LE SERPENT
D'AIRAIN
CHAPITRE II.
Le regard de la foi.
L'Éternel a pourvu à notre
guérison, et il nous a donné un moyen
de salut, qu'il préfigura tout entier dans
le type du serpent d'airain. Étudions donc,
avec le plus profond respect, l'image symbolique
placée devant nous.
Les enfants d'Israël avaient
péché, Dieu les avait punis. Des
serpents brûlants, envoyés dans le
camp, les mordaient, et ils
mouraient presque instantanément. Pour
arrêter cette plaie, l'Éternel dit
à Moïse : Fais-toi un serpent
d'airain et place-le sur une perche ; et il
arrivera que quiconque sera mordu et le
regardera, sera guéri.
Un serpent d'airain placé sur une
perche : voilà le remède. Un
regard plein de confiance sur ce serpent procurait
au mourant une parfaite guérison.
Le remède était simple, le moyen de
se l'approprier était facile.
La figure placée sur la perche était
celle d'un ennemi, mais d'un ennemi privé de
vie et tout à fait inoffensif. Un regard sur
lui suffisait pour anéantir le venin des
serpents vivants, ce fatal venin qui brûlait
les veines des fils d'Israël. Dieu avait
choisi ce moyen de salut pour révéler
à son peuple la gratuité de son
pardon. Les Juifs avaient reçu d'autres
témoignages de l'amour du Seigneur. Leur
délivrance du pays d'Égypte, le
passage de la mer Rouge, la manne, la colonne de
feu, toutes ces choses parlaient à leurs
coeurs ; mais rien ne faisait éclater
la miséricorde de leur Dieu aussi clairement
que cette simple figure dressée au
désert. Elle leur disait que leurs
rébellions avaient seules attiré sur
eux le châtiment, et leur rappelait avec une
force toute particulière, que la mort est le
salaire du péché.
De plus, ils comprenaient, sans nul doute, que si
Dieu les guérissait il les pardonnait par
cela même. Si vous aviez demandé au
moins intelligent d'entre eux
comment sa faute était
réparée, il vous aurait montré
aussitôt la perche élevée au
milieu du camp.
Remarquez, en outre, que les blessés qui
regardaient au serpent d'airain étaient
seuls guéris : ceux qui refusaient de
regarder périssaient. Mais leur
obéissance ou leur incrédulité
ne changeait en rien le sens de l'emblème.
Le serpent demeurait toujours devant eux comme une
démonstration parfaite de la
miséricorde divine, comme un touchant appel
adressé à tous indistinctement et
avec un égal amour.
Considérons encore de quelle manière
ils étaient guéris. Ils ne devaient
pas essayer d'abord de quelque remède, ni
attendre une amélioration quelconque de leur
état. Non ; leur rétablissement
complet, radical, était le résultat
d'un seul regard.
Par cet acte, ils déclaraient devant tous
que nul autre moyen ne pouvait les sauver de la
mort, et qu'en Dieu seul était toute leur
espérance ; ils renonçaient
à eux-mêmes et à tout secours
humain, pour n'attendre la vie que du divin
remède qui leur était offert.
L'acte que Dieu leur demandait était si
simple ! Il ne fallait, de la part du malade,
ni longues prières, ni supplications, ni
effort pénible : aussi bien, sa grande
faiblesse l'eût rendu incapable de remplir
aucune de ces conditions. Le serpent était
élevé assez haut pour être vu
de tout le camp ; mais la foi devait
accompagner le regard, et on le
comprend.
Il fallait que le moribond se tournât avec
confiance et espoir vers ce moyen de salut que Dieu
lui offrait. Alors il échappait à une
mort certaine et, à l'instant même, il
était guéri.
Ainsi, le malade obéissait et ne raisonnait
pas ; il ne doutait nullement de la
fidélité de Celui qui lui promettait
la guérison. Il croyait simplement à
la parole de son Dieu ; il s'y confiait sans
hésiter, en acceptant le moyen qui lui
était indiqué et qu'il n'avait pas
choisi lui-même. Il se tournait vers le
serpent d'airain avec la ferme conviction que ce
regard lui rendrait la santé ; et quand
la santé lui était rendue, il
comprenait parfaitement que sa délivrance
était un don gratuit de
l'Éternel.
Voilà le type, tel qu'il nous est
présenté par Moïse. Maintenant
rapprochons-le de l'antitype,
révélé dans l'Évangile,
et nous verrons se déployer à nos
yeux les glorieuses richesses du salut qui est en
Jésus-Christ.
Et d'abord, sur quel objet doit se fixer le regard
du pécheur ?
Sur Celui qui fut à la fois Fils de l'homme
et Fils unique de Dieu, sur le Sauveur mis en
croix, qui a dit de lui-même :
« Quand je serai élevé de
la terre, j'attirerai tous les hommes à
moi. »
Que voyons-nous sur cette croix ?
Ce que nous avons vu déjà sur la
perche au désert : un serpent, le
serpent ancien, auquel Jésus écrase
la tête, notre vieil homme crucifié.
Sur cette croix, où notre
Rédempteur porte en son corps toutes nos
transgressions, où il est fait
péché pour nous, il triomphe de Satan
et le dépouille, au moment même
où notre adversaire semblait avoir la
victoire. Il lui enlève, par sa
résurrection, le riche butin d'âmes
immortelles dont il comptait faire sa proie ;
il lui arrache son dard et son venin.
« Le Fils de Dieu, » dit saint
Jean, « a paru pour détruire les
oeuvres du diable
(1 Jean, III, 8). » Et Paul
nous déclare, à son tour,
« qu'ayant dépouillé les
principautés et les puissances, il les a
publiquement exposées en spectacle,
triomphant d'elles sur la croix
(Col., II,
15). »
Sur cette croix le démon a été
jugé comme étant l'auteur du
péché. Depuis la chute, son venin
empoisonnait la race humaine. Jésus a pris
notre nature, mais sans péché ;
il l'a sanctifiée en s'offrant
lui-même en sacrifice, et en la renouvelant
par son Esprit. C'est ainsi qu'il est devenu le
Souverain médecin de notre humanité
perdue. Il l'a, non seulement sauvée des
conséquences éternelles qu'attiraient
sur elle ses péchés, mais il la
délivre en même temps de la domination
de Satan.
L'union qu'il a contractée avec elle sur la
croix la rend capable de participer à toutes
les bénédictions que la mort du
Sauveur lui apporte. Elle est crucifiée avec
lui, elle meurt ainsi au péché ;
elle est crucifiée au
monde, elle ne vit plus pour elle-même, et,
tout cela, par la foi en Celui qui a vaincu son
puissant ennemi. « Je suis
crucifié avec Christ, »
s'écriait saint Paul, « et ce
n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi
(Gal., II,
20.) ! »
Sur la croix, le démon a été
frappé comme étant la cause de la
condamnation et notre accusateur devant le
Père. Il est, à la fois, tentateur et
accusateur. Il nous entraîne vers le mal,
puis il demande notre punition. - Quand les
élus, dans les cieux, entonnent le
cantique : Maintenant est venu le salut et
la force ! c'est parce que l'accusateur
des frères, qui les accusait jour et
nuit devant Dieu, a été
précipité. - Par quel
moyen ? - Par le sang de l'Agneau
(Apoc, XIII, 10.).
Oui, c'est Jésus, c'est son sang
versé sur le Calvaire, qui nous
délivre à la fois de la condamnation
éternelle et de notre accusateur. Nous
pouvons nous écrier désormais avec
saint Paul : « Qui accusera les
élus de Dieu (Rom., VIII,
33.) ? »
La croix nous affranchit aussi de la crainte de la
mort, en détruisant l'empire de la mort.
Jésus a triomphé de la puissance du
sépulcre, en rompant les liens qui l'y
retenaient. Les Israélites guéris ne
voyaient plus dans le serpent d'airain que le
mémorial d'un malheur passé ; de
même, en contemplant la
croix, l'enfant de Dieu ne
découvre que le souvenir de sa condamnation,
et il jouit par avance des joies éternelles
qui lui sont réservées.
À l'heure même où Jésus
mourait sur la croix, des signes visibles de son
triomphe apparurent aux yeux de tous.
Le voile du temple se déchira comme pour
annoncer à l'humanité coupable que
toutes les barrières qui lui fermaient
l'entrée du ciel étaient rompues.
Le lieu très saint entr'ouvert nous dit
encore aujourd'hui que le Saint-Esprit peut
désormais descendre sans obstacle pour
vivifier nos âmes, et que nous pouvons
subsister en la présence de Dieu.
Des sépulcres s'ouvrirent comme pour dire
hautement au monde que la mort avait trouvé
son vainqueur. Ils demeurèrent ouverts
jusqu'au troisième jour, où
Jésus consomma sa victoire en sortant
lui-même de la tombe, et, en attendant cette
heure solennelle, les saints ressuscitent avant lui
pour apprendre aux habitants de Jérusalem
que leur Rédempteur était venu.
La croix de Christ nous parle aussi de l'amour de
Dieu et de son pardon. Qu'était ce
Jésus de Nazareth ?
Il était Fils de l'homme et Fils de Dieu
tout ensemble ; c'est lui-même qui nous
l'apprend. Le prophète Esaïe nous avait
déjà annoncé qu'il
naîtrait d'une vierge, et qu'il serait
appelé Emmanuel
(Esaïe, IX,
6.)
Quand les temps ont été accomplis, le
Père a envoyé son Fils, né
d'une femme. Jésus ne prit pas la nature des
anges, mais notre pauvre nature ; il naquit
d'une fille de David, et devint ainsi notre
Frère, membre de la famille humaine.
Qui pourrait encore douter de l'amour d'un Dieu qui
s'est humilié pour se donner à
nous ?
Certainement, la création tout
entière, non moins que la Providence, nous
parle de l'amour de Dieu ; chaque goutte
d'eau, chaque miette de pain que nous recevons de
notre Père céleste est une
manifestation de cet amour. Mais, en Christ, Dieu
s'approche de nos âmes ; il travaille,
il souffre pour les sauver.
Semblable à nous en toutes choses,
excepté le péché, notre
précieux Sauveur accomplit la loi que nous
avions transgressée et qui nous
condamnait.
Sa vie fut une vie d'obéissance, et cette
obéissance, il l'a offerte au Père
à la place de la nôtre.
La justice de Jésus est donc à moi
pour jamais ; je m'en revêts avec joie
comme d'un manteau. Il me la faut tout
entière pour couvrir ma justice qui n'est
que souillure ; il me la faut parce que la loi
exigeait de moi une obéissance parfaite.
Christ est venu pour honorer la loi et pour
l'accomplir. Je ne pouvais entrer dans la vie,
d'après les Écritures, qu'en gardant
les commandements. Mon Sauveur les a gardés,
et j'entre dans la vie, non à cause de mon
obéissance, mais à cause de la
sienne, qui m'est imputée. Le
châtiment qu'il a subi sur
la croix est accepté comme
l'équivalent de ma punition
éternelle, et sa sainteté m'est aussi
acquise comme l'équivalent de la
sainteté que je devais offrir à
Dieu.
La foi en son sacrifice me rend participant de sa
vie divine ; elle me la communique par le
Saint-Esprit, tellement que j'ai le
privilège de pouvoir la demander et
l'obtenir comme ma portion dès ici-bas.
Les récits des Évangiles, si
touchants et si simples, nous montrent à
l'oeuvre la compatissante charité de
Jésus. Il guérissait les malades,
consolait les affligés, et ne renvoyait
jamais un coeur troublé sans une parole
d'encouragement. Sa mort, mieux encore que sa vie,
nous révèle son amour, un amour dont
Salomon nous a dit à l'avance qu'il
était fort comme la mort, et invincible
comme le sépulcre.
On ne peut regarder à la croix du Calvaire
sans être comme inondé par les
glorieuses splendeurs dont elle rayonne, de
même que l'on ne peut fixer le soleil et
demeurer dans les ténèbres.
Dieu nous a manifesté sa sagesse dans les
oeuvres de la création ; mais ici il
nous fait voir jusqu'où peut aller la
puissance d'aimer qu'il possède. Il se
glorifie lui-même en s'abaissant, et il nous
relève de notre abaissement en faisant de
nous les objets de sa parfaite tendresse.
Mais la croix nous parle avant tout du pardon
gratuit de Dieu. Quand le ciel s'ouvrit, et que de
ses profondeurs une voix
descendit pour nous dire que Jésus est le
Fils bien-aimé du Père, ce fut pour
nous un témoignage très
précieux de sa mission d'amour ; mais
combien est plus grande encore l'assurance que nous
donne un seul regard fixé sur la
croix ! Une parole n'a pas l'évidence
d'un fait.
Nous sommes convaincus que Dieu nous avait
déjà pardonnés dans son coeur,
lorsqu'il livrait son Fils à la mort ;
mais l'acte accompli sur le Golgotha pouvait seul
nous donner une pleine confiance en l'amour du
Seigneur. Le sacrifice de Christ a
été plus qu'une simple manifestation
de la tendresse du Père pour nos âmes
immortelles : c'est un fait qui a sa raison
d'être et ses résultats.
Nous avons péché ; notre
conscience, éclairée sur le nombre et
sur la gravité de nos offenses, nous
amène tout tremblants devant notre Juge
suprême. Le salut que Christ nous acquiert a
pour but de nous réconcilier avec ce
juge.
Pour nous donner la conviction de notre pardon,
l'Évangile dirige nos regards sur la croix.
Là nous voyons une victime sainte,
livrée pour nos offenses ; elle les
porte toutes en son corps, qu'elle offre
volontairement en sacrifice. Et si elle supporte
une punition qu'elle n'a point
méritée, n'est-ce pas pour nous
prouver son amour ?
Le pardon gratuit de Dieu nous est acquis tout
entier par la mort de Christ, hors de laquelle il
n'existe pas de salut pour
nous.
Nos coeurs, aveuglés par leur propre
justice, saisissent difficilement ces
vérités. Ils s'obstinent à
chercher en eux-mêmes quelques sentiments ou
quelque oeuvre qui puisse les faire bien valoir
auprès du Seigneur. La puissance de la
grâce nous décide seule à aller
à lui, pauvres et nus, tels que nous sommes,
n'ayant à lui offrir que notre fardeau de
péchés.
Nous sommes et plus simples et plus sages, quant
aux affaires de ce monde. Ainsi, par exemple, je
rencontre un de mes amis : il a l'air
très angoissé ; je m'informe
avec empressement de la cause de son chagrin. Il a
fait de mauvaises affaires, me dit-il ;
à un jour donné il doit payer une
forte somme et il sait qu'il ne le
pourra :
« Oh ! si quelqu'un voulait payer ma
dette, » s'écrie-t-il.
Je viens à son aide ; je vois son
créancier ; je paie la somme
exigée, et je cours lui dire ce que j'ai
fait. S'il refuse de me croire, s'il se
méfie de moi, sa douleur en est
augmentée et il se considère toujours
comme un débiteur insolvable. Si, au
contraire, il ajoute foi à ce que je lui
dis, il sera très heureux dès cette
heure.
De même, nous serons remplis de joie, si nous
croyons au salut qui nous est offert. Quand nous
considérons nos péchés et la
juste loi de Dieu, nous nous écrions :
« Oh ! si quelqu'un pouvait se
charger de mon fardeau, me l'ôter, le porter
à ma place ! » Eh bien !
tout est accompli. Le Sauveur a porté le
fardeau de nos iniquités,
et leur punition éternelle ;
l'Évangile nous l'annonce comme un fait
consommé depuis dix-huit siècles.
Jésus a pris devant le Juge suprême
notre lieu et place ; il a payé notre
dette ; il est devenu notre substitut. La
sentence qui devait tomber sur nos têtes est
tombée sur la sienne...
Ne le croyez-vous pas ? Vos coeurs sont-ils
encore troublés ? S'ils ne sont pas
consolés par ce message de paix, je vous le
demande, qu'est-ce qui pourra les rassurer ?
Dieu enverra-t-il une seconde fois son Fils tout
exprès pour vous ? Non
assurément. Vous obstinerez-vous encore
à mériter son pardon, par des
repentirs, des promesses, des oeuvres, des
sacrifices que vous vous imposerez à
vous-mêmes ?
Mais le salut de l'Évangile est sans
condition ; Dieu n'exige rien d'un
débiteur insolvable comme vous. Il
connaît votre impuissance pour le bien ;
il sait que votre chair ne se soumet pas à
sa loi et qu'elle ne peut s'y soumettre. Il vient
à vous avec un pardon acquis d'avance, et
acquis par un autre que par vous ; avec un
amour qui a précédé ce pardon
lui-même...
Si vous dites : « Je crois que
Jésus est mort pour les pécheurs, et
cependant je ne suis pas assuré que son
pardon soit pour moi, » que
faites-vous ? Vous affirmez le fait et vous en
niez les résultats.
D'où vient cette étrange
contradiction, si ce n'est du désir que nous
possédons tous de présenter quelque
chose à Dieu pour nous le
rendre favorable ?
Renonçons, aujourd'hui même, à
ces vains efforts de notre orgueil, et,
présentons au Seigneur, non plus notre
justice, mais celle de Christ. Acceptons humblement
un salut gagné et mérité par
les souffrances pleinement suffisantes du Sauveur.
Notre Dieu ne réclame rien de nous ;
car il sait que nous sommes incapables de rien lui
offrir. L'Israélite regardait au serpent
d'airain : regardons à la croix, et
nous y verrons le gage de notre pardon.
La croix a été élevée
pour des pécheurs et non pour des
saints. Cette vérité si
importante est cependant fort peu comprise. J'ai
souvent entendu des personnes qui disaient :
« Le sacrifice du Sauveur est pour les
croyants, pour les âmes repentantes. Si nous
trouvions dans nos coeurs de saintes dispositions,
nous recevrions avec joie la bonne nouvelle du
pardon, qui nous est annoncée. Mais nous
sommes si faibles, si misérables ! Tant
de péchés journaliers troublent nos
consciences, que, nous méfiant de
nous-mêmes, nous n'osons pas nous approprier
des grâces aussi excellentes. »
Se méfier de soi-même est, sans
contredit, un sentiment juste et bon, mais douter
de l'Évangile et du pardon gratuit qu'il
nous annonce, c'est douter de Dieu lui-même.
Il nous déclare formellement, dans sa
Parole, qu'il nous a aimés le premier, quand
nous étions ses ennemis, que Jésus
est venu, non pour les justes,
mais pour les pécheurs,
que sa grâce s'étend aux impies, aux
blasphémateurs, afin qu'aucun ne
périsse. Regardons au type, au serpent
d'airain élevé comme un
témoignage de l'amour de Dieu. Pour qui
fut-il dressé ? Pour des malades
assurément ! Eh bien ! il en est
ainsi de la croix ; elle nous parle de ce
même amour, de cette compassion divine qui
s'est émue en faveur des âmes
blessées par le serpent ancien, et qui sont,
à cette heure même, pleines de doutes,
ennemies de Dieu, de sa loi, de sa volonté
sainte. Leurs oeuvres et leurs tentatives pour
mériter le ciel, sont comme les convulsions
des mourants, qui se consumaient en impuissants
efforts sur les plaines brûlantes du
désert. Dieu les aimait pourtant, tels
qu'ils étaient, incurables et voués
à la mort, et il leur donna un sûr et
prompt remède.
Il nous a aimés, nous aussi, lorsque nous
étions morts dans nos offenses. C'est pour
nous que la croix fut élevée, et
c'est à de pauvres pécheurs tels que
nous, que le Seigneur fait entendre un touchant
appel ; il nous invite à regarder Celui
qui fut attaché au bois maudit. La
guérison de nos âmes sera
instantanée, comme le fut celle des
Israélites. C'est la foi en un fait
déjà accompli qui nous donne
l'assurance de notre adoption. Celui qui croit a la
vie : l'Écriture et notre
expérience nous confirment cette consolante
vérité.
Le Sauveur nous déclare expressément
que Dieu a aimé le monde, et
l'apôtre saint Paul ajoute que
« Dieu était en Christ,
réconciliant le monde avec soi, en ne
lui imputant point ses péchés
(2 Cor., V, 19.). »
Dans quel état est le monde ?
« Il est plongé dans le mal
(1 Jean, V,
19.). »
Le serpent l'a entouré de ses replis ;
il a versé son poison dans les veines de
l'humanité. Mais c'est
précisément pour les pécheurs
que Jésus est mort. Il justifie les injustes
et ne fait point de distinction de personnes. Tous
ont péché, et il offre son pardon
à tous individuellement. Il nous aime parce
qu'il est dans sa nature d'aimer, et non point
parce que nous sommes aimables à ses yeux.
Il n'attend pas, pour nous pardonner, que nous
ayons réformé notre conduite, ni
amélioré nos sentiments ; son
amour nous prévient, et c'est là
même où le péché a
abondé que la grâce a
surabondé.
Quelqu'un dira : « Comment puis-je
être assuré de l'amour de Dieu pour
moi, et du pardon de mes
péchés ? » Fais-tu
partie du monde ? Es-tu, par nature, un
pécheur blessé par le serpent ?
Eh bien ! s'il en est ainsi, l'amour du
Père s'étend à toi ;
c'est pour toi qu'il a donné son Fils
et qu'il l'a livré à la mort.
Un regard sur la croix remplit nos âmes d'une
sainte confiance ; il donne nos coeurs
troublés et repentants une paix qui surpasse
toute intelligence. Mais quand
l'assurance du salut ne descend pas du Calvaire,
elle est un oreiller trompeur de
sécurité ; elle ne provient que
de notre propre justice. Ici les ruses de notre
coeur abondent ; examinons-en quelques-unes,
en nous laissant diriger par la Parole
inspirée.
On entend dire par des personnes très
sincères : « Nous ne mettons
pas notre confiance en notre propre justice et nous
savons que rien en nous ne peut mériter la
faveur de Dieu ; cependant notre paix n'est
point assurée. » Si nous ne nous
trompons, voici le piège que ces âmes
n'aperçoivent pas : elles constatent un
changement dans leurs dispositions
intérieures ; le Seigneur a
commencé en elles sa bonne oeuvre ; il
leur a donné une certaine mesure de foi et
d'espérance ; elles s'en
réjouissent, et considèrent ces
grâces comme un témoignage de l'amour
de Dieu. Peu à peu, elles arrivent à
trouver leur consolation dans ces dons mêmes
du Saint-Esprit. Elles les étudient, les
considèrent avec complaisance et ne
s'approchent du Seigneur avec confiance que
lorsqu'elles jouissent de ces
bénédictions intérieures.
Le pharisien de la parabole ne leur ressemblait-il
pas ? Ne trouvons-nous pas en lui des
dispositions à peu près
identiques ?
Il s'examine lui aussi ; il reconnaît
qu'il n'est pas comme le reste des hommes, et
même il en rend gloire à Dieu. Sa
confiance repose sur ce qu'il possède, et il
s'approche hardiment du Seigneur. Mais
celui-ci condamne le fondement de
cette assurance.
Quant au péager, il ne sait que deux choses,
mais deux choses précieuses par-dessus
toutes : il sait d'abord ce qu'il est devant
Dieu, et en second lieu ce que Dieu est à
l'égard de l'homme. « Sois
apaisé envers moi qui suis
pécheur ! »
s'écrie-t-il ; et cet appel à la
miséricorde divine montre qu'il
connaît sa position vis-à-vis du
Seigneur.
Pécheurs comme lui, humilions-nous avec
lui ; surtout, ne cherchons plus en
nous-mêmes des titres pour nous approcher de
Celui qui sonde les coeurs et les reins. Qu'il nous
suffise de savoir que nous sommes pécheurs
devant Dieu : c'est là notre seul titre
pour venir à lui et pour accepter son
pardon.
Encore une fois, il ne réclame rien de
nous ; il ne nous impose aucune
condition : « Venez, »
dit-il, « vous tous qui êtes
travaillés et chargés. »
À celui qui est convaincu de
péché, la Parole sainte ne donne
qu'un seul ordre : celui de regarder à
Christ crucifié.
Jésus est le seul libérateur, son
oeuvre le seul moyen de délivrance.
Détourne donc, ô mon frère, tes
regards de toi-même et des grâces que
tu peux avoir reçues, pour fixer tes yeux
uniquement sur Jésus. Ne considère ni
l'état de tes sentiments, ni la multitude de
tes offenses, ni l'incurable misère de ta
nature ; ne redoute ni le monde, ni le diable,
mais obéis simplement, comme un enfant,
à l'ordre que te donne ton Père.
Regarde à Jésus
à cette heure même ; regarde
à lui en tout temps, et tu éprouveras
que seul il peut sauver parfaitement tous ceux qui
s'approchent de Dieu par lui.
Un regard plein de confiance sur Jésus
crucifié remplit nos âmes de paix. -
Essayerons-nous de nous repentir avant de regarder
à lui ? Non, les émotions de la
repentance, après lesquelles tant de
personnes soupirent, indiquent le retour de la
santé spirituelle.
Notre titre de pécheurs perdus doit nous
suffire pour aller à la croix.
Nous efforcerons-nous d'améliorer notre
coeur et de renoncer à nous-mêmes
avant de regarder ? Non ; car une vie
obéissante est l'oeuvre de la grâce
divine ; elle est le résultat du regard
sur la croix ; elle ne le
précède pas.
Faut-il, avant de nous approcher de cette croix,
posséder une intelligence parfaite des
vérités
révélées, avoir fait une
étude approfondie de ce que Dieu est et de
ce qu'il veut que nous soyons ? Non :
cela même n'est pas nécessaire. Croire
en Jésus, c'est regarder à lui avec
la persuasion qu'il peut sauver notre âme.
L'Israélite mourant attachait sur le serpent
d'airain un regard plein de foi et il était
guéri ; tous ceux qui croient en son
glorieux antitype, en Christ crucifié, ont
la vie éternelle.
La foi, n'est point une disposition que nous
puissions nous donner, ni que nous devions apporter
au Seigneur, comme si elle était une
condition légale du salut. Elle est
un don de Dieu ; elle est la
simple confiance que nous avons au
témoignage qui est rendu à
Jésus dans les Écritures. Et quel est
ce témoignage ? C'est que Dieu a
aimé le monde, et a donné son Fils
pour le sauver.
Comme les saints hommes dont la Parole
inspirée nous raconte l'histoire, nous avons
tous un message personnel à recevoir de la
part de Dieu. Il s'adresse à nous comme
à des pécheurs, qui n'ont rien
à lui apporter que leurs transgressions, et
il nous offre le pardon.
Il est vrai que la même voix prononce dans
les Écritures un message de
colère ; mais ce message-là ne
s'adresse qu'à ceux qui ont
déjà méprisé la bonne
nouvelle que nous apporte l'alliance de la
grâce, traitée d'abord avec Abraham.
Dieu lui promit de faire naître le Christ de
sa postérité, et il tint
fidèlement sa promesse. Le Sauveur vint sur
la terre au temps marqué ; il souffrit,
il mourut, il nous ouvrit le chemin du lieu
très saint. C'est ainsi que l'alliance de la
grâce, traitée avec le Père des
croyants, précéda l'alliance des
oeuvres et l'annonce des châtiments
réservés aux violateurs de la loi du
Sinaï.
Tenons-nous donc fermement attachés à
Jésus, et le message de colère,
donné par la bouche de Moïse, ne
s'adressera point à nous.
L'Israélite qui regardait au serpent
d'airain désespérait
complètement de lui-même. L'âme
qui regarde à Christ renonce aussi à
sa propre justice ; elle se
confie en l'amour d'un Dieu, qui ne refuse sa
grâce à personne, qui pardonne
à tous indistinctement : aux plus vils
aussi bien qu'aux meilleurs d'entre les hommes.
Elle consent à être confondue avec la
foule des pécheurs ; à ne placer
son espérance de salut qu'en la grâce
souveraine et gratuite du Seigneur. Pour se mettre
ainsi au rang des malfaiteurs, il faut ne plus
avoir aucune confiance en soi-même. C'est
là une humiliation devant laquelle le
pécheur ne recule pas, lorsqu'il croit au
salut accompli par Christ.
Pour nous, comme pour l'Israélite, il
n'existe pas d'intervalle entre le regard et la
guérison. On peut hésiter longtemps,
avant de se décidera regarder à
Jésus ; on peut chercher longtemps
d'autres remèdes ; mais dès que
notre âme se tourne vers lui avec foi, elle
reçoit l'assurance immédiate de son
pardon. Le Sauveur éprouvait souvent les
malades qui venaient à lui ; il tardait
à les exaucer, mais aucun d'eux ne fut
renvoyé sans être guéri.
Nous sommes sauvés par la foi. Prenons
garde, cependant, de ne pas attacher à
l'acte même de la foi une vertu
rédemptrice. C'est l'objet sur lequel
s'appuie notre confiance qui nous sauve ;
c'est Christ et son oeuvre parfaite, accomplie
longtemps avant que la foi qui nous l'approprie
eût pu germer dans nos coeurs. Il faut que
toute la gloire de notre délivrance soit
rendue à celui qui nous
l'a acquise par ses douleurs et par sa justice.
Jésus a tout fait dans l'oeuvre du salut, et
c'est encore sa grâce toute-puissante qui
produit en nous la force de regarder à lui
et de nous confier en son sacrifice.
La foi prend Dieu au mot ; elle compte sur
lui ; elle s'appuie sur ses promesses. C'est
pour cela qu'elle seule le glorifie.
« Regardez à moi, et soyez
sauvés, vous, tous les bouts de la
terre ! » s'écrie le
prophète Esaïe. Le Rédempteur
nous invite par sa bouche à regarder
à la croix. Obéissons simplement
à cet appel, et regardons... Ce regard, si
vous êtes encore indifférents, vous
rendra sérieux quant à vos
intérêts éternels. Il vous fera
apprécier à leur juste valeur les
frivoles joies de ce monde.
Le saint objet que vous contemplerez vous
paraîtra tellement glorieux, qu'il
éclipsera pour jamais les lueurs
éphémères des choses
d'ici-bas. Si vous êtes affligés, un
regard sur Jésus vous remplira de force. Si
le découragement vous accable, il vous
relèvera, il vous rendra la paix et la vie.
Regardons tous à Christ à chaque
heure de notre fragile existence : de la
sorte, nous demeurerons en lui et nous apprendrons
à ne vivre que pour lui.
Regardons à Christ au moment de la mort,
afin de nous endormir dans la paix que donne la
foi, dans la douce assurance que nos
péchés sont blanchis dans le sang de
l'Agneau. -Oui, regardons à
Christ en tout temps ; alors
notre âme, maintenue dans une sainte et
continuelle communion avec son divin Maître,
s'illuminera des rayons de gloire qui partent de sa
personne et les reflétera autour d'elle.
Tous connaîtront que nous vivons près
de Jésus et que nous faisons notre
nourriture de sa chair et de son sang.
L'Écriture sainte ramène constamment
notre pensée sur la personne et sur l'oeuvre
de Christ ; elle détourne nos regards
des objets inférieurs, pour les fixer sur le
Sauveur. Elle nous invite à regarder
à lui par des appels tantôt
sévères, tantôt suppliants et
tendres, mais qui se résument tous en ces
mots du Cantique des cantiques :
« Fais-moi voir ton
regard ! »
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