L'aridité du sol et la désolation de la ville, près de laquelle aucun être vivant n'habite, semble vérifier la malédiction prononcée contre elle. « O toi qui habites dans le creux des rochers, et., Edom sera réduite en désolation (28). »
Parmi les ruines de Pétra, les
mausolées et les tombeaux sont ce qu'il y a
de plus remarquable ; ils attestent le long
règne de la royauté et l'ancienne
grandeur et l'opulence du royaume ; et leur
nombre immense est en accord avec la nomenclature
que font Moïse et Strabon des rois et des
princes de l'Idumée, pendant les quinze
siècles qui se sont écoulés
entre leurs récits. L'architecture de
beaucoup de sépulcres démontre aussi
qu'ils sont d'une date plus moderne.
Quelle ne doit pas avoir été, dit
Burckhardt, l'opulence d'une ville qui pouvait
ériger de semblables monuments à la
mémoire de ses princes
(29) !
Mais cette longue race de rois et de grands a
été depuis bien des siècles
retranchée de l'Idumée ; ils
n'ont rien laissé pour les
représenter sur la terre, excepté une
multitude de tombeaux magnifiques, mais inconnus et
presque invisibles.
« Les magistrats crieront qu'il n'y a
plus là de royaume, et tous les gouverneurs
seront réduits à
rien. »
Au milieu de tous ces mausolées, de ces
tombeaux, de ces restes de temples et de palais qui
forment, pour ainsi dire, un vaste tombeau
où l'ancienne splendeur de l'Idumée
gît enterrée, on découvre
encore des vestiges d'architecture grecque ou
romaine qui font voir que ces édifices ont
été construits longtemps après
le temps des prophètes. « Ils
rebâtiront ; mais je
détruirai. » Jusqu'à
présent les seuls renseignements que nous
possédions sur l'état actuel de
l'Idumée nous ont
été donnés par Volney, qui les
avait recueillis des Arabes, et quoique son
témoignage ne fût pas suspect,
cependant il n'était pas suffisamment
détaillé pour nous faire distinguer
les traits particuliers et prophétiques.
Mais depuis lors, Burckhardt et les capitaines Irby
et Mangles nous ont communiqué,
d'après leurs observations personnelles, des
détails qui jettent une grande
lumière sur ce sujet et qui nous font
connaître le fait remarquable des ruines
d'une ville taillée, pour ainsi dire, dans
le roc, et située au milieu d'un
désert.
Lorsque dans les rues de Jérusalem le peuple
fit entendre le cri : « Hosanna au
fils de David ! » et que
quelques-uns des Pharisiens dirent a
Jésus : « Maître,
reprends tes disciples, » il
répondit : « Si ceux-ci se
taisent, les pierres même
crieront » ; de même, de nos
jours, où l'incrédulité
règne sur tant de villes et parmi tant de
peuples qui rejettent l'autorité du Dieu
d'Israël, et repoussent sa parole, les
anciennes nations et les anciennes villes
comparaissent de nouveau sur la scène comme
des témoins ressuscites des morts, et qui
viennent montrer la puissance que cette même
parole a exercée sur leur sort, et elles
crient aux nations de la terre de prendre garde de
ne pas devenir à leur tour des monuments de
la colère qu'elles ont
méprisée.
Lorsque les hommes ne voulurent pas entendre des
Hosannas au fils de David, et refusèrent de
rendre hommage au nom du Christ, les déserts
et les rochers élevèrent leur voix,
et se joignirent aux prophètes pour rendre
témoignage à Jésus ; de
même on a de nouveau entendu parler la
capitale de l'Idumée, ainsi que d'autres
capitales, et les rochers même font entendre
un cri qui peut parvenir jusqu'aux
extrémités de la terre.
L'auteur de cet ouvrage n'osait pas
espérer, quand il
entreprit de comparer les prophéties
relatives à Edom avec les renseignements que
Volney était parvenu à en donner,
qu'il se passât si peu de temps avant que
l'accomplissement de ces prédictions
fût devenu évident à tous les
yeux, sans même qu'il fût
nécessaire de dire : « Venez
et voyez. »
Mais maintenant il peut en appeler à la vue
aussi bien qu'à l'intelligence de
l'homme ; car, au moment même où
ces pages étaient sous presse, il a
reçu les six premières livraisons
d'un ouvrage intitulé :
« Voyage de l'Arabie Pétrée
par MM. Léon de Laborde et Linant
(30). »
Ces livraisons contiennent de magnifiques gravures,
toutes relatives aux ruines de Pétra, et il
suffirait de les accompagner d'un passage
de l'Écriture Sainte, pour faire des
beautés de l'art, de puissants auxiliaires
des intérêts de la religion. Ce
magnifique ouvrage est maintenant terminé,
et M. de Laborde, avec une bienveillance que nous
aimons à publier ici, en lui
témoignant notre sincère
reconnaissance, nous a permis de copier plusieurs
de ses planches pour les insérer dans ce
volume.
Ainsi donc, au lieu d'en être réduits,
comme jusqu'à ce jour, à quelques
maigres renseignements, on n'a maintenant
qu'à jeter les yeux sur Edom, et l'on peut
voir à quel point « le cordeau de
confusion et le niveau du
désordre » ont été
étendus sur lui.
Nous pouvons de la même manière
contempler les ruines de la capitale de cet Edom,
dont jusqu'à présent nous ignorions
même l'existence. Toutes ces gravures font
foi de son ancienne magnificence et du travail
inconcevable qu'il a fallu, pendant une longue
suite de siècles, pour construire cette
multitude d'habitations, de tombeaux et de temples
creusés dans le roc. La
vérité ne parle donc point
« par des lèvres
trompeuses » ni par la bouche d'un
sceptique ; mais ce sont les rochers
même qui prennent la parole, ce sont ces
habitations pratiquées dans leurs
profondeurs, par le travail du ciseau, et par les
efforts de l'architecte, qui disent que les
habitants de Pétra bâtirent
postérieurement à l'ère des
prophètes, mais que tous ces
édifices, d'architecture grecque ou romaine,
et d'autres plus anciens encore couvrent la
vallée de leurs ruines, et montrent par
leurs débris que l'arrêt
prononcé contre eux devait s'accomplir, et
que « tout a été
détruit. »
La vue topographique de la contrée
d'Edom, prise depuis d'El Nakb, montée
escarpée au sud du Mont Hor et de
Pétra, nous montre que l'Idumée n'est
que désolation,
« désolée de
génération en
génération, » et que le
pays qui avait été donné
à Esaü comme étant
« la graisse de la terre, » et
dans lequel on construisit une multitude de villes,
est maintenant
« fouillé, » et que
« le cordeau de confusion et le niveau du
désordre « ont été
partout étendus. »
Sur la gauche du dessin, dit M. de Laborde, en
remontant vers le milieu, s'étend
l'Ouadi-Araba, longue plaine de sable qui descend
de la Mer Morte à la Mer Rouge, dans une
direction régulière et continue.
On doit reconnaître, comme je l'ai
déjà dit, dans cette disposition le
lit d'un fleuve, et celui du Jourdain, avant
l'éruption volcanique qui forma le bassin
actuel de la Mer Morte.
Sur la rive droite, à l'ouest, s'y joint
l'Ouadi Gebb, vallée par laquelle les
Fellahs de Pétra se rendent à Gaza.
En appuyant à l'est (à la droite du
dessin ) on remarque, au milieu d'une petite
plaine, le rocher isolé d'El Aase,
surmonté d'un tombeau dont j'ai parlé
plus haut.
Plus à droite un rocher, formant comme le
premier rempart aux environs de Pétra,
s'élève en forme de cône :
un arbre le domine. En suivant la même
direction, on rencontre le mont Hor, le plus haut
rocher de la contrée, au sommet duquel est
construit le Tombeau d'Aaron. C'est à l'est
de ce piton, enclavé au milieu des rochers
dont les masses semblent, en s'amoncelant,
s'être resserrées davantage, qu'est
bâtie la ville de Pétra, capitale des
Nabathéens. Ce tableau, espèce de
demi-panorama, est terminé par la grande
chaîne de montagnes qui sépare
l'Arabie Pétrée de l'Arabie
déserte.
Le témoignage de M. de Laborde rehausse
encore la valeur de ces précieux dessins. De
l'élévation d'El Nakb, on peut juger,
dit-il, de l'aspect général du pays,
dont le triste et lugubre caractère est
difficile à reproduire à l'aide du
crayon, et il ajoute : Plusieurs
prophètes avaient annoncé le malheur
de l'Idumée, mais la forte parole
d'Ezéchiel peut seule s'élever
à la hauteur de cette grande
désolation. »
« La parole de l'Éternel me fut
encore adressée, et il me dit : Fils de
l'homme, dresse ta face contre la montagne de
Séhir et prophétise contre
elle : il lui dit : Ainsi a dit le
Seigneur l'Éternel : Voici, je viens
à toi, ô montagne de
Séhir ! et j'étendrai ma main
contre toi, et te réduirai en
désolation et en désert. Je
réduirai tes villes en déserts, et tu
ne seras que désolation. Et je remplirai tes
montagnes de tes gens blessés à
mort ; les hommes blessés à mort
tomberont dans tes coteaux, et dans tes
vallées, et dans tes torrents. Tu seras
désolée, ô montagne de
Séhir ! et même toute
l'Idumée entièrement ; et on
connaîtra que je suis l'Éternel
(31). »
Une des gravures données par M. de
Laborde est surtout remarquable ; on y voit le
caractère unique de ce pays, et par lequel
Pétra se distingue de tout autre pays dont
l'histoire nous fasse connaître
l'existence.
L'intention principale de l'artiste était
d'y représenter une colonne isolée,
mais en même temps on y voit, en partie,
l'Ouadi Mousa avec les rochers en perspective. - La
longue muraille de rochers qui s'étend sur
la droite, restreinte dans ce petit cadre,
étonne encore par la prodigieuse
quantité de tombes qui ornent ses
parois : qu'on se figure l'impression que
produit dans la nature ce tableau, quand le silence
de la mort en est le seul accompagnement.
Dans la perspective, la distance rapetisse des
excavations percées à une si grande
hauteur, et cela même fait ressortir la
vérité de la description du
prophète, quand il dit que les habitants
font leur nid haut comme celui de l'aigle.
Dans la note qui accompagne la vue des ruines d'un
temple, il est dit que, bien qu'on voie à
Pétra, outre de nombreux et gigantesques
tombeaux taillés dans le roc, un grand
nombre de monuments dont les ruines attestent la
beauté et la magnificence, il n'y a que
celui-là qui ait résisté aux
ravages du temps. Situé à l'ouest de
la ville et sur le bord de la rivière il
présente, bien qu'en ruines, une masse
imposante et riche en détails
d'architecture. Il m'a paru intéressant
à reproduire, dit M. de Laborde, parce qu'il
présente une frise et une corniche de bon
goût et qui peuvent en indiquer le style.
Une autre planche représente les ruines d'un
arc de triomphe, sous lequel on passait pour
arriver à une place, espèce de forum,
et au temple qu'on trouve plus loin. On voit
à travers l'arcade du
milieu le pavé antique ; dans celle de
droite, la rivière d'Ouadi Mousa qui
s'enfonce entre les rochers. Les ornements des
pilastres qui subsistent rappellent l'arc de
triomphe qui termine la colonnade de Palmyre
à l'est ; tous les débris et
quelques fragments en bas-reliefs qu'on retrouve
sur le sol permettraient une restauration de ce
monument.
Un des dessins, celui qui donne une vue d'un
tombeau corinthien, sert en même temps de vue
générale de Pétra, au
nord-est, et reproduit dans un sens inverse la
ligne des monuments qu'on remarque dans la vue
générale prise du sud-ouest. On
distingue dans le fond le théâtre et
les rochers qui le dominent, au haut desquels on
aperçoit un point en forme
d'obélisque, espèce de signal qui se
voit de tous les points de la ville.
L'ouvrage de M. de Laborde contient plusieurs
tableaux des tombeaux de Pétra, d'une
magnificence vraiment étonnante. - Sur un de
ces édifices, nous trouvâmes, dit-il,
une inscription latine en trois lignes,
gravée sur l'entablement. Celte inscription,
outre qu'elle est la seule que nous ayons
découverte à Pétra, est
importante en ce qu'elle nous donne le nom d'un
magistrat, Quintus Praetextus Florentinus, qui
mourut dans cette ville, étant gouverneur de
cette partie de l'Arabie. Elle paraît
être du temps d'Adrien ou d'Antonin-le-Pieux,
c'est-à-dire plusieurs siècles
après les dernières
prédictions.
La description qui accompagne les vues du Khasne,
l'une prise sous le péristyle et l'autre en
face, est terminée par ces paroles :
Quel est donc ce peuple qui ouvrait la montagne
pour y apposer ainsi le sceau de sa force et de son
génie ? Et quel est ce climat qui dore
de ses rayons les formes gracieuses de ces
sculptures, sans permettre
à ses hivers d'en rompre les vives
arêtes, d'en amoindrir le haut relief ?
Tout se tait ; car dans cette solitude la
chouette seule a conservé son cri plaintif,
et l'Arabe passe en regardant avec
indifférence des travaux si habilement
exécutés, en pensant avec
mépris à l'inutilité de tant
d'efforts, pour un but qu'il ne cherche même
pas à comprendre.
« On les appellera le pays de
méchanceté. »
Strabon fait remarquer le contraste qui existe
entre l'humeur tranquille des citoyens de
Pétra et le caractère turbulent des
habitants étrangers ; la bonne
intelligence qui régnait parmi le peuple
faisait l'admiration d'Athénodore. L'or pur
est changé ; on ne trouve plus
maintenant un semblable peuple.
Burckhardt, quoiqu'il voyageât comme les
Arabes, vivant dans leur société, se
soumettant à toutes leurs privations,
parlant parfaitement leur langue et connaissant
toutes leurs habitudes, se vit réduit sur la
terre d'Idumée à la seule condition
qui garantit la vie du voyageur du
désert ; il se dépouilla de tout
ce qui pouvait attirer l'attention ou exciter la
cupidité, et cependant on lui prit jusqu'aux
lambeaux d'étoffe dont il s'était
enveloppé les chevilles des pieds,
blessés par le voyage
(32).
Les Arabes de cette contrée ont la
réputation, dit-il, d'être des voleurs
entreprenants. De même, un Motselim, qui
était au service depuis vingt ans, assura
les capitaines Irby et Mangles et les voyageurs qui
les accompagnaient (en présence du
gouverneur de Jérusalem) que les Arabes
d'Ouadi Mousa « sont une race cruelle et
traîtresse. » Il ajouta qu'ils ne
se feraient pas scrupule de se servir du sang des
Francs pour en composer un
remède.
Ils purent s'assurer que cette réputation de
méchanceté et de cruauté
n'était pas exagérée, non
seulement par les dangers qu'ils eurent
eux-mêmes à essuyer, mais encore en
apprenant sur les lieux que plus de trente
pèlerins venant de la Barbarie avaient
été massacrés à
Pétra, l'année
précédente, par les habitants d'Ouadi
Mousa (33). Les
Arabes des déserts limitrophes, comme nous
l'avons déjà vu, n'osent pas
s'approcher d'eux ; et les Arabes des environs
d'Akaba, vers les frontières
méridionales de l'Idumée, sont,
à ce que disent Pococke et Burckhardt, un
peuple fort méchant ; c'est une horde
d'insignes voleurs faisant continuellement la
guerre à toutes les autres tribus
(34).
Ces témoignages, rendus sans intention,
prouvent assez que l'Idumée est en effet
« le pays de
méchanceté ».
« Les épines croîtront dans
ses palais, les chardons et les buissons dans ses
forteresses. »
Sans examiner en détail l'accomplissement
littéral de cette prophétie, il
suffira de dire que les chameaux des
Bédouins se nourrissent des branches
épineuses du Talh (gommier arabique) dont
ils sont très friands ; que les grandes
épines de ces arbres sont extrêmement
incommodes pour les Bédouins ainsi que pour
leurs troupeaux, et que dans plusieurs parties de
l'Idumée elles sont en si grande abondance
que chaque Bédouin porte à sa
ceinture une paire de petites pinces pour arracher
les épines qui peuvent lui entrer dans les
pieds (35).
Nous pouvons maintenant puiser dans le récit
de M. de Laborde un témoignage plus direct
encore : en parlant de l'état actuel
de Pétra, il dit que les
épines s'élèvent aussi haut
que les colonnes, que des plantes épineuses
cachent aux yeux les vestiges des travaux de
l'homme ; l'épine ou les buissons
grimpent au sommet des monuments, croissent sur
leurs ruines, et cachent la base des colonnes.
« Les épines croîtront dans
ses palais, les chardons et les buissons dans ses
forteresses. »
« Je te ferai petit entre les nations et
méprisable entre les hommes. »
Quoique le pays de la méchanceté, et
la retraite de bandits fameux parmi les Arabes par
leur rapacité et leur cruauté,
cependant, comparée aux autres nations,
l'Idumée est véritablement petite, et
sans population fixe, puisque tous ceux qui vivent
dans ses limites n'ont ni habitations permanentes,
ni moyens de subsistance assurés. À
ces superbes édifices dont
s'enorgueillissait jadis cette contrée, ont
succédé quelques huttes rares et
misérables ; et toutes petites et
basses qu'elles sont, elles ne paraissent exister
que dans une très petite partie de
l'Idumée ; dans tous les autres
endroits où les Arabes vont à la
recherche de pâturages pour leurs troupeaux,
ils n'ont que des tentes pour abri. Celles qui
appartiennent aux tribus les plus florissantes sont
quelquefois nombreuses et grandes ; mais elles
ne forment que de chétives habitations, et
beaucoup d'entre elles sont basses et
étroites. »
Près des ruines de Pétra, Burckhardt
vit un camp arabe, dont la plupart des tentes
étaient les plus petites qu'il eût
jamais vues, n'ayant qu'environ quatre pieds de
hauteur et dix de longueur ; et vers la limite
sud-ouest de l'Idumée il rencontra quelques
voyageurs errant sans tentes, et n'ayant d'autre
abri contre les rayons brûlants du soleil et
la forte rosée de la nuit que les
minces branches des
Talhiers.
Les moyens de subsistance des Bédouins sont
souvent aussi précaires que leurs
habitations sont frêles ; leurs seuls
biens consistent dans des troupeaux qu'ils
nourrissent, ou qu'ils enlèvent dans des
régions plus abondantes ; et dans le
même pays où, pendant si longtemps, le
commerce semblait concentrer ses richesses, et par
lequel passaient tous les trésors d'Ophir,
il ne reste plus aucune industrie, si ce n'est la
misérable occupation des tribus vagabondes,
celle de recueillir la gomme parmi les
épines. Combien Edom est « petit
parmi les nations, et combien il est
méprisé ! »
Lorsqu'on entend les autorités de
Constantinople prétendre ne pas la
connaître et déclarer ne pouvoir
indiquer les ruines de cette capitale, jadis rivale
de Rome, lorsqu'on raconte que la ville de
Pétra est oubliée et inconnue parmi
les représentants des paysans de Byzance, le
mépris peut-il aller plus loin ?
« Quant à Edom, ainsi a dit
l'Éternel des armées : N'est-il
pas vrai qu'il n'y a plus de sagesse dans
Théman ? Le conseil a manqué
à ses habitants. Ne ferai-je pas
périr les sages au milieu d'Edom, et la
prudence dans la montagne
d'Esaü ? »
Malgré sa dégradation actuelle, Edom
pourrait se faire reconnaître comme ayant
été le premier siège de la
science, aussi bien que le centre du commerce.
Isaac Newton, dont le savoir chronologique est
reconnu, et qui peut être
considéré comme juge
compétent, parle de l'Idumée comme du
berceau des arts et des sciences, et appuie ces
faits sur des preuves tirées de l'histoire
sacrée et profane. - Les Égyptiens,
dit-il, ayant appris l'art des Édomites,
commencèrent à observer la position
des astres et la durée de l'année
solaire, afin de pouvoir toujours reconnaître
la position des étoiles, et
se diriger par ce moyen,
même en pleine mer. Ce fut là le
commencement de l'astronomie et de la navigation
(36).
Il
paraît que l'invention des lettres, de
l'astronomie, et de l'architecture nautique, est
due aux marchands de la Mer Rouge, et qu'elles se
répandirent par l'Arabie
Pétrée en Égypte, en
Chaldée, en Syrie, dans l'Asie Mineure et en
Europe
(37).
Tandis que le philosophe rend ainsi hommage au
savoir de l'Idumée, l'admirateur du vrai
génie et l'homme véritablement pieux
ne trouveront dans aucun pays un plus riche
trésor de poésie
élégiaque, d'éloquence
passionnée, ou de profonde
piété, que dans ce livre de Job que
l'Idumée a présenté au
monde.
Là, nous voyons dans un langage
pathétique et sublime tout ce que l'homme
peut sentir, tout ce qu'il peut éprouver de
souffrances physiques ou de douleurs morales ;
tout ce que son corps peut endurer de
misères ; tout ce qu'il peut perdre de
bonheur ; tout ce qu'il est donné
à l'esprit mortel de comprendre sur les
oeuvres de Dieu, sur la prescience et la toute
puissance de l'Éternel, et sur les avis
mystérieux de la Providence ;
là, pour la première fois, la sagesse
humaine parle d'Arcture, d'Orion, et des
Pléiades ; là, on trouve ce
dévouement de l'âme, cette
immortalité de l'espérance, cette
patience qui ne s'altéra jamais, même
quand le coeur se brisait à force
d'angoisses, et qui s'écrie encore :
« Voilà, quand il me tuerait, je
ne laisserais pas d'espérer en
lui. »
(Job,
XIII, 15.)
« Mais, pourrait-on encore demander, la
sagesse a-t-elle disparu du milieu
d'Edom ? »
À cela la réponse est courte et
précise ; « oui, elle en
a disparu. » L'esprit
des Bédouins est aussi peu cultivé
que les déserts qu'ils traversent. La
sagesse pratique est en général ce
que l'homme apprend en premier, et ce qu'il retient
en dernier ; mais le simple fait que
déblayer quelques décombres, pour
faciliter l'écoulement des eaux dans quelque
ancienne citerne, qui par-là leur
deviendrait utile, est une entreprise à la
hauteur de laquelle ne sauraient s'élever
les vues des Arabes vagabonds, nous montre assez
clairement que leur sagesse s'est évanouie.
Ils regardent les antiques monuments qui les
entourent, non seulement avec étonnement,
mais encore avec superstition, comme étant
l'ouvrage des génies. Chaque Européen
est à leurs yeux un magicien, et ils croient
qu'il lui suffit de jeter les yeux sur l'endroit
où ils auraient caché leurs
trésors pour qu'il puisse ensuite commander
au gardien dudit trésor de le lui remettre
(38).
Dans Théman, qui conserve encore une
existence précaire, les habitants, curieux
de s'instruire, n'en trouvent pas le moyen. Le
Coran fait leur seule étude, et contient la
substance de toute leur sagesse. Ce serait
vainement qu'on chercherait aujourd'hui parmi eux
un Thémanite qui pût discourir avec la
sagesse d'Eliphaz, quoique Job ne le trouvât
qu'un faible consolateur. « Il n'y a plus
de sagesse dans Théman, ni de prudence dans
la montagne d'Esaü. »
Ainsi nous voyons d'un côté quelle fut
l'ancienne sagesse des habitants d'Edom, et de
l'autre quelle est sa désolation
universelle ; mais aussi nous verrons par la
suite qu'elle sert encore de repaire à des
créatures que Dieu avait
désignées dans sa parole. Et tout
insignifiant que cela peut paraître aux
esprits incrédules qui veulent
toujours soumettre la
vérité à la mesure de leurs
étroites facultés, et faute d'autres
armes, entreprennent de jeter du ridicule sur tout
ce qui dépasse les bornes de leur faible
entendement, les détails suivants,
renfermés dans la parole de Dieu, font
encore comprendre à celui qui veut se donner
la peine de les examiner, qu'ils ne peuvent
provenir que de Celui qui sait toutes choses, et
qui assigne à toute créature son
occupation et sa demeure.
Peut-être cette nouvelle mortification
servira-t-elle à ouvrir l'intelligence de
l'incrédule, et à lui faire sentir
quelle est la force et la vérité de
cette parole qui donne la vie.
« Et le cormoran et le butor la
posséderont ( l'Idumée ) ; le
hibou et le corbeau y habiteront ; elle sera
le repaire des dragons et le parvis des
chats-huants. Là, les bêtes sauvages
des déserts rencontreront les bêtes
sauvages des îles, et la chouette criera
à sa compagne ; là même se
reposera l'orfraie et elle y trouvera du repos.
Là, le martinet fera son nid, il y couvera,
il y éclora, et il recueillera ses petits
sous son ombre, et là aussi seront
assemblés les vautours l'un avec
l'autre.
Recherchez au livre de l'Éternel, et
lisez ; il ne s'en est pas manqué un
seul point ; « celle-là ni sa
compagne n'y a point manqué, car c'est ma
bouche qui l'a commandé, et son Esprit est
celui qui les aura assemblées. Car il leur a
jeté le sort, et sa main leur a
distribué cette terre au cordeau. Ils la
posséderont à toujours ; ils y
habiteront d'âge en âge. - J'ai mis les
montagnes d'Esaü en désolation, et son
héritage pour les dragons du désert
(39) »
La précision des prophéties est
telle, leur langage est si éloigné de
toute ambiguïté, et
les événements qu'elles annoncent
sont si bien détaillés, qu'il est
presque inutile de faire observer que ces
différents animaux ne devaient pas
posséder dans le même degré la
terre d'Edom.
Quelques-uns d'entre eux devaient s'y reposer,
d'autres s'y assembler.
Le martinet et le vautour devaient y faire leur
nid, les dragons devaient en faire leur habitation,
tandis que, du cormoran et du butor, il est dit
qu'il la posséderont.
N'est-il pas plus que singulier, malgré le
peu de renseignements que nous possédons sur
l'Idumée, que, lorsque nous fîmes des
recherches pour découvrir si
véritablement il ne manquait pas quelqu'un
de tous ces animaux, la première
lumière que nous reçûmes des
frontières d'Edom se rapportât
précisément à l'animal dont il
est fait mention en premier dans la
prédiction ?
On admettra sans difficulté que, dans un
pays où un animal quelconque est inconnu, on
ne puisse pas donner une traduction convenable de
son nom, et que, pour le désigner ou le
spécifier, il faille se reporter à
son nom primitif, et à l'histoire du pays
où il a été connu ; et
sans qu'il y ait aucune difficulté par
rapport au nom, ou au besoin de le traduire, il
paraît que le mot même de l'original,
avec une très légère
variation, en raison de la ressemblance entre
l'hébreu et l'arabe, est encore
employé par les Arabes pour désigner
l'oiseau dont on peut dire littéralement
qu'il « possède le
pays ».
Lorsque Burckhardt est en Moab, dans le dernier
village voisin des limites d'Edom, il
énumère les différents animaux
qui se trouvent dans ce territoire, et
particulièrement dans Shera, un des
districts de l'Idumée ; il ajoute qu'on
y rencontre une multitude innombrable d'oiseaux
appelés katta
(40)
Ils volent en si grandes troupes, dit-il, que
souvent il suffit aux petits Arabes d'y jeter un
bâton pour en tuer deux ou trois d'un
même coup
(41).
Quelqu'un objecterait-il ici que ce n'est pas chose
bien étonnante qu'il se trouve dans un pays
un oiseau particulier, qu'il y fasse sa demeure
depuis nombre de siècles, et qu'un tel fait
ne sort pas du tout des limites des
probabilités humaines ? Nous
répondrons que nous admettons la
possibilité de ce fait pour presque toutes
les parties du globe ; mais qui vit jamais,
dans un autre pays que celui-ci, des oiseaux
sauvages se grouper en telle quantité qu'un
enfant peut en tuer deux ou trois d'un même
coup ? et cette circonstance est notée,
non point comme un incident extraordinaire, mais
comme un fait habituel dans le pays.
Or, qui entendit jamais parler d'une
particularité semblable dans une autre
contrée, non pas près de la mer,
où les oiseaux s'assemblent
communément en grand nombre sur les rochers,
mais au milieu d'un vaste pays plat dont ils ont
pris possession ? Et quand même les
recherches des voyageurs modernes parviendraient
à nous faire connaître un autre pays
où la même singularité existe,
qui donc pourrait découvrir dans les annales
de l'antiquité une prédiction par
laquelle elle fût annoncée et
constatée ? À quelle
contrée maintenant peuplée
pourrait-on prédire un semblable
avenir ? et où est le prophète
capable de distinguer un pays d'entre tous, et de
désigner, parmi la multitude des oiseaux du
ciel, celui qui le possédera le premier et
en plus grand nombre ? On n'a point encore de
preuves de l'existence du butor (kephud) qui
devait aussi posséder la terre d'Edom ;
mais la parole de
vérité peut en
appeler à d'autres faits inconnus à
l'histoire, mais écrits dans les
prophéties et ainsi depuis longtemps
révélés.
« Le hibou et le corbeau y
habiteront. »
Le hibou et le corbeau en ont fait leurs demeures.
Le capitaine Mangles raconte que pendant qu'il
visitait avec ses compagnons les ruines de
Pétra, le cri des aigles, des corbeaux et
des hiboux qui planaient au-dessus de leurs
têtes en innombrables légions, et qui
semblaient se plaindre de ce qu'un être
humain osât approcher de leur domaine,
ajoutait à la singularité et à
la tristesse de la scène. Les champs de
Tafilé, situés dans le voisinage
immédiat d'Edom, sont, à ce que dit
Burckhardt, fréquentés par
d'innombrables légions de corbeaux
(42). J'espérais,
dit Seetzen,
en parlant de son voyage projeté dans
l'Idumée et d'après les
renseignements que lui avaient donnés les
Arabes, faire plusieurs découvertes en
minéralogie, aussi bien que sur les animaux
et les plantes du pays, sur la manne du
désert, les corbeaux (43) etc.
« L'Idumée sera le repaire des
dragons ; j'ai mis en désolation son
héritage pour les dragons du
désert. »
Les témoignages de deux voyageurs aussi
opposés de vues et de principes que le sont
Shaw et Volney sont cependant si
complètement les mêmes, que, bien que
ces auteurs ne parlent pas d'après leurs
observations personnelles, on peut admettre leur
rapport, faute de preuves plus directes. Le premier
représente tout le pays d'Edom et le
désert qui en fait partie comme remplis de
lézards et de vipères d'une
espèce très dangereuse
(44), et
le
rapport de Volney, déjà cité,
est concluant à cet égard. Les Arabes
en général évitent les ruines
des villes de l'Idumée « à
cause des énormes
scorpions qui y abondent. » Ainsi
abandonnée par l'homme et habitée
sans contrainte par ses possesseurs
héréditaires, l'Idumée peut
être justement appelée
« l'héritage des dragons du
désert. »
« Là les bêtes sauvages des
déserts rencontreront les bêtes
sauvages des îles » (ou des bords
de la mer).
Au lieu de ces paroles, Parkhurst avait rendu cette
phrase : « Les oiseaux de proie du
désert.... » Mais cette
interprétation fut donnée longtemps
avant que le fait fût reconnu ; et
maintenant l'on a pu s'assurer
(45) (sans
aucune allusion à la prédiction) que
des aigles, des vautours, des faucons, tous oiseaux
de proie, se trouvent par milliers dans
l'Idumée ; ainsi l'accomplissement de
cette prédiction est littéral et
complet.
Mais s'il est dit que des animaux de
différentes régions s'y rencontrent,
cela signifie sans doute qu'il s'y en trouve qui
n'appartiennent pas naturellement au sol, et une
explication semblerait nécessaire.
Parmi beaucoup d'autres choses remarquables dans
l'histoire de l'Idumée, il est un fait
singulier qui mérite que nous le fassions
connaître ici. Une ancienne chronique nous
dit que l'empereur Dèce fit transporter
d'Afrique, sur les frontières de l'Arabie ou
de la Palestine, des lions et des lionnes, afin que
ces animaux féroces, en se multipliant,
inquiétassent les Sarrasins et servissent de
barrières contre eux.
Entre la Palestine et l'Arabie se trouve la terre
maudite de l'Idumée. Ne peut-on pas
présumer que cette cause si peu naturelle et
si peu prévue a contribué à
hâter la destruction des troupeaux et la
désolation de tout le territoire voisin, et
ne peut-on pas dire littéralement que
« là les bêtes sauvages des
déserts ont
rencontré les bêtes sauvages des bords
de la mer ? »
« Elle sera le parvis des
chats-huants ; là même se
reposera l'orfraie, et y trouvera du repos ;
là le martinet fera son nid, et y couvera,
il y éclora, et il recueillera ses petits
sous son ventre, et là seront
assemblés les vautours l'un avec l'autre.
Celle-là ni sa compagne n'y ont point
manqué. »
Nous avons déjà dit que les aigles,
les faucons et les chats-huants, qui s'assemblaient
en troupes au-dessus de leurs têtes,
fatiguaient, même en plein jour, quelques-uns
de nos voyageurs. M. Laborde, qui a visité
ce pays plus récemment encore et qui y a
séjourné plus longtemps, dit en
passant que pendant la nuit on entendait
principalement le cri du chat-huant. « Il
se repose là et y trouve son
repos ; » et comme le cri de
l'oiseau de proie, le hurlement des bêtes
féroces, sont maintenant le seul son qui se
fasse entendre dans toute l'ancienne capitale de
l'Idumée, véritablement
« ils sont assemblés l'un avec
l'antre. »
Toutefois on n'est pas encore parvenu à
découvrir l'existence de tous les animaux
que la prophétie désigne comme devant
être les possesseurs de l'Idumée, et
il est réservé peut-être
à quelque autre d'aplanir cette
difficulté, d'interroger le livre de
l'Éternel, et de s'assurer « qu'il
n'en a pas manqué un seul au
rendez-vous. »
Cependant les preuves que nous sommes
déjà parvenus à recueillir, et
que nous offrons maintenant à l'examen des
esprits impartiaux, doivent être suffisantes
pour prouver combien il aurait été
impossible à l'homme de préciser de
tels faits et d'en prévoir
l'accomplissement. Certes, on ne peut manquer de
reconnaître encore ici l'oeuvre de Celui
devant qui les siècles à
venir ne sont que comme le jour
d'aujourd'hui et à la puissance duquel toute
la nature est soumise.
Fameux comme l'était Edom par « sa
force et sa puissance », et
possédant une capitale hors de laquelle il
eût été difficile de chasser
même un peuple faible, sans doute il n'a
jamais dû être question, même
parmi les anciens, de savoir à quelle nation
il appartiendrait un jour ; et certes il
était impossible qu'un prophète d'une
nation étrangère imaginât de
lui-même qu'un peuple qui existait depuis si
longtemps, et dont la richesse et la grandeur
étaient connues depuis tant de
siècles, dût jamais être
totalement détruit, que toutes ces villes
seraient réduites en des monceaux de ruines,
que ces habitations deviendraient désertes,
et que telles ou telles bêtes féroces
en feraient leur repaire et leur domaine, de
génération en
génération.
« Il n'y aura rien de reste dans la
maison d'Esaü. J'étendrai ma main sur
Edom, et j'en retrancherai les
hommes. »
Les exilés de Juda tournent constamment un
oeil de désir vers la terre de leurs
pères ; mais où trouver
maintenant un Edomite qui cherchât à
disputer aux animaux sauvages la possession de la
terre de ses aïeux, ou à chasser de ses
temples et de ses palais ruinés le
chat-huant qui en fait sa demeure ?
Cependant la maison d'Esaü existait encore
à une époque postérieure au
commencement de l'ère chrétienne, et
à une période trop
éloignée de celle où fut
prononcée la prédiction, pour que son
histoire future pût alors être connue.
Peu après ce temps les Édomites se
fondirent dans les Nabathéens ; au
troisième siècle on cessa de parler
leur langue, et leur nom, comme désignant un
peuple, disparut d'entre les nations
(46) ;
enfin leur pays, rejeté par la Syrie dont il
faisait partie depuis longtemps, fut uni à
l'Arabie-Pétrée. Ainsi les
descendants des deux frères, Esaü et
Jacob, ont eu à subir un sort totalement
différent, de même que les
prédictions relatives à cet avenir
différaient essentiellement entre elles.
Tandis que les enfants de Jacob « ont
été dispersés dans toutes les
contrées sous la face du ciel, et parmi
toutes les nations de la terre », tandis
qu'ils ont conservé leurs traits
distinctifs, et qu'il a été dit
qu'ils ne seront jamais entièrement
détruits, les Édomites au contraire,
après avoir existé comme nation
pendant plus de dix-sept siècles, ont
cependant été
« retranchés à
toujours » ; et tandis que dans tous
les pays on retrouve des Juifs, « il n'y
a rien sur la terre de reste de la
« maison d'Esaü. »
Pour secourir un état voisin,
l'Idumée envoya au premier signal une
armée de vingt mille hommes ; elle
possédait dix-huit villes plusieurs
siècles encore après l'ère
chrétienne ; une longue succession de
princes et de rois régnèrent à
Pétra ; le voyageur est
étonné à chaque pas de
rencontrer des palais magnifiques, des temples
immenses, des habitations dont l'architecture
merveilleuse date d'une tout autre époque
que celle où furent prononcées par
les prophètes juifs les prédictions
qui la regardent ; ces prédictions qui
disaient que, malgré toute cette force et
toute cette richesse, « la maison
d'Esaü serait retranchée pour toujours,
qu'il n'y aurait là plus de royaume, et que
les bêtes sauvages la posséderaient en
héritage. »
Et L'Idumée est tellement
« méprisée »
qu'il n'existe plus dans les annales de
l'antiquité rien qui puisse nous faire
connaître ce qu'elle était dans les
jours de sa grandeur, aussi clairement que les
prophéties nous font voir sa
désolation.
Là où jadis s'assemblaient les
princes et les grands du royaume, là
où ils célébraient leurs
fêtes, là où se
réunissent mille preuves de leur ancienne
opulence, on ne retrouve plus que des restes de
richesse et de magnificence ;
« aucun homme n'y
habite ; » les oiseaux, les
bêtes et les reptiles en ont fait leurs
demeures ; c'est le parvis du
chat-huant ; « aucun fils d'homme
n'y séjourne, » et
l'éternelle tranquillité de ses
habitations désertes n'est interrompue que
par le bruit des pas du voyageur solitaire.
Quelque cachée qu'ait été
depuis bien des siècles l'histoire d'Edom,
cependant chaque nouvelle découverte que
l'on est parvenu à faire sur son état
actuel devient une preuve que la parole de
l'Éternel ne retourne jamais à lui
sans effet, mais qu'elle se vérifie dans
toutes les choses pour lesquelles il l'a
envoyée
(47).
Toute son oeuvre n'est pas encore accomplie en
Edom, et de même que l'évidence des
prophéties n'est pas encore complète,
de même toutes les malédictions
prédites ne sont pas encore venues sur ce
pays. Il a été prédit que la
Judée, Ammon et Moab reviendraient de leur
désolation, et les bêtes sauvages, qui
ont aidé les hommes barbares à
désoler ces contrées, trouveront
finalement un refuge assuré dans la
possession d'Edom, lorsque, l'année de
rétribution étant passée pour
Sion, « cette terre leur sera
distribuée au cordeau, et ils la
posséderont à toujours, et ils y
habiteront d'âge en
âge. »
Mais au lieu de regarder plus avant dans l'avenir,
nous pouvons maintenant jeter un coup d'oeil sur le
passé, et eu tirer une dernière
conséquence.
Il faut que l'incrédule soit d'une crédulité bien
singulière, si,
après avoir examiné toutes les
prédictions contenues dans la Bible sur
l'Idumée, et dont les faits
démontrent l'accomplissement, il les rejette
comme les effets d'un pur hasard, ou le
résultat de conjectures fortuites ;
certes, l'homme qui peut ainsi « couler
le moucheron et avaler le chameau, » et
qui peut mettre une semblable opinion parmi ses
articles de foi, mérite la pitié de
ceux qui « savent en qui ils ont
cru ; » et s'il ne perd pas tout
droit au titre de philosophe, du moins
s'ôte-t-il le droit de blâmer dans
autrui telle ou telle erreur, quelque
grossière qu'elle soit. S'il persiste dans
cette opinion prétendue philosophique,
qu'est-ce qui l'empêche de croire
également que d'autres mots, effets du
hasard, comme ceux qui prédisent le sort
d'Edom, et qui se trouvent encore dans le livre de
l'Éternel, n'annoncent pas aussi le sort qui
attend les hypocrites et les
incrédules ?
Cette opinion ne peut-elle pas être
appuyée par l'expérience que
plusieurs des prédictions de
l'Écriture ont été
accomplies ? et ne peut-il pas trouver quelque
analogie sur laquelle il puisse baser cette
conviction, tandis que celle qu'il soutient dans le
premier cas est entièrement dépourvue
de tout ce qui en peut garantir la
vérité ? Ou bien toute sa grande
sagesse se borne-t-elle à soutenir la
fausseté de toute prédiction,
jusqu'à ce que son
« expérience
personnelle » le force à en
reconnaître la vérité par le
passé, et qu'il ne lui reste plus que le
mérite d'une foi forcée et
arrachée par le désespoir ? - Ou
si des preuves moins fortes à ses yeux
peuvent le contenter, qu'il lise, qu'il examine,
qu'il réfute toutes les déclarations
de la révélation, avant d'oser
traiter le croyant de crédule, ou
l'incrédule de sage ; ou bien il sera
forcé de reconnaître un jour,
malgré toute la
perversité,
l'incrédulité, et l'orgueil du coeur
de l'homme, que l'Idumée ne sera pas le seul
monument terrible de la colère et des
jugements de Dieu.
Nous pouvons ici en passant dire un mot aux sages
eux-mêmes. Que ces sages selon le monde, qui
ne sont pas instruits dans cette
« crainte du Seigneur qui est le
commencement de la véritable
sagesse, » à qui manque la
connaissance de sa parole qui rend sage à
salut, et qui sont étrangers aux
préceptes et aux vérités de
l'Évangile, apprennent aussi par le sort
d'Edom que sans tout cela il en serait de toutes
les sciences, dont ils sont si fiers, comme de la
prudence des sages d'Edom.
Quand ils parviendraient à perfectionner
l'astronomie, la navigation, la mécanique,
ces sciences dont, suivant Newton, les
Édomites furent les premiers inventeurs,
à quoi les avancerait, comme êtres
moraux et responsables, d'arranger la
matière à leur volonté, s'ils
n'ont pas conformé leurs coeurs à la
volonté divine ?
Et quel serait en définitive le
résultat de leurs grands travaux ? car
lors même qu'ils parviendraient à
élever colonne sur colonne, à tailler
une autre ville dans l'épaisseur des
rochers, il suffirait d'une autre parole de ce Dieu
qu'ils ne cherchent point à connaître,
d'une seule parole prononcée contre leur
ouvrage ; et tous leurs travaux, tout leur
génie n'aboutiraient qu'à ce que
Pétra est devenue et ce que Rome
elle-même est destinée à
devenir, « le repaire de tout oiseau
immonde et exécrable. »
L'expérience en a déjà
été faite, on peut bien s'en
rapporter à cette leçon qui est
devant nos yeux, afin qu'au lieu d'attirer sur nous
des jugements plus terribles encore, nous puissions
être avertis par « l'esprit de
prophétie, qui est le témoignage de
Jésus, » d'entendre et d'observer
les paroles de Celui « qui nous
délivre de la
colère à venir. » Car
combien sera terrible pour une âme la
malédiction prononcée contre elle par
l'Éternel, lorsque au lieu d'être
renouvelée à l'image de Dieu, et
d'avoir été rendue digne de le
contempler dans sa gloire, elle se verra passer
d'un état de ténèbres à
cet état de vie spirituelle, où toute
la connaissance des choses terrestres ne sera plus
que néant et vanité, où
l'absence de foi et d'amour laissera l'âme
aussi vide que les habitations désertes des
rochers, où les pensées de grandeur
et de puissance mondaines viendront occuper
l'âme immortelle d'une manière bien
plus affreuse que les bêtes féroces
n'occupent maintenant les palais de
l'Idumée, et où toutes les passions
et tous les péchés de la vie
passée viendront prendre possession de cette
âme, comme les scorpions et les reptiles
s'attachent aux ruines d'Edom et aux autels des
faux dieux, sans que rien puisse leur arracher
l'héritage éternel qui leur aura
été assigné.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |