Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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DIEU NOUS ENTEND-IL?


Quand j’étais jeune, j’étais employé dans une pharmacie et je devais souvent me lever la nuit pour préparer des remèdes urgents. Lorsque cette nécessité se renouvelait plusieurs fois dans le cours de la même nuit, j’étais assez mal disposé.

Or, une nuit que je venais de me coucher pour la quatrième fois, après m'être relevé trois fois de suite, j’entendis la sonnette tinter de nouveau au moment où je mettais la tête sur l’oreiller. Je me relevai en maugréant.

C’était un petit garçon qui arrivait en toute hâte avec une ordonnance du médecin pour sa mère gravement malade. Je lui préparai ses gouttes, je le renvoyai assez brusquement comme je l’avais reçu, et je me remis au lit.

Mais voici qu’en repensant à ce que je venais de faire, je m’aperçois que dans ma distraction causée par ma somnolence et ma mauvaise humeur, je m’étais trompé de fiole et que j’avais remis à l’enfant une drogue qui devait être pour sa mère un poison mortel. Au reste, le jeune garçon avait pris le large, et je n'aurais pas su quel chemin prendre pour le retrouver.

Tout frais émoulu de mes études scientifiques, je ne croyais guère alors à la possibilité d’une intervention directe du Créateur dans le cours naturel des choses. Et pourtant je ne pus m’empêcher de me jeter à genoux et de m’écrier:

«Ô Dieu, s’il était possible que tu fisses un miracle pour préserver cette pauvre femme de la mort, et pour me préserver moi-même de l'affreux malheur d’avoir causé par ma négligence la mort d’un de mes semblables.»


Je priais encore, dans l’angoisse de mon âme, quand, tout à coup, la sonnette retentit pour la cinquième fois. J’allai ouvrir, et que vis-je?

Mon jeune garçon de tout à l’heure, pleurant à chaudes larmes et tremblant de tous ses membres.

«Monsieur, me dit-il d’une voix entrecoupée par les sanglots, monsieur, pardonnez-moi, je vous en supplie, si je vous dérange encore une fois. Mais, en prenant un sentier de traverse, je suis tombé dans l’obscurité, et ma bouteille s’est cassée, et la médecine s’est répandue par terre. Oh! je vous en prie, refaites-moi ce remède pour empêcher ma mère de mourir!»

Ce fut à mon tour de me mettre à pleurer, puis à embrasser sur les deux joues ce pauvre enfant qui ne comprenait rien à la vivacité de mes démonstrations, ni aux revirements de mon humeur. Je lui refis son remède, cette fois sans me tromper, et je le renvoyai en paix.

Depuis lors, je n’ai jamais douté que Dieu n’entende nos prières et qu’il ne puisse y répondre.

S. R.

La pioche et la truelle N° 8 (1891?)


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