestique, c'est une des choses les plus difficiles de la vie chrétienne.
Qu'il est rare, même après avoir été vivement impressionné par la prédication de l'évangile ou par la participation à la Cène, de conserver le sérieux et la spiritualité de l'âme, quand on se retrouve au milieu des conflits et des difficultés de tout genre de la vie journalière !
Cela est tellement difficile, qu'il y a peu d'hommes qui y aspirent. Le plus grand nombre, même de ceux qui font profession de croire à l'Évangile, se soustraient par divers moyens et sous divers prétextes à l'obligation d'être dévoués à Dieu, aussi bien dans le monde que dans le temple.

Dans les temps anciens, il n'était pas rare de voir des hommes fortement préoccupés de leurs intérêts éternels et de la difficulté de travailler à leur salut au milieu des distractions de la vie habituelle, sortir du monde, pour passer dans de profondes retraites et dans une entière solitude une vie de sérieuse préparation à l'éternité.

De nos jours, ce n'est pas, en général, de cette manière que l'on cherche à échapper à ce conflit entre le monde et la religion. Il est une nombreuse classe d'hommes qui font un compromis entre Dieu et le monde, entre les intérêts de la terre et les intérêts du ciel. Ardents à la poursuite des avantages terrestres, mais ne voulant cependant pas renoncer aux espérances de la religion, ces hommes-là cherchent à concilier les deux choses, en donnant, pensent-ils, à chacun, c'est-à-dire à Dieu d'un côté, et au monde de l'autre, ce qui leur revient.

Chaque chose à sa place et à son tour, se disent-ils secrètement à eux-mêmes. Les exercices de dévotion, les bonnes lectures, le culte sont l'affaire du dimanche ; mais les jours de la semaine sont pour les occupations indispensables et pour les travaux de la vie pratique. C'est assez, pensent-ils, de donner nos dimanches à nos devoirs religieux. Impossible de prier toujours, de lire continuellement la Bible. Les ministres et les personnes qui ont du loisir font bien de s'occuper tous les jours de religion, mais pour nous, nous avons autre chose à faire pendant la semaine ; il faut que nous gagnions notre pain et celui de nos familles, que nous travaillions du matin au soir.
Il résulte de cette manière de raisonner et d'agir que la piété devient essentiellement une affaire du dimanche, un beau vêtement que l'on revêt ce jour-là et qu'on dépose ensuite, un remède que l'on prend de temps en temps pour le bien de l'âme, mais dont on ne peut ni ne veut faire sa nourriture habituelle ; un ami dont on s'approche occasionnellement, mais dont on ne fait pas son guide et son appui de tous les jours.

Ai-je besoin de vous faire remarquer combien l'idée que la parole de Dieu nous donne de la vraie piété, en nous représentant le chrétien comme faisant toutes choses pour la gloire de Dieu, est différente de l'idée que s'en forment les hommes, qui relèguent, en quelque sorte, la religion à certains jours et la bornent à certaines pratiques de dévotion ?

La Bible nous enseigne assurément que l'attention la plus soutenue donnée à nos affaires terrestres, n'est nullement incompatible avec la spiritualité de l'âme et une sincère consécration de nous-mêmes au service du Seigneur.
Elle nous représente la piété non pas tant comme un devoir spécial et particulier, que comme un sentiment qui doit nous soutenir dans l'observation de tous nos devoirs ; non pas tant comme un hommage occasionnel à rendre à Dieu, que comme la consécration sincère de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous avons à Celui qui n'est pas seulement l'objet de notre culte, mais la fin et le but de toute notre existence.

Ces paroles : Soit que vous mangiez, soit que vous buviez soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu, nous donnent évidemment l'idée que la piété n'est pas seulement une affaire du dimanche, mais une affaire de tous les jours ; que la vraie spiritualité ne doit pas se montrer seulement dans le culte, mais en toutes choses ; qu'elle doit nous diriger dans nos occupations comme dans notre repos, dans le cercle de famille comme dans la solitude, dans le monde comme dans l'église.

Pour nous en convaincre, je chercherai à montrer que la piété est parfaitement compatible avec toutes les affaires de la vie, tellement que le négociant le plus occupé, l'industriel le plus habile, le serviteur le plus dévoué à son maître, peut en même temps être le chrétien le plus consciencieux, le plus fervent et le plus spirituel.
S'il en était autrement, s'il était impossible de travailler à son salut dans le tourbillon des affaires et au milieu des agitations de la société, il serait assurément du devoir le plus sacré et de l'intérêt le plus évident de tout homme sage et réfléchi, de renoncer aux affaires et de s'éloigner de la société des hommes pour passer dans la retraite une vie de préparation à l'éternité : car cette vie n'est rien en comparaison de l'éternité.

Mais l'impossibilité où sont la plupart des hommes de sortir du monde et de renoncer aux affaires pour se préparer à l'éternité, prouve qu'un tel sacrifice n'est point nécessaire et par conséquent n'est point demandé au chrétien. De quoi vivraient la plupart des hommes, si, pour servir Dieu ils devaient renoncer à leurs occupations ? Et, d'ailleurs, Dieu n'a-t-il pas dit : Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, et aussi : Tu travaillera : six jours et tu feras toute ton œuvre ?
Il en faut assurément conclure qu'il est possible de travailler à notre salut au milieu des distractions et des exigences de la vie matérielle.

Pour vous en convaincre, vous n'avez qu'à considérer attentivement ce que c'est que la religion.
Elle peut être envisagée sous deux points de vue : comme une science. c'est-à-dire un ensemble de vérités à comprendre et à croire, et comme un art, c'est-à-dire un ensemble de devoirs à remplir.
Sous l'un et l'autre point de vue, il est facile de montrer qu'elle s'allie parfaitement avec les occupations de la vie la plus active.

Considérons d'abord la religion comme une science. comme de saintes vérités à comprendre et à croire. Si pour les saisir, ces vérités, il fallait, comme pour étudier les sciences de ce monde, beaucoup de loisir, de recherches, de livres, de culture intellectuelle, les vérités religieuses seraient hors de la portée de la plupart des hommes, et la piété ne pourrait pas se concilier avec les travaux incessants auxquels presque tous sont appelés pour gagner leur pain. Mais l'Évangile n'est pas un système obscur, profond, de vérités abstraites.
Le salut qu'il nous annonce n'est pas une conquête proposée aux intelligences supérieures, mais une grâce accordée aux cœurs humbles. Sa lumière brille le mieux et le plus entièrement, non sur les hommes qui n'ont rien à faire, mais sur les hommes dont l'âme est droite et sérieuse. La Parole de Dieu, nous est-il dit, donne la sagesse aux simples. Jésus-Christ rendait grâces à Dieu de ce qu'il se révèle non aux sages et aux intelligents, mais aux petits enfants.
La vérité, telle qu'elle est en Christ, est à leur portée ; elle est plus près d'eux que des savants et des philosophes, en sorte qu'elle peut être trouvée, saisie, embrassée, retenue comme une lampe a nos pieds et une lumière à nos sentiers, dans les vies les plus remplies de travaux matériels.

Si vous considérez maintenant la religion comme un art, l'art de remplir nos devoirs envers Dieu et envers les hommes, vous verrez toujours mieux qu'elle se concilie parfaitement avec les occupations de la vie la plus active. Il n'en est pas de cet art comme des arts de ce monde dont on ne peut cultiver et pratiquer qu'un seul à la fois. Un homme ne peut pas être en même temps médecin et architecte, soigner ses malades et bâtir des maisons.
Mais il n'en est point ainsi de la religion, qui est un art en quelque sorte universel, la vocation de tous.

Un homme d'état, un négociant, un fermier, un avocat, en même temps qu'ils remplissent les devoirs de leurs carrières diverses, peuvent remplir les devoirs d'une profession plus relevée, ceux de la profession de chrétien. Car enfin, en quoi, sous ce point de vue, consiste la piété, sinon à être bon et à faire du bien ? Être religieux sous ce rapport, c'est s'appliquer à être juste, vrai, dévoué, patient, à renoncer à soi-même et à se conserver pur des souillures du monde. Et l'école où nous pouvons nous former à cet art, ce n'est pas notre cabinet (notre bureau), c'est le monde, la société, la vie domestique avec toutes ses contrariétés et ses épreuves.
Cet art peut être évidemment appris dans toutes les professions et au milieu de tous les genres d'activité. Quand un enfant apprend à écrire, peu importent les mots tracés sur le modèle d'écriture qu'on lui donne ; ce qui importe, c'est qu'il les copie bien. De même, quand un homme veut vivre en chrétien, peu importent les occupations auxquelles il se livre ; l'essentiel est qu'il apprenne à se bien conduire, à se conduire chrétiennement dans toutes.

Il est vrai que, pour y parvenir, il a besoin de prier, de méditer la Parole de Dieu, d'assister à des cultes, et que pour pouvoir le faire, il faut qu'il interrompe momentanément ses travaux. Mais ces exercices de piété ne sont pas des buts, mais des moyens de parvenir au but, qui est d'être bon et de faire du bien à nous-mêmes et au prochain. Ils ne servent à rien ces actes. s'ils ne nous rapprochent pas continuellement de ce grand but.
Un homme ne devient pas un bon marin, seulement en lisant des traités sur la navigation ; ni un bon soldat, seulement en étudiant les règles de la guerre. Il faut que le marin aille en mer et le soldat sur les champs de bataille.
Eh bien ! la vie est pour le chrétien ce que la mer est pour le marin, et la guerre pour le soldat. Un homme ne peut vraiment être religieux dans le sens le plus élevé de ce mot, qu'autant qu'il acquiert ces habitudes de renoncement à lui-même, de résistance à la tentation, de bonté, de dévouement, d'humilité et de sympathie qui ne s'acquièrent que dans le contact avec les hommes.
Ne me dites donc pas que le négociant, le laboureur, l'artisan ne peuvent pas s'occuper habituellement de religion ; j'aimerais autant que vous me dissiez que le pilote ne peut pas apprendre la navigation en mer, ni le soldat, le métier de la guerre sur les champs de bataille. Où l'apprendront-ils, s'ils ne l'apprennent pas là ?

La vraie piété ne consiste pas à lire continuellement de bons livres, et à toujours prier, quoique un esprit habituel de prière et de méditation de la parole de Dieu y soit essentiel ; elle consiste surtout à glorifier Dieu comme notre Père au milieu des épreuves et des devoirs de la vie, à nous conduire sagement et courageusement pour l'honneur de notre divin Chef dans les luttes et les difficultés auxquelles nous sommes exposés.

On entend souvent dire dans le monde que les ministres et les enthousiastes seuls peuvent être vraiment religieux, mais qu'une vie sainte n'est pas possible au milieu du conflit des affaires et des frottements continuels avec les hommes.
Loin de nous une telle pensée !
C'est précisément dans les affaires et dans la société des hommes que la vraie piété doit se manifester, c'est là qu'il s'agit de prouver qu'elle n'est pas une excitation passagère, bonne seulement pour le dimanche et pour la solitude ; mais qu'elle peut supporter le grand jour, vivre et prospérer au milieu des luttes pénibles et des rudes contacts de la vie réelle ; en un mot, qu'il est possible de faire tout pour la gloire de Dieu et de le servir réellement, dans quelque position qu'on se trouve et a quelques occupations qu'on se livre.

Vous en serez toujours plus convaincus, si vous considérez que la piété ne consiste pas tant à accomplir sans cesse des actes spirituels et sacrés qu'à accomplir des actes ordinaires et terrestres par un motif spirituel et sacré.

Nous sommes beaucoup trop portés à classer les actions d'après leur apparence. plutôt que d'après les motifs qui les inspirent ou l'esprit qui les dicte.
Il est beaucoup d'âmes pieuses qui regardent les actions ordinaires de la vie comme de tristes nécessités perdues pour la piété. Dans leur opinion, lire la Parole, prier, rendre culte là Dieu, sont seuls des actes religieux ; acheter, vendre, travailler, n'en sont pas. Il en résulte que les sentiments religieux se versent en quelque sorte tout entiers dans des actes qu'on regarde comme les seuls actes spirituels, et que, quant aux autres, on se contente de s'y soumettre et qu'on les regarde comme détournant presque inévitablement l'âme de Dieu.
Mais rien n'est plus faux.
Pourquoi considérer comme souillées des actions que Dieu a purifiées en en faisant un moyen de le servir ?
La moralité et la spiritualité des actions dépendent essentiellement de la moralité et de la spiritualité de celui qui les accomplit. C'est l'esprit, c'est le motif par lequel une chose est inspirée qui la rend mondaine ou spirituelle, basse ou noble.
Des actions extérieurement grandes peuvent être viles, par suite des mauvais sentiments qui les inspirent ; tout comme des actions toutes simples et tout ordinaires peuvent être nobles par suite de l'état du cœur de celui qui les fait.

Hérode, sur le trône, était un esclave. Jésus, travaillant dans l'atelier de Joseph, faisait quelque chose de grand. Une vie passée au milieu d'occupations terrestres peut être sainte, une vie passée au milieu de choses saintes peut être tout à fait mondaine.
Un ministre qui sans cesse prie, prononce de saintes paroles, accomplit des actes saints, peut, en faisant tout cela, ne pas faire quelque chose de plus saint que ce que font l'ouvrier qui imprime la Bible et le libraire qui la vend ; car il se peut que les uns et les autres ne fassent en cela que leur métier, et le métier de vendre et d'acheter est honorable en comparaison du métier de trafiquer des choses saintes.

Le culte public est une chose sainte. L'homme qui le néglige ne saurait être vraiment religieux.
Mais pour des multitudes d'hommes, les sentiments qu'ils y apportent rendent le culte tout ce qu'il y a de plus souillé aux yeux de Dieu.
Lui qui sonde les cœurs et les reins sait quels sont ceux qui y assistent pour avoir communion avec lui, lui ouvrir leur cœur, déposer à ses pieds les croix et les fardeaux qui les ont accablés pendant la semaine, et chercher dans le culte de nouvelles forces pour faire l'œuvre de Dieu dans leur cœur, dans leur famille et dans le monde.
Il sait aussi quels sont ceux qui le fréquentent par curiosité, par habitude, par respect humain, et pour se débarrasser d'une heure qui leur pèse. Et qui pourrait douter que quant à ceux qui y viennent par ces mauvais motifs, le culte ne présente aux yeux du Seigneur le spectacle d'une légèreté plus criminelle que les dissipations les plus frivoles ?

Au contraire, portez un principe de sainteté dans les affaires, et les affaires seront sanctifiées.
Un esprit chrétien christianise tout ce qu'il touche.
Un cœur humble dans lequel brûle la sainte flamme de l'amour de Dieu transforme les choses les plus ordinaires et les plus matérielles. La piété qui vit dans l'âme fait de toutes les occupations de la vie, de ses gains et de ses pertes, de ses rivalités et de ses luttes, tout autant de moyens d'avancement spirituel et moral.

Le principe chrétien spiritualise ce qui est matériel, christianise ce qui est terrestre.
Si vous êtes réellement chrétiens, votre plus vif désir sera d'employer au service de Dieu tout ce que vous avez, de parler et d'agir toujours en vue de lui plaire.
Vos entretiens, sauf peut-être avec vos amis intimes, ne rouleront pas souvent directement sur la religion. Vous n'en parlerez peut-être pas du tout dans une société très mélangée ; mais il est plus facile de prononcer occasionnellement quelques paroles religieuses, que de faire en sorte que tout ce que nous disons soit pénétré d`un esprit chrétien ; et si vos conversations ordinaires sont empreintes d'un esprit de piété, de douceur, de sérieux, de vérité, elles seront chrétiennes alors même que vous parlerez peu de religion.

Contribuer directement à l'avancement du règne de Dieu en aidant de vos dons et de vos prières les sociétés de missions et d'évangélisation, c'est sans doute un devoir pour vous qui croyez à l'Évangile ; mais votre devoir ne se borne pas à cela : vous pouvez avancer la cause du Seigneur encore plus efficacement, si dans votre conduite journalière au sein de votre famille, dans vos affaires et au milieu des hommes, vous répandez l`influence des principes chrétiens par l'éloquence silencieuse d'une vie sanctifiée.
Élevez-vous par la force de Christ au-dessus de toutes les pratiques équivoques qui ont cours dans les affaires ; évitez jusqu'à l'apparence de tout manque de délicatesse et de droiture ; que votre œil, fixé sur une récompense auprès de laquelle tous les biens, terrestres ne sont rien, soit resplendissant d'honneur ; que la pensée habituelle de Dieu vous rende toujours maîtres de vous, modérés en toutes choses, vigilants sur toutes vos paroles et sur toutes vos démarches ; que le sentiment profond de cet amour de Christ qui vous a rachetés vous remplisse de renoncement à vous-mêmes, de bonté, de support, d'affection pour tous ceux qui vous entourent, et quelque terrestres que soient vos occupations, votre vie sera spiritualisée, votre piété se développera et se fortifiera sous l'influence de l'Esprit de Dieu, et vous apprendrez tous les jours davantage qu'il est possible de faire tout pour la gloire de Dieu.

En effet, pour qu'il en soit ainsi, il n'est pas nécessaire, il n'est pas même possible qu'au milieu des occupations de la vie, nos pensées soient toujours directement fixées sur Dieu, sur ses perfections, sur sa gloire. L'intelligence ne peut pas plus, dans le même moment, se fixer avec énergie sur deux objets différents, que le corps ne peut occuper à la fois deux places différentes. Bien plus, il est peu de travaux dans ce monde qui, pour être bien faits, n'exigent une application sérieuse de notre esprit, et il en est beaucoup dans lesquels nous ne saurions exceller sans la force et l'énergie condensée de toute notre intelligence.
Mais il n'en est pas moins vrai que, sans avoir conscience des grands objets de la religion, comme étant au milieu de nos travaux clairement présents à notre esprit, la connaissance générale que nous en avons, surtout si notre cœur en est pénétré, peut et doit exercer une continuelle influence sur l'ensemble comme sur les moindres détails de notre vie.
Comme il est dans la nature des lois et des forces auxquelles nous obéissons à chaque instant sans nous en rendre compte chaque fois, il est de même dans notre âme des puissances et des impulsions morales qui agissent sur nous d'une manière secrète et occulte au milieu des occupations dans lesquelles nous sommes le plus absorbés.
Quelle puissance, par exemple, dans l'amour ! qu'il s'agisse de l'amour conjugal, de l'amour paternel ou maternel, ou même de l'amour de soi-même, peu importe : il suit en tout lieu celui qui en est possédé ; il influe sur toute sa conduite, il dirige toutes ses actions. Que ce soit une mère qui se multiplie pour satisfaire aux besoins de ses enfants ; ou un père qui s'efforce, par un travail opiniâtre, de gagner le pain de sa famille ; que ce soit un égoïste qui ne se donne aucun repos afin de se procurer jouissance sur jouissance : dans tous ces cas, le motif qui domine le cœur ne nuit point au travail de celui qui en subit la puissance, alors même que dans chaque chose qu'il fait, il ne se rend pas nettement compte du but pour lequel il agit ; bien au contraire, c'est de ce motif même, bien que caché au fond du cœur, que son activité tire toute son énergie et bien souvent son succès.

S'il est donc vrai que l'homme n'agisse jamais que par l'impulsion d'une pensée secrète, d'un motif ou d'un mobile dominant, que reste-t-il à faire pour obéir au précepte de St.-Paul qui nous occupe ?
C'est de changer de motifs, c'est de mettre les biens éternels à la place des biens d'ici-bas, Dieu et sa gloire et sa faveur à la place de la créature ; de le rétablir sur le trône de nos cœurs, qui lui appartient à tant de titres et que la créature a usurpé ; c'est de faire pour Lui ce que nous savons si bien faire pour un être humain qui possède notre amour.
Alors nous ne penserons pas plus à nous dispenser de faire toutes choses pour le Seigneur, par l'excuse frivole que nous ne pouvons pas continuellement penser à Dieu, que la mère ne néglige de travailler pour ses enfants ou le père pour sa famille, parce qu'ils ne peuvent pas ne penser jamais qu'à eux.
Là où est notre trésor, là sera aussi notre cœur, et là où est notre cœur, là se dirigera aussi d'elle-même notre activité journalière jusque dans ses moindres détails.

Telle est l'idée que nous devons nous former de la vie chrétienne, de cette vie à laquelle Christ nous appelle par tout ce qu'il a fait, et tout ce qu'il a souffert pour nous. Cette vie est-elle votre vie ?
A-t-elle du moins commencé en vous ?
De quelle importance n'est-il pas de vous le demander devant Dieu ?

Je conviens qu'elle n'a rien de brillant et qu'elle n'est pas facile. Si, aujourd'hui, nous ne sommes pas appelés au martyre, les difficultés de la vie chrétienne n'en sont pas moins grandes pour cela.
C'est une belle chose, sans doute, d'être prêts à mourir pour Christ ; mais ce n'est peut-être pas une moins belle chose d'être prêts à nous charger chaque jour de notre croix pour l'amour de lui, et de la porter en toute douceur et en toute paix.
Mais, quelles que soient les difficultés de la vie chrétienne, elles ne doivent pas vous arrêter, puisque, si vous croyez, vous pouvez compter sur une force de Christ proportionnée au besoin que vous en avez, et qui s'accomplira sans cesse dans votre infirmité selon que vous saurez y compter et l'appeler à votre secours.
Que si vous voulez sérieusement mener une telle vie, souvenez-vous que la première chose à faire, sans laquelle tous vos autres efforts seront complètement inutiles, c'est de vous dévouer de tout votre cœur à Dieu en Jésus-Christ.

Pour pouvoir porter un sentiment de piété en toute chose, il faut, avant tout, que cette piété ait pris racine dans votre cœur. La vie doit précéder la croissance. Avant de pouvoir servir, il faut qu'un soldat s'enrôle.
Or, aucune piété n'est sincère, aucune vertu n'est réelle qui ne procède pas d'une foi cordiale en Jésus-Christ.
Aller à Christ, comme à mon Sauveur, aller à lui avec toute ma faiblesse et toute ma culpabilité, comme à celui en qui le pécheur repentant trouve toujours un ami ; me jeter aux pieds de ce Jésus dont la parfaite sainteté est tempérée par la plus tendre compassion ; croire réellement à cet amour infini et incompréhensible, qui, pour moi, a enduré d'inconcevables tourments et supporté sans murmure la malédiction du péché ; remettre mon âme entre ses mains pour le temps et l'éternité, c'est le seul commencement possible de toute vraie piété.

C'est l'amour respectueux et profond du fidèle pour Christ qui est le principe de toute piété dans la vie habituelle.
L'égoïsme, la crainte de l'enfer peuvent inspirer une piété formaliste.
La sensibilité naturelle peut inspirer des mouvements passagers de piété ; mais une vie de fervente piété, qui se soutienne au milieu des soucis, des contrariétés et des luttes de la vie, ne peut être inspirée que par un seul motif, une cordiale consécration de nous-mêmes à Christ, produite par un amour réel pour lui.

Souvenez-vous encore que comme cette vie de vraie piété doit commencer en Christ, elle doit continuer en Christ. Il faut que vous appreniez à regarder à Christ, non seulement comme à Celui qui vous délivre de toute votre culpabilité, mais comme à Celui qui est la source unique de toute votre vie intérieure, l'ami de vos heures solitaires, dans le sein duquel vous pouvez déposer vos pensées les plus intimes et vos sentiments les plus profonds.

Vous ne pouvez vivre pour Lui dans votre famille, au milieu de vos affaires, dans le monde, que si vous vivez beaucoup avec lui en particulier.
Le vrai sérieux, la connaissance de votre cœur, l'empire sur vous-mêmes, la sagesse véritable, la piété agissante ne s'acquièrent que dans une communion habituelle avec Christ, par la prière, et la méditation de sa Parole, de son amour et de ses promesses.


« Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose,
faites tout pour la gloire de Dieu. 
»
I Cor. X, 31


(Source: Google)


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