Et Jésus, partant de là, se retira aux quartiers de Tyr et de Sidon.
Et une femme Cananéenne, qui venait de ces quartiers-là, s'écria et lui dit : Seigneur fils de David, aie pitié de moi, ma fille est misérablement tourmentée par le démon.
Mais il ne lui répondit rien. Sur quoi ses disciples, s'étant approchés, le prièrent, disant : Renvoie-la ; car elle crie après nous.
Et il répondit : Je ne suis envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël.
Et elle vint et se prosterna, en disant : Seigneur aide-moi.
Et il répondit : II n'est pas juste de prendre le pain des enfants, pour le jeter aux petits chiens.
Mais elle dit : II est vrai, Seigneur ; cependant les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres.
Alors Jésus, répondant, lui dit : O femme ; ta foi est grande ; qu'il te soit fait comme tu le délires. Et à cette heure même sa fille fut guérie.
À mesure qu'on avance dans la vie
chrétienne, on en revient toujours plus
à la foi. C'est de toutes les
opérations de Dieu la plus belle, la plus
féconde, la plus nécessaire ;
aussi le Sauveur l'appelle-t-il l'oeuvre par
excellence : l'oeuvre de Dieu.
Même la charité, qui est le but du commandement, sort
de la
foi ; car elle procède d'un coeur
pur, d'une bonne conscience et d'une foi
sincère. Nous admirons Christophe
Colomb, quand il s'élance sur des mers
inconnues, avec une vive représentation
des choses qu'il espère, et avec une démonstration
de celles qu'il ne voit
point : eh bien ! la foi
chrétienne s'élance plus loin ;
son terme est le monde éternel, et sa route
va aussi par-dessus les mers et les
abîmes.
Et ce qui fait vivre la foi, ce ne sont point les
clartés, ce n'est point le bien-être,
ce sont les combats, les
ténèbres, les
dénuements ; les âmes les plus
fondées, ce sont celles qui avaient
été les plus ébranlées,
les plus battues de la tempête.
Quand les mauvais soutiens sont rompus, il y a
place pour l'infinie grandeur de la puissance de
Dieu et pour cette foi qui est aussi la victoire
du monde.
L'Évangile, qui nous instruit plus
encore par des exemples que par des
préceptes, nous présente surtout des
exemples de foi. Nous avons le centenier de
Capernaüm, le lépreux, l'aveugle de
Jérico, d'autres malades encore, hommes et
femmes ; mais tous ces exemples s'effacent
devant la foi de la Cananéenne.
C'est à cette Syrophénicienne que le
Sauveur rend lui-même le plus beau
témoignage, en s'écriant : O
femme, ta foi est grande ; qu'il te
soit fait comme tu le désires ! Il
y a dans cette foi une vigueur, une
persévérance, un mâle courage,
qui en font véritablement une foi
modèle.
Cependant il y avait bien de quoi décourager
la Cananéenne dès le
début ; être
traitée comme elle a
été traitée, et ne pas se
scandaliser, conserver jusqu'à la fin ce qui
la soutenait dès le commencement,
voilà l'apprentissage que nous avons
à faire, si nos rapports avec
Jésus-Christ doivent avoir du
résultat.
Comment une femme païenne est-elle
arrivée à une telle hauteur
chrétienne ?
Le Seigneur, comme nous le voyons, l'a fait passer
par des épreuves. Or, il y a des
épreuves extérieures et des
épreuves intérieures : les
premières nous viennent des
événements ; les secondes des
luttes contre nous-mêmes. Et ces
dernières épreuves sont plus
violentes que les premières ; il y a
dans notre coeur tout un monde de révolte,
et c'est de ce monde intérieur que la
Cananéenne a triomphé.
Lazare, devant la porte du riche, avait à
lutter contre les douleurs du corps et contre les
soucis de la vie ; c'est déjà un
cas bien dur, un cas terrible ; mais il y a
des ennemis plus redoutables pour notre foi :
ce sont ces découvertes que nous faisons
dans nous-mêmes, et ces chaînes du
vieil homme qui apparaissent tout
à coup dans les sombres abîmes du
coeur. Vous n'avez qu'à suivre
Jésus : dans le chemin
étroit, vous apprendrez à vous
connaître ; vous verrez que tout n'est
pas si converti en vous que le public le croit.
Mais vous voyez aussi, par l'exemple de la
Cananéenne, que la foi est non seulement la
victoire du monde, qu'elle est aussi la victoire du
coeur.
Vous pouvez devenir plus fort que vous-même,
et ce second triomphe est plus beau que le triomphe
sur les événements.
Qui est capable de cela ? Nous allons le voir.
Vous avez sous les yeux UNE FOI
ÉPROUVÉE. Le Seigneur est ici comme un feu qui raffine, et comme
le savon des
foulons ; c'est à cette
école que la Cananéenne est devenue
ce que vous la voyez être.
Elle passe par trois épreuves qui ont un
caractère général ; c'est
de ces trois épreuves de la foi que
nous allons parler. L'homme du monde ne les
connaît pas ; mais, dès qu'on
fait route avec Jésus, elles sortiront du
coeur l'une après l'autre,
car le Sauveur n'épargne personne ;
c'est parce qu'il nous aime et qu'il veut nous
rendre participants de sa sainteté. Regardons de plus près
l'histoire de la
Cananéenne, et nous saurons de quoi il
s'agit.
Jésus, dit notre texte, se retira
aux quartiers de Tyr et de Sidon. Il n'allait
point habituellement jusque-là ; sa
mission, comme il le dit lui-même, ne
s'adressait en premier lieu qu'aux brebis
perdues de la maison d'Israël. Cependant
il avait encore d'autres brebis qui
n'étaient point de cette bergerie, et
il faut aussi, dit-il, que je les
amène, et elles entendront ma voix, et il n'y aura qu'un
seul troupeau et qu'un seul
berger.
La Cananéenne est une de ces brebis
étrangères ; c'est une femme qui
a une fille malade et misérablement
tourmentée par le démon. Cette
épreuve la jette au-devant du Sauveur ;
probablement elle avait déjà entendu
parler de Lui comme d'un prophète
puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et
de vaut tout le peuple ; c'étaient déjà
quelques
impressions préliminaires qu'elle avait
reçues ; mais dans ses rapports directs
avec Jésus tout cela va
s'éclaircir.
La Cananéenne n'avait ni la loi ni les
prophètes, mais elle avait des besoins
d'âme ; et c'est comme une mère
malheureuse qu'elle crie après
Jésus : Seigneur, fils de David, aie
pitié de moi.
Quelle réponse lui fait le Seigneur ?
D'abord aucune ; nous lisons : II ne
lui répondit rien. Première
épreuve déjà, grande
épreuve : on crie à
Jésus, et Jésus ne répond
rien.
Entrons plus avant dans la situation de la
Cananéenne : elle peut demain
être la nôtre. Il y a de ces
épreuves qui font crier au Seigneur et
où les prières ordinaires ne
suffisent plus. L'épreuve de la
Cananéenne est une épreuve
domestique ; et si nous voulions entrer dans
la vie des familles, nous trouverions aussi
là bien des visitations. Mais la
véritable épreuve de la
Cananéenne n'avait pas encore
commencé : nos
vraies visitations ne commencent que quand Jésus ne nous répond
rien. Avec Jésus, on peut traverser l'eau et
le feu ; mais on n'a pas toujours le sentiment
de sa présence.
Le monde de la prière est souvent comme
fermé ; on demande, et l'on ne reçoit pas ;
on cherche, et l'on ne trouve pas ;
on heurte, et personne n'ouvre. La
prière retombe comme d'un ciel d'airain, et
quand la prière ne produit plus rien,
qu'est-ce qui reste ? C'est cette
immobilité du Seigneur qui fait
souffrir.
Hélas ! quel état quand il faut
se débattre avec soi-même, et que de
tous les côtés du coeur ne sortent que
des misères ! L'âme, dans ces
moments, est un vrai labyrinthe ; on ne se
connaît plus, on ne se retrouve plus, et tout
ce qu'on fait est peine perdue. Il y a un
désordre général dans les
pensées, une affreuse pusillanimité
dans le coeur, une entière paralysie dans la
volonté ; toutes les vagues et les
flots ont passé sur nous. Voilà
ce que nous sommes sans Jésus ; il est
bon de le savoir, de le savoir
tous les jours. Jésus ne répondit
rien. Pauvre Cananéenne, et cependant tu
as continué à crier ; tu n'as
rien senti des compassions du Seigneur, et
cependant tu as cru ; les disciples voulaient
te renvoyer, et ta foi a été plus
forte que les disciples. Ah ! il y avait
là quelque chose qui n'était plus la
Cananéenne et qui était Dieu, Dieu
dans l'âme, Dieu travaillant, insistant,
dégageant le divin de ses entraves, et
préparant un de ces chefs-d'oeuvre qu'on ne
découvre que dans les misères d'un
pauvre pécheur.
Pourquoi Jésus ne répondit-il
rien ? le cas peut aussi se
présenter pour nous.
L'épreuve de la Cananéenne est
l'épreuve de tous : c'est quand il faut
croire en dépit de ce qu'on sent. Nous avons
l'habitude de ne croire qu'aussi longtemps que nous
éprouvons quelque chose, et quand notre
coeur ne sent plus rien ou que notre prière
ne produit plus rien, nous ne croyons plus ;
mais la vraie foi est autre chose : c'est le quoi qu'il en
soit, mon
coeur
se repose sur Lui, ma délivrance vient de
Lui. Ce qui soutient la Cananéenne,
c'est ce Sauveur vivant et qu'elle ne perd point de
vue ; c'est de Lui, ce n'est point
d'elle-même qu'elle prend son point de
départ. L'invariabilité est hors de
nous, elle n'est pas en nous ; il y a une
plénitude qui ne diminue point, et vous
l'avez dans la personne de Jésus. Dans sa
personne, vous avez aussi son oeuvre, ses
promesses, son éternel amour, son
infatigable intercession.
Qu'il parle ou qu'il se taise, qu'il vous tende les
bras ou qu'il se cache dans la tempête, il
est vivant, il est fidèle, il ne
peut pas se renoncer lui-même : quand enfin le
croirez-vous ? il serait
temps de le croire une fois pour toujours. Mais au
lieu de cela, que faites-vous ? Vous vous
tâtez vous-même ; et votre
Sauveur, à vous, ce sont vos impressions.
Vous vous fondez sur les hauts et les bas de votre
esprit, sur vos craintes ou sur vos
espérances, et alors comment être
ferme ?
Tout au contraire, c'est
le
vrai moyen d'enfoncer dans l'agitation et de n'en
jamais sortir. Il vous faut du roc vif, et ce roc
vous l'avez : c'est ce Jésus-Christ, qui est le même
hier, aujourd'hui,
éternellement.
Ce qu'il a été pour la
Cananéenne, il l'est aussi pour le dernier
des pécheurs. Mais croyez, et croire c'est demeurer ferme, comme
voyant Celui qui est
invisible.
Cela n'est pas facile, je le sais bien ;
mais c'est parce que cela vous manque, qu'il faut
l'apprendre. Et quand voulez-vous
l'apprendre ? est-ce quand tout va bien, quand
vous nagez dans la paix, quand vous êtes
entouré de soutiens ? À
ces conditions, jamais la Cananéenne ne
serait devenue la Cananéenne.
Jésus ne lui répondit rien -. voilà l'école du vrai croyant.
Vous demandez : Mais que faut-il faire dans
l'intervalle ? quand je suis mort et que mon
coeur m'abandonne, que faut-il faire ? Eh
bien, il faut attendre. N'avez-vous jamais fait
attendre le Seigneur ? De quoi avez-vous
vécu jusqu'ici ? n'est-ce pas des
richesses de sa bonté, de
sa patience et de son long support ? n'est-ce pas la
longue patience de votre
Seigneur qui est pour votre salut ? Et s'il diffère, vous
ne l'attendriez
pas, quand vous avez la promesse qu'il viendra assurément
et qu'il ne tardera
point ?
Écoutez le Psalmiste : J'ai
patiemment attendu l'Éternel, et il s'est
tourné vers moi et a ouï mon cri. En
vous tenant en repos et en assurance, vous serez
délivré ; mais au lieu de
cela, vous voulez vous enfuir sur des
chevaux.
Restez, attendez ; il est bon
d'attendre en repos la délivrance de
l'Éternel. Couchez-vous comme la
pécheresse aux pieds de Jésus ;
c'est cette attitude qui vous manque, et c'est la seule chose
nécessaire. Il vous
cachera dans sa tente au mauvais jour ;
entrez dans cette tente, vous verrez comme on s'y
trouve bien. Si vous ne pouvez plus prier, vous
pouvez encore soupirer, et si vous ne pouvez plus
soupirer, eh bien ! un autre prie, un autre
soupire pour vous. N'abandonnez point votre
confiance, qui doit avoir
une si grande récompense. Le Sauveur de la
Cananéenne vit
encore ; il vous a abandonné pour un
peu de temps, mais il vous rassemblera par ses
grandes compassions. Il a caché sa face un
moment dans le temps de la colère ;
mais il aura compassion de vous par une
miséricorde éternelle, a dit
l'Éternel, votre Rédempteur.
Si vous avez bien passé par une
première épreuve, vous serez
jugé digne d'en subir une seconde. C'est
toujours un signe que le Seigneur pense à
nous, s'il arrive à nous de cette
manière.
Regardons de nouveau à la Cananéenne.
Jésus va répondre, mais sa
réponse a tout à fait l'air d'un
refus. Je ne suis envoyé, dit-il, qu'aux brebis perdues de
la maison d'Israël Ainsi non point à toi, malheureuse
Cananéenne ; tu es séparée de la république
d'Israël, étrangère par rapport
aux alliances et aux promesses ; celui que
tu poursuis de tes cris, te laisse sans
espérance et sans Dieu dans le monde.
Voilà ce qu'aurait pu se dire la
Cananéenne, et ce que nous
nous disons souvent sourdement dans nos heures
d'épreuve, quand il semble qu'il y a un
abîme entre les paroles du Sauveur et
nous.
Cette épreuve a encore un caractère
général. Ce sont toutes les
situations où nous ne pouvons pas saisir les
promesses du Seigneur, où il a l'air de
n'être venu que pour les autres, de
n'être pas venu pour nous.
On a devant soi la Bible toute pleine de
vérités excellentes, on l'admet comme
la Parole de Christ ; mais aucune de ces
paroles n'agit, on ne peut pas s'en approprier un
iota.
On croit alors qu'on n'est pas assez perdu, pas
assez repentant, pas assez préparé
pour Jésus. On s'égare dans une foule
de scrupules, et ce sont ces scrupules qui sont une
nouvelle supercherie du vieil homme ; on les
prend pour de l'humilité, et elles ne sont
au fond que de la justice propre.
Avant de s'appliquer le salut gratuit dans toute
son étendue, on veut se disposer pour le
Seigneur ; mais plus on se travaille, moins on
y réussit. Un maure
peut-il laver sa peau, un léopard
faire disparaître ses taches ? Ou
quand ce premier travail ne réussit pas, on
en entreprend un autre. On établit des
comparaisons, et l'on cherche à droite et
à gauche les brebis perdues de la maison
d'Israël. On se dit : Si
j'étais comme un tel, je serais bien heureux
et je pourrais aussi tout m'approprier. On se cite
en exemple tout ceux qu'on regarde comme plus
avancés que soi, et l'on se dit que
lorsqu'on sera parvenu à la même
hauteur, on croira comme eux, et l'on se regardera
aussi comme dans le bercail de Jésus.
C'est-à-dire qu'on veut croire à un
Sauveur, quand on n'aura plus besoin d'un
Sauveur ; on veut se réclamer de ses
promesses, quand on se sera suffisamment pourvu
soi-même.
Quel renversement ! faire de Jésus le médecin de ceux qui
se portent
bien, quand il est venu chercher et sauver
ce qui était perdu ! attendre qu'on
se soit préparé, qu'on se soit
vivifié, quand la source de la vie est
avec Lui, et qu'il ne
donne pas sa gloire à un autre ! Que sont toutes les
sommités
chrétiennes qu'on se cite comme les brebis
privilégiées du Seigneur ? Il n'y a point de distinction,
tous ont
péché et sont privés de la
gloire de Dieu. Le plus converti sera le
premier à sentir son néant ;
s'il a fait plus que tous les autres, ce n'est
pas lui, c'est la grâce de Dieu, celle
qui s'accomplit dans la faiblesse.
N'échangez point les rôles ;
donnez-vous tel que vous êtes à
Jésus.....
La Cananéenne se dit : il est ici pour
moi, et je suis ici pour Lui. Elle s'assure du
Seigneur, et c'est aussi s'assurer de ses
promesses. Jetez vos considérations, et les
paroles du Seigneur pourront vous atteindre.
Élargissez votre coeur, loin de vous ces
soucis, ces calculs, ces méfiances ! Réjouis-toi avec des
chants de
triomphe, âme stérile qui
n'enfantes point ! élargis le lieu de
ta tente et allonge tes cordages ! connais
enfin l'amour de Christ,
qui
surpasse toute connaissance.
Et quand voulez-vous le connaître ?
sera-ce de nouveau quand tout ira bien ? quand
vous aurez été assez habile pour vous
aider vous-même ? Ah ! votre
état normal ce sont des combats au-dehors et des craintes
au-dedans ; il
faut
des impossibilités matérielles et des
impossibilités spirituelles, pour que
Jésus se glorifie et que sa grâce nous suffises. Ici
ce n'est point
la
Cananéenne que nous admirons, c'est cette
grâce qui est toujours victorieuse. C'est
elle qui applique, ce n'est pas vous ; c'est
elle qui vous ouvre le bercail des brebis perdues,
et si elle ouvre qui est-ce qui ferme ? si elle
ferme, qui
est-ce qui ouvre ?
N'écoutez pas vos considérations, saisissez avec une parfaite
espérance la
grâce qui vous est
présentée ; après
avoir cru en dépit de vos sentiments, croyez
encore en dépit de vos scrupules ; vous
verrez comme cela rend fort, vous en avez la preuve
dans la Cananéenne. Si elle prend pour elle
une parole qui semble
être contre elle ; c'est qu'elle s'est
attachée à Jésus ; quand il la tuerait, elle espérerait
encore. Faites-en de même, et vous serez
à deux doigts d'un triomphe.
Pas encore cependant. Reste une troisième
épreuve, la plus rude de toutes.
Jésus se retourne de nouveau : est-ce
pour aider ? Non, il vient avec une parole
plus dure encore que la première : Il n'est pas juste, dit-il,
de prendre
le
pain des enfants pour le jeter aux petits
chiens.
Voilà la Cananéenne couverte de
mépris ! C'est son indignité
qu'elle doit sentir. Jésus-Christ ressemble
ici à un Juge et non à un Sauveur.
C'est encore une épreuve
générale : c'est quand
Jésus-Christ nous met en présence de
nous-mêmes et qu'il réveille en nous
la coulpe du péché. Le
péché a une force écrasante,
et il y a des accablements où l'on ne voit
plus la grâce et où nos
iniquités nous ont atteints, où elles surpassent en nombre
les cheveux de notre
tête et où le coeur nous
manque.
Notre plus grande épreuve est alors l'effroi
de notre indignité ; il faut encore
triompher de notre conscience, comme nous avons
triomphé de nos sentiments et de nos
considérations. Le sentiment du
péché peut parler de plus d'une
manière. II y a des hommes à qui il
n'a jamais parlé et à qui il ne
parlera que quand il sera trop tard.
D'autres ressemblent à des malades qui sont
travaillés par une éruption interne,
mais qui n'éclate pas ; ce sont ces
hommes qui sont toujours mal à leur aise,
sans savoir jamais pourquoi. C'est le
péché qui les ronge, mais ils ne
veulent pas le voir et ils ne souffrent pas qu'on
leur en parle.
Ailleurs, le sentiment du péché est
encore autre chose. C'est un remords isolé
et qui peut traverser toute une vie. Il y a de ces
pénibles souvenirs qui peuvent bien vous
laisser des moments tranquilles, mais qui vous
saisissent de nouveau, comme un ver qui ne
veut point mourir, comme un feu qui
ne veut point s'éteindre. Mais le
vrai sentiment du
péché est quelque chose de plus
général. Il vous arrive quand votre
nature entière est mise en présence
de la lumière de Dieu. II y a de ces moments
où, sans avoir commis aucun
péché nouveau, toute notre personne
nous est tout à coup en horreur.
Jésus-Christ a, pour le plus honnête
chrétien, des accablements qui
écrasent, où il croit n'avoir
à faire qu'à un juge et où le
vrai Jésus-Christ a comme disparu.
Cependant la Cananéenne croit encore ;
son coeur la condamne, mais il y a ici
quelqu'un qui est plus grand que son
coeur ; elle sait où le
péché abonde, mais elle sait
aussi où la grâce surabonde.
Elle répond : II est vrai,
Seigneur ; cependant les petits chiens mangent
des miettes qui tombent de la table de leurs
maîtres. Elle voit une
espérance qui ne confond point, une
miséricorde qui s'élève
par-dessus la condamnation. Quoi qu'en dise la
conscience, Jésus-Christ n'est pas un
juge ; il n'est point venu pour condamner
le monde, mais afin que le monde soit
sauvé par Lui.
Ne perdez pas de vue cette source ouverte
pour le péché et pour la
souillure ; et quand doit-elle couler pour
vous ? Sera-ce de nouveau quand tout ira bien,
quand vous vous féliciterez de vos
progrès chrétiens ? Rendez
grâces plutôt, quand vous vous serez
enfin reconnu le dernier des
pécheurs ; c'est alors seulement
que vous pourrez dire : J'ai obtenu
miséricorde, afin que Jésus-Christ
fit voir, en moi le premier, une parfaite
miséricorde, pour servir de modèle
à ceux qui croiront en Lui, pour avoir la
vie éternelle.
C'est ici que finit l'épreuve, celle qui n'est que pour
un peu de temps, celle
qui est convenable. Ce qui vient
après, c'est louange, honneur et gloire. Quand Jésus-Christ
se retourne, il dit
à la Cananéenne : O
femme ! ta foi est grande ; qu'il te soit
fait comme tu le désires ! Et à
cette heure même sa fille fut
guérie.
Il est donc vrai qu'il nous sera fait selon
notre foi. Si nous ne croyons pas, nous ne
voyons aucun miracle ; si
nous croyons peu, nous voyons peu
de miracles ; si nous croyons toujours, nous
voyons toujours des miracles. Et c'est peu que la
foi triomphe du monde ; elle vous fait encore
triompher de vous-même, de vos sentiments, de
vos considérations et même de votre
conscience.
La foi est le terrain de l'âme, de sa
liberté et de son bonheur. Quand
êtes-vous maître des
événements de votre vieille
nature ? C'est quand vous pouvez espérer contre tout sujet
d'espérance. Il faut au vrai soldat des
combats, au vrai matelot des tempêtes, au
vrai chrétien un monde fermé.
Voilà comme avait été
formée la Cananéenne ; toute sa
route n'avait été qu'une direction
d'amour. Rappelez-vous cette femme païenne,
quand vous désirerez autre chose qu'un
chemin étroit, qu'un avenir voilé,
qu'une vie de combats.
Votre grand gain, c'est de suivre Jésus,
aujourd'hui dans l'humiliation, demain dans la
gloire. Il est vrai, son chemin va par la mer,
et ses sentiers par les grosses eaux ; mais pourquoi
regardez-vous
au chemin ? Votre assurance, c'est votre
guide. Christ est la puissance de Dieu et la
sagesse de Dieu, et comme tel l'espérance de la gloire. Avancez
avec
Lui, en demeurant sous sa discipline ; il vous préservera de
toute chute, et
vous fera paraître sans tache et
comblé de joie en sa glorieuse
présence.
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