Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ÉCHO DE LA VÉRITÉ

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LA LOI ET LA GRÂCE


Ces deux mots, loi et grâce, représentent les deux grandes dispensations de Dieu pour le salut de l’humanité. En apparence opposés l’un à l’autre, ils ont pourtant entre eux une étroite union.

Dans un sens général, la loi est l’expression ou la révélation de la volonté de Dieu, c’est-à-dire DES DEVOIRS QU’IL IMPOSE À SES CRÉATURES.

À l’origine, elle fut écrite dans le cœur de nos premiers parents, comme elle l'est encore, quoiqu’en grande partie effacée par le péché, dans la conscience de tous les hommes (Rom. II, 14, 15).

Cette loi primitive, ou patriarcale, prit une forme plus tangible, si nous pouvons nous exprimer ainsi, dans le Décalogue, écrit du doigt de Dieu sur les deux tables de pierre qui furent données à Moïse, au Sinaï.

«La loi, dit saint Jean, a été donnée par Moïse» (Jean I, 17); de là vient qu’on la désigne sous le nom de loi mosaïque.


Mais cette loi, dont Moïse nous donne la lettre,

l’Évangile nous en donne l'esprit; il nous en révèle toute l’étendue et la profondeur.


Jésus-Christ en est l’incarnation vivante. On peut, dans ce sens, appeler l’Évangile, la loi chrétienne.

En réalité, ces trois lois: patriarcale, mosaïque, évangélique ou chrétienne, n’en forment qu’une seule, que Jésus-Christ lui-même a résumée en ces termes:

«Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée.

Celui-ci est le premier et le grand commandement.

Et le second, semblable à celui-là, est:

Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.» (Matth. XXII, 37 à 40).

La loi de Dieu est pour l'âme, ce que l’air est pour les poumons, c’est-à-dire la vie: «FAIS CELA ET TU VIVRAS,» dit Jésus-Christ. (Luc X, 28; voir encore Rom. X, 5; Gal. III, 12.)

La vie, ici, doit être prise dans son sens absolu et complet; elle embrasse l’homme tout entier, corps et âme.

Sans la chute, Adam aurait toujours vécu, son corps n’eût jamais été sujet à la corruption. L’homme de Dieu a reçu la vie; mais la condition du maintien et du développement de cette vie, c’est qu’il accomplisse la loi, c’est-à-dire la volonté de son Créateur.


IL S’AGIT D’UNE OBÉISSANCE PARFAITE, CONSTANTE,

SANS SOLUTION DE CONTINUITÉ.


Un seul écart, une seule faute, suffit pour rompre l’harmonie, pour arrêter les rapports entre Dieu, source de la vie, et l’homme, sa créature.

«Quiconque, est-il écrit, aura gardé toute la loi, s'il vient à pécher en un seul point, devient coupable de tous. Car Celui qui a dit: Ne commets point d’adultère, a dit aussi: Ne tue point.» (Jacques II, 10, 11.)

Or, qu’est-il arrivé?

L’Écriture sainte nous l’enseigne, l’histoire de l’humanité le prouve, et la conscience de chaque homme l’affirme:


l’homme a violé la loi de son Créateur et il est mort;

«car le salaire du péché, c’est la mort»

(Rom. VI, 23).


Quand nous disons l’homme, nous entendons l’humanité tout entière:

«Car, comme pour un seul homme le péché entra dans le monde, et par le péché la mort, de même aussi la mort parvint sur tous les hommes, parce que tous péchèrent» (Rom. V, 12).

Quelque mystérieuse et inexplicable que puisse nous paraître la doctrine de la solidarité humaine, c’est un fait visible, sensible, contre lequel viendront toujours se briser les attaques d’une «science faussement ainsi nommée.»

L’homme est donc «mort en ses fautes et en ses péchés»; mais LA LOI DE DIEU N’EN SUBSISTE PAS MOINS.


Peut-il se relever; peut-il revenir à cette loi violée et l’accomplir désormais parfaitement?

La réponse n’est pas douteuse: ici encore l’Écriture sainte et l’expérience disent: NON!

En effet, admettons pour un instant la possibilité, pour le pécheur, d’accomplir parfaitement à l’avenir la loi de Dieu:

COMMENT POURRA-T-IL RÉPARER SES FAUTES PASSÉES?

Comment pourra-t-il satisfaire à la justice infinie de ce Dieu, trois fois saint, qu’il a offensé?

Impossible!

D’ailleurs, si le péché a tué l’homme, et si l’homme est mort, il faut d’abord qu’il ressuscite avant d’agir, de faire des œuvres, c’est-à-dire d’accomplir la loi de Dieu.

«Un Éthiopien, dit le prophète Jérémie, peut-il changer sa peau, ou un léopard ses taches? Pourriez-vous aussi faire le bien, vous qui êtes instruits à faire le mal?» (Jér. XIII, 23.)


Le pécheur est un être souillé, impuissant et perdu. Il peut être comparé à un prisonnier qui soupire ardemment après la liberté, mais qui ne peut, par lui-même, briser les chaînes qui le retiennent captif.

La loi de Dieu subsiste donc toujours, mais bien loin de procurer la vie au pécheur, elle n’est placée devant lui maintenant, que pour l’accuser, le condamner et le maudire.

«Et moi je suis mort, dit saint Paul, et le commandement qui m’était donné pour avoir la vie, a été trouvé me donner la mort. Car le péché, prenant occasion du commandement, m’a séduit, et par lui m’a mis à mort.»

De sorte que l’apôtre est forcé de s’écrier: «Misérable que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort?» (Rom. VII, 10-11, 24.)


Ainsi vouloir PAR LA LOI, revenir vers Dieu, c’est-à-dire à la vie, au bonheur, au salut, C’EST SE PLACER SOUS LA MALÉDICTION; car il est écrit: «Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire» (Gal. III, 10).

Et pourtant, malgré les déclarations si nombreuses, si positives de la Parole de Dieu; malgré l’expérience générale, universelle, pourrait-on dire, que d’âmes, non seulement dans le catholicisme (cela ne nous étonne pas), mais dans le protestantisme, dans les églises de multitude, comme dans celles distinctes du monde, que d’âmes, hélas! qui cherchent encore dans la loi, c’est-à-dire par les œuvres, une paix et un salut qu’elles n’ont pas trouvés et n’y trouveront jamais.


Chers lecteurs et chères lectrices, ne vous trouveriez-vous pas encore malheureusement dans ce cas?

Alors, laissez-nous vous crier bien haut avec l’apôtre:


«Ne savez-vous donc pas que nous ne sommes plus sous la loi,

MAIS SOUS LA GRÂCE?» 

(Rom. VI, 14.)


La grâce! mot bien doux et bien précieux pour le malheureux que quelques instants seulement séparent de l’échafaud; mais mot bien plus doux encore et bien plus précieux pour le pauvre pécheur qui échappe à la mort éternelle.

La grâce, dans l’Évangile, signifie LA FAVEUR DE DIEU; et quelle faveur que celle qui étend les immenses richesses de la miséricorde de Dieu sur l'humanité entière! DIEU A TELLEMENT AIMÉ LE MONDE (c’est-à-dire tous les pécheurs), qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle» (Jean III, 16).

Aussi pouvons-nous nous écrier avec saint Jean:

«Voyez quel amour le Père a eu pour nous!» (1 Jean III, 1).

Mais puisque la loi aussi bien que la grâce viennent de Dieu, peut-il donc y avoir réellement opposition entre l’une et l’autre?

En apparence, oui; en réalité, non; «car la loi dit saint Paul, a été notre conducteur pour nous amener à Christ», c’est-à-dire à LA SOURCE MÊME DE LA GRÂCE (Gal. III, 24).


Et d’autre part la grâce nous est donnée

pour que nous puissions accomplir la loi de Dieu.


«Anéantissons-nous donc, dit encore saint Paul, la loi par la foi (c’est-à-dire par la grâce dont la foi nous met en possession)? Non, sans doute, mais, au contraire, nous établissons la loi.» (Rom. III, 31.)

«Ne croyez pas, a dit Jésus-Christ, que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu, non pour les abolir mais pour les accomplir» (Matth. V, 17).

En effet, l’œuvre que Christ est venu accomplir a eu un double but:

nous arracher à la condamnation qui pesait sur nous à cause de nos transgressions de la loi de Dieu,

et en même temps, nous délivrer des liens du péché et nous rendre capables désormais d’accomplir la loi, c’est-à-dire de faire la volonté de Dieu.

«Or, la loi, dit l’apôtre, est intervenue pour que l’offense abondât, mais là où le péché abondait, la grâce a surabondé, afin que, comme le péché a régné par la mort, ainsi la grâce régnât par la justice pour donner la vie éternelle par Jésus-Christ notre Seigneur» (Rom. V, 20, 21).

Il est vrai que, aujourd’hui comme du temps de Paul, les ignorants ou les impies peuvent dire: «Péchons puisque la grâce abonde»; mais nous leur répliquerons encore et toujours avec l’apôtre: «A Dieu ne plaise! car nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché?» (Rom. VI, 2).

Ainsi, en Jésus-Christ, «SOUS LA GRÂCE», nous sommes affranchis, non de l’obligation morale de la loi de Dieu, mais de son autorité et de son influence impérative, c’est-à-dire du commandement.

Nous ne sommes plus «sous la loi», ce qui veut dire qu’elle n’est plus pour nous la condition de notre justification devant Dieu.

Mais nous sommes maintenant «SOUS LA GRÂCE», c’est-à-dire SOUS L’AUTORITÉ ET L’INFLUENCE DE L’AMOUR DIVIN, QUI NOUS PORTE À L’OBÉISSANCE ET À LA SAINTETÉ. 


Avant d’être «sous la grâce», nous ne connaissions que la lettre de la loi de Dieu, mais maintenant nous en connaissons l’esprit; jadis, nous n’entrevoyions que les bords de cette loi, nous en découvrons maintenant toute l’étendue; alors nous l’accomplissions servilement comme des esclaves, MAINTENANT NOUS SERVONS DIEU AVEC AMOUR, DANS UN ESPRIT FILIAL, comme ses chers enfants.

«Et parce que vous êtes fils, dit Saint Paul, Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie: Abba! Père!» (Gal. IV, 6.) En Jésus-Christ donc la loi et la grâce se sont rencontrées et unies;


«LA JUSTICE ET LA PAIX S’EMBRASSENT.»

(Ps LXXXV, 10)


Malheureusement, comme nous l’avons déjà fait remarquer, cette doctrine de la grâce est loin d’être bien comprise par tous les chrétiens: les uns s’arrêtent en deçà et les autres vont au-delà.

L’esprit humain a toujours beaucoup de peine à se maintenir en équilibre, si l’on peut parler ainsi. S’il est des chrétiens qui demeurent «sous la loi», au lieu de se placer simplement et résolument «sous la grâce», il en est d’autres, par contre, qui vont presque jusqu’à supprimer la loi de Dieu, ou tout au moins qui en font bon marché. Tombant dans une fausse spiritualité, et interprétant mal les paroles de Paul (lire sérieusement Rom. VII, 14-25), ils courent le risque de devenir indifférents au péché, sous prétexte que c’est «la chair» qui pèche et non plus eux.

Mais penser ou agir ainsi, c’est oublier cette recommandation de l’apôtre:

«Marchez selon l'Esprit et n’accomplissez pas les désirs de la chair» (Gal. V, 16).

«Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs» (V, 24).


Évitons, frères, ce double écueil: la propre justice des uns et l’antinomie des autres.

Ne séparons pas ce que Dieu a uni: la loi et la grâce.

Ne méprisons pas la grâce de Dieu, en restant «sous la loi»; mais ne méprisons pas la loi de Dieu, en prétextant que nous sommes «sous sa grâce».

Nous avons été rachetés de la malédiction de la loi, non pour vivre selon la chair, mais pour faire la volonté de Dieu.

«Nous sommes l’ouvrage de Dieu, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres pour lesquelles Dieu nous a préparés d’avance, afin que nous les pratiquions» (Eph. II, 10).

N’étant plus sous la loi, mais sous la grâce, «SERVONS DONC DIEU EN NOUVEAUTÉ D’ESPRIT ET NON EN VIEILLESSE DE LETTRE» (Rom. VII, 6).

J.-B. D....

L'écho de la Vérité - Octobre 1881


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