Sortez de Babylone ! Esaïe, XLVIII, 20.
Abjuration ! ce mot réveille
d'ordinaire la méfiance et
l'appréhension. La pensée se porte en
effet aussitôt sur des souvenirs de
conversions achetées à prix d'or ou
extorquées par la terreur. Et ce qu'on
trouve odieux de la part d'une religion dominante,
on ne l'approuve pas davantage de toute autre
Église. Je me hâte donc de dire que
notre principe protestant, qui n'attache de valeur
à la foi qu'autant qu'elle est
consciencieuse et libre, repousse de la
manière la plus éclatante et la plus
absolue toute tentative de lui gagner des
adhérents autrement que par des convictions
sincères et éclairées. Et si
nous considérons l'établissement de
l'Inquisition, la révocation de
l'édit de Nantes, comme
de diaboliques machinations, nous ne craignons pas
de dire tout haut que nous croyons que Calvin a
péché en approuvant la condamnation
de Michel Servet ; que s'il est des monarques
protestants qui usent de mesures restrictives
contre les chrétiens dissidents, ils sont en
contradiction flagrante avec le principe de leur
religion nationale, et que tout autre acte
d'oppression spirituelle, de quelque
côté qu'il vienne, est entaché,
d'injustice et même
d'impiété...
Toutefois, ce principe de liberté de
conscience, nous l'acceptons dans toutes ses
conséquences ; et si, sous le bienfait
de son application la plus large, nous voulons que
chacun soit libre de rester dans la religion qu'il
croit la meilleure, nous voulons que chacun soit
également libre de choisir la religion qu'il
préfère.
Ce dicton populaire partout répandu : Il faut mourir dans la
religion où on est
né, nous a toujours paru une tyrannique
absurdité.
- Mourir dans la religion de ses
pères ?
Oui, si elle est vraie ; non, si l'on
découvre qu'elle est fausse. Autant vaudrait
dire qu'il faut mourir dans l'ignorance, dans les
vices, dans les crimes de ses pères. Nul ne
peut accepter cette fatalité de la naissance
sans une espèce de suicide moral.
Le principe de ce dicton proverbial est
l'absence de tout
principe ; cet attachement aveugle à
une religion de naissance est l'absence de toute
religion, car il réduit la religion à
une position, à un nom, à une
apparence. C'est ainsi que l'on condamne des
nations entières à l'hypocrisie en
les maintenant dans la profession extérieure
d'un culte qu'elles ne pratiquent plus, de
principes qu'elles ne croient plus.
L'observation la plus superficielle prouve que les
nations les plus religieuses sont celles où
il est entendu que chacun choisit le culte qui lui
convient quand il est assez éclairé
pour choisir par lui-même, et que si les
cultes officiels peuvent perdre à cette
indépendance de la pensée, la
religion y gagne en sincérité, en
lumière, en influence moralisante.
Si donc nous méprisons l'homme qui abandonne
le culte de sa naissance à la
légère, par intérêt, par
peur, nous estimons celui qui, faisant usage de
toutes les lumières qui lui ont
été départies, examine
sérieusement ce culte dans son principe
fondamental, et n'hésite pas, quoi qu'il
puisse lui en coûter en sacrifices
d'affection et de position, à embrasser la
croyance qui lui paraît le plus en harmonie
avec les besoins de sa conscience et les
lumières de sa raison.
Nous allons plus loin encore, et nous pensons que
tout homme convaincu doit
s'efforcer de convaincre les
autres ; que celui qui a dans la tête
une bonne pensée, dans son coeur un bon
sentiment, dans son âme un bon principe, n'a
pas le droit de tenir ces trésors enfouis,
qu'il doit les répandre autour de lui, et
qu'il n'a pas besoin, pour exercer ce
ministère fraternel, d'être
revêtu d'une charge officielle.
Il y a dans l'humanité une solidarité
si étroite, que chaque homme est responsable
vis-à-vis de son frère des
lumières qu'il aurait pu lui
communiquer.
Ce que nous disons des individus, nous le disons
à plus forte raison des
Églises ; elles sont atteintes de mort
lorsqu'elles renoncent à
s'étendre ; elles abandonnent leur
principe, elles se réduisent au silence,
elles n'ont plus de raison d'être
lorsqu'elles ne cherchent pas à envahir le
monde. Lorsqu'elles sont dans la
vérité, elles emploient pour
s'étendre des moyens conformes à la
vérité : la prédication,
l'instruction, la persuasion, la douceur, la
prière, l'amour. Lorsqu'elles ne craignent
pas d'employer la ruse, la politique, les
séductions, les actes de violence, nous
n'hésitons pas à dire qu'elles sont
dans les sentiers de l'erreur et d'une flagrante
infidélité.
II y a diverses manières de juger un homme
qui abandonne la religion dans laquelle il est
né pour embrasser un autre
culte.
Qu'un homme renie la foi de ses pères par la
crainte d'un blâme public, par fausse honte,
sous le vent de la persécution, en
présence des douleurs du martyre, il est
permis de dire de cet homme qu'il n'est qu'un
lâche renégat.
Qu'un homme abjure son culte par motif d'ambition
humaine, pour se concilier la faveur des grands,
l'appui du pouvoir, les richesses et les honneurs
du monde, on peut dire de cet homme qu'il est un
hypocrite.
Qu'un homme passe successivement d'un culte dans un
autre par inconstance, par inquiétude
d'esprit, pour essayer d'une situation nouvelle, on
peut dire de cet homme qu'il se fait un jeu de tout
ce qu'il y a de plus sacré parmi nous.
Mais qu'un homme sérieux, sincère,
pieux, reconnaisse les erreurs attachées au
culte dans lequel il a passé son
enfance ; guidé par la raison, par sa
conscience, ou plutôt par les lumières
certaines que nous fournit la
révélation divine, qu'il ait le
courage de s'affranchir du joug de l'erreur et
d'affronter, s'il le faut, les moqueries du monde,
les persécutions des fanatiques, la
défaveur des grands : que
n'écoutant que la conscience et le devoir,
il embrasse la vérité
évangélique..., un tel homme a droit
à notre estime et à notre
bienveillance. L'Église
réformée ne
repoussera pas un tel homme ; elle n'est pas
jalouse de s'en acquérir d'autres.
L'admission d'un prosélyte dans
l'Église réformée de France,
diffère, quant à sa forme, selon les
circonstances.
S'il s'agit d'un homme qui ait été
constamment étranger aux rites
chrétiens, je veux dire un païen, un
mahométan, un juif, il va sans dire qu'il
devra recevoir, avant tout, le sceau du
baptême.
Si le prosélyte est né et a
été élevé dans une des
branches de la grande famille chrétienne, un
catholique, un grec, par exemple, une commission
consistoriale est chargée de
s'enquérir de son instruction religieuse et
de ses moeurs ; elle s'entoure de toutes les
lumières propres à lui faire
connaître les convictions intimes du
néophyte, et, sur des renseignements
favorables, le conseil presbytéral accepte
le nouveau frère, après qu'il a
déclaré lui-même formellement
renoncer aux erreurs de sa naissance, et
désirer être admis dans notre
Église, en communion d'esprit, d'amour et de
foi. Il devra déclarer aussi qu'il n'a
été mu dans sa décision par
aucun motif d'intérêt ni de pression
extérieure, et que cette importante
démarche est l'effet d'une conscience libre
et éclairée. Cette réception
est accomplie sans éclat et dans un esprit
de prière.
Le mariage est honorable pour tous. Héb., XIII, 4.
Le mariage a été institué de
Dieu, lorsque déclarant qu'il n'est pas
bon pour l'homme d'être seul, il lui
donna une compagne.
En retirant Ève de la propre chair d'Adam,
il a établi l'union qui doit exister entre
le mari et la femme.
En ne donnant qu'une seule femme au premier homme,
il a institué la monogamie et
condamné par là le concubinage et la
polygamie. Si la Bible parle de patriarches qui ont
eu plusieurs femmes, ce n'est point pour les
approuver, mais pour raconter avec
fidélité l'histoire du genre humain,
qui est, hélas ! le plus souvent,
l'histoire de ses faiblesses.
Si le divorce était permis dans la loi de
Moïse, ce n'était que sous certaines
conditions exceptionnelles ;
Jésus-Christ, en déclarant que cette
permission avait été donnée
aux enfants d'Israël à cause de la
dureté de leur coeur, exclut, par cela
même, sauf le cas d'adultère, cette
rupture d'un lien sacré au milieu du peuple
de Dieu formé sous la
nouvelle alliance, qui est une alliance de
sainteté autant que de
miséricorde.
Jésus-Christ a sanctionné le mariage
soit en en rappelant l'institution primitive, soit
en assistant aux noces de Cana avec sa mère
et ses disciples, soit en condamnant
l'adultère, le divorce et l'impureté,
soit en comparant la venue du royaume de Dieu
à des noces, et son union intime avec
l'Église à ce lien béni.
Saint Paul déclare « que le
mariage et le lit sans souillure est honorable
entre tous les hommes ; qu'il aurait eu, comme
les autres apôtres, le droit d'emmener avec
lui une femme d'entre ses soeurs. »
Si, dans son épître aux Corinthiens,
il dit « que celui qui se marie fait
bien, mais que celui qui ne se marie pas fait
mieux, » il a soin d'ajouter que son
conseil il le donne de lui-même et à
cause de la dureté des temps,
c'est-à-dire des persécutions atroces
qui sévissaient contre les chrétiens
(1
Cor., VII, 26.).
L'Écriture, en racontant la guérison
de la belle-mère de Pierre, constate que cet
apôtre était marié, et saint
Paul annonce comme un siècle
d'hérésie celui où l'on
défendra le mariage.
D'après les préceptes de la Parole de
Dieu et l'esprit de l'Évangile, les
protestants considèrent le mariage et le
célibat comme également
autorisés, la décision entre ces deux
états étant abandonnée au
libre choix de chacun selon ses inclinations
individuelles.
Ils n'attachent aucune idée de
sainteté supérieure au
célibat, ni d'infériorité
morale à l'état du mariage. Il est
des circonstances de fortune, de position sociale,
de santé qui rendent le mariage peu
désirable et même quelquefois
impossible ; mais nous croyons que
l'épouse fidèle, la bonne mère
de famille, est plus digne d'estime, et remplit
plus fidèlement la tâche de la femme
chrétienne que celle qui, dans les vues
d'une dévotion mal éclairée,
se renferme dans la stérile et
égoïste condition du
célibat.
Ajoutons, pour compléter notre
pensée, que nous considérons comme
attentatoire aux droits de la souveraine Providence
et à la dignité de l'humanité
tout ordre humain qui condamne au célibat
une classe quelconque d'hommes, à qui
d'ailleurs Dieu a accordé, comme à
tous les autres, le droit et le doux
privilège du mariage chrétien.
Nous n'appelons par le mariage un sacrement parce que nous
réservons ce titre aux
cérémonies, signes extérieurs
d'une grâce cachée,
ordonnées de Jésus-Christ à tous les chrétiens comme gage de
salut.
Nous approuvons pleinement la loi française,
qui veut que le mariage civil précède
le mariage religieux, parce qu'il y a des
intérêts civils dans le mariage dont
la société et le magistrat qui la
représente doivent s'occuper
spécialement, et que rendre de tels
intérêts dépendants des
croyances religieuses individuelles et
secrètes des hommes, ce serait abandonner
les intérêts de la
société et de la famille à des
variations incessantes ou à des conditions
insaisissables ; ce serait aussi imposer
à chacun un joug religieux légal.
Une fois le mariage civil accompli, le contrat
liant les époux à la
société dans les conditions sociales,
ceux-ci restent libres de donner à leur
union le cachet religieux qui convient à
leurs convictions. Ce sceau nous paraît
indispensable au chrétien, qui ne peut
attendre aucun bien d'une union que Dieu
lui-même ne cimenterait pas de sa
bénédiction.
Nous voyons avec douleur, sans les défendre
absolument, les mariages mixtes, je veux dire ceux
où les époux appartiennent à
des communions différentes. Nous les croyons
favorables à l'indifférence
religieuse et fertiles en froissements
douloureux ; mais quand ils
sont contractés, nous en
respectons les conditions, et nous
considérons comme coupable toute tentative
qui tendrait à inquiéter l'un des
deux époux à l'occasion de ses
convictions religieuses.
Chez nous, la célébration religieuse
du mariage consiste en une cérémonie
simple, grave et empreinte d'un caractère
évangélique, comme tout ce qui se
pratique dans nos Églises.
Les époux se rendent au temple avec leurs
parents et leurs amis, en plein jour et en
présence de l'Église
assemblée. Le ministre, revêtu de son
costume pastoral, rappelle aux époux
l'institution du mariage ; il leur adresse de
pressantes exhortations, il les appelle à
contracter de solennelles promesses.
« Vous, » dit-il au mari,
« vous déclarez avoir pris pour
votre épouse N.N., ici
présente ; vous promettez de l'aimer,
de l'entretenir, dans la maladie et dans la
santé, dans la mauvaise fortune comme dans
la prospérité, et de lui demeurer
fidèle jusqu'à la mort, comme c'est
le devoir d'un mari chrétien envers son
épouse, et comme Dieu vous le commande dans
sa Parole. »
Après une déclaration à peu
près semblable de la part de la femme envers
son mari, le pasteur joint les mains des
époux, après leur avoir remis
l'anneau nuptial et après avoir
imploré, par une ardente
prière, la
bénédiction de Dieu sur leurs noeuds
légitimes et sacrés. Enfin, il leur
présente un exemplaire de la sainte Bible.
Ce volume devient la Bible de mariage, premier
monument du culte de famille, et souvenir
sacré d'un jour à jamais solennel.
J'étais malade et vous m'avez visité. Matth., XXV, 36.
Donnée de Dieu aux hommes pour
détacher leurs affections d'un monde qui
périt, et pour les diriger vers le salut et
la vie, la religion devient surtout pour eux une
source de consolation et de force. Il faut donc
s'attendre à retrouver auprès du lit
des malades les ministres de la Parole,
chargés de l'administrer à tous selon
leurs besoins.
Cette partie de leur pieux ministère leur a
toujours paru digne de leurs soins les plus
assidus, de leur plus sérieux
intérêt. On comprend tout d'un coup
que la visite des pasteurs aux malades ne peut
être assujettie à une forme liturgique
et sacramentelle. Elle consiste, selon l'occasion,
en conseils, en exhortations, en lectures et en
prières. Cette fonction
exige, plus que toute autre, l'exercice d'une
grande discrétion et d'une charité
à toute épreuve. C'est ici surtout
que se manifeste le chrétien de coeur.
Attentif aux souffrances de ses frères, il
accourt à leurs cris ; que
dis-je ! il devance souvent leur appel. Ceux
qu'il a bénis dans la ratification du voeu
baptismal ou dans la sainte joie du mariage, ne
viendrait-il pas encore les bénir au milieu
de la souffrance et de l'angoisse ! Ce
spectacle de douleurs déchire son coeur
d'ami ; mais il sait que Dieu sanctifie pour
plusieurs ces heures d'épreuves ; il
profite donc de ces moments favorables où
Dieu semble adresser aux hommes de nouveaux appels
et des avertissements plus solennels, pour disposer
les âmes qui lui sont confiées
à répondre à cette voix
céleste par une entière
soumission.
Ceux des fidèles qui comprennent toute
l'importance des consolations
évangéliques au milieu des douleurs
de la vie, se hâtent d'appeler leur pasteur
aussitôt que la main de l'affliction
s'appesantit sur eux ; mais,
hélas ! trop souvent, par une
contradiction dont il n'est pas aisé de
rendre compte, il en est qui, redoutant que
l'apparition d'un homme grave et sérieux
dans leur maison ne porte l'épouvante dans
l'âme du malade, n'appellent le pasteur
auprès de lui qu'à
la dernière extrémité,
c'est-à-dire lorsque ses dernières
angoisses démontrent qu'il lui reste trop
peu de sensibilité pour qu'il soit fortement
ému par les événements
extérieurs, et encore assez de vie pour que
le pasteur soit dispensé du scandale
d'administrer les secours de la religion à
un cadavre inanimé.
Dans les temps les plus orageux pour
l'Église, les pasteurs ne se sont jamais
ralentis dans les soins qu'ils donnaient aux
malades, et souvent on les vit affronter les plus
grands dangers, se glisser furtivement dans
l'ombre, et, à l'aide d'un
déguisement, s'introduire dans la maison
d'un frère expirant, pour lui fermer
pieusement les yeux. Et nos aumôniers en
Crimée et en Italie n'ont pas failli
à leurs périlleux devoirs.
Aujourd'hui, les progrès de la
piété donnent à ces soins
religieux un intérêt plus grand
encore. Le préjugé qui attribue un
effet sinistre à la première visite
de l'homme de Dieu dans la maison du fidèle
s'efface de plus en plus.
On demande du pasteur des visites plus
fréquentes, plus longues, et par
conséquent plus fructueuses, et, dans
plusieurs familles, on n'attend plus que le malade
soit arrivé au dernier période de
souffrance ou d'atonie pour lui faire entendre la
Parole du salut.
Dans ces circonstances, les ministres de la Parole
ne manquent pas de profiter du
moment favorable pour rappeler à leur
frère malade l'état de
péché et de misère dans lequel
tous les enfants d'Adam sont plongés, et la
nécessité où ils se trouvent
tous de se convertir et d'être
régénérés pour entrer
dans la vie.
Les pasteurs annoncent ces grandes
vérités avec tous les
ménagements que commande la charité,
mais aussi avec toute la fidélité que
le devoir leur impose. Il ne s'agit pas d'endormir
une âme malade, il s'agit de la
réveiller et de la guérir.
Mais, après avoir ainsi annoncé les
exigences de la loi, les ministres de la Parole se
hâtent d'exposer les trésors de la
miséricorde divine. Ils parlent du Dieu patient, lent à la colère,
abondant en, grâces ; ils annoncent
le Seigneur Jésus obéissant pour les
pécheurs, crucifié à leur
place, les appelant, les sollicitant, les attirant,
les liant à lui par des cordeaux d'amour. Ils ouvrent aux
yeux du mourant la
glorieuse perspective de la vie à venir, la
splendeur d'un ciel préparé et
habité par Jésus ; puis ils
prient, ils assiègent le trône de sa
gloire en faveur de ce fidèle qui se
débat contre la mort, et qui,
peut-être quelques instants après,
comparaîtra devant son Juge
suprême.
Ils demandent à Dieu de l'éclairer,
de le convertir, de le sauver, de lui multiplier
les dons de son Esprit. Ils prient aussi pour
lesmembres de sa famille, pour
ses enfants qu'il va laisser orphelins, pour sa
femme qu'il va laisser veuve, pour tous les
chrétiens qu'un sentiment de pieuse
compassion avait réunis autour du lit de
douleur ; et, en se retirant, ils laissent
dans la maison d'affliction un parfum
d'espérance et de paix
évangélique que la foi
chrétienne peut seule et donner et
comprendre.
Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous. Si nous confessons Dos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. 1 Jean, I, 8, 9.
Cette parole, adressée aux Églises
par l'apôtre saint Jean, constate un fait
important : c'est que si Dieu, dans sa
miséricorde infinie en Jésus-Christ,
veut pardonner au pécheur, il veut aussi que
le pécheur ait le sentiment de la valeur de
ce pardon, que, sentant ses misères
spirituelles, il en fasse un aveu complet. S'il se
croit sans péché, il se trompe :
il ment à sa propre conscience, et rien ne
le porte à chercher sa délivrance,
à désirer le salut, à
croire en un Sauveur dont
après tout il pense qu'il n'a que faire.
S'il sent sa misère spirituelle et sa
culpabilité, il en gémit, il la
déteste ; il a recours à la
source de toute miséricorde, il saisit avec
empressement la promesse de réconciliation,
il se jette avec abandon dans les bras de son
libérateur ; et en retour Dieu lui
donne l'assurance de son pardon ; il fait
descendre dans le coeur de son enfant
justifié une paix indicible, gage certain et
avant-goût précieux d'un bonheur sans
mesure et sans fin.
Cet aveu de la part du pécheur, c'est la confession ; cette
assurance de
pardon
dispensée de Dieu, c'est l'absolution.
Le péché étant une
transgression de la loi de Dieu, et par
conséquent une affaire qui se passe entre
l'homme et Dieu, et dans laquelle Dieu est
l'offensé et l'homme l'offenseur, nous
devons confesser notre péché à
Dieu lui-même, qui, présent partout,
est toujours prêt à nous
écouter, et qui, connaissant tout, ne
saurait jamais être trompé.
C'est à ce juge suprême que les
Moïse, les David, les Daniel, les
Manassé, et plus tard les péagers
repentants, le Larron converti sur la croix,
l'Enfant prodigue, confessèrent leur faute
sans avoir recours à d'autres
intermédiaires.
Devons-nous nous confesser aux hommes ?
Oui, s'il s'agit d'une offense
dont nous nous soyons rendus coupables envers
eux.
Oui, devant un père ou une mère qui,
chargés de notre éducation, ont le
droit de nous demander compte de notre conduite.
Voilà pour les relations sociales et la vie
de famille.
En ce qui concerne notre état spirituel ou
nos relations avec Dieu, nous pouvons, par un
élan spontané et libre, rechercher
l'intimité des chrétiens plus
avancés que nous dans l'expérience de
la vie chrétienne et de la connaissance de
l'Évangile ; nous pouvons leur ouvrir
notre coeur, leur faire part de nos doutes, de nos
chutes mêmes, et réclamer les
leçons de leur sagesse, la communion de
leurs prières, la consolation de leur
sympathie fraternelle... ; témoignage
libre et fraternel de l'union qui existe entre les
membres de l'Église de Jésus-Christ
et auquel un apôtre fait allusion quand il
exhorte les lecteurs de ses épîtres
à confesser leurs fautes les uns aux
autres, tout aussi bien qu'il leur demande de prier les uns
pour les autres (Jacq.,
V, 16.).
Mais ce chrétien auquel on ouvre son coeur
en recourant à sa sympathie et à sa
longue expérience, doit-on le
considérer autrement que comme un
frère ; faut-il le regarder comme
un juge, un arbitre
officiel ? Les protestants repoussent cette
idée de la manière la plus positive,
comme attentatoire à la gloire du
Père, seul souverain de nos âmes,
à la gloire de Jésus-Christ, notre
seul juge suprême, à la gloire du
Saint-Esprit, qui seul connaît ce qui est
dans le coeur de l'homme et dans le coeur de
Dieu.
L'absolution étant l'acte par lequel nous
recevons l'assurance de notre entier pardon, Dieu
seul peut la donner ; saint Jacques l'appelle
« le seul législateur qui
peut sauver et qui peut détruire
(Jacq.,
IV, 12.). »
L'absolution est l'oeuvre spéciale du
Saint-Esprit ; saint Paul nous l'enseigne
quand il écrit aux Romains
(Rom.,
VIII, 16.) :
« C'est ce même Esprit qui rend
témoignage avec notre esprit que nous sommes
enfants de Dieu ; » toute
l'Écriture est pleine de déclarations
par lesquelles nous pouvons constater la
réalité et les conditions de cette
précieuse assurance du salut.
Méditez, et recevez dans votre coeur les
passages suivants :
« Quiconque croira en Jésus-Christ
recevra la rémission de ses
péchés en son nom
(Actes,
X, 43.). Sachez, mes
frères, que c'est par Jésus-Christ
que vous est annoncée la rémission
des péchés, et que
c'est par lui que tous ceux qui croient sont
justifiés
(Actes,
XIII, 38, 39.). Si quelqu'un
a péché, nous avons un avocat
auprès du Père, savoir :
Jésus-Christ, le juste
(1
Jean, II, 1.). Étant donc
justifiés par la foi, nous avons la paix
avec Dieu
(Rom.,
V, 1.). Il n'y a plus de
condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ
(Rom.,
VIII, 1.). Celui qui croit au
Fils de Dieu, a le témoignage de Dieu en
soi-même, et voici quel est ce
témoignage : c'est que Dieu nous a
donné la vie éternelle, et cette vie
est en son Fils
(1
Jean, V, 11,12.). »
Après ces déclarations si claires et
si formelles, pourquoi irions-nous chercher
auprès des hommes des assurances qui ne
rassurent pas, des absolutions qui n'ont rien de
certain ni d'absolu ? pourquoi irions-nous
réclamer auprès des hommes,
pécheurs comme nous, des grâces qu'ils
ne peuvent se donner à
eux-mêmes ?
Tout au plus, comme nous l'avons dit plus haut,
pourront-ils exercer auprès de nous un
ministère fraternel de conseils, de
consolation, d'encouragement ; mais ils ne
sauraient aller plus loin sans se rendre coupables
de présomption et sans usurper les droits du
Saint-Esprit, qui seul produisant en nous la
véritable conviction du
péché, peut seul faire descendre dans
nos âmes la paix de Dieu dont il est le
céleste dispensateur.
Mais, dira-t-on, Dieu n'a-t-il pas institué
des hommes qu'il a revêtus d'un pouvoir plus
étendu qu'un simple ministère
fraternel et auquel il a dit d'une manière
formelle : « Ceux à qui vous
pardonnerez les péchés, ils leur
seront pardonnés ; et ceux à qui
vous les retiendrez, ils leur seront retenus
(Jean,
XX,
23.) ? »
Ces hommes étaient les premiers disciples et
les apôtres, exerçant un
ministère accompagné de miracles
nécessaires au premier établissement
du christianisme dans le monde. Alors
l'Écriture, « toute
inspirée de Dieu, » n'avait pas
encore été rédigée pour
faire connaître au monde les conditions de
l'alliance de grâces et les sources de
l'absolution qui vient de Dieu. Ces conditions
étaient enseignées par le
ministère direct des apôtres, qui, en
recevant le pouvoir d'accomplir des miracles, de
parler des langues étrangères et
d'annoncer la vérité par inspiration,
avaient aussi reçu le don de
« discerner les esprits, » et
par conséquent d'apprécier
l'état des âmes au point de pouvoir
leur donner l'assurance qu'elles étaient
dans la voie du salut ou qu'elles étaient
engagées dans celle de la
perdition.
Ce pouvoir d'absolution conféré aux
disciples directs du Sauveur n'avait aucun rapport
avec la confession ; l'Écriture ne nous
montre aucun chrétien allant se confesser
aux apôtres ; elle nous montre ceux-ci
lisant directement dans l'âme d'Ananias, de
Saphira et d'autres pécheurs, sans qu'il
fût nécessaire de les interroger sur
leurs pensées secrètes.
Or, ce pouvoir de discerner les esprits et de
sonder les coeurs sans confession et de leur
appliquer les conditions du salut d'une
manière infaillible a cessé avec les
apôtres. Ceux-ci n'ont point eu de
successeurs. Il est écrit que Dieu donne
« les uns pour être apôtres,
d'autres pour être prophètes, d'autres
pour être évangélistes,
d'autres pour être pasteurs et docteurs
(Ephés.,
IV, 11.). »
Cette déclaration établit des
distinctions importantes. Elle constate que les
pasteurs ne sont pas des apôtres, et que si
le Seigneur a conféré des dons
spéciaux à ceux-ci, il ne s'ensuit
pas du tout que ceux qui sont pasteurs ou se disent
tels aient hérité de ces dons. Ce qui
prouve d'ailleurs qu'ils ne les possèdent
pas, c'est que ceux qui prétendent absoudre
les péchés se trouvent dans la
nécessité de confesser les
pécheurs avant de les
absoudre ; ce qui, montrant leur impuissance
à connaître ce qui se passe dans les
coeurs, démontre en même temps leur
impuissance à leur appliquer d'une
manière certaine et absolue les conditions
de l'éternel salut.
Et s'appuyant sur les principes ci-dessus
exposés, les protestants repoussent la
pratique de la confession obligatoire,
détaillée, provoquée par voie
d'interrogation. Ils repoussent l'absolution
prononcée par un homme d'une manière
absolue, autoritative, judiciaire et
sacramentelle.
Ils pratiquent la confession générale
dans le culte public.
Ils ont recours à leurs pasteurs comme
à des amis, comme à des frères
pieux et avancés dans l'expérience de
la vie chrétienne, pour recevoir de leur
pieux ministère les conseils, les
consolations, les encouragements que ceux-ci leur
donnent à l'aide de la Parole de Dieu, notre
code suprême. Les protestants ne cherchent
pas ces secours spirituels exclusivement
auprès de leurs pasteurs : ils ont
recours aussi à tous les chrétiens
qui leur paraissent dignes de leur confiance ;
car il est bien entendu qu'il ne s'agit pas ici
d'un acte officiel, mais d'un ministère tout
fraternel.
Les protestants croient qu'à l'aide de la
Parole de Dieu et par la foi,
ils peuvent acquérir la certitude qu'ils
sont enfants de Dieu, rachetés de Christ et
pardonnés de leurs péchés
d'une manière bien autrement sûre
qu'ils ne pourraient le faire par les jugements des
hommes, toujours incertains et faillibles.
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