Cette troisième fois, je viens à vous. Sur la bouche de deux ou trois témoins, toute affaire sera établie. Bien qu'absent maintenant, j'ai dit et je redis d'avance, comme présent pour la seconde fois, à ceux qui ont péché auparavant et à tous les' autres que, lorsque je reviendrai, je n'épargnerai pas, puisque vous cherchez une preuve du Christ parlant en moi. Pour lui, il n'est pas faible à votre égard, mais puissant en vous; car il a été crucifié, du fait de la faiblesse, mais il vit de par la puissance de Dieu. Pour nous, en effet, nous sommes faibles avec lui, mais nous vivrons avec lui de par la puissance de Dieu. Eprouvez-vous vous-mêmes [pour savoir] si vous êtes dans la foi; examinez-vous vous-mêmes. Ou bien ne vous connaissez-vous pas assez vous-mêmes [pour savoir] que Jésus-Christ est en vous? N'êtes-vous pas encore au titre ? J'espère que vous savez que pour nous, nous ne sommes pas hors du titre. Mais nous prions Dieu que vous ne fassiez aucun mal, non afin que nous nous montrions éprouvés, mais afin que vous fassiez le bien et que nous, nous soyons comme non éprouvés. Car nous ne pouvons rien contre la vérité, [nous ne pouvons] que pour la vérité. Nous nous réjouissons en effet lorsque nous sommes faibles et vous puissants, et notre présence a pour objet votre redressement. Voilà pourquoi, en mon absence, je vous écris ces choses, afin qu'étant présent je n'aie pas à user de rigueur, selon le pouvoir que le Seigneur m'a donné, pour édification et non pour destruction. Au surplus, frères, réjouissez-vous, soyez redressés et consolés, ayez les mêmes pensées, soyez en paix, et le Dieu de l'amour et de la paix sera avec vous. Saluez-vous les uns les autres en un saint baiser. Tous les saints vous saluent Que
la grâce
du Seigneur Jésus, et l'amour de Dieu, et la
communion du Saint-Esprit soient avec vous tous!
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Paul est arrivé au terme de son apologie. En concluant son épître, il reprend toute son autorité et tous ses droits d'apôtre. Il avertit, il menace même; il proteste qu'il n'épargnera plus les coupables, puisqu'on voudrait faire de ses ménagements un prétexte à persévérer dans la rébellion.... Pourtant, ce sera encore par des voeux, par des prières et par des promesses qu'il mettra le point final à cette lettre brûlante d'affection, dans laquelle il achève de se donner tout entier.
Le voilà prêt à repartir pour Corinthe. Ce n'est pas la première fois, c'est la troisième. Les projets d'un apôtre ne sont pas, mieux que ceux d'un de nous, certains de l'exécution. Il semble bien, cependant, que dans le cas présent le départ ne se retardera plus. Le pasteur en avertit son troupeau, donnant ainsi aux perturbateurs et aux opiniâtres un délai suprême pour venir à résipiscence. Car une fois sur les lieux, il usera très certainement des pouvoirs qu'il tient du Seigneur. Non pas qu'en agissant ainsi il entende en aucune façon se faire valoir; il veut arracher, s'il est encore temps, à des influences pernicieuses des âmes auxquelles il donne sa propre vie. Il leur faut maintenant une main ferme autant que bienveillante, afin de les sauver d'elles-mêmes et de leurs ennemis; temporiser équivaudrait à les perdre.
Examinez-vous donc, leur écrit-il. Il en est encore temps; bientôt ce sera trop tard. Mettez-vous vous-mêmes à l'épreuve, au lieu de contraindre le Seigneur à vous y faire passer, car son épreuve à lui, après vos longues résistances, ne pourrait être qu'un châtiment. Etes-vous déjà dans la foi? Possédez-vous dans votre conscience le témoignage de l'Esprit, affirmant que vous appartenez à Christ? Que Dieu en soit loué! je n'ai, pour ma part, qu'un voeu, qu'une prière : c'est que vous fassiez le bien. je voudrais tant ne trouver chez vous que des sujets de joie, dussé-je vous paraître, moi, plus faible et moins glorieux que jamais. Pourvu que vous soyez forts contre le mal, je ne demande pas autre chose, et je n'éprouve aucun besoin d'user de sévérité.
Si pressantes néanmoins que soient ces exhortations, l'apôtre entend laisser ses chers Corinthiens sur une impression plus décisive; mieux encore : en face d'une personne et non pas seulement d'un appel. Des conseils, des avertissements, il en a rempli sa lettre. En attendant de revoir ses convertis, il les placera directement en la présence du Christ. Regardez son dernier mouvement; écoutez son adieu; tout se concentre en Jésus.
Vous cherchez, leur dit-il (verset troisième), une démonstration valable que c'est bien le Christ qui parle par moi. je vous réponds en m'adressant à votre expérience. Voyons : ce Christ que je ne cesse pas de vous prêcher, n'est-il donc pas puissant en vous? Il a été crucifié, il est mort, parce qu'il s'était rendu participant de l'infirmité humaine. Mais il vit depuis lors, du fait même de la puissance de Dieu dont il a été pénétré et qui fait partie de son essence. Pour nous, dès lors, dans la mesure où nous nous unissons à lui, nous participons à la même puissance. Nous vivons avec lui, nous vivons en lui. Examinez bien. Vous ne pouvez pas vous empêcher de reconnaître que notre prétention est justifiée, et que Christ est en nous. Osez dire le contraire!
Oui, le Christ partout; le Christ toujours vivant dans la personne du croyant et devenant ainsi la source de la vie, voilà l'expérience de l'apôtre. C'est également celle qu'il souhaite aux Corinthiens. Essayons de nous rendre compte de ce que ces pensées représentent.
I. Rayonnement du Christ.
Les sciences physico-chimiques se préoccupent depuis plusieurs années d'une découverte qui semble en voie de révolutionner le champ de leurs expériences. Elles ont trouvé dans leurs laboratoires un corps doué de propriétés qu'on ne soupçonnait point jusqu'alors, mais qui produit une série presque indéfinie d'émerveillements. Très difficile d'ailleurs à isoler, il contribue encore, par sa rareté, par sa cherté invraisemblable, à augmenter le mystère et le prestige qui l'entourent.
C'est le radium. Ce nom seul, d'ailleurs heureusement appliqué, indique un corps dont l'essence même est de rayonner toujours, un corps qui ne peut, sans cesser d'être, cesser de rayonner. Réduit à des dimensions infiniment petites, perdu ou comme noyé dans des sels qui empêchent de le voir, il n'en exerce pas moins autour de lui une action d'une extraordinaire puissance.
On en parle et sans doute on en parlera beaucoup encore; on est loin, probablement, d'en connaître dès à présent toutes les propriétés. Permettez-moi de vous en signaler quelques-unes seulement; je les emprunte à la Revue générale des sciences pures et appliquées (1) cahier du 15 janvier 1904, p. 19 et suivantes.
Le radium, disons-nous, rayonne. Il peut vous prendre le désir d'arrêter au passage ses rayons. Vous placez sur leur chemin un écran. Ils le traverseront. On constatera leur effet à travers une épaisseur de plomb de cinq ou six centimètres.
Mais si, au lieu de prétendre les retenir, vous les laissez agir librement sur d'autres corps, vous constaterez bien vite qu'ils en illuminent plusieurs en les rendant phosphorescents. Et cela durera longtemps, longtemps. Des sels de radium possèdent une luminosité qui peut continuer année après année avant de s'éteindre. « Lord Ramsay, écrit M. le professeur J.-B. Abelous, de l'Université de Toulouse; a calculé qu'il faudrait 1450 années pour qu'un gramme de radium se détruisit en émettant constamment de la lumière et de la chaleur (2). »
Les effets lumineux ne sont pas les seuls que le radium produit. Il est la source d'effets chimiques considérables. Il détruit, à la longue, toujours par rayonnement, les facultés germinatives de certaines graines. Il attaque la peau du corps humain et forme une plaie, qui peut n'apparaître que bien des semaines après l'exposition à ces rayons pendant quelques minutes seulement. Et, comme vous le pensez, on a tâché d'employer cette force dans un sens curatif, pour la guérison des lupus et même du cancer ; quelques résultats favorables ont été déjà obtenus.
Ainsi cette substance étrange paraît en mesure de distribuer sa force dans tous les sens et pendant un temps fort long, sans qu'elle diminue elle-même d'une façon appréciable. Elle produit partout de l'énergie, sans en recevoir de l'extérieur. Il n'y a pas besoin de la mettre en mouvement pour qu'elle agisse : son essence est d'agir. Et dans un poids presque insensible de cette matière, il y a suffisamment de force cachée pour développer des phénomènes tellement invraisemblables que j'hésite à les mentionner ici.
Vous dirai-je, en revanche, ce qui m'étonne au moins autant que ces faits ? C'est la façon dont la science les accepte. Elle les enregistre purement et simplement. Elle ne les conteste pas; elle ne crie pas à l'impossible; elle ne signale aucun renversement des lois de la nature. Ce dont elle eût fortement douté il y a un demi-siècle ou moins encore, elle l'affirme à l'heure actuelle sans hésitation. En quoi, certes, je ne songe point à la blâmer. Qu'on lui objecte ou non que ce sont des miracles elle ne s'en tourmente ni ne s'en offusque. L'expérience est là, les résultats sont patents; il faudrait être aveugle ou entêté pour les nier. Nous les classons à leur rang.
La science a raison. Nous lui demandons maintenant en tout respect de quel droit elle nierait ou déclarerait faux des faits très analogues et non moins bien constatés dans le domaine spirituel, - faits prouvés, répétés, reproduits des milliers et des millions de fois, bien avant que le radium eût été découvert ?
Car enfin, n'est-ce pas ? il s'est rencontré dans l'histoire, il y a bientôt deux mille ans, un être vivant, un homme duquel rayonnent dans tous les sens la lumière et la chaleur, sans que lui-même ait jamais perdu quoi que ce soit de sa puissance propre, de son énergie naturelle et de sa vie. Un être devant lequel des forces ennemies ont entassé, non pas des écrans, certes, le mot est bien trop faible, mais les obstacles les plus formidables, les murs les plus épais et les plus infranchissables. Et voici, les murailles ont été franchies, les obstacles ont été percés, et les rayons ont passé, ils passent encore, toujours aussi brillants. Que de fois, se posant sur des grains d'ivraie semés à pleines mains par un ennemi, ils leur ont enlevé leur faculté germinative, empêchant ainsi la moisson d'être irrémédiablement compromise! Que de fois, brûlant des membranes dangereuses, ils ont guéri des malades au moment où les abcès du péché étaient en train de tuer leur âme ! Voyez encore : cet être duquel jaillit incessamment la vie ne la reçoit point de l'extérieur, il la possède en lui-même grâce à l'union la plus étroite avec un autre Etre au sujet duquel il dit: « Moi et mon Père, nous sommes un. »
Les matérialistes devront en prendre leur parti, puisque nous sommes ici dans le domaine des faits, et que les expliquer par la théorie des hallucinations, c'est s'avouer battu. Une hallucination ne dure pas dix-neuf siècles en s'étendant successivement à toutes les contrées du globe. Dès lors, que les croyants se réjouissent. Qu'ils ne se laissent pas enlever cette « démonstration d'esprit et de puissance. » Qu'ils cessent de parler d'impossible, quand ils lisent dans l'Evangile ou qu'ils retrouvent dans l'histoire les effets prodigieux accomplis par ces rayons tout spirituels. En vérité, il serait plus naturel de croire à des rêveries à propos des propriétés du radium, qu'à propos des dix-neuf cents ans de christianisme bientôt écoulés.
Pour nous, arrivés au terme de notre Epître, nous ne saurions le répéter assez haut. Nous y avons rencontré de la première page à la dernière les rayons du Christ. C'est bien Jésus qui parlait en Paul, parce que Paul avait le droit de dire : « je vis, non plus moi-même, mais le Christ vit en moi. » C'est ce même Jésus qu'il présente et qu'il laisse aux Corinthiens, après le leur avoir fait connaître comme celui qui s'est appauvri afin de les rendre riches. Ce sont les rayons du Christ que que nous avons surpris partout, et que nous avons vu resplendir tour à tour sur l'indignation de l'apôtre et sur son humilité. Ne vous ont-ils pas éblouis, ou peu s'en fallait, - dans cet élan admirable où le missionnaire vous faisait monter avec lui « de gloire en gloire, » vous transformant peu à peu jusqu'à l'image même de Celui que Moïse contempla par la foi, durant les quarante jours passés sur le Sinaï. Et n'étaient-ce pas ces rayons encore, dans toute leur fraîcheur comme dans tout leur éclat, qui prenaient un jour l'apôtre, au début de ses missions, l'emportaient dans le troisième ciel, puis sur les hauteurs du paradis, inondaient tous ses sens, lui laissaient le souvenir de scènes ineffables, puis le reprenaient sur la terre au moment où il y redescendait, le baignaient de leurs effluves célestes à l'heure où l'épreuve menaçait de dépasser ses forces, transformaient en un don de Dieu l'écharde douloureuse implantée dans sa chair, et les terribles soufflets dont l'ange de Satan s'efforçait de l'accabler.
2. Grâce du Christ.
Mes chers lecteurs, connaissez-vous quelque chose de ce rayonnement? Votre âme y est-elle restée suffisamment exposée pour la destruction de tout principe morbide, et pour la production assurée de forces vitales? En avez-vous été éclairés et réchauffés ? Et pour reprendre les paroles de notre apôtre, pouvez-vous comme lui déclarer que Jésus-Christ n'est point faible en arrivant à vous, mais qu'il est puissant au contraire au-dedans de vous ? (v. 3.) Examinez-vous, éprouvez-vous vous-mêmes; il n'y a vraiment pas de tâche plus pressée ni plus nécessaire. Etes-vous dans la foi ? Si vous n'êtes à l'heure actuelle qu'aux abords, à l'entrée de la foi, vous ne pouvez pas ne pas être exposés, - au moins, dirai-je, par une partie de votre individu, - aux rayons que le Prince de la vie ne cesse pas d'envoyer jusqu'à vous. N'objectez pas que vous n'êtes ni missionnaires ni prophètes: les rayons du radium n'effleurent pas seulement quelque surface de choix en refusant de se poser sur d'autres. Ils se lancent partout, abordent tous les écrans. De même, ceux que projette notre Seigneur Jésus-Christ ne sont point exclusivement destinés à des êtres exceptionnels qui auraient tracé dans notre monde les plus profonds sillons. Ils rencontrent un Martin Luther dans sa cellule du couvent des Augustins, et ils font de lui un réformateur. Sans doute; mais ils rencontrent aussi, et sans être en rien affaiblis, un William Carrey exerçant silencieusement son métier de cordonnier, et ils font de lui le premier pionnier des missions anglaises chez les peuples non chrétiens.
Parmi vous, mes chers lecteurs, un humble ouvrier, une soeur modeste et qui travaille en silence, un évangéliste sans profonde instruction, un père de famille jaloux du salut de ses enfants, un étudiant avide d'une science qui dépasse les horizons terrestres, une diaconesse qui préfère aux marches d'un trône une salle d'hôpital, tous ceux-là et bien d'autres encore, mis en présence du Christ, reçoivent de lui chaque jour, à chaque heure, les rayons de sa gloire qui transforment en puissance leur faiblesse. Et Paul aurait le droit de leur écrire comme aux Corinthiens: « Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous? »
Rayons de gloire, disons-nous. Il faut ajouter rayons de grâce. C'est ceux-là surtout que l'apôtre met en évidence en terminant sa lettre, se rappelant sans doute la déclaration de l'Eternel à Moïse: « Ma gloire, c'est ma bonté (3). » Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous! écrit-il. Avec elle viendront et l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit.
La grâce. Prenons ce mot dans toute l'étendue et la richesse de sa signification, car c'est bien le plus énergique et le plus doux des rayons qui émanent de notre Seigneur. Grâce qui pardonne, d'abord. Grâce descendue du ciel jusqu'à nous, lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés; miséricorde qui n'a pas tranquillement attendu nos cris d'angoisse, mais qui les a même prévenus, qui nous a cherchés et trouvés dans notre misère et qui a revêtu de la robe de fête de pauvres enfants prodigues. Grâce qui réjouit, ensuite, et qui, - pourquoi donc n'y pas songer? - rend aimables, gracieux, - j'allais dire charmants, - ceux qui sont restés quelque temps exposés à l'influence de ce rayon. Prenez, mes amis, cette grâce et gardez-la précieusement. Démentez par votre vie entière l'odieuse réputation faite à l'Evangile dans le monde, où les esprits légers l'accusent d'assombrir l'existence et de rendre les chrétiens plus ou moins insupportables. Puis, réchauffés, éclairés par ces rayons, devenez à votre tour des centres de chaleur et de lumière, dans le milieu où Dieu vous a placés. Ne croyez pas qu'il suffise de changer de ville ou de pays pour recevoir les rayons de la grâce. Non; c'est la position qui doit changer. Il faut se mettre à genoux, ou prendre la posture et l'humilité du péager de la parabole. Alors, même s'il reste quelque écran, - et il en reste presque toujours, - il sera traversé; le rayon vous atteindra. Aussitôt, comme un miroir fidèle, - si vous aimez mieux, comme un radium spirituel soudainement développé, - vous rayonnerez à votre tour. Dans votre famille, dans votre atelier, à votre comptoir, sur les bancs du collège ou de l'université, tout autour de vous se multiplieront les centres lumineux, et cette lumière réjouira vos yeux et vos coeurs pour l'éternité.
« Le Dieu de toute consolation nous console dans toutes nos afflictions. » Ainsi commençait notre épître. « Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous ! » Ainsi nous la terminons. L'affirmation et la prière se rejoignent, et nous attendons fermement l'exaucement; en vérité la grâce du Seigneur Jésus nous accompagnera de ses rayons immortels!
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