Où il y a deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je suis au milieu d'elles. Matth., XVIII, 20.
Il règne dans le monde une grande confusion
sur l'application du mot Église. Aller à l'Église signifie
pour
tous se rendre dans l'édifice
consacré au culte du Seigneur. La puissance
de l'Église signifie, pour quelques-uns, la
puissance des prêtres.
Dans son sens évangélique, le mot
Église signifie assemblée.
La véritable Église n'est donc ni
le temple de pierre, élevé par la
main des hommes, ni le clergé ou le
prêtre, mais l'assemblée des
chrétiens ou des disciples de
Jésus-Christ, le peuple de Dieu tout entier.
Ainsi le mot France, dans son sens le plus
élevé, indique non seulement le
territoire peuplé par les
Français, non seulement le monarque et les
magistrats, mais l'ensemble de la nation,
distinguée par la puissance, l'intelligence
et le caractère qui lui sont propres.
Les protestants distinguent l'Église visible et l'Église invisible.
L'Église visible est composée
de tous ceux qui professent par leur
naissance, par leur position, par leur
adhésion tacite ou ouverte, croire en
Jésus-Christ. L'Église invisible est composée de tous ceux
qui ne se
contentent pas d'une profession extérieure,
mais qui croient réellement dans le
Rédempteur des hommes.
Si croire et professer étaient
une même chose sur la terre, la distinction
entre l'Église visible et l'Église
invisible disparaîtrait. C'est ce qui
arrivera dans le ciel, patrie glorieuse de
l'Église triomphante.
Le Seigneur lui-même établit cette
distinction dans sa parabole de l'ivraie et du bon
grain
(Matth.,
XIII, 24-30.).
« Le royaume des cieux est semblable
à un homme qui avait semé de bonne
semence en son champ. Mais pendant que les hommes
dormaient, son ennemi vint, qui sema de l'ivraie
parmi le blé et s'en alla. Et après
que la semence eut poussé et qu'elle eut
produit du fruit, l'ivraie parut
aussi. Alors les serviteurs du père de
famille lui vinrent dire : Seigneur, n'as-tu
pas semé de bonne semence dans ton
champ ? D'où vient donc qu'il y a de
l'ivraie ? Et il leur dit : C'est un
ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui
répondirent : Veux-tu donc que nous
allions le cueillir ? Et il leur dit :
Non, de peur qu'il n'arrive qu'en cueillant
l'ivraie vous n'arrachiez le froment en même
temps. Laissez-les croître tous deux ensemble
jusqu'à la moisson ; et, au temps des
moissonneurs, cueillez premièrement
l'ivraie, et liez-la en faisceaux pour la
brûler ; mais assemblez le froment dans
mon grenier. »
La même pensée est
présentée plus loin sous une autre
forme.
« Le royaume des cieux est encore
semblable à un filet qui, étant
jeté dans la mer, ramasse toutes sortes de
choses ; quand il est rempli, les
pêcheurs le tirent sur le rivage, et
s'étant assis, ils mettent ce qu'il y a de
bon à part dans leurs vaisseaux, et ils
jettent ce qui ne vaut rien. Il en sera de
même à la fin du monde ; les
anges viendront et sépareront les
méchants du milieu des
justes. »
Le filet rempli de toutes sortes de choses, le
champ rempli de toutes sortes d'herbes
représentent les Églises visibles. Le bon grain confondu
pour un
temps avec l'ivraie dans le champ, les poissons
confondus avec les algues et le limon dans le
filet, représentent les vrais croyants,
l'Église invisible, Église
mêlée et confondue pour un temps avec
le monde.
Le jour de la moisson, le moment où les
pêcheurs s'assoient sur le bord du rivage,
représente le jour du jugement, qui est le
moment solennel où l'Église
véritable, étant
séparée de l'Église
mélangée, deviendra elle-même
visible, c'est-à-dire parfaitement pure et
glorieuse, prête et parée pour le
céleste époux.
Allez à Rome, vous verrez une Église
catholique romaine ; allez à
Genève, vous trouverez une Église
protestante ; allez à
Saint-Pétersbourg, vous trouverez une
Église grecque dite orthodoxe. Tous les
catholiques de Rome sont-ils de bons et vrais
catholiques romains ? Tous les protestants de
Genève sont-ils de bons et vrais
protestants ; tous les orthodoxes de
Saint-Pétersbourg - sont-ils de bons et
vrais orthodoxes ?
Tous ces différents membres de trois
Églises chrétiennes sont-ils de bons
et vrais chrétiens ? Hélas
non ! comment discerner les fidèles des
infidèles ?
Dieu seul le peut ; pour nous, pauvres humains
à courte vue, ce discernement est
impossible ; l'établir au delà
de certaines limites serait un acte de
présomption.
Ce que nous voyons c'est une Église
apparente ; ce qui échappe à nos
regards, c'est l'Église de Dieu.
« II y a beaucoup d'appelés, mais
peu d'élus, » disait
Jésus-Christ
(Matth.,
XXII, 14.) ; les
appelés sont les chrétiens
appelés par la naissance, par la
prédication, par les sacrements ; les
élus se trouvent au milieu des
appelés, mais ils ne seront
révélés au monde qu'au jour
où l'épreuve et le combat auront
cessé pour faire place au repos et à
la gloire.
Toutefois, quand nous disons de l'Église de
Jésus-Christ qu'elle est invisible, nous ne
le disons pas d'une manière absolue. Car
bien que les vrais chrétiens ne soient pas
encore complètement manifestés au
monde, ils font néanmoins « luire
leur lumière devant les hommes
(Matth.,
V, 16.) ; »
ils se séparent de l'iniquité qui est
dans le monde, ils saisissent toutes les occasions
qui leur sont offertes de glorifier Dieu à
la face de ceux qui le renient.
Ainsi nul ne peut nier leur existence et leur foi,
mais comme Église, comme assemblée, ils sont
mêlés et souvent confondus avec le
monde, et tant qu'on ne pourra pas produire une
assemblée toute composée de vrais
chrétiens, nous serons contraints de dire
que la véritable Église est
invisible.
Quelle doit donc être notre conduite dans cet
état d'imperfection ?...
Nous devons nous unir à celle des
Églises visibles qui se rapproche le plus de
ce que la Parole de Dieu nous représente
comme l'Église véritable. Nous devons
chérir l'Église de notre naissance si
elle possède ces précieux
caractères ; nous devons nous en
séparer si elle ne les possède pas.
Ces caractères distinctifs et essentiels, il
importe de les signaler.
Je me suis réservé sept mille hommes de reste en Israël, qui n'ont point fléchi leurs genoux devant Baal. I Rois, XIX, 18.
Le symbole apostolique nous fournit une exposition
suffisante et complète de la
véritable Église, par cette
profession de foi :
Ici, l'Église est distinguée par
deux caractères principaux : elle est
universelle ; elle est
sainte.
Universelle ou catholique (1), c'est-à-dire
qu'elle n'est
point circonscrite par les limites d'un pays, par
la prépondérance d'une cité,
par l'influence d'un gouvernement. Elle
échappe à toute distinction de secte,
à toute institution d'homme, à toute
discipline temporaire, à toute restriction
politique. « En toute nation, dit la
Bible, celui qui craint Dieu et s'adonne à
la justice, lui est
agréable. »
Tous ceux qui se réclament du nom de notre
glorieux Maître, tous ceux qui, en toute
sincérité de coeur, l'adorent et le
servent, tous ceux qui le prient avec foi et
s'attendent à lui pour leur salut, tous ceux
qui, le prenant pour modèle, animés
de son esprit, marchent sur ses traces et imitent
son exemple de charité et de
dévouement, quels que soient, d'ailleurs,
les jugements que les chefs des Églises
visibles peuvent porter sur eux, sont membres de
l'Église invisible, marqués du sceau
de Dieu, désignés pour le glorifier
ici-bas et pour partager sa gloire dans le
ciel.
La terre elle-même ne limite point
l'étendue de l'Église ; elle
mérite doublement encore le titre
d'universelle, en ce que non seulement elle peut
s'étendre sur toutes les familles des
hommes, par la répartition du don de la
grâce, pendant leur vie de
combats et d'épreuves ici-bas, mais encore
parce qu'elle compte des membres nombreux dans les
demeures célestes où les enfants de
Dieu se reposent de leurs travaux dans la gloire
ineffable du Chef glorieux de l'Église. Il
en résulte que celui-ci, seul capable de
dominer l'univers par son regard immense, peut seul
voir et compter les membres de son Église,
toujours présente à la vue du
Seigneur, qui l'a fondée et la soutient pour
sa gloire.
L'Église invisible doit aussi être sainte. L'Église est la
famille de
Dieu parmi ses créatures morales, et Dieu ne
se plaît que dans la sainteté ;
toute souillure se dissipe en sa présence
comme devant un feu dévorant.
« Christ, est-il écrit, a
aimé l'Église ; il s'est
donné lui-même pour elle, afin qu'il
la sanctifiât, après l'avoir
nettoyée dans le baptême d'eau et par
sa parole, afin qu'il se la rendît une
Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni
aucune autre chose semblable, mais afin qu'elle
fût saine et irrépréhensible
(Ephés.,
V,
25.). »
Cette sainteté peut être
incomplète et gênée pendant les
combats de la vie ; mais l'Église au
moins la possède virtuellement, et, dans
son sein, elle possède
tous les éléments féconds de
la vraie sainteté.
Elle suppose d'abord la possession et la profession
de la vérité, et la
vérité en religion ne se trouve que
dans l'Évangile, parole inspirée de
Dieu, révélation seule
destinée à nous montrer la route du
ciel. Il s'ensuit que toute Église où
la Parole de Dieu est mise en évidence,
présentée aux fidèles comme
seule règle de leur conduite, seule source
de leurs espérances et seule base de leur
foi, possède en cela un des
caractères distinctifs de l'Église
dont Jésus-Christ est le chef adorable.
La sainteté dans l'Église suppose
aussi l'amour fraternel. Ce qui ne signifie pas
seulement les actes de la bienfaisance et de
l'aumône, mais l'affection mutuelle et
l'union intime des âmes.
Hors de cette disposition, on ne saurait se flatter
d'avoir les moindres rapports avec
Jésus-Christ ; il l'a dit
lui-même : « C'est à
ceci que l'on connaîtra que vous êtes
mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour
les autres. »
Ce n'est pas sans raison que les auteurs du symbole
apostolique proposent à notre foi la communion des saints, c'est-à-dire
l'union
qui doit exister parmi les
chrétiens, immédiatement après
avoir parlé de l'Église sainte et
universelle.
L'Église est un corps dont les
membres sont si dépendants
les uns des autres, qu'il est impossible qu'un seul
des membres souffre sans que le corps entier en
soit affecté. Là où se
rencontrent les divisions, les querelles, les
discussions, les zizanies, l'intolérance,
les persécutions, les haines et l'envie,
dites : là n'est pas l'Église de
Jésus-Christ, là n'est pas sa famille
de choix.
La sainteté dans l'Église se
manifeste encore par la séparation
complète du monde. Visiblement elle est au
milieu du monde, et se mêle avec ses
enfants ; mais aux yeux de l'esprit elle s'en
sépare et tend chaque jour à s'en
séparer davantage. C'est ce que saint Pierre
demandait, lorsque, dès sa première
prédication, suivie des premiers triomphes
de l'Évangile, il disait à ses
nouveaux frères :
« Séparez-vous de cette
génération incrédule et
perverse ! »
L'Église est un principe vivant : que
deviendrait ce principe, si ceux qui le professent
le prostituaient à un monde qui marche
chaque jour à sa ruine ? Chaque pas que
le chrétien fait dans la vie est un
progrès, chaque battement de son coeur
correspond à une bonne pensée, chaque
idée dans son intelligence est une
vérité que le monde ne
soupçonnait pas même, et dont il ne
voudrait sûrement pas, s'il la comprenait
clairement. Il n'y a donc point de rapport ni de
sympathie réelle entre le
chrétien et celui qui ne l'est pas, entre
l'Église et le monde. Nul ne peut servir
deux maîtres, et celui qui l'oublie s'expose
à servir fort mal l'un et l'autre. Et c'est
aussi pour l'avoir méconnu que l'on a vu
plusieurs Églises donner au monde le
scandale de l'ambition terrestre, de la
cupidité, des envahissements, des
désordres de tous genres ; et là
certainement n'était ni l'Église de
Jésus-Christ, ni son influence
bénie.
Enfin, la sainteté dans l'Église se
manifeste dans sa soumission entière et
exclusive à son chef,
Jésus-Christ.
Jésus-Christ ! voilà l'objet de
notre foi, de notre confiance et de nos
adorations ! Notre nom de chrétien nous
rappelle celui du Crucifié, nos enfants sont
baptisés en son nom ; nos communions
nous appellent à entourer sa table ;
nos fêtes nous retracent les circonstances
solennelles de sa vie de douleurs et de
triomphes ; nos chaires retentissent de son
nom : Christ est le chemin, Christ est la
vérité, Christ est la vie. Toutes les
fois que ce nom saint est méconnu,
oublié, partout où il n'est pas mis
en évidence, et son salut proclamé
dans toute sa simplicité comme dans toute sa
gloire, dites encore : là n'est point
son Église, là son regard ne
distingue point les véritables membres de sa
famille chrétienne.
Pour moi et ma maison, nous servirons l'Éternel. Josué, XXIV, 15.
Nous avons défini l'Église
visible : la réunion des
appelés ; mais comme les élus
sont au nombre des appelés, il s'ensuit que
l'Église visible renferme aussi toute
l'Église invisible. Elle est visible, parce
qu'en effet, on peut voir ceux qui la composent,
les compter, les nommer, et, jusqu'à un
certain point, les classer et juger de leur foi par
leurs oeuvres.
Elle a son influence politique et ses forces
statistiques, sa position géographique et
son caractère national ; elle a ses
jours de prospérité et ses
revers ; elle est tour à tour
oppressive ou opprimée ; tantôt
elle se laisse dominer, acheter, affaiblir,
dénaturer par la puissance de
César ; tantôt elle saisit les
rênes, dirige les peuples et fait trembler
les dominations.
L'Église visible est une école
où Dieu instruit ses enfants, et où
il fait entendre ses appels à ses
élus. Par l'Église, il y a un appel
comme nous l'avons déjà dit, dans la
naissance, dans les sacrements,
dans les instructions religieuses, dans la
prédication de l'Évangile, dans la
possession de la Bible, dans le commerce des
chrétiens.
Il y a donc dans l'Église visible des
éléments très divers : on
y trouve des enfants et des hommes faits, des forts
et des faibles, des ignorants et des sages, des
croyants, des indifférents, des formalistes
et même des impies. Le filet est jeté
sur la vaste mer, et il amène au rivage
toutes sortes de choses bonnes ou mauvaises ;
mais le moment de les tirer n'est pas encore
venu.
La Parole de Dieu, qui détermine d'une
manière parfaitement satisfaisante les
caractères de l'Église invisible,
admet une si grande liberté dans sa
direction humaine, que l'on doit s'attendre
à rencontrer dans les différentes
communautés qui la composent la plus grande
variété, surtout en ce qui concerne
leur administration temporelle et leur gouvernement
humain ; de là l'existence des
sectes.
Nous touchons ici à un sujet aussi
délicat qu'important, auquel il convient de
consacrer un chapitre tout
entier.
Dans les choses
importantes,
unité ; dans les choses douteuses,
diversité ; en toutes choses,
charité. Saint Augustin.
On fait grand bruit des sectes qui
caractérisent le protestantisme. On en
exagère le nombre, les divergences, les
inconvénients. Il est sage de ramener ces
faits à leur exacte portée.
L'Église invisible est une ;
c'est-à-dire que tous les vrais
chrétiens, quels que puissent être
leur apparence extérieure, le nom qu'ils
portent, la société à laquelle
ils appartiennent, les formes de leur culte,
reçoivent dans leur coeur et dans leur vie
les mêmes principes fondamentaux qui sont
à la base de l'Évangile, et sans
lesquels le christianisme cesserait d'être le
christianisme. C'est cette unité que
Jésus-Christ prophétisait dans cette
belle prière : « O
Père, qu'ils soient un, comme nous sommes un
(Jean,
XVII, 22.). »
L'Église visible, institution qui a
son côté humain,
terrestre, et par conséquent imparfait, est
divisée. Elle est divisée quand on la
considère dans l'ensemble de la
chrétienté. La
chrétienté se compose des
chrétiens catholiques romains, des
chrétiens protestants, des chrétiens
grecs, des chrétiens arméniens, des
chrétiens coptes, des chrétiens
abyssins, etc.
Si l'on prend chacune de ces branches de la
chrétienté, on les trouve
subdivisées, même celles qui
prétendent le plus à une unité
rigoureuse. L'Église grecque est
divisée, comme on le voit surtout dans la
Russie méridionale et dans l'empire ottoman.
L'Église romaine est divisée, sinon
dans la forme de son culte, du moins dans le
principe même de l'autorité
infaillible, que les uns placent dans le pape seul,
d'autres dans les conciles, d'autres dans le pape
présidant les conciles, etc. Les protestants
sont divisés en diverses
dénominations qui font le sujet
spécial de ce présent chapitre.
Les sectes sont un état de transition
inévitable entre l'unité par
l'autorité et l'unité par la
liberté. Dans cet état, les esprits
sont en travail, les âmes sont
éprouvées, la foi se forme et
s'épure, et le formalisme
disparaît.
Les sectes sont presque toujours un signe
évident d'un grand réveil religieux.
L'harmonie est plus facile dans le sommeil que dans
l'activité, et le silence
plus complet parmi les morts que parmi les
vivants.
Il faut de deux choses l'une : ou imposer
l'unité de la foi par l'autorité,
alors vous aurez l'unité dans le silence et
la mort ; ou donner la liberté en
supportant la diversité, et alors vous aurez
des âmes actives, sincères et
vivantes.
Patience ! les sectes ne sont que pour un
temps ; laissez donc les hommes chercher la
vérité à leur
manière ; quand ils l'auront
trouvée ainsi, ils n'en seront que plus
consciencieux et sincères. Permettez donc ce
que Dieu permet et ne maudissez pas ceux qu'il n'a
pas maudits ; qui sait s'il ne permet pas ces
divergences transitoires pour prouver qu'on peut
être un chrétien pieux, un homme
saint, un élu du ciel, hors de telle ou
telle institution humaine ?
J'ai souvent trouvé dans des ouvrages
hostiles au protestantisme des listes des sectes
que l'on donnait comme produites par la
Réforme ; ces listes étaient
empreintes d'une insigne mauvaise foi dont le
résultat était de donner à nos
diversités des proportions et un
caractère qu'elles sont bien loin de
présenter en réalité.
C'est ainsi, par exemple, que quelques auteurs
s'obstinent à nous rendre responsables de
l'existence des mormons, tandis que ceux qui
connaissent cette
communauté savent bien qu'elle s'est mise
complètement en dehors de la
chrétienté, ayant substitué
une Bible de son invention à la sainte
Parole de Dieu, et que nous ne voulons pas plus
accepter comme protestants ces hommes
égarés que nous ne voudrions rendre
l'Église romaine solidaire des flagellants
des anciens temps et des saint-simoniens des temps
modernes.
Les listes auxquelles nous faisons allusion
trompent encore les gens peu éclairés
en faisant autant de sectes des noms qui servent
à en désigner une seule. Ainsi j'ai
remarqué les noms suivants :
protestants, réformés,
évangéliques, bibliques,
calvinistes.
En additionnant, nous avons cinq sectes ; or,
celui qui écrit ces pages est tout cela
à la fois, bien qu'il n'ait la
prétention d'appartenir qu'à une
seule Église, savoir : l'Église
réformée de France. Que dirait-on de
celui qui prétendrait que les mots
catholiques, romains, papistes, ultramontains
indiquent quatre Églises
séparées, tandis qu'ils peuvent
être revendiqués par une seule
personne ?
Enfin on calomnie les sectes protestantes quand on
les représente toujours comme prêtes
à s'anathématiser les unes les
autres, tandis que leurs divergences ne les
empêchent point de s'unir fraternellement,
soit pour travailler en commun à des oeuvres
de piété et de
bienfaisance, soit dans l'intimité plus
étroite encore de la prière et de la
communion. L'Église réformée
de France, en particulier, est heureuse d'offrir
ses chaires aux prédicateurs fidèles
de toutes les dénominations
protestantes ; et la grande réunion
oecuménique de l'Alliance
évangélique a pour objet
spécial de rapprocher les chrétiens
de toutes sectes sur le terrain commun de
l'orthodoxie évangélique, mettant
ainsi en lumière le grand principe de
« l'unité de l'Esprit par le lien
de la paix. »
Du reste, ce fait apparaîtra d'autant moins
surprenant que l'on saura mieux apprécier
l'histoire des sectes et leur caractère
distinctif. Une étude approfondie de ce
sujet important montrera que les différences
qui existent entre les protestants tiennent soit
à des origines historiques, aux
caractères nationaux divers, soit à
des divergences relatives au gouvernement
ecclésiastique ou à la
célébration extérieure du
culte, éléments que les protestants
considèrent comme étant d'un ordre
secondaire quand on les compare aux grands
principes fondamentaux de la foi chrétienne
qui concernent directement la vie de
l'Église.
Les protestants d'Angleterre sont gouvernés
par des évêques, ceux de France le
sont par des presbytères ; les premiers
se mettent à genoux quand ils communient,
tandis que les protestants de
France se tiennent debout ; les uns ont de
longues liturgies, d'autres en ont de courtes,
d'autres n'en ont pas du tout.
De bonne foi, écartez ces
différences, qui sont peu importantes quand
il s'agit du salut et de la vie, et les divergences
qui existent entre les Églises protestantes
se réduiront à bien peu de chose,
comme le prouve d'ailleurs le rapprochement chaque
jour progressant qui fait de l'ensemble de ces
familles protestantes une grande et compacte
unité, que le réveil religieux,
l'instruction, le développement de la
charité et la bénédiction de
Dieu rendent chaque jour plus éclatante et
plus féconde.
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