POUVEZ-VOUS
MOURIR TRANQUILLE?
(suite)
La loi, dites-vous, est devenue tolérante
jusqu'à une certaine limite ;
au-delà de cette limite elle cesse de
l'être. Si donc les
désobéissances d'un homme à la
loi ne vont pas au-delà de cette limite, il
sera acquitté ; mais si elles vont
au-delà de cette limite, il sera
condamné.
Dans cette supposition, pour savoir si vous serez
acquitté ou condamné, il faut savoir
si vous êtes en deçà ou
au-delà de cette limite de la
tolérance divine. Pensez-vous que cette
question puisse être résolue avec
l'assurance qui est nécessaire sur un lit de
mort ?
Ne reconnaissez-vous pas au contraire, à
première vue, qu'il y a là
quelque chose de vague et
d'indéterminé, qui exclut toute
assurance ?
Si vous hésitez à en convenir,
remarquez que cette question en renferme deux
autres.
La première : Où se trouve la
limite de la tolérance divine ?
La seconde : Où suis-je
moi-même ?
La première de ces questions vous
paraît-elle susceptible d'une réponse
certaine ? et vous chargeriez-vous du soin de
marquer la limite de la tolérance divine,
qu'il faut bien que vous marquiez
cependant puisque Dieu ne l'a marquée nulle
part, n'ayant jamais parlé dé loi
mitigée ?
La seconde de ces questions, à son
tour, vous paraît-elle susceptible d'une
réponse certaine ? et vous
chargeriez-vous d'indiquer le degré
précis de votre thermomètre
moral ?
Mais si ni l'une ni l'autre de ces questions n'est
susceptible d'une réponse certaine, ne
voyez-vous pas que la question de votre salut qui
les réunit toutes deux renferme un double
élément d'incertitude, et ne peut
jamais être résolue avec l'assurance
qui est nécessaire pour mourir
tranquille ?
Ces réflexions sont trop abstraites
peut-être pour frapper également tous
les esprits. Mais donnons-leur une forme plus
sensible, et tout le monde en reconnaîtra la
justesse.
Divisons par la pensée le genre humain en un
certain nombre de classes, où tous
les hommes seraient rangés chacun selon sa
valeur morale, estimée d'après une
balance exacte des ressources dont il a joui et du
parti qu'il en a tiré.
Formons par exemple vingt classes, dont la
première renfermera les hommes qui ont la
plus grande valeur morale, c'est-à-dire ceux
qui, malgré une mauvaise éducation,
de mauvais exemples, de mauvais conseils, sont
devenus cependant des plus gens de bien ; la
vingtième, ceux qui ont la moindre valeur
morale, c'est-à-dire ceux qui, malgré
une bonne éducation, de bons exemples, de
bons conseils, sont devenus des plus mauvais
sujets ; et les classes intermédiaires,
les degrés intermédiaires de valeur
morale entre ces deux
extrêmes, par un décroissement
successif depuis la première jusqu'à
la vingtième.
De ces vingt classes, d'après votre
théorie de la loi mitigée, les unes
seront acquittées au tribunal de Dieu, les
autres y seront condamnées ; et la
question que vous avez à résoudre
pour vous-même est celle-ci : Suis-je
dans une des classes qui seront acquittées
ou suis-je dans une des classes qui seront
condamnées ?
Cette question en renferme deux autres :
Quelles classes seront acquittées ou
condamnées ? Dans quelle classe suis-je
moi-même ?
D'abord, quelles sont les classes qui seront
acquittées et quelles sont celles qui seront
condamnées ?
S'il s'agit des classes extrêmes, la
réponse ne vous paraîtra pas
difficile. Vous affirmerez peut-être sans
hésiter que la première classe sera
acquittée et que la dernière sera
condamnée. Vous oserez probablement affirmer
encore que la seconde, la troisième classe
seront acquittées, et que la
dix-neuvième, la dix-huitième seront
condamnées. Mais à mesure que vous
approchez des classes du milieu ; la question
devient plus délicate à
trancher ; l'hésitation naît,
croît et se change enfin en un doute
interminable.
La neuvième classe, la dixième, la
onzième sera-t-elle acquittée ou
condamnée ? Cette première
question peut-elle être résolue d'une
manière certaine ?
Mais je veux qu'elle puisse être
résolue, qu'elle l'ait
été et que vous sachiez, par exemple,
que les onze premières classes seront
acquittées et que les neuf autres seront
condamnées.
Reste à résoudre cette autre
question : Quelle est la classe à
laquelle j'appartiens moi-même ?
Si vous appartenez, selon vous, à
l'élite de l'humanité ; si vous
êtes un de ces hommes qui, dans la position
la plus ingrate, ont atteint les premiers rangs de
la vertu, vous n'hésiterez peut-être
pas à vous ranger dans une des trois ou
quatre premières classes.
Mais si vous avez moins de mérite ou plus de
modestie ; si vous tenez compte des avantages
dont vous avez joui et avec lesquels le malfaiteur
serait peut-être devenu plus homme de bien
que vous, et des difficultés que le
malfaiteur a rencontrées et avec lesquelles
vous seriez devenu peut-être plus criminel
que lui ; si vous regardez enfin toutes les
faces de la question que vous avez à
résoudre, pensez-vous qu'il vous soit
possible de déterminer avec certitude si
vous devez vous ranger dans la neuvième
classe ou dans la dixième, dans la
dixième ou dans la onzième, dans la
onzième ou dans la douzième ? et
ici il faut savoir, puisqu'absous si vous
appartenez à l'une de ces deux classes, vous
êtes condamné si vous appartenez
à l'autre. Cette seconde question peut-elle
être résolue d'une manière
certaine ?
Comprenez donc, je le répète,
que dans votre système de loi
mitigée, la question de votre salut renferme
un double élément d'incertitude, et
que vous ne pouvez avoir rien
d'assuré concernant le résultat de
votre jugement.
Ah ! si les développements dans
lesquels je viens d'entrer ne vous en avaient pas
convaincus, placez-vous par la pensée sur
votre lit de mort, et vous achèverez de voir
la vérité de ce que je viens de vous
dire.
Supposez-vous à ce moment solennel n'ayant
d'autre manière de vous prémunir
contre les frayeurs du jugement que de
résoudre des questions telle que
celle-ci :
« Ai-je bien eu le degré de vertu
nécessaire pour mériter l'indulgence
de la loi ? N'ai-je bien eu que le
degré de péché qu'elle
tolère ? Et si j'avais
dépassé la limite fatale ? Ai-je
fait assez de bonnes oeuvres ? et s'il en
fallait davantage ! que sais-je ?
Oh ! qui me ferait connaître exactement,
et ce que Dieu exige, et ce que je suis
moi-même ?..... »
Malheureux !
Réduit pour vous tranquilliser à
mesurer des choses pour lesquelles vous n'avez
point de mesure, comment pourrez-vous jamais
dire : « Je suis
assuré ; je meurs en
paix ? »
Eh ! quelle paix pourriez-vous trouver dans la
solution d'une question de plus ou de moins,
qu'une paix de plus ou de moins aussi, qu'une
paix qui va et qui vient dans votre
misérable coeur, qu'une paix qui entre et
qui sort tour à tour, qu'une paix enfin qui
n'est pas la paix ? Non, non : ce n'est
pas un calcul de probabilité qui peut vous
donner la paix sur un lit de mort !
Reconnaissez-le donc : quand il serait
possible que la loi de Dieu fût
mitigée, cela ne vous
servirait de rien ; et encore une fois, si
vous n'avez pas d'autre fondement à votre
tranquillité que cette espérance,
vous vous séduisez vous-même : ce
fondement est illusoire ; vous ne pouvez pas
mourir tranquille.
Reste-t-il encore quelqu'autre fondement sur lequel
vous puissiez appuyer votre tranquillité,
ô vous qui vous assurez sur votre
conduite ? Je n'en connais point ; je dis
plus, vous n'en connaissez pas vous-même,
vous n'en pouvez pas connaître.
Il faut de toute nécessité que votre
conduite sur laquelle vous vous appuyez et la loi
d'après laquelle vous serez jugés,
soient d'accord : votre acquittement est
à ce prix. Cela ne peut avoir lieu que de
l'une ou de l'autre de ces deux
manières : ou que votre conduite
soit trouvée conforme à la loi,
ou que la loi soit rendue conforme à
votre conduite.
Il n'y a que cette alternative. Vous ne pouvez
sortir de ce cercle fatal. Or, je vous ai
demandé d'abord si votre conduite a
été conforme à la loi, et vous
avez été contraint de
répondre : « Non, elle n'y a
point été conforme ».
Nous avons recherché ensuite si la loi peut
être accommodée à votre
conduite, et la raison, la Bible, la croix de
Jésus-Christ ont répondu :
« Non, elle n'y peut être
accommodée ».
Enfin, pour comble d'évidence, nous avons
examiné si à rejeter la raison,
à fermer la Bible, à ôter la
croix et à prêter à Dieu une
loi mitigée, vous pourriez vous assurer que
vous avez observé au moins
cette loi-là, et les raisonnements se sont
pressés pour crier : « Non,
vous ne pourriez jamais vous en
assurer. »
Quel espoir peut-il vous rester encore ?
Comment peut se terminer jamais ce débat
interminable entre votre conduite qui ne peut
atteindre la loi, et la loi qui ne peut se plier
à voire conduite ?
Comment, si ce n'est par votre condamnation ?
Cette condamnation peut seule rétablir
l'ordre, faire la part de votre conduite et
celle de la loi, faire justice à vous et
à Dieu.
Cette condamnation est inévitable ; et
si vous paraissez tel que vous êtes au
tribunal de Dieu, si vous mourez aujourd'hui.....
Mais je n'ai pas besoin d'aller si loin. Il me
suffit de vous avoir prouvé, et je crois
l'avoir fait avec une évidence presque
mathématique, que pour dire le moins, vous
ne pouvez avoir aucune certitude de n'être
pas condamnés ; donc aucune
tranquillité en mourant.
Mais alors, mes frères, mes chers
frères, que faites-vous ? et si vous ne
pouvez pas mourir tranquilles, par quel
enchantement, par quel secret avez-vous appris
à vivre tranquilles ?
Quoi ! vous pouvez mourir à chaque
instant ; vous ne savez pas quelle sera votre
sentence éternelle ; vous avez tout
lieu de croire que vous serez condamnés, et
tout au plus pouvez-vous prétendre à
je ne sais quelle espérance, quelle chance
vague de ne l'être pas : et votre visage
est tranquille ! et vous pouvez dormir
tranquilles ! et vous faites tranquillement
vos affaires ! que dis-je ? et vous
jouissez de la vie ! et vous fréquentez
la maison de fête ! et
vous vous en allez, riant, chantant, dansant, vers
le tribunal du souverain Juge, sans vous en mettre
plus en peine que si vous alliez vers une urne
d'où votre destinée éternelle
devrait être tirée au sort ;
curieux de savoir après tout si
c'était ce docteur-ci ou ce
docteur-là qui avait raison, si la Bible
était une inspiration de Dieu ou une
imposture des hommes, si le paradis et l'enfer
étaient des réalités ou des
chimères, et si votre partage doit
être une félicité
éternelle ou une éternelle
misère !
Ah ! s'il y a quelque chose au monde de plus
déplorable que les terreurs du jugement qui
vous est réservé, c'est la
sécurité dans laquelle vous
l'attendez.
Mais non, je vous fais injure. Ces
réflexions, ce discours, j'en ai la
conviction, ont porté dans vos coeurs un
trouble salutaire. Il y a dans ce sujet une
force, une évidence qui ferait
trembler les pierres même.
Le voile tombe, votre sécurité se
dissipe, un nouveau jour vous éclaire, la
mort vous alarme, le jugement vous effraie et vous
sentez enfin qu'il ne faut pas rester dans
l'état où vous êtes, pas un
jour de plus, pas une heure.
Mais comment en sortir ?
Y a-t-il quelque moyen de nous assurer d'avance une
sentence favorable pour le dernier jour ? Y
a-t-il un homme au monde qui puisse
comparaître au tribunal de Dieu avec
l'assurance qu'il n'y sera point
condamné ? Et vous, qui renversez l'un
après l'autre tous les appuis de notre
tranquillité, en avez-vous de plus solides
pour vous-même ? Prédicateur de
notre trouble, pouvez-vous enfin
mourir tranquille ?
Oui, je puis mourir tranquille. Oui, quand il me
faudrait mourir aujourd'hui, je m'en irais avec la
bienheureuse assurance que je ne serai point
condamné.
Mais, grâces à Dieu, je ne suis pas le
seul qui puisse répondre ainsi à
votre question. C'est la réponse que
feraient à la même question un certain
nombre de membres de cette assemblée. C'est
la réponse qu'y feraient un grand nombre
d'hommes qui vivent aujourd'hui dans toutes les
parties du monde. C'est la réponse qu'y
auraient faite une multitude d'autres dont la
confiance a été mise à
l'épreuve et ne s'est point démentie
sur un lit de mort. Oui, nous pouvons mourir
tranquilles.
« Et pourquoi vous plus que
nous ? » vous écriez-vous
peut-être ; « quelle
présomption, quelle
folie ! »
Attendez. Nous n'avons pas condamné votre
assurance avant d'entendre vos raisons :
entendez-nous aussi avant de nous juger. Nous
allons, si vous le voulez, changer de place.
Tantôt vous avez comparu pour ainsi dire
devant notre tribunal ; nous vous avons soumis
a une sorte d'interrogatoire ; nous avons
examiné les fondements de votre
tranquillité, et nous les avons
trouvés tous sans force et sans
solidité.
Maintenant, nous allons à notre tour
comparaître devant votre tribunal ; nous
subirons votre interrogatoire ; vous
examinerez les appuis de notre
assurance, et c'est vous qui jugerez si elle repose
comme la vôtre sur le sable ou si elle
s'appuie sur le rocher des siècles.
Vous nous demanderez d'abord si nous trouvons dans
notre conduite cette conformité à la
loi de Dieu que nous vous avons
démontré n'être pas dans la
vôtre. Non : nous avons
transgressé la loi comme vous, plus que vous
peut-être, et chacun de nous se regarde comme
« le premier des pécheurs
(1. Tim. I, 15. ). »
Est-ce donc que nous espérons pour
nous-mêmes dans la loi ces adoucissements que
nous vous avons démontré encore que
vous ne sauriez attendre pour vous ?
Non : quand nous aurions lieu de les
espérer nous n'en serions pas plus
tranquilles ; mais nous avons horreur de cette
espérance, et nous croyons que la loi de
Dieu ne peut être adoucie pour personne.
« Mais alors », direz-vous,
« qu'est-ce donc qui vous rassure ?
et quelle différence y a-t-il entre votre
condition et la nôtre » ?
Reportez-vous au commencement de ce discours. Nous
sommes partis de cette pensée que ceux a qui
nous nous adressions appuyaient leur
tranquillité sur leur conduite, et disaient,
ce que disent en effet l'immense majorité
des hommes : « Nous pouvons mourir
tranquilles parce que notre conduite n'est
pas » telle que nous ayons
mérité la
condamnation de Dieu. »
C'est à ce point de départ que s'est
rapporte tout notre discours, et c'est par cet
endroit que nous avons constamment attaqué
et détruit votre tranquillité ;
soit quand nous vous avons montré que votre
conduite n'a pas été en harmonie avec
la loi ; soit quand nous vous avons fait voir
que la loi ne peut être accommodée
à votre conduite ; soit enfin quand
nous vous avons prouvé que le
fût-elle, vous ne pourriez jamais vous
assurer que vous possédez même ce
degré de moralité que la loi
mitigée exigerait dans votre conduite.
Votre conduite, toujours votre conduite, c'est le
côté ruineux de votre
tranquillité. Eh bien ! c'est ici la
différence qui est entre votre condition et
la nôtre : nous ne nous appuyons pas
sur notre conduite ; et ainsi aucun des
coups qui viennent d'être portés
à votre tranquillité n'a
touché à la nôtre, qui a un
tout autre fondement.
Ce fondement., nous ne le cherchons pas en
nous-mêmes, mais dans un autre, selon ce qui
est écrit : « II y a un
Médiateur entre Dieu et les hommes,
Jésus-Christ homme
(I Tim. II, 5). »
C'est sur Jésus-Christ que nous appuyons
notre espérance ; c'est à
cause de ce qu'il a fait que nous pouvons mourir
tranquilles (1) :
développons notre
pensée.
Nous avons appris de la Bible, qui est la parole
inspirée de Dieu et dont le
témoignage est autant au-dessus de tous les
raisonnements humains que
l'autorité divine est
au-dessus de l'autorité humaine, que Dieu,
voyant que tous les hommes étaient sous la
condamnation par leurs oeuvres et qu'aucun d'entre
eux, « non pas même un
seul », ne pouvait comparaître
devant lui sans être inévitablement
foudroyé par sa loi sainte, a conçu
pour justifier l'homme devant son propre tribunal
un plan où l'on ne sait ce qu'on doit
admirer le plus, de l'ineffable miséricorde
ou de la profonde sagesse qu'il y fait
paraître.
Il a établi un Médiateur entre lui et
l'homme. « II a envoyé son Fils,
né d'une femme et assujetti à
là loi
(Gal. IV, 4). »
C'est lui, c'est ce Fils de Dieu qui par un
incompréhensible mystère est aussi
Fils de l'homme, que Dieu a chargé du soin
de réconcilier avec lui l'homme coupable et
condamné. Unissant en lui la nature divine
et la nature humaine ; ayant à la fois
les perfections de la première et les
infirmités innocentes de la seconde ;
éternel comme Dieu, naissant et mourant
comme l'homme ; puissant comme Dieu, sujet
à la fatigue et à la souffrance comme
l'homme ; saint comme Dieu, tenté comme
l'homme ; enfin
« Emmanuel »,
c'est-à-dire « Dieu avec
nous », il s'est placé entre Dieu
et nous pour être condamné à
notre place et mériter ainsi notre
absolution.
Il a commencé par vivre comme un homme au
milieu des hommes, mais sans
péché, accomplissant la loi comme il
eût fallu que nous
l'accomplissions pour
mériter par nos oeuvres la vie
éternelle. Puis il s'est mis entre Dieu et
nous sur la croix. La, il prend sur lui nos
péchés ; c'est sur lui que la
loi frappe le coup que nos péchés
avaient rendu inévitable ; et tout a la
fois notre conduite est condamnée, la loi
est satisfaite, et pourtant, ô prodige !
nous sommes acquittés. Car le
Médiateur ne reste pas dans le
tombeau : il en sort le troisième jour,
et Dieu déclare ainsi qu'il le
reconnaît pour son Fils et qu'il accepte son
sacrifice en expiation de nos péchés.
Puis il monte au ciel, il s'assied à la
droite de Dieu et garde par son intercession ceux
qu'il a rachetés par sa mort.
Voilà l'oeuvre que Jésus-Christ homme
a accomplie, comme Médiateur entre Dieu et
les hommes, selon ce qui est écrit :
« Dieu était en Christ,
réconciliant le monde avec soi, ne leur
imputant point leurs péchés. Car il a
fait celui qui n'avait point connu de
péché être péché
pour nous, afin que nous fussions justice de Dieu
en lui
(2 Cor. V, 21.). »
Toutefois cette médiation n'absout pas tous
les hommes.
Qui sont donc ceux qu'elle absout ? Ce sont,
nous dit encore la Bible, ceux qui y participent
par la foi, ceux qui croient en Jésus-Christ
(Act. XVI, 31.), c'est-à-dire
ceux qui se sentant perdus et incapables à
tout jamais de se sauver eux-mêmes, se
reposent de leur salut sur Jésus-Christ
seul, et le mettent entre Dieu et eux comme leur
unique espérance.
Par cette foi, il se forme entre
Jésus et le croyant une union intime et
indéfinissable.
Celui qui croit s'associe et s'unit à
Jésus ; il devient un sarment de la
vigne dont Jésus est le cep
(Jean XV, 5.), un membre du corps
dont il est la tête, os de ses os, chair de
sa chair
(Eph. V, 30.) ; un avec lui,
comme lui est un avec le Père
(Jean XVII, 21, 22.) ; si bien
que cette expression, « croire en
Jésus-Christ », et celles-ci,
« être en Jésus-Christ,
demeurer en Jésus-Christ, avoir
Jésus-Christ demeurant en soi, être de
Jésus-Christ, » ont la même
signification dans le langage des
Apôtres. »
Alors, comme rien n'arrive à la tête
que tout le corps ne s'en ressente, et que la
tête ne peut être dans aucun endroit
que tous les membres ne l'y suivent, le croyant
entre aussi en partage de l'oeuvre de
Jésus-Christ, et Jésus-Christ ne fait
rien que le croyant ne fasse avec lui.
S'il meurt, nous mourons ; s'il ressuscite,
nous ressuscitons ; s'il monte au ciel,
nous y montons aussi ; s'il jouit de la
vie éternelle, nous en jouissons avec
lui.
Ainsi s'accomplit ce mystérieux
échange, par lequel nos péchés
viennent sur Jésus-Christ et sa justice
vient sur nous. Par la foi, sa médiation
nous est appropriée, ou selon une
énergique expression de St. Paul, la parole
du salut est « mêlée avec
nous
(Hébr. IV, 2), » et
Jésus-Christ n'est plus
seulement pour nous le Sauveur,
mais notre Sauveur, selon ce qui est
écrit : « Celui qui croit en
lui ne sera point condamné ; celui qui
croit au Fils a la vie éternelle ;
celui qui croit ne viendra point sous la
condamnation, mais il est passé de la mort
« à la vie
(Jean III, 18,
36:
V, 24.) ; » et
encore : « II n'y a maintenant
aucune condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ
(Rom. VIII, 1.). »
Après les explications que nous venons de
vous donner, vous pouvez comprendre le secret de
notre tranquillité : nous pouvons
mourir tranquilles parce que nous croyons en
Jésus-Christ.
Nous croyons en Jésus-Christ, ai-je
dit ; mais en sommes-nous bien
assurés ?
O vous, qui invoquez avec moi le nom de
Jésus-Christ, c'est ici que nous devons
faire un sérieux retour sur
nous-mêmes. Avant de nous présenter
à l'interrogatoire que nous allons
maintenant subir, nous sommes-nous bien
interrogés nous-mêmes devant Dieu pour
voir si nous sommes dans la foi, je dis dans la foi
qui sauve ?
Il y a, vous le savez, une foi vivante et une foi
morte ; et la foi qui justifie, c'est la foi
vivante ; la foi morte ne justifie
personne ; elle provoque au contraire une
condamnation plus terrible
(Luc XII, 47.).
Avons-nous cette foi vivante, qui se montre par le
renouvellement du coeur et par la sainteté
de la vie ? Car « à ceci nous
savons que nous l'avons connu, si nous gardons ses
commandements
(I Jean II,
3.) ; mais si nous
demeurons dans le péché, tout en
invoquant le nom de Jésus-Christ, nous nous
séduisons nous-mêmes », nous
n'avons point de part avec lui
(2).
Préservons-nous de la plus funeste des
illusions, ou plutôt supplions Dieu de nous
en préserver ; et ne disons pas
légèrement foi, foi, où il n'y
a point de foi, de peur que nous ne soyons
trouvés aussi disant « paix, paix,
où il n'y a point de paix
(Jér. VI,
14.). »
Veillons donc, examinons-nous. Mais aussi n'allons
pas nous figurer qu'il n'y ait aucun moyen certain
de savoir si nous avons la foi qui sauve, et nous
condamner par une humilité mal entendue
à une incertitude perpétuelle.
La paix, cet heureux état d'une
âme qui sait qu'elle est
réconciliée avec Dieu, nous est
promise et recommandée dans
l'Écriture Témoin ce voeu par lequel
les apôtres ont coutume de commencer leurs
Épîtres : « Que la
grâce et la paix vous soient
données » ; témoin
cette promesse que Jésus-Christ laisse en
mourant à ses disciples :
« Je vous laisse la paix, je vous donne
ma paix
(Jean XIV, 27.) » ;
témoin aussi ce tendre souhait avec lequel
il les aborde par deux fois le jour de sa
résurrection : « La paix soit
avec vous
(Jean XX, 19. 21) ! »
et encore huit jours après :
« La paix soit avec vous
(Jean XX, 26.) ! »
Si St. Jean écrit à ceux qui ne
croient point, « afin qu'ils croient
que Jésus est le Christ et
qu'ils aient la vie par son nom »
(Jean XX, 31.), il écrit
ailleurs « à ceux qui croient au
nom du Fils de Dieu, afin qu'ils sachent qu'ils ont
la vie éternelle »
(I Jean V, 13.).
Il y a pour une âme humble et sincère
des marques certaines et clairement
indiquées dans la Parole de Dieu, auxquelles
elle peut reconnaître qu'elle est dans la
foi, dans la foi qui sauve.
Quand vous aurez trouvé que vous avez mis
toute votre espérance en Jésus-Christ
seul ; quand vous aurez trouvé qu'un
coeur nouveau et un esprit nouveau vous a
été donné ; quand vous
aurez trouvé que vous avez commencé
à aimer le Seigneur et son peuple
(I Jean III, 14.) ; quand vous
aurez trouvé, je ne dis pas que vous
êtes sans péché, mais qu'au
lieu d'ignorer votre péché comme
autrefois, vous le connaissez ; qu'au lieu de
l'aimer, vous le haïssez ; qu'au lieu de
le tolérer, vous le combattez, et qu'au lieu
d'en être vaincu, vous en êtes
vainqueur ; quand vous aurez trouvé
enfin que Dieu a envoyé dans votre coeur cet
Esprit d'adoption qui vous dit :
« Mon enfant, va en paix, tes
péchés te sont pardonnés
(Matth. IX, 2.) » ;
oui, quand vous sentirez ce témoignage
intérieur du Saint-Esprit qui donne à
une âme une si forte assurance de l'amour de
Dieu, que l'on persuaderait plutôt à
une mère caressant son enfant sur ses genoux
que l'amour maternel n'est qu'une
illusion et qu'au fond cet enfant
ne lui est pas plus qu'un autre, qu'on ne nous
persuaderait à nous, ô mon Dieu, que
tu n'es pas notre Père, que nous ne sommes
pas tes enfants, que tu ne nous a pas reçus
en grâce, que tu n'entends pas nos
prières ; en un mot, quand après
avoir fait un fidèle usage de tous ces
moyens devons éclairer, dont après
tout vous devez compte à Dieu plus qu'aux
hommes, vous vous serez assuré que vous
êtes dans la foi, dans la foi qui sauve, vous
ne devez pas craindre de vous dire à
vous-même, et de dire aussi aux hommes, ce
qu'un saint Apôtre a dit avant vous :
« Je sais en qui j'ai cru
(2 Tim. I, 12.) », pourvu
que vous en donniez toute la gloire au
Seigneur ; à lui, qui s'appelle
lui-même « le commencement et la
fin ; » à lui, « de
qui, par qui et pour qui sont toutes choses ;
et auquel soit gloire aux siècles des
siècles. » Amen
(Rom. XI, 36.) ! »
Venez maintenant, vous qui voulez sonder le
fondement de notre tranquillité dans la
mort. Nous vous l'avons fait connaître :
c'est Jésus-Christ, Médiateur entre
Dieu et nous. Interrogez-nous, et jugez
vous-mêmes si avec un tel appui nous avons
sujet de mourir tranquilles.
Nous demanderez-vous comment nous pouvons mourir
tranquilles, nous qui n'avons pas accompli la
loi ? Cela est vrai, nous n'avons pas accompli
la loi, et c'en serait assez pour nous
jeter dans le désespoir,
si c'était notre propre justice que nous
eussions à opposer aux coups de la loi. Mais
nous avons un Médiateur. C'est sa justice
que nous opposons aux coups de la
loi ;
c'est lui qui « nous a été
fait justice de la part de Dieu
(1 Cor. I,
30.) ; »
c'est lui « en qui nous avons
été fait justice de Dieu
(2 Cor. V,
21.) ; »
c'est lui « par l'obéissance
duquel plusieurs sont rendus justes
(Rom. V, 19.). »
Pour que nous puissions mourir tranquilles, il
n'est pas nécessaire que nous trouvions en
nous-mêmes le parfait accomplissement de la
loi, il suffit que nous le trouvions dans la
personne du Médiateur.
Jésus a-t-il parfaitement accompli la
loi ?
voilà la question. Si vous pouvez nous
prouver qu'il a manqué quelque chose
à l'obéissance de
Jésus-Christ, si vous pouvez nous prouver
(pardonne, ô mon Sauveur ! une
supposition qui t'outrage, mais à laquelle
je ne consens que pour rehausser la gloire de ta
sainteté ), si vous pouvez nous prouver
qu'il y a eu dans tout le cours de sa vie un acte,
une parole, une pensée qui ne fût pas
la sainteté même, toute notre
espérance s'écroule. Mais c'est
là ce que vous ne nous prouverez jamais.
Car il est écrit qu'il a été
« le Saint et le Juste
(Act. III,
14.) » ;
que nous avons en lui « un souverain
sacrificateur saint, innocent, sans tache,
séparé des pécheurs
(Héb. VII, 26.) ;
qu'il n'a point commis de péché et
qu'il ne s'est point
trouvé de fraude dans sa bouche
(1 Pierre II,
22.) ; »
qu'il a pu dire à tout son peuple :
« Je fais toujours les choses qui
plaisent au Père
(Jean VIII, 29.), »
et encore : « Qui de vous me
convaincra de péché
(Jean VIII,
46.) ; »
qu'il est « la splendeur de la gloire de
Dieu et l'image empreinte de sa personne
(Héb. 1,3. ), »
et qu'enfin « celui qui l'a vu a vu son
Père
(Jean XIV, 9. ). »
Après cela, « il n'y a aucune
condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ
(Rom. VIII, 1.), » et nous
pouvons mourir aussi tranquilles que si nous avions
accompli toute la loi.
Nous demanderez-vous comment nous pouvons mourir
tranquilles, nous qui avons mérité
par nos oeuvres la condamnation de la loi
(3) ? Cela
est vrai ! nous avons mérité la
condamnation, et c'en serait assez pour nous jeter
dans le désespoir, s'il nous la fallait
subir nous-mêmes. Mais nous avons un
Médiateur. C'est lui qui « a
porté nos péchés en son corps
sur le bois » ; c'est lui, qui a
été « navré pour nos
forfaits et froissé par nos iniquités
(Esaïe. LIII, 5). »
Pour que nous puissions mourir tranquilles, il
n'est pas nécessaire que nous ayons
déjà souffert nous-mêmes la
peine duc à nos péchés, il
suffit que le Médiateur l'ait soufferte.
Jésus a-t-il porté le châtiment
de nos crimes ? l'a-t-il porté tout
entier ? voilà la question. Si vous
pouvez nous prouver que Jésus-Christ n'a pas
porté la peine de nos
péchés, ou que sa
souffrance n'a pas été assez grande
et son sang assez précieux devant Dieu pour
les expier tous, toute notre espérance
s'écroule. Mais c'est là ce que vous
ne nous prouverez jamais.
Car il est écrit que « le sang de
Jésus-Christ purifie de tout
péché
(I Jean I, 7.) ; »
qu'il est la victime de propitiation, non seulement
pour nos péchés, mais encore pour
ceux de tout le monde
(I Jean II, 2.) ; que nos
péchés fussent-ils comme le cramoisi,
ils seront blanchis comme la neige, et fussent-ils
rouges comme le vermillon, ils seront blanchis
comme la laine
(Esaïe I, 18.) ; que
l'Éternel a fait venir sur lui
l'iniquité de nous tous, et que le
châtiment qui est tombé sur lui nous
procure la paix
(Esaïe LIII, 5,
6.). »
Après cela, « il n'y a aucune
condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ », et nous
pouvons mourir aussi tranquilles que si nous avions
déjà subi toute la peine
méritée par nos
péchés.
Nous demanderez-vous encore comment nous pouvons
mourir tranquilles, puisqu'enfin notre acquittement
n'est point encore prononcé, qu'il ne doit
l'être qu'au jour du jugement, et que notre
espérance ne saurait être
changée en certitude que lorsque Dieu
lui-même nous aura déclarés
affranchis de la condamnation ?
Cela est vrai, notre acquittement n'est point
encore prononcé, et c'en serait assez pour
nous tenir au moins dans une inquiétude
insupportable, si nous ne
pouvions connaître la
sentence qui nous est réservée qu'au
jour du jugement. Mais nous avons un
Médiateur. C'est lui qui a été
« frappé pour nous » et
qui pour nous « a été
retiré de l'angoisse et de la condamnation
(Esaïe LIII, 4,
8.). »
Pour que nous puissions mourir tranquilles, il
n'est pas nécessaire que notre
délivrance ait été
déjà proclamée, il suffit que
celle du Médiateur l'ait
été.
Jésus a-t-il été affranchi de
la condamnation ? voilà la
question.
Si vous pouvez nous prouver que Jésus-Christ
n'a pas été délivré de
la condamnation qu'il a subie pour nous ; si
vous pouvez nous prouver qu'il est encore sous la
malédiction de la croix et dans les
humiliations du tombeau, toute notre
espérance s'écroule.
Mais c'est la ce que vous ne nous prouverez jamais.
Car il est écrit qu'après avoir
été « livré pour nos
offenses, il est ressuscité pour notre
justification
(Rom. IV, 25.) ; qu'il a
été déclaré Fils de
Dieu avec puissance par sa résurrection
d'entre les morts
(Rom. 1, 4.) ; qu'il est sorti
du tombeau le troisième jour, qu'il a
été vu des douze et de plus de cinq
cents disciples à la fois
(1 Cor. XV, 4, 6.), et que les
Apôtres rendaient témoignage avec une
grande force et au prix de leur sang à la
résurrection du Seigneur Jésus
(Act. IV, 33.). »
Après cela, « il n'y a aucune
condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ », et nous pouvons
mourir aussi tranquilles que si
nous avions déjà comparu au tribunal
et entendu prononcer notre acquittement.
Nous demanderez-vous enfin comment nous pouvons
mourir tranquilles dirai-je ? ou vivre
tranquilles, nous, faibles, impuissants,
infidèles, et qui, croyant aujourd'hui,
pouvons nous détourner de la foi
demain ?
Cela est vrai, nous sommes faibles, impuissants,
infidèles, plus encore que vous ne pensez,
et c'en serait assez pour nous tenir dans de
continuelles angoisses, si nous n'avions de secours
qu'en nous-mêmes. Mais nous avons un
Médiateur.
C'est lui qui « accomplit tout pour nous
(Psaume LVII, 3.). »
Pour que nous puissions vivre et mourir
tranquilles, il n'est pas nécessaire que
nous puissions nous maintenir nous-mêmes dans
la foi, il suffit que le Médiateur puisse et
veuille nous y maintenir.
Jésus peut-il et veut-il nous maintenir dans
la foi ? Voilà la question.
Si vous pouvez nous prouver que Jésus-Christ
soit faible, imparfait, infidèle comme nous,
ou qu'après avoir opéré notre
rédemption il nous abandonne à
nous-mêmes, toute notre espérance
s'écroule.
Mais c'est là ce que vous ne nous prouverez
jamais. Car il est écrit qu'après
être ressuscité des morts,
Jésus « a été
élevé au ciel qu'il s'est assis
à la droite de Dieu
(Marc, XVI, 19.), » que
là « il prie pour nous
(Rom. VIII, 33.) ; que si
étant ennemis nous avons été
réconciliés avec Dieu par la mort de
son Fils, beaucoup plutôt
étant déjà
réconciliés serons-nous sauvés
par sa vie
(Rom. V, 10.) ; que Dieu est
fidèle, qui ne permettra point que nous
soyons tentés au-delà de nos forces
(I Cor. X, 12), et que celui qui a
commencé en nous cette bonne oeuvre
l'achèvera jusqu'à la journée
de Christ
(Phil. I, 6.). »
Après cela, « il n'y a aucune
condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ, ». et nous pouvons
mourir aussi tranquilles que si nous
possédions par nous-mêmes la force de
persévérer jusqu'à la fin.
Eh bien ! que dites-vous du fondement de notre
tranquillité ? Le trouvez-vous croulant
au premier choc comme celui sur lequel vous vous
appuyez ? Ne le trouvez-vous pas au contraire
ferme, inébranlable ? et n'avons-nous
pas sujet de dire en le comparant avec le
vôtre : « Leur rocher
n'est pas comme notre rocher, et nos ennemis
eux-mêmes en seront juges
(Deut. XXXII,
31.) ? »
Ah ! si vous nous disiez qu'appuyés que
nous sommes sur un fondement si solide, nous ne
nous montrons pas aussi assurés que nous
devrions l'être ; si vous nous disiez
qu'avec une espérance si bien
établie, il est étrange que nous ne
jouissions pas d'une paix plus constante et plus
profonde, et que nous ne portions pas une âme
toujours contente sous un visage toujours
serein ; cette fois nous n'avons rien à
répondre, nous nous humilions jusqu'en
terre, et nous confessons que vous
avez raison et que nous avons
tort. Oui, notre assurance est loin
d'être aussi constante, aussi profonde
qu'elle devrait l'être. Nous sommes loin,
dans la pratique, de la théorie sublime que
nous venons de vous exposer et qui est la
vérité même.
Trop souvent encore l'inquiétude, la
tristesse, le doute agite ces coeurs où
devrait « régner la
paix »
(Col. III, 15.), et nous avons sujet
de crier à Dieu, dans notre
détresse : « Rends-moi la
joie de ton salut »
(Ps. LI, 12.).
Nous ne faisons pas difficulté de l'avouer
devant vous, pourvu que vous compreniez bien que
cet aveu, tout en humiliant nos personnes,
relève la gloire de notre doctrine. Car
pourquoi sommes-nous ainsi troublés ?
C'est que nous manquons de foi au Médiateur.
C'est qu'en disant : « je crois,
Seigneur » ; nous sommes contrains
d'ajouter : Subviens à mon
incrédulité !
(Marc, IX, 24.) aussi n'est-ce pas
quand notre foi est ferme que nous sommes ouverts
à ces tristes pensées ; c'est au
contraire, quand elle est faible et
chancelante.
Par la foi, la paix ; peu de foi, peu de
paix ; beaucoup de foi, beaucoup de paix.
Quoiqu'il en soit, plus vous vous appuyez sur votre
conduite, plus vous devez être
troublés ; et plus nous nous appuyons
sur Jésus, plus nous pouvons être
tranquilles ; parce que vous, plus vous
regardez sur votre conduite et plus vous la trouvez
défectueuse ; et nous, plus nous
contemplons Jésus et plus nous le trouvons
parfait, saint, puissant, fidèle, selon
cette parole excellente : « L'oeuvre
du rocher est parfaite
(Deut. XXXII, 4.). »
Le rocher ! Ah ! si vous saviez combien
ce nom nous est précieux !
Avec Jésus, je descends au plus profond de
l'enfer, et ne vois dans le formidable accusateur
des enfants de Dieu qu'un ennemi vaincu et hors
d'état de me nuire !
Avec Jésus, je parcours la terre d'un bout a
l'autre, et je marche en vainqueur « sur
le lion et sur l'aspic
(Ps. XCI, 13.) » et sur
toutes les forces de l'ennemi !
Avec Jésus, je monte au plus haut des cieux,
et dans mon juge je reconnais mon
Sauveur !
Quoiqu'il en soit, Jésus, Jésus,
c'est le seul nom que nous opposons à
toutes les inquiétudes et à toutes
les frayeurs !
Aux angoisses de la mort, Jésus ; aux
terreurs du jugement, Jésus ; aux
souffrances de la chair, Jésus ; aux
défaillances de la foi, Jésus ;
aux accusations de la conscience,
Jésus ; aux tentations du démon,
Jésus ; et à toutes vos
questions, Jésus, Jésus !
Il est notre bouclier, notre espérance,
notre vie, notre forteresse, notre paix, notre
haute retraite ; et non pas à nous
seulement, mais à tous ceux qui ont cru
sincèrement en son nom, depuis le
commencement de l'Église jusqu'à la
fin, et aux siècles des
siècles ! Car ce n'est point ici une
doctrine nouvelle : ce sont les saints
Apôtres de Jésus-Christ qui nous ont
appris cette glorieuse et ferme assurance que nous
venons de justifier trop faiblement devant
vous ; et sans parler de St. Pierre, de St.
Jean etc.
(1 Jean IV, 17, 18 ;
2 Pier. I, 11, etc.), qu'ai-je fait
autre chose dans ce que je viens
de dire que développer ce que St. Paul a dit
en quatre mots : « Qui intentera
accusation contre les élus de
Dieu ?
Dieu est celui qui justifie. Qui condamnera ?
Christ est celui qui est mort, et qui plus est qui
est ressuscité, qui aussi est à la
droite de Dieu et qui même prie pour nous
(Rom. VIII, 33, 34.). »
Et comment pourrais-je mieux conclure et tout
ensemble confirmer tout ce qui
précède que par ce cantique
triomphant qui termine si admirablement cet
admirable chapitre :
« Que dirons-nous donc à ces
choses ? Si Dieu est pour nous qui sera contre
nous ? Lui qui n'a point épargné
son propre Fils, mais qui l'a livré pour
nous tous, comment ne nous donnera-t-il point aussi
toutes choses avec lui ?
Qui intentera accusation contre les élus de
Dieu ? Dieu est celui qui justifie.
Qui sera celui qui condamnera ? Christ est
celui qui est mort, et qui plus est qui est
ressuscité, qui aussi est à la droite
de Dieu et qui même prie pour nous.
Qui est-ce qui nous séparera de l'amour de
Christ ? Sera-ce l'oppression, ou l'angoisse,
ou la persécution, ou la famine, ou la
nudité, ou le péril, ou
l'épée ? Au contraire, en toutes
ces choses nous sommes plus que vainqueurs par
celui qui nous a aimés. Car je suis
assuré que ni la mort, ni la vie, ni les
anges, ni les principautés, ni les
puissances, ni les choses présentes, ni les
choses à venir, ni la
hauteur, ni la profondeur, ni
aucune autre créature ne nous pourra
séparer de l'amour de Dieu qu'il nous a
montré en Jésus-Christ notre
Seigneur. »
Et maintenant, que nous avons exposé et
justifié devant vous, mes chers
frères, le fondement de notre
assurance, est-il quelqu'un de vous qui
voulût renouveler encore contre la glorieuse
tranquillité de ceux qui s'appuient sur
Jésus, cette accusation banale de
présomption et de folie qui vous
échappait peut-être au premier
instant ?
Pourriez-vous voir dans cette assurance de la
présomption et accuser d'orgueil ceux qui la
possèdent ? Mais vous n'auriez donc pas
compris, quoique nous ayons pris soin de le
répéter tant de fois, que nous
appuyons cette espérance, non sur nos
oeuvres, que nous croyons mauvaises, condamnables,
condamnées, dignes du feu
éternel ; mais sur la seule
grâce, sur la grâce toute gratuite de
Dieu ?
Vous n'auriez donc pas compris que dans cette
dispensation merveilleuse de la miséricorde
divine, le salut tout entier vient de Dieu et non
de l'homme, qu'il est donné et non
acheté, et que si nous en parlons devant
vous, c'est pour donner gloire à Dieu, et
pour vous porter à chercher à votre
tour la même paix, qui est pour vous comme
pouf nous ?
Quoi ! le pauvre enfant prodigue le coeur
encore tout palpitant du bonheur nouveau qu'il a
trouvé dans la maison de son père, ne
pourra pas courir vers d'autres enfants prodigues,
ses anciens compagnons de
misère, pour leur dire : « Si
vous saviez ce que m'a fait mon père !
À la place de cette fortune que j'ai
dissipée, il m'en a donné une seconde
plus belle que la première ; à
la place des haillons dont j'étais couvert,
des vêtements magnifiques ; à la
place de cette nourriture que je partageais avec
les vils pourceaux, les aliments de sa propre
table ; à la place de cette
société corrompue, sa
société, son doux entretien. Il
m'environne, il me comble, il m'accable de son
amour. Ne voulez-vous pas aussi retourner à
lui » ?
Ne pourra-t-il pas parler ainsi sans qu'on lui
dise : « Orgueilleux, de quel droit
viens-tu te vanter à nous des bontés
de ton père ? » Et nous,
« délivrés de cette crainte
de la mort qui nous tenait esclaves toute notre vie
(Héb. II, 15.) », ne
pourrons-nous pas venir à vous qui
êtes encore dans cet esclavage vous parler de
notre bonheur et vous presser de croire comme nous
pour être heureux comme nous ?
Mais enfin pensez de nous ce que vous
voudrez ; nous ne pouvons pas ne pas
« rendre témoignage de ce que nous
avons vu et entendu » ; entendu de
la parole de Dieu, vu dans l'expérience de
la vie chrétienne.
Nous ne pouvons pas ne pas vous supplier de
recevoir « cette Parole de vie, afin que
vous ayez communion avec nous, et que nous ayons
tous communion avec le Père et avec
Jésus-Christ son fils ; et
que nous vous annonçons
ces choses afin que voire joie soit parfaite
(1 Jean I, 3, 4.). »
Ah ! mes frères, si vous saviez ce que
c'est que de ne pas craindre la mort ! Si vous
saviez de quelle paix jouit, au sein même des
agitations de la vie, une âme qui a
jeté l'ancre sur le rocher des
siècles !
Si vous saviez combien il vaut mieux s'appuyer sur
le Seigneur que sur soi-même, combien il vaut
mieux se reposer sur lui que sur les meilleurs
d'entre les hommes
(Ps. CXVIII, 8, 9.) !
Ou bien pourriez-vous taxer notre assurance de
folie, et accuser ceux qui la possèdent de
vaines imaginations ?
Mais vous n'auriez donc pas compris sur quelle
autorité repose notre
espérance !
Vous n'auriez donc pas compris que c'est à
la Parole de Dieu toute seule que nous en appelons,
à cette Parole qui est appelée
« un argent affiné, épure
au fourneau de terre par sept fois
(Ps. XII, 7.) », et dans
laquelle nous avons plus que les raisonnements les
mieux déduits, puisque nous y avons le
témoignage de Dieu même.
Mais quoiqu'il en soit, et dussiez-vous voir une
folie de plus dans cette confiance sans bornes au
témoignage du livre des livres, si vous
tenez notre espérance pour insensée,
ah ! sachez du moins (souffrez la hardiesse de
notre langage), sachez du moins que la compassion
que vous inspire notre folie n'égale pas
celle que nous inspire votre sagesse, et que les
prières que vous pouvez
présenter à Dieu pour que nous
devenions sages à votre manière, ne
sauraient jamais être aussi ferventes que
celles que nous lui présentons pour que vous
deveniez fous à la nôtre. Oui,
donne-leur, ô mon Dieu, donne-leur
cette sainte et bienheureuse folie ! la folie
de te croire, la folie de t'obéir, la folie
de t'aimer, la folie de se sauver, la folie
d'être heureux, la folie d'être
sages !
Mais que dis-je ? Sommes-nous seuls à
présenter à Dieu cette prière
pour vous ? Ne la lui présentez-vous
pas vous-mêmes pour vous-mêmes ?
Ah ! sans doute, quand je vous mettais encore
dans la bouche les accusations que le monde a
coutume de faire contre l'assurance des
chrétiens, je vous faisais injure. D'autres
sentiments vous animent en ce moment. Vous soupirez
au contraire après cette sainte et
bienheureuse assurance, et vous dites dans votre
coeur : Et moi aussi je veux croire en
Jésus-Christ. Eh bien ! croyez, croyez
maintenant. Un pas encore, et vous êtes dans
le port de la foi.
N'attendez pas que les séductions du
péché, les tentations de
l'incrédulité, les railleries d'un
monde profane aient glacé votre
espérance nouvelle. Ne remettez pas à
demain. Demain peut-être vous ne voudrez
plus ; demain peut-être vous ne pourrez
plus ; demain peut-être vous serez mort.
Non pas demain, mais aujourd'hui. « C'est
ici le temps favorable. C'est ici le jour du salut
(2 Cor. VI, 2.)
Laissez-la tous vos doutes, jetez-vous aux pieds de
Jésus, donnez-lui votre coeur ; et que
ce temple qui vous a vu entrer peut-être
« sans espérance et sans Dieu au
monde
(Eph. II, 12.) », vous voie
sortir chantant, avec le pieux Siméon, le
cantique de ceux qui peuvent mourir
tranquilles : « Seigneur, tu laisses
maintenant aller ton serviteur en paix selon ta
Parole ; car mes yeux ont vu ton salut
(Luc II, 29, 30.) !
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