La terre de Chaldée devait être une
désolation éternelle ;
après avoir été ravagée
et dépouillée pendant des
siècles, toute « son
excellence » a disparu, et elle est
devenue stérile et déserte, comme
elle l'est encore.
Rauwolff, qui visita cette contrée en 1574,
en parle comme d'un « sol si sec, si
stérile, qu'il est impossible de le labourer
(21). »
Tous les voyageurs modernes s'accordent à
porter le même témoignage.
« La terre de Babylone sera
vannée, aucun fils d'homme n'y
habitera ; elle sera un désert et un
pays sec, une lande. »
D'un côté, près du site d'Opis,
« le pays environnant paraît
être un vaste désert de sable, un sol
aride ; par-ci par-là seulement on
aperçoit quelques signes de
végétation et un peu d'herbe
(22). »
De l'autre côté, entre Bussorah et
Bagdad, sur les rives du Tigre, tout le pays est un
désert ; l'absence complète de
toute culture, l'aspect
stérile, aride et sauvage
de la terre, forme un contraste frappant avec les
riches et délicieuses descriptions de
l'Écriture Sainte. En traversant ces
immenses déserts, où ne se trouvent
point de sentiers, les indigènes sont
obligés de s'orienter par les étoiles
(23). La
surface du pays est plate, et présente aux
regards une vaste étendue de plaine sur
laquelle on ne voit que de loin à loin des
troupeaux de chameaux à demi sauvages ;
à peine aperçoit-on quelques petits
arbustes. Cette immense lande n'est bornée
que par l'horizon
(24).
Au centre du pays, toute la contrée qui
s'étend depuis Bagdad est une plaine
où l'on ne distingue pas le moindre vestige
de végétation. En sortant des portes
de Bagdad, le voyageur a devant lui la vue d'un
désert aride, un pays plat et
stérile. Toute la contrée entre
Bagdad et Hillah est parfaitement plate, et,
à l'exception de quelques endroits
près de ce dernier lieu, un désert
inculte (25).
Il est facile de voir, par le nombre des canaux qui
traversent ce pays et qui sont maintenant à
sec, qu'autrefois il était dans un
état bien différent, et, à en
juger d'après les monceaux de terre couverts
de fragments d'édifices et de tuiles, que
tout ce désert était jadis
peuplé... Aujourd'hui ses seuls habitants
sont les Arabes Sobéides
(26)... De
tous
côtés, aussi loin que l'oeil peut
atteindre, on ne voit qu'une vaste solitude
(27). -
La
richesse du pays a aussi complètement
disparu que si le « balai de la
désolation » l'avait parcouru du
nord au midi.
Depuis les environs de Babylone jusqu'aux
extrémités du
territoire on ne voit qu'un triste désert.
On est des heures entières sans rencontrer
une seule habitation
(28).
- « La terre de Babylone est en
désolation, il n'y a personne qui y
habite. »
- Les Arabes seuls la parcourent, et chaque homme
que l'on rencontre dans ces déserts semble
être un ennemi. La terre de la Chaldée
est maintenant le repaire des bêtes
sauvages ; mais le voyageur les voit avec
moins d'effroi qu'il n'envisage un animal plus
sauvage encore, l'Arabe du désert.
- Souvent il est parfaitement impossible de
traverser le pays.
Lorsque l'on compare ces belles descriptions des
riches récoltes de Babylone, quand le
blé rendait un, deux et trois centuples,
avec l'état actuel du pays, on est
frappé de voir combien sa désolation
a été grande. On ne distingue plus
ses canaux que par leurs bords tombés en
ruines
(29).
Le sol de ce désert, dit le capitaine
Mignan, qui le traversa à pied, et qui en un
seul jour rencontra quarante ruisseaux, son sol est
composé d'une terre glaise
mêlée de sable ; il
s'échauffe tellement aux rayons du soleil
que vers midi je trouvai qu'il était
impossible de marcher sans beaucoup souffrir. Celui
qui a traversé ces vastes régions
à cheval sait combien elles sont tristes et
monotones, même pour le cavalier, et peut
s'imaginer combien elles le sont davantage pour le
voyageur à pied
(30).
Que les temps sont changés ! Dans ce
pays qui donna au monde les premières
notions d'astronomie, où l'on apprit pour la
première fois à remarquer le
mouvement des astres, la marche des corps
célestes, le misérable habitant ne
sait plus s'orienter au milieu de ces vastes
solitudes que par les
étoiles du ciel !
Là où la culture avait atteint son
plus haut degré de perfectionnement, et
où le blé rapportait un et deux
centuples, on ne trouve plus maintenant qu'une
immense plaine sans végétation.
« Le semeur et celui qui tient la
faucille « ont été
retranchés du pays de
Babylone. »
Là où l'on amassait des
trésors incalculables et une surabondance de
provisions, « le vanneur a
vanné, » les spoliateurs
« ont pillé, » et ils
ont « vidé le
pays. »
Là où des milliers de laboureurs,
à l'ombre de beaux palmiers, arrosaient
leurs champs au moyen de leurs nombreux canaux, le
voyageur s'arrête maintenant et ne trouve
plus que quelques faibles arbrisseaux ; il ne
sait aujourd'hui où poser le pied sans
douleur, il cherche en vain à s'abriter du
soleil brûlant de midi, en poursuivant son
chemin dans ce pays, maintenant un désert,
un pays sec, une lande. »
Le silence et la solitude ont remplacé le
bruit des riches et populeuses cités, car
les anciennes villes de Babylone sont
« en désolation ; il n'y
demeure personne, et aucun fils d'homme n'y
habite
(31). »
« Ses villes seront en
désolation. » - Le cours du Tigre
qui traverse la Babylonie, au lieu d'être
comme autrefois embelli par de riches et grandes
villes, n'est plus marqué que par les
emplacements « d'antiques ruines
(32). »
Sitace, Sabata, Narisa, Fuchera, Sendia, n'existent
plus (33).
Des
monceaux de décombres indiquent la place
supposée d'Artémite ou
Destagered.
Les jardins autrefois si magnifiques sont
cachés sous l'herbe, et un monceau plus
élevé que les autres indique
l'ancienne résidence royale
(34). Des
monticules et des décombres de diverses
grandeurs et de diverses hauteurs (près
d'Houmania) s'étendent de tous
côtés (35). Une
muraille soutenue par seize
bastions est tout ce qui reste d'Apollonia
(36).
La superbe Séleucie n'est maintenant qu'une
scène de désolation. Il n'y reste pas
un seul édifice, mais tout le pays
environnant est couvert de ses décombres.
Aussi loin que l'oeil peut s'étendre, dit le
major Keppel, l'horizon est borné par une
ligne de monticules ; tout cet endroit est un
désert plat (37). Sur
la rive opposée du
Tigre, où se trouvait autrefois
Ctésiphon sa rivale, outre des fragments de
murs, des décombres de briques et des
pierres, et des restes de grands
édifices recouverts de
monceaux de terre, on trouve un magnifique monument
de l'antiquité parfaitement conservé,
un grand et bel édifice qui présente
de front un mur de 300 pieds de long, orné
de 4 rangs d'arcades ; l'arche du milieu, qui
a 86 pieds de large et plus de 160 pieds de
hauteur, est soutenue par des murailles de 16 pieds
d'épaisseur, et conduit à une salle
profonde de 156 pieds, largeur du bâtiment
(38).
Une grande partie de la muraille du fond a
été détruite et le toit aussi,
mais ce qui en reste paraît plus vaste que
l'abbaye de Westminster (39). On
suppose que c'était le
superbe palais de Chosroës ; mais
aujourd'hui la désolation y
règne.
Le plus petit insecte ne saurait trouver parmi les
ruines de Ctésiphon le moindre brin d'herbe
où il puisse se réfugier, ou la
moindre goutte d'eau pour se
désaltérer
(40).
Derrière le palais on trouve des monticules
de terre de deux milles de circonférence, ce
qui indique bien la destruction complète
d'un lieu autrefois consacré au luxe et au
plaisir. Mais, dit le capitaine Mignan, telle est
l'étendue de ces monticules
irréguliers qu'on serait plusieurs mois
à en prendre les dimensions avec exactitude
(41).
Les villes plus modernes qui florissaient au temps
des califes sont également en ruines
(42).
Il est
vrai que le second Bagdad n'a pas encore subi le
sort du premier ; et Hillah, ville
comparativement moderne, située près
de l'emplacement de Babylone dont il ne reste pas
le moindre vestige, existe encore de nos jours.
Mais la première de ces villes, après
avoir été pillée,
dévastée, opprimée pendant
plusieurs siècles, a été
graduellement réduite à un
état de pauvreté comparatif
et ne possède aucun moyen
de défense
(43).
On dit
ensuite habitants de Hillah que si l'on pouvait les
assimiler en quelque chose aux anciens Babyloniens,
ce serait par leur vie désordonnée,
qui les distingue même du peuple immoral qui
les entoure (44) ; rien dans
leur conduite ne fait
espérer qu'ils cherchent à s'amender,
et que la malédiction qui pèse sur
eux à cause de leurs péchés
soit jamais levée de dessus leurs
têtes.
Il n'y a pas plus de 20 ans que les Wahabis ont
ravagé et pillé les villes de la
Chaldée ; et même en 1823 la
ville de Shehreban fut saccagée par les
Kourdes et réduite en désolation
(45). On
trouve
sur toute la surface du pays des traces de villes
ruinées à une époque plus ou
moins récente. Les progrès de la
destruction se font encore sentir ;
dernièrement des jardins qui ornaient les
rives du Tigre ont disparus, et il n'est que trop
littéralement vrai que « les
villes de la Chaldée sont en
désolation », car toute la
contrée est couverte de débris de
villes grecques, romaines et arabes, maintenant
confondus dans une masse uniforme de
décombres
(46).
Mais, au milieu de toutes ces villes en ruines, la
grande capitale de la Chaldée, la ville la
plus puissante et la plus célèbre du
monde, porte plus que toutes les autres l'empreinte
de la malédiction du ciel.
Nous avons déjà décrit
succinctement la décadence progressive et
prédite de la grande Babylone. Dans les
premières années de l'ère
chrétienne, elle était habitée
en partie, et il y avait dans l'intérieur
des murailles un vaste espace en culture
(47). Elle
ne cessa de
décliner à mesure que Séleucie
acquérait de l'importance, et cette
dernière ville finit par
être la plus considérable. Au
deuxième siècle il ne restait de
Babylone que les murs. Elle devint peu à peu
un grand désert, et au quatrième
siècle ses murailles servirent d'enceinte
pour enfermer les bêtes féroces comme
dans un parc, et elle fut convertie en un lieu de
chasse pour les plaisirs des monarques persans.
Le nom même de Babylone disparut, et il
s'écoula une longue suite de siècles
pendant lesquels il ne fut point parlé de
ses restes mutilés, ni de ses ruines
désolées. Elle fut longtemps au
pouvoir des Sarrazins, et nous avons fait voir
clairement que toute la désolation que le
Prophète avait annoncée est venue
fondre sur elle. Car les témoignages des
anciens historiens sur les faits qui confirment les
prophéties relatives à la prise de
ces villes par Cyrus ne sont pas plus positifs que
ceux des voyageurs modernes sur sa ruine
complète et finale. On est parvenu à
établir parfaitement l'identité de
son assiette (48), et
l'accomplissement de chaque
grand fait et de chaque petit détail est si
clairement prouvé qu'il suffit d'avancer ces
faits pour réduire au silence tous ceux qui
voudraient les contester.
Ce n'est pas seulement la désolation
générale de la Babylonie que le
Seigneur annonça par la bouche des
prophètes. Ils ne virent pas avec moins de
clarté l'histoire future de Babylone, depuis
l'apogée de sa gloire jusqu'à sa
désolation, qu'ils n'ont vu et qu'ils n'ont
décrit Babylone tombée, telle qu'on
vient de la décrire au dix-neuvième
siècle de l'ère chrétienne
(49) ;
et
maintenant que « la fin est venue sur
Babylone » et qu'une longue
suite de siècles a
accompli sa désolation, la plume et le
crayon des voyageurs se réunissent pour
confirmer ce qui avait été
annoncé dès le commencement par la
bouche des prophètes.
La vérité rejette toujours le secours
de l'erreur ; mais dans le cas actuel la
démonstration serait affaiblie et
détruite même, si l'on cherchait
à s'éloigner le moins du monde des
faits précis ; car, si les
prédictions s'accordent littéralement
avec quelque chose, c'est avec la
réalité telle qu'on la trouve :
en s'éloignant de celle-ci on
s'éloigne aussi de celles-là, et la
moindre fausseté serait aussi injurieuse que
coupable. Mais à côté des
faits, tels qu'ils se présentent, toute
exagération est impossible, et toute fiction
pauvre et inutile. Il aurait été
impossible à l'imagination de se
représenter un contraste plus grand ou une
destruction plus complète que celle que
l'Éternel a fait venir sur Babylone.
Et quoique la plus grande ville sous le soleil ne
soit maintenant qu'un monceau de décombres,
il n'y a pas un seul endroit sur la terre plus
clairement décrit que ne l'est la
scène de la désolation de Babylone
par la bouche du prophète. On n'aurait pu
trouver des mots propres à peindre cette
scène plus clairement que ceux qu'Esaïe
a employés il y a 2,500 ans en parlant de la
« charge » qui pèse
encore sur la Babylonie.
La multiplicité des prophéties et le
nombre des faits sont tels qu'il est difficile de
les arranger avec assez d'ordre et de
précision pour lier chaque prophétie
au fait qui atteste son accomplissement. Tous ceux
qui ont visité Babylone s'accordent à
dire que la désolation est
précisément telle qu'elle avait
été prédite. En
général, ils savent faire
l'application des grandes prophéties, et
souvent dans les détails ils adoptent sans
s'en douter les paroles même de
l'Écriture divinement
inspirées.
Babylone est complètement déserte.
Elle n'est plus que monceaux de ruines,
nivelée, réduite au tombeau,
foulée aux pieds, sans habitation ; ses
fondements sont tombés, ses murailles sont
renversées, ses plus magnifiques
édifices ont roulé en bas du haut des
rochers. La ville d'or a disparu, les vers la
couvrent et rampent sur elle ; les Arabes n'y
dressent point leurs tentes, les bergers n'y
mènent point paître leurs troupeaux.
Les bêtes sauvages y habitent, les
chats-huants y demeurent ; elle est devenue
l'habitation des hiboux, la demeure du dragon, un
désert, un pays sec, une lande, une montagne
d'embrasement, un étang d'eau. Elle a
été pillée, vidée, on
ne lui a point laissé de reste ; elle
n'est tout entière que
désolation ; quiconque passe
auprès d'elle est étonné.
« Babylone sera réduite en
monceaux. » - Babylone, le plus grand des
royaumes, n'est plus que la plus grande des ruines.
On voit de tous côtés d'immenses
ruines de temples, de palais et d'habitations
humaines de toutes espèces. Elles forment
une longue ligne de ruines qui ressemblent
plutôt à des collines naturelles
qu'à des monceaux recouvrant de grands et
beaux édifices (50). Ces
bâtiments autrefois
l'orgueil des rois ne sont plus qu'un tas de
décombres. Toute la surface du pays est
couverte de vestiges de constructions ; dans
quelques endroits on trouve des pans de murailles
très bien conservés, dans d'autres
rien qu'une longue suite de monceaux sans formes et
de diverses grandeurs. Il serait impossible de
fonder une théorie sur ces multitudes de
monticules allongés allant du nord au sud,
croisés par d'autres allant de l'ouest
à l'est, et ne se
distinguant des ruines des canaux
que par leur forme et leur nombre. Certainement la
plus grande partie de ces monticules sont des
restes d'édifices autrefois alignés
et formant des rues entrecoupées à
angles droits
(51).
Les monceaux que l'on distingue le plus facilement
sont doubles et en lignes parallèles ;
chacun a plus de vingt pieds de long, et ils sont
séparés les uns des autres, ce qui ne
laisse aucun doute que ce ne fût là
des rangées de maisons, ou des rues
tombées en ruines
(52).
Telle était la forme des rues de Babylone
conduisant aux portes de la ville. Il y a aussi
dans quelques endroits deux canaux profonds et
trois monticules en lignes parallèles ;
le monticule du centre est ordinairement plus grand
et plus élevé que les deux
autres ; il paraîtrait que ce sont les
décombres de deux rues parallèles,
une rangée de maisons plus profondes formant
la division, ayant deux façades et faisant
ainsi une habitation double.
Le temple de Bélus, les deux
résidences royales, les rues de la ville,
les habitations particulières, tout cela est
réduit « en
monceaux, » et la seule différence
qui existe entre eux vient de la différence
et de la grandeur des monticules ; les uns
paraissent semblables à des montagnes, les
autres s'élèvent à peine
au-dessus du niveau du sol. « Babylone
est tombée, » et tombée
tellement à la lettre que la personne qui,
debout sur le sol, contemple ses nombreux
monticules, séparés les uns des
autres par un creux étroit, a de la peine
à distinguer les restes d'une rue des restes
d'un canal ; à peine peut-il
dire : Ici s'écoulait la multitude,
là s'écoulaient les eaux.
« Babylone est
tombée ; » et ses ruines ne
peuvent être couchées plus bas
qu'elles ne le sont maintenant. « Elle
a été
brisée, ses fondements sont
tombés ; » ils ne soutiennent
plus ses ruines. Ses palais, ses temples, ses rues
et ses maisons sont ensevelis sous des masses de
décombres (53), et
la vue de Babylone, telle
qu'elle a été dépeinte sur les
lieux mêmes, ne présente plus à
l'oeil qu'une scène de complète
désolation et des monceaux qui peuvent
attester que Babylone est « descendue au
sépulcre. »
« Qu'elle n'ait rien de
reste. »
De grands monceaux de ruines sont tout ce qui reste
maintenant de l'ancienne Babylone. Toute sa
grandeur a disparu, ses trésors ont
été pillés, son excellence
s'est évanouie, on cherche même des
briques parmi ses monceaux, où l'on sait ne
pouvoir trouver autre chose, et depuis un grand
nombre de siècles Babylone a
été sur la surface du sol une
carrière que chacun est libre d'exploiter.
Sans faire allusion à la prophétie,
le capitaine Mignan parle d'un monticule faisant
partie des ruines du palais, qui a 90 verges de
large et 45 de haut. Le sol est extrêmement
mou et fatigant pour les pieds ; il ne semble
pas qu'il reste les moindres matériaux
propres à la construction. Il ne reste plus
une colline, excepté une assez
élevée, sur la surface de laquelle on
peut trouver des morceaux de briques, des tuiles,
du bitume, de la chaux, du verre, des coquillages,
et quelques fragments de nacre et de perles ;
fragments inutiles, même aux gens les plus
pauvres. « Aussi a-t-elle
été prise ; qu'elle n'ait rien
de reste. »
À la fin du dernier siècle, un
voyageur traversa l'emplacement de l'ancienne
Babylone sans même s'en douter
(54).
« Je la réduirai en marais
d'eaux. »
Le sol est quelquefois couvert de mares d'eau
(55).
Les
ouvriers qui, afin qu'elle n'ait rien de reste,
fouillent pour y chercher des briques
(56), travaillent
sans s'en douter
à l'accomplissement des
prophéties ; les excavations qu'ils
laissent deviennent des étangs qui sont
remplis par les débordements de l'Euphrate
et où l'eau séjourne toute
l'année.
« Assieds-toi sur la poussière,
assieds-toi à terre, fille de
Babylone. »
La surface des monticules, seuls restes de
Babylone, consiste en édifices
écroulés, réduits en
poussière ; il est littéralement
vrai que, parmi les ruines des habitations et des
bâtiments publics, on ne peut s'asseoir ou se
reposer que dans la poussière.
« Ta honte sera
découverte. »
Notre route, dit le capitaine Mignan, nous
conduisait à travers une grande masse de
monceaux, décombres qui couvrent le site de
l'ancienne Babylone. Il m'est parfaitement
impossible de donner une idée juste de la
scène de désolation et de solitude
que j'avais devant les yeux
(57).
« Assieds-toi sans dire mot, et entre
dans les ténèbres. »
Le silence du tombeau règne parmi ces ruines
(58).
Babylone est une scène de
tranquillité, une solitude sublime
(59).
« Elle ne sera plus habitée
à jamais. »
D'après le témoignage de Rauwolff, il
paraît que déjà au
deuxième siècle on n'y voyait pas une
seule habitation
(60) ;
maintenant l'oeil parcourt un désert aride
où les ruines seules indiquent
« qu'il ait jamais été
habité. » Il est impossible, dit
le major Keppel, de contempler cette scène,
et de ne pas être
frappé de l'exactitude avec laquelle ont
été accomplies les prophéties
d'Esaïe et de Jérémie, de ne pas
voir qu'en effet « elle ne devait plus
être habitée, » et que les
Arabes ne devaient plus y dresser leurs
tentes ; qu'elle devait être
réduite en monceaux, et ses villes en
désolation, en lieu sec et en désert
(61).
Babylone est méprisée
également par les Ottomans, les
Israélites et les fils d'Ismaël
(62).
Elle est devenue une capitale « sans
habitants et déserte. »
« Elle ne sera point habitée
à jamais. »
« Même les Arabes n'y dresseront
point leurs tentes, ni les bergers n'y parqueront
point leurs troupeaux. »
La prophétie annonça qu'Ammon
deviendrait un lieu de repos pour les chameaux et
un parc de brebis, que la Philistie ne serait que
cabanes de bergers et parcs de brebis ; mais
une bien plus terrible désolation devait
fondre sur Babylone ; un sort plus affreux
encore l'attendait.
Un Arabe même n'y dresserait point sa tente,
n'y mènerait point paître ses
troupeaux, ce qui indique une solitude
complète, un abandon entier. Il est d'usage
dans ces contrées que les bergers abritent
leurs troupeaux dans les édifices
ruinés
(63).
Mais il
n'en est pas ainsi de Babylone. Au lieu d'en
emporter les briques, le berger pourrait avec
facilité se construire un abri au milieu des
ruines, s'y garantir des bêtes
féroces, et faire un parc pour ses brebis
parmi les monceaux de Babylone ; l'Arabe, qui
le traverse sans crainte, pourrait y dresser sa
tente de nuit ; mais rien ne saurait les y
porter ni l'un ni l'autre ; c'est la crainte
superstitieuse des mauvais esprits, bien plus que
la crainte mieux fondée des bêtes
féroces, qui empêche les Arabes d'y
dresser leurs tentes.
Le capitaine Mignan s'y était fait
accompagner d'Arabes complètement
armés, « mais rien ne put les
engager à y passer la nuit, à cause
des esprits malfaisants. Il est impossible de
déraciner cette idée de l'esprit d'un
peuple extrêmement superstitieux ; et
dès que le soleil eut disparu
derrière le Mujelibé, quoique la lune
vînt éclairer la route de ses
pâles rayons, le capitaine se vit
forcé, bien à regret, d'obéir
aux ordres de ses guides
(64).
Les gens
du pays assurent qu'il est très dangereux
d'approcher de ces monceaux après la nuit
tombée, à cause de la multitude de
mauvais esprits qui les fréquentent
(65).
« Mais les bêtes sauvages des
déserts y auront leurs repaires, et ses
maisons seront remplies de bêtes
hideuses ; les chats-huants y habiteront et
les chouettes y danseront. »
Et en effet on y trouve beaucoup d'antres de
bêtes féroces et un grand nombre de
tuyaux de porcs-épics ; tandis que les
excavations les plus basses sont des mares d'eau,
les plus élevées sont occupées
par des chats-huants et des chauves-souris
(66).
Ces souterrains, au-dessus desquels
s'élevait peut-être la demeure de la
royauté, ne sont plus que des cavernes de
refuge pour les jackals (chacals) et
d'autres animaux ; les abords sont
encombrés d'ossements de brebis et de
chèvres, et il en sort une odeur si
fétide qu'on n'a nulle envie de
pénétrer dans ces repaires
(67). Le
roi
des animaux se promène sur l'emplacement de
cette Babylone que le roi Nabuchodonozor avait
élevée pour sa propre gloire ;
et le temple de Bélus, chef-d'oeuvre de
l'art des hommes, est maintenant
l'antre du lion et du tigre. Sir Robert Ker Porter
vit sur les hauteurs deux magnifiques lions et il
distingua sur le sol marécageux l'empreinte
de leurs immenses griffes
(68).
Le major
Keppel vit également les marques des pieds
d'un lion. C'est aussi la retraite des jackals (chacals),
des hyènes et d'autres
bêtes malfaisantes (69). Les
animaux sauvages sont en
grand nombre sur le Mujelibé, aussi bien que
sur le Birs Nimroud.
Le monticule était couvert de grands
trous ; nous entrâmes dans quelques-uns
et nous les trouvâmes remplis de carcasses et
de squelettes d'animaux récemment
tués. L'odeur des bêtes sauvages
était si forte que la prudence
prévalut sur notre curiosité ;
nous ne pûmes douter de la nature
féroce des habitants de ces cavités,
et nos guides nous assurèrent que toutes les
ruines abondent en lions et en animaux sauvages.
C'est ainsi que la prédiction divine se
trouve accomplie à la lettre ; les
bêtes sauvages des déserts y ont leur
repaire, les maisons sont remplies de bêtes
hideuses, et les bêtes sauvages des
îles s'entre-répondront les unes aux
autres dans les palais désolés
(70).
« La mer est venue sur Babylone ;
elle a été couverte de la multitude
de ses flots. »
On ne découvre plus aucune trace de la rive
occidentale de l'Euphrate. La rivière
s'étale sans obstacle, et jusqu'au moindre
vestige de bords et de digues, tout a
été emporté. La surface
généralement marécageuse
n'offre aucun signe d'anciennes habitations
(71) ;
des
marécages et des étangs sillonnent,
pour ainsi dire, le terrain ; pendant un
certain temps après le
débordement de l'Euphrate, tout ce pays a
l'air d'un vaste marécage
(72).
Dans ces
moments les ruines de Babylone sont
submergées et inaccessibles, les
vallées, dans plusieurs endroits,
étant devenues des marais
(73).
Ainsi d'un côté, tandis que Babylone
est couverte de la multitude des flots, de l'autre
elle présente à l'oeil un contraste
frappant par les hautes ruines qui
s'élèvent aux rayons d'un soleil
ardent, et par les monceaux de décombres
qui, répandus sur une plaine aride et
brûlante, semblent prouver que Babylone est
devenue « un pays sec, un désert,
une lande. »
Une partie de la rive occidentale du fleuve est un
vaste marécage, l'autre est un désert
aride (74).
« Elle ne sera tout entière que
désolation, elle ne sera plus habitée
à jamais. »
Des ruines composées, comme le sont celles
de Babylone, de monceaux de décombres
saturés de nitre ne sont pas susceptibles de
culture
(75) ;
ainsi les matériaux des édifices de
Babylone semblent, en se décomposant,
condamner la terre à la
stérilité. La partie de la plaine
où l'on trouve des vestiges de
bâtiments, aussi bien que celle où il
n'y en a jamais eu, est entièrement
dépourvue de toute apparence de
végétation. Le sol paraît aride
comme s'il avait été inondé
plusieurs fois, en sorte que toute la terre
productive semble avoir été
emportée par les eaux ; sa surface
composée moitié de sable,
moitié de terre glaise, peut être
comparée aux bords de la mer à la
marée basse (76). Babylone,
qui avait dit dans son
orgueil : « Je serai reine à
toujours, » n'est plus appelée
la reine des royaumes ;
elle
« n'est tout entière que
désolation. »
« Bel s'est
incliné. »
Le temple de Bélus ou de Baal, dont il est
clairement parlé ici, avait, selon le major
Bennel, 500 pieds, et selon Prideaux, 600 pieds
d'élévation ; il était,
d'après le calcul le plus bas, plus
élevé que la plus haute des pyramides
d'Égypte.
Le monceau le plus élevé que l'on
distingue sur l'emplacement de l'ancienne Babylone,
le Birs Nimroud, est regardé comme les
ruines du temple de Bélus. Ce monceau occupe
un plus grand espace de terrain que celui où
se trouvait jadis le temple, parce qu'en tombant
les pierres se sont éloignées de leur
véritable assiette. Les ruines ne sont donc
plus sur leur ancienne base, mais elles sont
couchées par terre et forment une masse
énorme.
Au premier coup d'oeil elles présentent
l'idée d'une colline, avec une forteresse
placée sur son sommet
(77) ;
et
même, quelque singulier que cela puisse
paraître, le père Emmanuel parle des
ruines qui se trouvent aussi sur cette
sommité, sans avoir remarqué
l'élévation extraordinaire du
monticule qui les porte. Il est presque inutile de
faire remarquer que tout le monticule est en
lui-même une ruine. Et pour démontrer
que « Bel s'est
incliné » il suffit de mettre sous
les yeux du lecteur le dessin ci-joint, pris des
Voyages de sir K. Porter, et qui fait voir la
différence entre l'ancienne
élévation du temple et la hauteur de
ses ruines actuelles
(78).
« Bel s'est
incliné. »
D'abord composé de huit tours
s'élevant les unes au-dessus des autres, le
temple de Bélus ne présente plus que
l'aspect d'une colline irrégulière,
dont chaque côté a une
élévation différente. Ce n'est
plus qu'une masse sans forme.
Le côté oriental présente deux
étages de collines ; le premier
s'élève à une hauteur de
soixante pieds ; il est partagé au
milieu par un profond ravin qu'y ont creusé
les pluies de plusieurs siècles.
Le sommet de ce premier étage forme une
plate-forme inclinée graduellement
jusqu'à la base du second étage, qui
semble s'élancer hors du premier en forme de
cône, son sommet étant orné
d'un fragment d'édifice semblable à
une tour en briques.
Depuis la base de la colline jusqu'aux fondements
de cette ruine l'élévation est
d'environ 200 pieds, et depuis le bas de la ruine
jusqu'à son sommet on compte 35 pieds de
hauteur.
À l'occident, toute la masse qui
s'élève de la plaine ne
présente qu'un immense monticule ayant la
forme d'une pyramide
irrégulière ; ses flancs sont
creusés çà et
là, par l'effet du temps
et de la dévastation. Les faces
méridionales et septentrionales en sont
très escarpées
(79). C'est
ainsi que le temple de Bel « s'est
incliné. »
« J'étendrai ma main sur toi, et
je te roulerai en bas du haut des rochers, et je te
réduirai en montagne
embrasée. »
On trouve sur le sommet de la colline
d'énormes fragments de constructions en
briques, sans formes arrêtées, et qui
ont été converties en des masses
complètement vitrifiées
(80). Quelques-uns
de ces
énormes fragments ont douze pieds de haut
sur vingt-quatre de circonférence, et comme
la construction en brique encore debout est
parfaitement conservée, le changement qui
s'est fait dans ces fragments ne peut être
attribué qu'à l'ardeur d'un feu
égal à celui de la fournaise, ou
plutôt qu'aux effets de la foudre
(81).
Ces ruines sont entièrement fondues, ce qui
porterait à croire que le feu a
été employé comme moyen pour
la destruction de cette tour.
L'action du feu sur ces débris, dit
Buckingham, s'est prolongée après
leur chute, et, suivant l'expression de Keppel,
cette ruine ressemble à ce que les
Écritures avaient annoncé d'elle,
qu'elle deviendrait « une montagne
embrasée. »
Dans la prophétie contre Babylone, il est
clairement annoncé que le feu sera
employé contre elle ;
Jérémie l'indique évidemment
quand il dit : « Comme dans la
subversion que Dieu a faite de Sodome et de
Gomorrhe. » Et nous savons que
« l'Éternel fit pleuvoir des cieux
sur ces villes du soufre et du feu. »
« Ses portes qui sont si hautes seront
brûlées ; ainsi les peuples
auront travaillé pour néant, et les
nations pour le feu, et elles s'y
seront lassées
(82). »
On peut retrouver dans beaucoup de ces fragments
sans forme les effets de la puissance
consumante ; on voit dans bien des endroits
cette teinte verdâtre que l'on
aperçoit dans les masses vitrifiées
des verreries ; en même temps que l'on
distingue ces traces du feu (et quel feu !)
qui a précipité ces masses de leur
immense élévation, on peut encore
remarquer les restes de ciments qui, s'étant
durcit avec les briques, sonnent comme du
verre.
En examinant la base de la muraille encore debout,
on trouve qu'elle n'a point été
atteinte par ce changement et qu'elle est toujours
dans son état primitif ; ce qui me
porte à conclure, continue sir R. K. Porter,
que le feu est venu d'en haut et que la ruine est
tombée d'une plus grande
élévation que celle du fragment
encore debout. Le feu qui a pu produire de tels
effets a dû être plus fort que celui de
la plus ardente fournaise, et d'après
l'apparence de la fente que présente le mur,
et l'aspect des substances vitrifiées, je
serais porté à attribuer cette
catastrophe à l'action de la foudre ;
des ruines produites par l'explosion de quelques
matières combustibles présenteraient
une tout autre apparence
(83).
Les masses tombées démontrent
clairement que l'action du feu a été
d'une longue durée après la
destruction de l'édifice ; car chaque
partie de la surface a été
également soumise à son
influence ; dans beaucoup d'endroits les
formes se sont arrondies et on ne peut distinguer
une masse de l'autre par aucune apparence de
meilleure conservation
(84).
Les hautes portes du temple de
Bélus, encore debout du temps
d'Hérodote, ont été
« brûlées » ;
les énormes fragments vitrifiés qui
tombèrent lorsque « Bel se fut
incliné » sont encore
couchés sur ses hautes ruines.
« La main de l'Éternel a
été étendue sur lui, et il l'a
roulé « en bas du haut des
rochers, et il a été réduit en
montagne embrasée. »
« Et on ne pourra prendre de toi aucune
pierre pour servir d'angle, ni aucune pierre pour
servir de fondement ; car tu seras
réduite en ruines perpétuelles, dit
l'Éternel. »
(Jérémie
51: 26)
Les restes ruinés de Sion seront
rebâtis, ses désolations seront
relevées ; Jérusalem sera
habitée de nouveau, sur l'emplacement
même de Jérusalem ; mais il n'en
sera pas de Bel comme de Sion, ni de Babylone comme
de Jérusalem ; car de même que
les monceaux de décombres saturés de
nitre qui couvrent la place de Babylone ne peuvent
pas être cultivés
(85),
de même les
substances vitrifiées qui couvrent le sommet
de Birs Nimroud ne peuvent être
reconstruites.
Il est vrai qu'elles sont composées des
matériaux les plus durs, des
éléments les plus
indestructibles ; mais quoiqu'elles aient
formé autrefois les tours les plus
élevées du temple de Bélus,
elles sont maintenant hors d'état
d'être taillées, et ne peuvent plus
« servir d'angle ni servir de
fondement ». Et les briques qui font
encore partie de la muraille solide, et qui ne sont
ni fondues ni brûlées, sont cependant
si fortement cimentées que, selon M. Rich,
il serait impossible de les en détacher
entières (86) ;
ou,
comme le dit le capitaine Mignan, il ne serait pas
possible d'en détacher une seule
(87).
Malgré tous mes efforts je ne pus en
détacher une seule (88),
dit Porter ; et
Buckingham,
voulant assigner une raison à la disparition
totale des murailles, et en parlant du Birs
Nimroud, dit : Les seules briques dont on
puisse se servir se trouvent dans les ruines des
grands monuments de Mujélibé, de Kar
et de Birs Nimroud, et il est si difficile, ou
plutôt si impossible de les extraire
entières, à cause de la force du
ciment, qu'il est très probable qu'on n'a
jamais eu recours à ce moyen tant qu'il est
resté des pans de murailles ;
quelquefois encore on creuse la rive occidentale du
fleuve pour en extraire des briques, mais la
dépense est considérable et le
résultat très peu satisfaisant
(89).
- On ne
trouve pas une seule brique entière dans les
environs de la tour
(90).
Ces témoignages réunis, sans aucune
allusion à la prédiction, en sont le
meilleur commentaire.
Ainsi, tandis qu'il a été dit de
Babylone qu'elle « serait rasée au
loin », et que véritablement dans
bien des endroits il « n'y a rien de
reste », cependant de la
« montagne embrasée »,
dont les ruines suffiraient à elles seules
pour la construction d'une ville magnifique, on ne
retire pas une seule pierre pour placer à
l'angle, ni pour servir de fondement.
« Mérodac est
brisé ».
Mérodac était un nom ou un titre
donné aux princes et aux rois de
Babylone ; l'Écriture sainte y fait
allusion deux fois. Elle parle de
Mérodac-Baladan, fils de Baladan, roi de
Babylone, qui tenait les rênes du
gouvernement ; et d'Evil-Mérodac, qui
vivait du temps de Jérémie. De ce que
ce nom de Mérodac est associé
à celui de Bel, ou du temple de
Bélus, et de la ressemblance du jugement
prononcé contre eux (l'un devait être
« incliné » et
l'autre
« brisé) », on peut
raisonnablement conclure que Mérodac
était le nom de quelque autre grand
édifice de Babylone ; et en même
temps, d'après l'identité de ce nom
avec celui des rois de Babylone, et même avec
celui d'Evil-Mérodac, qui vivait du temps de
Jérémie, il est assez probable que le
prophète voulait parler du palais même
des princes. Il est plus que vraisemblable
qu'après le temple païen,
qu'après le siège d'un culte corrompu
et destructeur, c'était sur la demeure
royale du tyran qui opprimait si cruellement le
peuple d'Israël et qui faisait trembler toute
la terre, que tomberait plus
particulièrement la malédiction de
Dieu.
En effet, en seconde ligne, et inférieur
seulement en grandeur aux ruines de Birs Nimroud,
vient le Mujelibé ou Makloubé, que
les voyageurs regardent comme l'ancienne
résidence des rois de Babylone.
Le palais du roi des Babyloniens rivalisait presque
en grandeur avec le temple de leur dieu. Il y a eu
même diversité d'opinions à ce
sujet ; cependant l'entière
désolation est la même pour les
deux : l'un « s'est
incliné », et l'autre a
été
« brisé. » Les deux
palais de Babylone avaient de belles
fortifications ; le plus grand était
entouré de trois hautes et larges murailles
(91).
Lors de la prise de la ville par
Démétrius, il s'empara d'un des
châteaux par surprise et en chassa la
garnison, qu'il remplaça par 7000 hommes de
ses troupes (92). II
ne put se rendre maître
de l'autre palais. Ces faits nous prouvent quelles
en étaient encore la grandeur et la force,
300 ans après la prédiction. La
solidité des constructions aurait dû
en assurer l'existence pendant des siècles
entiers, et il n'y eut jamais un
contraste plus frappant qu'entre l'ancienne
magnificence de ces palais et leur
désolation actuelle. On voit encore quelques
pans des murailles qui environnaient ce site, et
qui servent à en établir
l'identité avec Mujelibé, comme le
nom de Mérodac s'identifie avec celui du
palais. « Il a été
brisé ; » d'où lui
vient le nom de Mujelibé, qui signifie
renversé, détruit. Sa
circonférence est d'environ un demi mille,
et son élévation de 140 pieds ;
mais c'est un monceau de décombres dans
lequel il est impossible de distinguer quelque
forme que ce soit
(93).
On a pu s'assurer qu'il existait des chambres, des
corridors, des cellules de grandeurs diverses, et
construits de différents matériaux
(94). C'est
le
repaire des bêtes sauvages et des
fouines.
« Les animaux féroces
s'entre-répondront dans ses palais
désolés, et les dragons dans ses
maisons de plaisance. »
On rencontre à chaque pas parmi ces ruines
des reptiles venimeux (95). -
Les côtés ont été
creusés par l'effet du temps, et les grandes
pluies ont formé plusieurs canaux qui se
sont réunis et forment des ravines dont le
sol est profondément
pénétré
(96) ;
les
côtés de la ruine offrent des creux
faits par les pluies
(97)
« On t'a fait descendre au
sépulcre au fond de la
fosse. »
« Ceux qui te verront te regarderont, et
te considéreront, disant : N'est-ce pas
ici cet homme qui faisait trembler la terre, qui
ébranlait les royaumes
(98) ? »
(Jérémie 50:2; Esaïe 14: 11, 15)
Il suffit de regarder, d'examiner avec attention
la vue de l'emplacement de Mujelibé, pour se
convaincre que le palais de ces rois orgueilleux
comme Lucifer, qui
s'élevaient au-dessus des
étoiles du Dieu fort, « a
été renversé, foulé et
brisé
(99). »
En me promenant au milieu de ces pierres et de ces
immenses fragments, en contemplant la
sublimité de ces ruines gigantesques, je me
reportais naturellement, dit le capitaine Mignan,
à ces temps d'ancienne splendeur, où
de larges murailles s'élevaient
orgueilleusement sur ce même site ; je
me disais : Autrefois ces salles
résonnaient de chants joyeux ; ici se
donnaient des festins magnifiques, ici
retentissaient des voix qui ont depuis longtemps
cessé de se faire entendre sur la terre. Ce
monceau était jadis le séjour du luxe
et de la débauche ; maintenant il
n'offre plus qu'une désolation
complète et une preuve de la justice des
jugements du ciel. Il est solitaire ; la
cabane du berger ne vient pas même
égayer cette affreuse solitude.
« On a fait descendre ta magnificence
dans le sépulcre, avec le bruit de tes
instruments ; tu es couché sur une
couche de vers, et la vermine te couvre
(100). »
« Il n'y aura aucune muraille de
Babylone, quelque large qu'elle soit, qui ne
soit entièrement
rasée. »
Telle était, au rapport des
ancienshistoriens, la largeur de
ces murailles, que six chariots pouvaient y passer
de front. Elles subsistaient plus de mille ans
après la prédiction ; on les
mettait encore au nombre des sept merveilles du
monde, bien des siècles après que la
prophétie en eut annoncé la
destruction.
Mais qu'y a-t-il de plus étonnant pour nous
aujourd'hui, et quel événement aurait
pu paraître plus invraisemblable à un
habitant de Babylone, au temps de la gloire et de
la puissance de cette ville, que la destruction de
ces murs fameux, destruction si complète
qu'à peine peut-on en retrouver quelques
traces certaines.
« Tous les historiens s'accordent, dit M.
Rich, quant à la hauteur de ces murailles,
qui était de cinquante coudées ;
ayant été réduits à
cette mesure, après avoir eu la prodigieuse
hauteur de 350 pieds, par Darius Hystaspe, lors de
la révolte de la ville. Je n'ai pas
été assez heureux pour en retrouver
les moindres vestiges parmi les ruines de
Hillah ; ce qui me paraît assez
extraordinaire, puisque nous savons qu'elles
restèrent debout longtemps après la
destruction de la ville, qu'elles servaient de
clôture au parc des animaux, et que saint
Jérôme nous dit qu'elles
étaient en assez bon état à
l'époque où il vivait
(101). »
Ce fut dans le seizième siècle
qu'elles furent vues pour la dernière fois
par un voyageur européen (du moins autant
que l'auteur a pu s'en assurer). Il sera
intéressant pour nous de suivre la marche de
cette destruction, et de voir comment et quand
elles furent détruites, ainsi que la ville
dont elles avaient été si longtemps
l'orgueil et la puissance.
« Pendant le temps que nous y
restâmes, dit Rauwolff,
j'examinai cette élévation, et je
découvris qu'il y avait deux murailles,
l'une derrière l'autre (Hérodote
rapporte qu'il y avait une muraille
intérieure et une extérieure),
séparées par un fossé, et
s'étendant parallèlement au loin, et
que d'espace en espace il y avait des ouvertures
que l'on pouvait considérer comme ayant
été autrefois des portes. Ainsi j'ai
tout lieu de croire que c'étaient là
les anciennes murailles de la ville, et que les
ouvertures indiquent la place des anciennes portes,
au nombre de cent. Et ce qui donne du poids
à cette opinion, c'est que je vis en
quelques endroits, sous le sable qui couvre presque
entièrement ces élévations,
des restes de vieux murs
(102). »
Les villes de Séleucie, de Ctésiphon,
de Destagered, de Kufa, et beaucoup d'autres de ces
environs, et les villes modernes de Meschid-Ali, de
Meschid-Tessein et d'Hillah, ainsi que d'autres
villes, villages, et caravansérails sans
nombre, ont été construits
probablement avec les matériaux des murs de
Babylone
(103).
Comme la ville, « ils ont
été pillés jusqu'à ce
qu'il n'y en ait rien de reste. » Les
pluies d'une longue suite de siècles et les
débordements réguliers de l'Euphrate
ont aussi probablement emporté les
décombres et les débris des murailles
dans le fossé d'où elles avaient
été tirées jadis,
jusqu'à ce que le sable du désert les
eût nivelées avec la plaine, et leur
emplacement fait aujourd'hui partie du
désert ; c'est ainsi que
« les larges murailles de Babylone ont
été rasées. »
Ne pouvons-nous pas dire d'après ce
témoignage que les hautes murailles sont
tombées, que la ville qui était
l'orgueil des nations a été
désolée, que le sol le plus fertile
a disparu, parce que
« l'Éternel des armées l'a
balayé avec le balai de la
destruction. »
Un des chapitres du Voyage de M. Buckingham en
Mésopotamie, qui n'a pas moins de 60 pages,
est intitulé : « Recherches
relatives aux Murailles de Babylone. »
Après une longue et inutile recherche, il
découvrit à la fin, près des
landes orientales, sur le haut d'un monticule ovale
d'environ 70 à 80 pieds de haut, et
d'environ 3 à 400 pieds de
circonférence, un pan de mur solide ayant 30
pieds de long, sur 12 ou 15 pieds
d'épaisseur ; il était
évident que jadis il était d'une
dimension beaucoup plus grande ; maintenant il
est en ruines et partout incomplet
(104).
Il en
conclut que ce fragment de muraille et ce monticule
de décombres étaient tout ce qu'on
pouvait découvrir des anciennes murailles de
Babylone, « si entièrement
rasées ; » c'est là le
seul vestige qu'on en retrouve.
Le capitaine Frédérick, dont le
voyage avait pour but principal de découvrir
les restes des murailles et du fossé qui
avaient entouré Babylone, assure qu'aucun
voyageur moderne n'a pu en retrouver les moindres
traces.
« Je fis inutilement des questions aux
Arabes, dit-il ; ils ne purent rien me dire
sur ce sujet. Il me fut impossible, après
avoir examiné tous les bords du fleuve sur
un espace de 21 milles de longueur, et de 12 milles
en largeur, de découvrir le moindre indice
qui pût me permettre de croire qu'il y
eût jamais eu là un fossé ou
des murailles. S'il reste quelques vestiges de ces
murs, il faut qu'ils soient à une plus
grande distance que celle qu'indiquent les
géographes modernes. Je puis m'être
trompé, mais je ne me suis
épargné aucune fatigue
pour éviter toute erreur.
J'ai parcouru ces lieux pendant huit heures, durant
six jours consécutifs, et plus de douze
heures le septième
(105) »
Le major Keppel, après avoir rapporté
comment il avait complètement
échoué, lui, ses compagnons et
quelques autres voyageurs qui s'étaient
associés à ses courses, dans la
recherche qu'ils ont faite de quelques vestiges des
murailles de la ville, ajoute ce qui suit : Les
prédictions divines contre Babylone
se trouvent si littéralement accomplies dans
l'état actuel de ses ruines, que je
n'hésite pas à donner
l'interprétation la plus étendue aux
paroles de Jérémie :
« Il n'y aura aucune muraille, quelque
large qu'elle soit, qui ne soit entièrement
rasée. »
« Babylone sera réduite en
étonnement ; quiconque passera
près de Babylone sera
étonné. »
Il est impossible de penser à ce que
Babylone était, et de voir ce qu'elle est
aujourd'hui, sans être étonné.
Sir B. Porter s'exprime ainsi lors de sa
première vue de ces ruines : Je
ressentis une crainte indéfinissable en
passant, pour ainsi dire, par les portes de
l'ancienne Babylone
(106).
- Je ne puis décrire, dit le capitaine
Mignan, l'impression de respect et de terreur dont
je fus comme accablé, en contemplant
l'étendue et la grandeur de la
désolation qui m'entourait de toutes parts
(107).
« Comment le marteau de toute la terre
a-t-il été brisé ?
Comment Babylone a-t-elle été
réduite en désolation parmi les
nations ? »
La description suivante, si pleine
d'intérêt, a été faite
sur les lieux mêmes.
Après avoir parlé des quais
détruits, des eaux stagnantes, des anciens
fondements, et de la longue
ligne ondulante de monceaux de décombres,
sir Robert Ker Porter ajoute : Toute cette vue
avait quelque chose de solennel. Le majestueux
fleuve de l'Euphrate, coulant au milieu d'une
profonde solitude, tel qu'un monarque
pèlerin qui visite les ruines silencieuses
de son royaume dévasté, nous
paraissait encore une belle rivière
malgré la tristesse de la scène qu'il
parcourait. Ses rivages sont blancs de roseaux, et
l'on voit encore sur ses bords les saules auxquels
les prisonniers d'Israël avaient suspendu
leurs harpes, ne voulant pas se réjouir
pendant la captivité de Jérusalem.
Mais combien tout le reste a changé depuis
ce temps ! Alors ces monticules étaient
des palais ; ces monceaux étaient des
rues ; cette vaste solitude était
remplie des riches habitants de l'orgueilleuse
Babylone. Maintenant « elle est abattue
jusqu'en terre ; elle n'est plus
habitée ; la vermine la couvre
(108). »
On peut donc voir dans cette merveilleuse histoire
de la Babylonie qu'il n'y a pas un seul fait qui
n'ait été l'objet d'une
prophétie spéciale. Elle avait
annoncé que ses palais seraient
réduits en monceaux, que ses rues seraient
détruites et désertes, que l'orgueil
du monde serait assis sur la poussière, que
le silence du tombeau succéderait au bruit
de la multitude de Babylone, que ce vaste
entrepôt du monde où toutes les
nations venaient apporter leurs trésors,
cette prison où le peuple juif fut tenu
captif jusqu'à ce que Babylone
elle-même eut été pillée
par divers peuples, descendrait au
sépulcre ;
- que la vaste métropole, le pays des palais
et l'orgueil des royaumes, le rendez-vous de tous
les peuples deviendrait un endroit
méprisé et solitaire,
où personne n'habiterait
de génération en
génération ; où les
Arabes mêmes ne voudraient pas dresser leurs
tentes, ni les bergers faire paître leurs
troupeaux ; qu'il n'y aurait plus de richesses
secrètement gardées, ni de
trésors cachés, mais que sa honte
serait découverte ; que celle qui
faisait trembler la terre et qui ébranlait
les royaumes serait jetée loin de son
sépulcre comme une branche
pourrie ;
- que beaucoup de nations et de grands rois
viendraient du bout du monde contre Babylone ;
que des ouvriers la réduiraient en monceaux
et formeraient des étangs au milieu
d'elle ;
- que cet immense lac artificiel, ayant plusieurs
milles de circonférence et qui servait
à arrêter les débordements
annuels de l'Euphrate, que ce lac serait
réduit en étangs d'eau,
creusés par des ouvriers et remplis par la
rivière ;
- que le premier et le plus grand des temples
serait réduit en montagne
d'embrasement ; que la statue d'or de 40 pieds
qui en ornait le sommet, jusqu'aux images
taillées de leurs dieux, tout serait
brisé et réduit en
poussière ; que les magnifiques
fêtes des monarques de Babylone, que le bruit
des instruments, que la splendeur du festin de
Belsçatzar, que les cris de débauche
de mille grands seigneurs qui s'enivraient dans les
vases sacrés de Sion, feraient place aux
cris des bêtes sauvages ;
- que les maisons seraient remplies de fouines, que
les chat-huants habiteraient dans leurs maisons de
plaisance, que les chouettes y sauteraient ;
que les dragons se logeraient dans ses palais
désolés ; que les terrasses
élevées sur terrasses, et qui
faisaient ressembler les jardins suspendus de
Babylone à une vaste montagne, seraient
mises au niveau de la fosse ;
- que les palais des princes, qui, assis en la
montagne d'assignation, croyaient pouvoir placer
leur trône au-dessus des
étoiles du Dieu fort, seraient
réduits en pièces, comme des
habillements transpercés avec
l'épée, comme une charogne
foulée aux pieds ;
- que les larges murailles devant lesquelles
l'armée de Cyrus s'était
rangée en bataille sans pouvoir trouver un
seul endroit accessible à l'assaut, seraient
entièrement rasées, et que l'on
chercherait en vain la place où elles
avaient été.
Enfin, elle avait annoncé que Babylone la
grande, l'orgueilleuse Babylone, la gloire des
royaumes, ne serait plus que la Babylone
désolée, l'étonnement de
quiconque passerait auprès d'elle. Quelque
merveilleux donc qu'ait été le
changement qui devait ainsi se faire en Babylone,
on ne peut nier qu'il ne se soit
opéré, et, quels que soient les
instruments que l'Éternel a employés,
l'effet n'en est pas moins évident, et cette
destruction est venue sur Babylone comme un
« dégât fait par le
Tout-Puissant. »
Tous les desseins de l'Éternel n'ont-ils pas
été accomplis contre Babylone ?
Qui oserait, après avoir examiné tous
les faits, qui oserait répondre d'une
manière négative aux questions que le
Seigneur fait lui-même en commençant
ces prédictions ?
« Qui annonce dès le commencement
ce qui arrivera à la fin, et longtemps
auparavant ce qui n'a point encore
été fait ? Qui dit : Mon
conseil tiendra, et j'exécuterai toute ma
volonté ? Qui est semblable à
moi ? »
Serait-il possible d'admettre l'accomplissement
d'une seule prophétie, si l'on refuse le
témoignage qui se rapporte à
celle-ci ? Y eut-il jamais lieu sur la terre
qui ait subi un changement plus complet ?
Les annales du genre humain, a-t-on dit avec
vérité, ne présentent pas un
contraste plus frappant que celui qui existe entre
la magnificence primitive de Babylone et sa longue
désolation.
Ses ruines ont été visitées
dernièrement par plusieurs personnes dont le
caractère est bien connu et dont la
véracité est à
l'épreuve, et toutes leurs recherches n'ont
servi qu'à rendre un éclatant
témoignage à l'accomplissement
littéral de chaque prophétie.
Combien peu de contrées de la terre dont
nous ayons une description aussi exacte et aussi
détaillée que celle que fit le
prophète, à une époque
où Babylone était loin de ressembler
à ce qu'elle est maintenant devenue !
Serait-il possible de trouver des
prédictions plus précises, plus
étonnantes, plus nombreuses et plus
véridiques, ou qui se soient plus
visiblement accomplies par degrés pendant
une longue série de
siècles ?
Ah ! qu'en méditant sur le sort de
Babylone, en envisageant ce qu'elle était et
ce qu'elle est devenue, les nations apprennent la
sagesse, que les tyrans tremblent, que les
incrédules croient !
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