Nous avons voulu par cette étude, faire
connaître le caractère
« revivaliste » de l'oeuvre de
Félix Neff.
Cet homme, doué des talents les plus
précieux, venait à son heure. Homme
de foi, de prière et d'action, il se
distinguait, aussi par une grande humilité.
C'est cette humilité, jointe à un
profond amour, des âmes, qui lui a permis de
faire tant de bien.
L'oeuvre de Réveil de Neff s'est
accomplie plutôt parmi la jeunesse que parmi
les personnes d'âge mûr.
Il nous faut, à notre époque,
des hommes passionnés pour le salut des
âmes, comme « l'apôtre des
Hautes-Alpes ». Il nous faut des hommes
qui ne craignent pas de renoncer à leurs
aises, ni de « se faire tout à
tous ».
Il en faut, en particulier, à notre
patrie envahie par la libre-pensée et
l'incrédulité, pour opposer à
ces souffles empoisonnés le souffle pur et
vivifiant de l'Évangile de
Jésus-Christ.
Les pasteurs ne sauront jamais trop insister
sur l'importance primordiale de la nouvelle
naissance, ni sur la nécessité de
prêcher aux foules Christ et Christ
crucifié.
Pour que le Réveil devienne une
réalité dans nos églises, il
faut que les divisions ecclésiastiques qui
scandalisent beaucoup d'âmes et les
éloignent de l'Évangile,
cessent : il faut « l'unité
de l'esprit par le lien de la paix ». Il
faut surtout l'unité dans la foi.
La conversion de Félix Neff fut un des fruits les plus remarquables du Réveil des premières années du siècle dernier à Genève.
Sa conversion fut une transformation radicale de tout son être.
Sauvé par la grâce toute-puissante de Dieu, il se sentit irrésistiblement appelé à prêcher la nécessité du salut en Jésus-Christ : « Malheur à moi, si je n'évangélise ! »
Sa fidélité inébranlable dans sa prédication et ses diverses méthodes d'action fut récompensée par les beaux réveils survenus à Mens et dans les Hautes-Alpes, de 1821-1827.
Ces réveils se produisirent beaucoup plus parmi la jeunesse et la jeunesse féminine, que parmi les personnes d'âge mûr.
Il insista particulièrement dans sa prédication et ses instructions catéchétiques sur l'entière corruption de l'homme, et sur le sacrifice expiatoire du Christ pour le sauver.
Son amour, pour les âmes ne l'empêcha pas de s'occuper beaucoup de bien-être matériel de ses paroissiens pour lesquels il était comme un nouvel Oberlin.
Un des traits les plus frappants du caractère de Félix Neff, c'est son humilité.
La cure d'âme est un des éléments les plus indispensables du ministère évangélique.
Félix Neff a insisté d'une manière particulière dans sa prédication sur la conversion, c'est-à-dire sur la transformation spirituelle et morale de la vie individuelle. La conversion, en effet, est le résultat de l'oeuvre de Dieu et d'un acte de l'individu : Dieu appelle et réveille la conscience ; l'individu se repent et croit.
« Loin de cacher la bonté divine, la croix en constitue la plus éclatante, la plus émouvante, la plus indubitable manifestation ; loin d'assombrir la joie du message évangélique, c'est d'elle qu'il tire sa victorieuse puissance et l'éclat, de sa magnifique splendeur. Sommet de l'Évangile, son axe, son centre et son pivot, elle est seule à plonger jusqu'aux profondeurs de Dieu et jusqu'aux profondeurs de l'âme ; elle est seule à les conjoindre ». (G. Frommel, « La Psychologie du Pardon dans ses rapports avec la Croix de Jésus-Christ »).
- Vu par le Président de la soutenance
- Montauban, le 21 novembre 1913,
- L. MAURY.
- Vu par le Doyen :
- Montauban, le 24 novembre 1913,
- E. DOUMERGUE.
Voici une lettre inédite de Félix Neff où l'on constate, une fois de plus, sa grande humilité et son profond amour des âmes. Elle est adressée à Mlle Myette Rambaud, dit Magnin, demeurant à Mens. Cette jeune fille qui avait paru convertie s'était laissée vaincre par le monde. Neff, profondément affligé, et ne pouvant se faire à l'idée qu'elle pourrait être perdue pour l'éternité, lui écrit afin d'essayer de la ramener dans la bonne voie. On peut vraiment lui appliquer cette parole de l'apôtre Saint Paul : « Qui vient à broncher que je n'en sois tout brûlant de fièvre ? ». Nous transcrivons la lettre telle que nous l'avons eue entre les mains.
« Arvieux, le 18 May 1825.
« Ma chère Myette,
« Quand je prends la plume pour écrire en Triève, c'est ordinairement avec joie et une douce émotion de coeur. Aujourd'hui, en vous traçant ces deux lignes, mon coeur est bien ému, plus même qu'à l'ordinaire, mais je ne puis dire qu'il soit joyeux ; ô non, ma chère Myette. Il n'est pas joyeux et il ne peut pas l'être en voyant l'ennemi gagner si facilement le butin qui a tant coûté de sang et de larmes à notre bon Sauveur !... je n'ai pas besoin de m'expliquer beaucoup, vous ne me comprenez que trop. Mais cependant, je ne dois pas m'en tenir là, car mon coeur est plein, et j'ai tant de choses à vous dire que je ne sais par où commencer.
« Mais que pourrais-je vous dire que vous ne sachiez déjà ? Si vous pêchez, ce n'est pas par ignorance, plût à Dieu ! Vous seriez moins coupable et il y aurait plus à espérer.
Voulez-vous donc, ma chère amie, jouer avec l'éternité et éprouver la patience de Celui qui tient en sa main le souffle de votre courte vie ? Avez-vous fait accord avec la mort, et êtes-vous d'intelligence avec le sépulcre ? (1)
N'avez-vous plus besoin de veiller et de prier, ou bien n'avez-vous plus une âme à sauver et un juge à attendre ? Suspendez un instant votre course volage ; jettez (sic) les yeux sur l'abyme (sic) au bord duquel vous êtes suspendue ; accordez quelques instants à la réflexion, et dittes-moi (sic) si vous voudriez mourir dans l'état où vous êtes ?
Prenez-y garde, ma chère amie, on ne se moque pas de Dieu impunément ; malheur à celui qui abuse de sa bonté et tourne sa grâce en dissolution ! Lisez la sentence de ceux qui crucifient de nouveau le fils de Dieu et qui l'expose à l'opprobre (Hébreux 6 : 6).
« Voulez-vous essayer si Dieu tiendra sa parole ?
Songez combien votre légèreté expose à l'opprobre ce Sauveur que vous faisiez profession de servir. Entendez le monde et son prince infernal chanter victoire et se glorifier de votre retour dans son sein. Et cela n'est pas un conte.
Dans ma dernière tournée en Champsaur, des gens qui ne vous ont jamais vue, m'ont parlé de votre conduite légère et ils tenaient ces détails de gens étrangers au Triève mais mondains et qui voyant là des âmes sérieuses, pensaient, avec raison, leur faire de la peine en leur contant d'un air de triomphe que vous aviez secoué le joug de Christ pour reprendre les chaînes du monde.
C'est là que je l'ai appris, et n'en voulant rien croire, je m'en suis informé, et... pauvre Myette, faudra-t-il donc vous ajouter à la liste funèbre de ceux qui sont devenus la proye (sic) de la mort seconde ? et pour lesquels il n'y a plus de Sauveur ? O si vous pouviez sentir combien cela m'attriste et opresse (sic) mon coeur ! Mais qu'est-ce de moi, pêcheur, incapable d'une sincère affection pour les âmes ?
Mais le Bon Berger, celui qui nous a chéri plus que sa vie, qui a tant fait et tant souffert pour vous, voulez-vous le forcer à pleurer sur vous comme sur l'ingrate Jérusalem ? Voulez-vous diriger ses playes (Sic) et enfoncer de nouveau le fer dans son coeur ? Mais j'ai bien peur de parler en vain. Il est si rare qu'une âme se tourne à Christ après l'avoir abandonné de gayté de coeur (sic) et si longtems (sic). Il est si rare que celui qui a tourné la tête après avoir mis la main à la charrue soit encore bon pour le Royaume de Dieu. Quand un prisonnier s'est échapé (sic) une fois et qu'il se laisse reprendre, comme on a soin, ensuite, de le veiller de près, de redoubler ses chaînes, de renforcer ses liens pour qu'il ne s'échappe plus. Ainsi en fait Satan envers ses esclaves qui reviennent à lui une seconde fois ; aussi est-il bien rare, bien rare qu'ils en ressortent encore. C'est pour cela que je n'ai qu'une bien faible espérance en vous écrivant, mais je ne puis vous laisser périr sans vous témoigner ma douleur, et l'amour que j'ai pour votre âme ; d'ailleurs c'est un devoir que je remplis, le Seigneur en fera ce qui lui semblera bon.
« La légèreté est votre ennemi, on vous l'a dit tant de fois ; c'est le poison de la piété et une porte toujours ouverte à l'ennemi. Je dois l'avouer à ma honte : loin de vous en détourner toujours, j'ai eu la faiblesse de la partager souvent, mais le ne l'ai jamais fait sans amertume et sans de vifs remords. Et si vous aviez su de votre côté la détester et vous la reprocher sérieusement, elle n'eût pas pris le dessus et vous eût fait moins de mal.
D'ailleurs c'est chez vous un défaut naturel et sur lequel vous deviez veiller plus que personne, et, au contraire, personne ne s'y livrait plus volontiers que vous. Aussi ne suis-je point étonné de ce qui vous arrive ; il eût même été étonnant que cela n'eût pas eu lieu. Vous avez jetter (sic) les fondements de votre tour avant d'avoir calculé, le dépense, et aujourd'hui vous n'avez pas de quoi l'achever. Allez donc, si toutefois il en est tems (sic) encore, allez à Celui qui donne gratuitement, et dont vous connaissez déjà toute la miséricorde, allez vous jetter (sic) à ses pieds et les arroser de vos larmes, donnez-lui votre coeur afin qu'il le garde lui-même ; vous-même, ne savez pas le garder.
« Adieu, ma chère Myette. Donnez-moi la joie d'avoir bientôt à vous adresser des paroles plus consolantes. Puisse le Bon Berger vous faire entendre encore sa douce voix, vous ramener à Lui et ne plus permettre que personne vous ravisse de sa main. Amen !« Votre dévoué serviteur en Jésus-Christ,
« Félix NEFF » (2).
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