Nos églises ne sont plus soutenues que de
Dieu. Jusqu'à ces dernières
années elles avaient l'appui officiel de
l'État. Désormais, si elles veulent
vivre, elles ont besoin de se ressaisir, de faire
leur propre examen de rallumer le don qui est en
elles et de réveiller le sentiment religieux
qu'elles possèdent certainement encore. Les
ossements desséchés comme dans la
vision d'Ezéchiel peuvent se couvrir de
chair et revivre sous l'action de l'Esprit de Dieu.
Ils revivent déjà dans plusieurs
églises.
Il faut que toutes se mettent ou se
remettent à l'école des
prophètes, des apôtres et des grands
prophètes qui, au cours des siècles,
ont annoncé avec hardiesse la parole de vie.
Elles doivent surtout se mettre à
l'école de Jésus-Christ.
La question du Réveil est
particulièrement actuelle, car un grand
nombre d'églises sont assoupies. L'esprit du
Tout-Puissant a soufflé au siècle
dernier et on sait tous les bienfaits moraux et
spirituels qui en ont découlé. Il
peut souffler encore au vingtième.
Parmi les agents de ce grand Réveil
du siècle passé, Dieu avait, en
particulier, choisi un homme dont le
dévouement et la piété restent
en exemple pour nous. Cet homme
était Félix Neff, né à
Genève le 8 Octobre 1797 et mort dans cette
même ville le 12 Avril 1829, après
avoir exercé une activité
bénie d'évangéliste, pendant
sept années, soit dans sa propre patrie,
soit dans les départements de l'Isère
et des Hautes-Alpes.
Sa biographie étant très
connue, nous ne la referons pas, mais nous
parlerons de sa conversion dans un chapitre
spécial parce qu'elle a été
l'origine, la cause directe de son oeuvre de
Réveil.
Notre but a été de retracer
brièvement l'oeuvre et le caractère
de Félix Neff, d'étudier enfin le
Réveil dont il a été
l'organe.
Notre travail se divisera en quatre parties
principales qui seront tout autant de chapitres
1°) Conversion de F. Neff
2°) Le Réveil à Mens.
3°) Le Réveil dans les Hautes-Alpes.
4°) Les moyens de Réveil de F. Neff.
Félix Neff avait reçu du Ciel des
dons précieux : une excellente
mémoire et une intelligence au-dessus de la
moyenne lui rendaient l'étude facile et lui
permettaient de s'exprimer d'une manière
brève et pleine de justesse. Il disait
beaucoup très bien et en peu de
mots.
Dans sa jeunesse, ses lectures favorites
furent les Pensées de Rousseau et les
« Vies des hommes illustres »
de Plutarque. Ces auteurs eurent certainement une
influence sur lui. Plutarque lui inspira l'amour
des grandes actions qu'il conserva toujours. Et
Rousseau lui légua l'esprit d'analyse.
À force de s'analyser et, guidé par
son esprit de justesse, Félix Neff
découvrit le fond de ses propres actions et
les aperçut dans toute leur nudité.
Ayant un coeur droit et un esprit naturellement
sérieux, il apprit à
reconnaître que ses meilleures oeuvres et
toute leur morale n'avaient pour cause et pour but
que le « moi ». Aussi se
troublait-il, angoissé. Consciemment, il se
sentait mauvais et malheureux. Et son angoisse
augmentait encore par son
incrédulité. Le travail de la
conversion se faisait lentement dans son
coeur.
Croire et s'humilier devint un besoin
pressant : « O Dieu,
s'écriait-il, si tu existes, sauve mon
âme si j'ai une âme ! Aie
pitié de moi ! Viens à mon
secours ! Fais-moi connaître ta
vérité, daigne te manifester à
mon coeur ! »
Mais déjà, il était
exaucé : cette soif de
vérité et de réalité
n'était qu'un appel de Celui qui a
dit : « Si quelqu'un a soif, qu'il
vienne à moi et qu'il boive... -
« L'eau que je lui donnerai deviendra en
lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la
vie éternelle. »
Le Christ lui disait comme à
Pascal : « Console-toi : tu ne
chercherais pas, si tu ne m'avais
trouvé ».
Félix Neff était sur le
chemin de la vérité. Il se mit
à lire la Bible et ne tarda pas à
reconnaître que c'était le seul livre
qui lui peignit le véritable état de
son âme. Cependant il n'y voyait encore Dieu
que comme un juge : ne connaissant pas le
pardon, il n'avait pas la paix.
C'est à ce moment qu'un pasteur
lui remit un livre intitulé :
« Le Miel découlant du
Rocher ». Cet excellent ouvrage
répandit comme un torrent de lumière
dans l'esprit de F. Neff.
Voici quelques-uns de ses passages qui
lui donnèrent la paix et la joie. Il les
relisait et les soulignait son lit de mort :
« Si vous connaissiez
Jésus-Christ, vous ne voudriez pas pour tout
au monde faire une bonne oeuvre sans Lui
(2
Corinthiens III : 5).
« Si jamais vous l'avez connu,
vous savez qu'Il est le Rocher du
Salut, infiniment élevé au-dessus de
toute propre justice
(Ps.
LXI : 3).
« Voulez-vous aller à
Jésus ? Laissez en arrière toute
propre justice ; ne lui portez que votre
péché votre misère.
« Voulez-vous connaître
toute l'horreur du péché ? Ne
vous arrêtez pas à l'examiner en
vous : approchez-vous de Jésus en
croix, contemplez le dans sa forme souffrante et
vous frémirez. Laissez-vous conduire par
l'Esprit de Dieu toujours plus avant dans
l'intelligence de l'Écriture-Sainte. C'est
la vraie mine où vous trouverez le plus
précieux des trésors : vous y
découvrirez le coeur de
Christ ».
Il sera intéressant maintenant de
savoir ce que pensait Neff lui-même du
« Miel découlant du
Rocher » :
« C'est un ouvrage peu
intéressant pour quiconque veut lire pour se
recréer ou orner son esprit. Tout ce qu'il
contient est folie pour la sagesse humaine, et
cependant nulle part je n'ai vu la doctrine
évangélique présentée
d'une manière plus franche, plus
entière.
« ... Il fut un temps
où j'eusse peut-être jeté ce
livre avec indignation... méconnaissant la
ruse et profonde malice de mon coeur orgueilleux et
rebelle ; je n'eusse pu supporter une doctrine
qui abaisse l'homme au-dessous du néant et
veut qu'il regarde comme de l'ordure ce qu'il
trouve de plus estimable en lui. Mais lorsqu'une
longue et triste expérience m'eût,
appris à connaître ma faiblesse et
mon indignité ;
lorsqu'après mille voeux inutiles et mille
efforts infructueux je sentis enfin qu'en moi
n'habite aucun bien (Romains VII : 18) et que,
malgré ma résistance, je
n'étais au fond qu'un vil esclave du
péché, un enfant de colère et
de rébellion aussi indigne qu'incapable de
goûter les délices du royaume de Dieu,
je m'estimai bienheureux de trouver un livre qui,
dépeignant avec la plus exacte
vérité le misérable
état de mon coeur, m'indiquait un
remède gratuit et le seul efficace.
« Je reçus avec joie la
bonne nouvelle qu'il annonçait, savoir que
nous devons aller à Christ avec toutes nos
souillures, toute notre incrédulité
et notre impénitence. je me hâtai de
suivre ce salutaire conseil et, dès la
première fois, j'en éprouvai toute
l'excellence... »
(1).
Félix Neff était donc
arrivé à la connaissance du salut. Il
avait remporté la victoire dans ce combat
où l'homme se sentant pêcheur,
condamné, perdu, s'abandonne tout entier
à Jésus-Christ qui pardonne et fait
vivre, qui délivre l'âme du joug des
passions et donne la liberté.
Cela se passait en 1818, à
Genève, au début du Réveil
dans cette ville. Neff avait alors 21 ans. Il
s'unit plus particulièrement à
l'église de Bourg-de-Four qui était
un fruit du Réveil et entendait maintenir
les doctrines du pur Évangile que
prêchaient alors les Bost,
les Pyt, les Gonthier, les Guers. Au, contact de
ces hommes de Dieu, la foi de Félix Neff ne
pouvait que se fortifier.
Il résolut de consacrer sa vie
à son Sauveur et d'annoncer
l'Évangile. Il voulut convertir les
âmes à Jésus-Christ. Et comme
chez lui l'action suivait de près la
pensée, il fit entendre, dès ce
moment, la prédication de la croix dans la
caserne (il était sergent d'artillerie
à Genève), l'hôpital et les
prisons.
En 1819, il quitta l'habit militaire,
à la grande satisfaction de ses officiers,
mécontents de l'influence que ses principes
religieux et son caractère particulier lui
donnaient sur ses camarades. Et, une fois
délivré de ces liens, il s'adonna
entièrement à la vocation à
laquelle il se sentait appelé.
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