Ce pays, situé à l'est de la
Palestine, anciennement peuplé par les
Ammonites, et appartenant maintenant partie aux
Arabes et partie aux Turcs, fut pendant plusieurs
siècles une des plus populeuses et des plus
fertiles contrées de l'Asie.
Les Ammonites faisaient de fréquentes
invasions sur les terres d'Israël, et
même, s'étant alliés une fois
avec les Moabites, ils tinrent pendant dix-huit ans
les Israélites sous leur joug. Jephté
non seulement les délivra de leurs
oppresseurs, mais s'empara de vingt villes des
Ammonites.
Ils continuèrent cependant leurs
attaques ; mais enfin David assiégea
leur capitale et réussit à rendre
leur pays tributaire. Ils reconquirent plus tard
leur indépendance et la conservèrent
jusqu'à ce que Jotham, roi de Juda, les
ayant subjugués, exigea le paiement annuel
de la somme de 100 talents et 30,000 mesures d'orge
et de blé.
Ils ne tardèrent pas à recommencer la
lutte avec leurs anciens ennemis, et se
réjouirent des malheurs qui vinrent fondre
sur eux, lorsque Nabuchodonosor se rendit
maître de Jérusalem et emmena captifs
ses habitants. Plus tard, quoique soumise
successivement au joug des Chaldéens, des
Égyptiens et des Syriens, lorsque les
Romains se rendirent maîtres de toutes les
provinces de la Syrie, la terre d'Ammon fut encore
considérée comme riche et fertile, et
plusieurs des dix cités dont se composait la
célèbre Décapole se
trouvèrent
Lors de la première invasion des Sarrazins,
ce pays, ainsi que celui de Moab, s'était
enrichi par le commerce, était
défendu par une ligne de forteresses et par
plusieurs villes fortes et populeuses
(42). Volney
dit que, dans les immenses plaines de Hauran, on
rencontre des ruines presque à chaque pas,
et que ce que l'on dit de sa fertilité
s'accorde parfaitement avec l'idée qu'en
donnent les livres hébreux
(43).
Son ancienne fécondité est
attestée par tous les voyageurs qui l'ont
visitée ; et Burckhardt, qui y
était il n'y a que quelques années,
observe qu'il fallait bien que dans ce pays
l'agriculture fût poussée à un
haut point de perfection, pour qu'on y pût
nourrir les habitants de tant de villes dont
aujourd'hui on ne voit plus que les débris
(44).
Ainsi donc, tandis que la fertilité du pays
d'Ammon, et l'état de
prospérité et de puissance dont il a
longtemps joui, nous sont clairement prouvés
par le témoignage de l'histoire et par des
preuves encore existantes, les recherches de
plusieurs voyageurs modernes, qui ont visité
ces régions uniquement dans un but
d'études géographiques, nous ont fait
connaître le triste état de
désolation de cette partie de la Syrie.
« Fils de l'homme, dit la
prophétie contre Ammon, dresse ta face
contre les enfants d' Ammon et prophétise
contre eux. Je livrerai Rabba pour être le
repaire des chameaux, et le pays des enfants
d'Ammon pour être le gîte des brebis.
Voici, j'étendrai ma main sur toi, et je te
livrerai pour être pillée parmi les
nations ; je te retrancherai d'entre les
peuples, et je te ferai périr d'entre les
pays, en sorte qu'on ne fera plus mention
des enfants d'Ammon parmi les
nations. - Rabba sera réduite en un monceau
de ruines. Ammon sera un lieu de désolation
à jamais. - Les enfants d'Ammon seront comme
Gomorrhe, un lieu couvert d'orties, et une
carrière de sel et de désolation
à jamais
(45). »
Ammon devait être « livrée
pour être pillée par les
nations » ; elle devait être
détruite, et un lieu de désolation
à jamais.
Toute cette contrée, autrefois si
peuplée et si florissante, est
changée aujourd'hui en un vaste
désert (46). On
n'y rencontre que des monceaux
de ruines. Le pays est partagé entre les
Turcs et les Arabes, et ces derniers en ont la
partie la plus considérable. Les extorsions
des uns et les brigandages des autres le tiennent
« dans une désolation permanente,
et en font la proie des nations ».
La plus grande partie en est entièrement
inhabitée ; on n'y rencontre que des
Arabes vagabonds, et les villes et les villages ne
sont que des ruines (47). À
chaque pas on trouve des
vestiges d'anciennes villes, des restes de temples,
d'édifices publics et d'églises
grecques ; les villes sont désertes
(48). Un
grand
nombre de ces ruines n'offrent rien
d'intéressant ; ce sont des murs
d'habitations particulières, des tas de
pierres, des fondations d'édifices publics,
et quelques citernes comblées ; et
quoiqu'il ne reste rien d'entier, à en juger
par les fragments énormes dont se composent
ces débris, il paraît que le mode de
construction alors en usage était d'une
grande solidité. Dans le voisinage d'Ammon
est une plaine fertile semée de petites
éminences, dont la plupart sont couvertes de
ruines
(49).
Dans ce pays ainsi nu et désolé, on
trouve ça et là quelques
vallées verdoyantes qui servent de retraite
aux Bédouins, et où ils font
paître leurs chameaux et leurs moutons
(50).
Sur toute
la route que nous suivîmes, dit Seetzen, nous
vîmes des villages ruinés, et nous
rencontrâmes nombre d'Arabes avec leurs
chameaux.
M. Buckingham, en décrivant un
bâtiment aux environs des ruines d'Ammon,
dit : Il était évidemment
composé de divers matériaux
appartenant à des ruines de quelques anciens
édifices. En y pénétrant par
le côté du sud, nous arrivâmes
dans un carré ouvert, entouré de
chaque côté par des renfoncements
voûtés, tournés vers les quatre
points cardinaux.
Ces renfoncements, du côté des murs du
nord et du sud, formaient jadis des corridors, et
avaient des ouvertures vis-à-vis les unes
des autres ; mais nous trouvâmes la
première complètement fermée,
et la seconde n'ayant qu'un passage très
étroit par lequel les bergers arabes font
entrer leurs troupeaux pour y passer la nuit.
Il raconte encore qu'il se coucha au milieu des
troupeaux de brebis et de chèvres, et que
pendant la nuit il put à peine prendre un
instant de sommeil à cause des
bêlements des moutons
(51).
Ainsi, il est littéralement vrai, quoique
Seetzen, Burckhardt et Buckingham ne fassent point
allusion aux prophètes, et qu'ils n'aient
point voyagé dans l'intention d'en
vérifier l'accomplissement, que
« la principale ville des Ammonites est
le repaire des chameaux et le gîte des
brebis. »
« On ne fera plus mention des enfants
d'Ammon parmi les nations. »
Les Juifs, longtemps leurs ennemis
héréditaires, quoique
dispersés parmi toutes
les nations, sont toujours aussi distincts et aussi
séparés que jamais ; partout on
peut les reconnaître, tandis qu'il ne reste
aucune trace des enfants d'Ammon. Ils
existèrent cependant longtemps encore
après que leur destruction eut
été prédite, car ils
conservaient leur nom et formaient encore, selon un
ancien auteur chrétien, un peuple nombreux
dans le second siècle de l'ère
chrétienne
(52).
« Cependant ils ont été
retranchés d'entre les peuples. Ammon a
péri d'entre les « pays, il est
détruit. » Aucun peuple n'est
attaché à son sol, aucun peuple ne le
regarde comme sa patrie, on ne porte plus son nom,
et « on ne se souvient plus des enfants
d'Ammon parmi les nations. »
Six cents ans avant Christ, Jérémie
avait écrit : « Rabba (Rabba
Ammon, la principale ville d'Ammon) sera
détruite en un monceau de
ruines. »
Il y avait plusieurs siècles qu'elle
existait ; située sur les bords d'une
grande rivière, au milieu d'une
contrée fertile, défendue par son
assiette naturelle, et fortifiée par l'art,
rien ne paraissait justifier le soupçon,
rien ne pouvait faire présager que la ville
royale d'Ammon dût être tellement
détruite et changée, et devenir un
jour un monceau de ruines. Il y avait
déjà plusieurs siècles qu'elle
jouissait d'une prospérité non
interrompue lorsque les prophètes
d'Israël annoncèrent son sort, et
maintenant un laps de temps non moins long a
confirmé la vérité des paroles
prophétiques, et Ammon n'est plus qu'un
monceau de ruines, qu'une désolation
continuelle. Les Arabes conservent encore l'ancien
nom de Rabba, et la place qu'elle occupait est
couverte de débris d'habitations
particulières dont il ne
reste que les fondations et quelques jambages de
portes. Toutes les parties des édifices
exposées à l'action de
l'atmosphère sont en ruines
(53). Les
édifices publics qui jadis servaient
à fortifier ou à embellir la ville
sont maintenant déserts, et les ruines les
mieux conservées, dégradées
par les spoliations continuelles des Arabes
errants, ne sont plus propres qu'à
être des étables de chameaux.
Mais ces palais ruinés, ces débris
sans forme et sans beauté, peuvent concourir
à un plus noble but que bien des monuments
magnifiques, puisqu'ils rendent témoignage
de la vérité des Écritures et
de l'immutabilité de la parole de notre
Dieu.
Il ne sera donc peut-être pas sans
intérêt d'entrer dans plus de
détails.
Seetzen, que son ardeur infatigable porta à
parcourir le premier, malgré tous les
dangers de la route, les contrées à
l'est du Jourdain, et à l'est et au sud de
la Mer Morte, autrement les pays d'Ammon, de Moab
et d'Edom, dit : Ammon était la
résidence de beaucoup de rois, ville antique
et florissante, longtemps avant le temps des Grecs
et des Romains, et même avant celui des
Hébreux (54). Quoique
cette ville soit
détruite et abandonnée depuis
plusieurs siècles, j'y ai trouvé
encore quelques ruines remarquables, qui attestent
son ancienne splendeur. Je citerai,
1° un édifice carré dont les
ornements sont d'une richesse extraordinaire, et
qui a peut-être été un lieu de
sépulture ;
2° un grand palais ;
3° un magnifique amphithéâtre
ayant un péristyle de colonnes
corinthiennes ; 4° un temple païen
avec de très belles
colonnes ;
5° une grande église bâtie par
les chrétiens, peut-être le
siège d'un évêque, du temps des
empereurs grecs ;
6° les ruines d'un temple entouré de
colonnes d'une grosseur prodigieuse ;
7° quelques portions des anciennes murailles
et plusieurs autres édifices
(55).
Burckhardt, qui visita plus tard le même
site, décrit avec plus de détails ce
qu'il a vu sur l'emplacement de Rabba. Il donne un
plan de ces ruines et parle des restes de plusieurs
temples, d'une église très spacieuse,
d'un mur circulaire, d'un pont dont les arches sont
très élevées, des bords et du
lit d'une rivière encore pavée dans
quelques endroits, d'un vaste théâtre,
de majestueuses colonnades, d'un château
très ancien et jadis très fort, de
plusieurs citernes, d'une plaine jonchée de
ruines d'édifices particuliers
(56), et
de
monuments d'une grandeur passée, qui
s'élèvent au milieu d'un monceau de
désolation.
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