LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
CHAPITRE
XIV
L'occident
(1790-1890)
Thomas Campbell. - «
Déclaration et Adresse ». - Alexandre Campbell. -
Église à Brush Run. - Baptisme. - Sermon sur la Loi. -
Les méthodistes républicaine prennent le nom de
«chrétiens» - Les baptistes prennent le nom de
«chrétiens». - Barton Warren Stone. -
Étranges scènes de réveil. - Le Conseil
presbytéral de Springfield formé et dissous. -
L'Église de Cane Ridge. - Association chrétienne. - Les
réformés se séparent des baptistes. - Union de
l'Association chrétienne et des réformés. -
Nature de la conversion. - Walter Scott. - Baptême pour la
rémission des péchés. - Témoignage
d'Isaac Errett.
1. Thomas et Alexandre
Campbell
En 1807, un pasteur d'une des
branches scissionnaires de l'Église presbytérienne,
Thomas Campbell, quitta son foyer au nord de l'Irlande, pour des
raisons de santé, et se rendit en Amérique
(106). Il fut bien reçu par le
Synode, qui était alors en session à Philadelphie, et
envoyé en Pensylvanie occidentale, où il se fit
apprécier par ses dons remarquables et son caractère
spirituel. Quelques-uns, cependant, doutèrent de sa
loyauté vis-à-vis du «Témoignage de la
Scission» en l'entendant enseigner que les Écritures sont
suffisantes comme vraie base de la foi et de la vie, et
déplorer l'esprit de parti prédominant dans les
églises.
Étant en visite dans un
district pauvrement peuplé des montagnes de l'Alleghany, il
admit à la Ste-Cène des croyants qui, tout en
étant presbytériens, n'appartenaient pas à ce
groupement spécial. Il fut censuré pour cette action
et, lorsqu'il essaya de démontrer qu'il avait agi selon
l'enseignement de l'Écriture, il fut traité avec un tel
esprit d'hostilité qu'il décida de quitter le corps des
«scissionnaires».
Beaucoup de chrétiens de
diverses dénominations continuèrent à Jouir de
son ministère, car ils étaient mécontents de
l'état de divisions religieuses qui régnait, et
sympathisaient avec son enseignement. Campbell prêchait que
l'union des chrétiens pouvait s'obtenir par un retour à
la Bible, et qu'une meilleure compréhension de la
différence entre foi et opinion produirait un esprit de
tolérance qui mettrait un frein aux divisions.
En 1809, dans une maison entre
Mount-Pleasant et Washington, se tint une réunion où
les participants conférèrent sur les meilleurs moyens
d'appliquer les principes de Campbell. Il y parla du tort que
causaient les divisions et montra qu'elles n'étaient pas
inévitables, puisque Dieu avait donné dans sa Parole un
modèle et un guide s'adaptant aux besoins des églises
de tous les temps. C'est l'élaboration de théories et
de systèmes religieux en dehors des Écritures qui
provoquent les luttes et les dissensions. Ce ne sera donc qu'en
retournant aux enseignements de la Parole de Dieu que l'unité
vraie sera retrouvée. Comme règle directrice il proposa
aux assistants: «de parler là où les
Écritures parlent et de garder le silence là où
elles gardent le silence». Un presbytérien objecta alors:
«Si nous adoptons cette base, il ne peut plus être
question de baptiser les enfants», à quoi Thomas Campbell
répondit: «Si ce mode de baptême ne se trouve pas
dans l'Écriture, nous ne sautions le pratiquer.» Un
autre, ému jusqu'aux larmes, se leva en s'écriant:
«J'espère ne jamais voir le jour où mon coeur
reniera cette parole bénie: «Laissez venir à moi
les petits enfants, et ne les en empêchez pas, car le royaume
de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent.» Un frère
indépendant en vue répartit: «Dans la portion de
l'Écriture que vous venez de citer, il n'y a aucune
référence au baptême des petits
enfants.»
Malgré l'évidence
bien nette de leur divergence d'opinions, la plupart des assistants
s'unirent pour former l'«Association chrétienne de
Washington», et ils désignèrent Thomas Campbell
pour préparer un exposé de leurs principes. Cette
décision prise à l'unanimité revêtit la
forme d'une «Déclaration et Adresse» par laquelle
ils exprimaient leur conviction que puisqu'aucun homme ne peut
être jugé par son frère, aucun homme ne peut donc
juger son frère; chacun doit juger pour lui-même et
rendre compte de lui-même à Dieu. Tout homme est tenu
d'obéir à la Parole de Dieu, mais non point à
une interprétation humaine du texte biblique. Fatigués
des luttes de parti, ces frères désiraient prendre et
recommander des mesures propres à procurer du repos aux
églises. Désespérant d'arriver à ce repos
en laissant subsister l'esprit de parti et le choc continuel des
opinions humaines, ils ne voyaient l'apaisement qu'en Christ et dans
sa Parole immuable. Retournons donc, écrivaient-ils, au
modèle original et que la Parole de Dieu soit notre norme. Ils
n'avaient pas l'intention de fonder une église, mais
simplement une société pour l'avancement de
l'unité chrétienne et pour «une pure
réformation évangélique par la simple
prédication de l'Evangile et par l'administration de ce qui
est ordonné, en se conformant exactement au modèle
divin. »
Lorsqu'il s'était rendu
en Amérique, Thomas Campbell avait laissé
derrière lui sa famille, qui devait le suivre plus tard. Sa
femme était d'origine huguenote et leur fils, Alexandre, se
préparait au ministère de l'Église
presbytérienne scissionnaire. Mais, à Glasgow,
Alexandre Campbell vint en contact avec l'enseignement et l'oeuvre
des frères Haldane. Ceci l'amena à douter que le
gouvernement des églises par les synodes fût
scripturaire, et à accepter le système
congrégationaliste comme étant conforme à
l'enseignement et à la pratique apostoliques. Cependant, son
attachement à l'église scissionnaire et le désir
de respecter les voeux de son père lui firent garder le
silence sur sa nouvelle attitude; mais, de coeur, il était
séparé du système presbytérien. Quand
vint le moment de la communion semestrielle des scissionnaires,
quoiqu'il eût passé l'examen requis et reçu
l'autorisation de participer à la Ste-Cène avec un
grand nombre d'autres communiants, il s'abstint de cet acte, ne
voulant pas paraître approuver un système qu'il
rejetait.
Lorsque vint le temps pour la
famille de Thomas Campbell de traverser l'océan, Alexandre dut
s'occuper de sa mère et des plus jeunes enfants.
Arrivés à New-York, ils se dirigèrent vers
l'intérieur en char, s'arrêtant dans les vastes et
commodes auberges le long de la route. Sachant qu'ils approchaient,
Thomas Campbell vint à cheval de Washington à leur
rencontre. Ils voyagèrent alors ensemble, se racontant les uns
aux autres ce qui s'était passé durant leur
séparation.
Il n'y avait pas eu
échange de confidences entre Thomas Campbell et son fils au
sujet de leur séparation d'avec l'église scissionnaire.
Chacun de son côté était donc anxieux de savoir
comment la nouvelle serait reçue par l'autre. Quand ils
apprirent comment, et l'un et l'autre, séparément et
par d'autres voies, en était venu à la même
conclusion, ils furent encouragés et remplis de gratitude
envers Dieu pour ses directions manifestes. Quand Alexandre vit la
Déclaration écrite par son père et apprit les
principes selon lesquels il agissait, il constata qu'ils exprimaient
les convictions auxquelles il était lui-même parvenu.
Aussi résolut-il de se consacrer à cette grande cause:
ramener l'unité de l'Église par un retour aux
Écritures.
Craignant que l'Association
chrétienne ne se développât en un nouveau parti,
ou ne devînt une nouvelle église, Thomas Campbell
s'adressa aux presbytériens dans l'espoir qu'ils accorderaient
aux membres de l'Association de partager avec eux les
privilèges de la communion chrétienne et pastorale.
Lors du synode de Pittsburg, en octobre 1810, Campbell
présenta donc sa requête, expliquant en même temps
les principes de l'Association. Il demandait si le synode
consentirait à une Union chrétienne sur des principes
chrétiens. Cette demande fut repoussée et
l'activité de l'Association fut sévèrement
condamnée. Alexandre Campbell en profita pour donner une
explication plus complète et pour défendre les buts de
l'Association. Il voyait nettement que se joindre à un autre
parti serait contraire au principe du retour aux
Écritures.
En 1811, Alexandre Campbell se
maria et se joignit à son beau-père dans l'exploitation
d'une ferme prospère. Thomas Campbell quitta aussi Washington
pour prendre une ferme près du village de Mount-Pleasant.
Cette entreprise fut plutôt entre les mains de voisins
obligeants, car lui-même passait son temps à visiter et
à prêcher. Toutefois son fils était si capable et
énergique qu'il put continuer à entretenir sa famille
du produit de sa ferme, sans abandonner ses travaux
spirituels.
L'hostilité de tous les
milieux religieux contre l'Association chrétienne convainquit
enfin les membres de cette dernière, qu'à moins de
former une congrégation de croyants, ou église du N.
Testament, ils ne pourraient ni jouir des avantages d'une
église, ni en accomplir les tâches. Incapables de
transformer les églises existantes, ils espéraient que
l'exemple d'une église en dehors de tous partis et appliquant
les principes du N. Testament mettrait plus effectivement en relief
la vérité de l'unité obtenue par un retour aux
Écritures.
En 1811, cette église
fut solennellement fondée à Brush. Run. Un ancien, un
évangéliste et des diacres furent élus. La
Ste-Cène fut distribuée chaque premier jour de la
semaine. L'église se composait d'une trentaine de membres.
Rejetant toute prétention à la succession apostolique,
ils constatèrent que, dans toute église du N.
Testament, il y avait plusieurs anciens (ou évêques ou
surveillants) et des diacres (ou serviteurs) pour
l'édification de l'église, ainsi que des
évangélistes envoyés dans le monde pour y
prêcher la vérité. La forme de la
consécration n'était pas regardée comme
conférant une autorité, mais plutôt comme le
témoignage que ceux qui étaient consacrés la
possédaient déjà. Il n'y avait aucune
distinction entre clergé et laïques. La question du
baptême avait été écartée. Thomas
et Alexandre Campbell pensaient tous deux que le baptême des
enfants était si bien établi qu'il fallait le laisser
subsister. Pourquoi ceux qui appartenaient à l'église
en sortiraient-ils «simplement dans le but d'y rentrer par la
voie régulière et instituée?» Les croyants
qui le désiraient étaient baptisés par
immersion. Mais la naissance du premier enfant d'Alexandre Cambell
amena une solution pratique de cette question, lorsque le père
se mit à étudier soigneusement les Écritures
à cet égard. Il dut conclure que le N. Testament ne
parlait que du baptême par immersion des croyants, que
c'était un commandement du Seigneur observé par les
apôtres et de telle importance qu'on ne pouvait le mettre de
côté.
Dans une eau profonde de
Buffalo-Creek, où plusieurs membres de l'église de
Brush-Run avaient déjà été
baptisés, Alexandre Campbell et sa femme, son père, sa
mère, sa soeur et deux autres personnes furent baptisés
(1812).
Tandis que cet acte accroissait
encore l'animosité de la plupart des dénominations
religieuses, il fit plaisir aux baptistes, qui proposèrent
à l'église de Brush-Run de s'unir à eux. Les
baptistes de ce district avaient formé une union
d'églises appelée «Redstone». Malgré
leur principe de congrégations indépendantes,
l'activité des églises associées était
strictement surveillée par les pasteurs baptistes. Or ces
derniers avaient une si grande influence que l'église de
Brush» Run craignait pour son. Indépendance en s'unissant
étroitement à ces frères. Et puis, l'Union
baptiste avait adopté une confession de foi - formulée
en 1747 par l'Association baptiste de Philadelphie - qui contenait
des théories inadmissibles pour l'église de Brush-Run.
Cependant ces baptistes étaient des gens pieux, qui aimaient
la Parole, et ils insistaient pour qu'Alexandre Campbell vint
travailler parmi eux. Après réflexion, l'église
de Brush-Run envoya à l'Union de Redstone un exposé
détaillé de leur position, «de leur opposition
à tous les credos humains comme liens de communion ou d'union
entre églises chrétiennes». Elle exprimait son
désir de travailler avec les baptistes si elle pouvait garder
la liberté d'enseigner et de prêcher tout ce quelle
apprenait des Stes-Ecritures. Cette proposition fut acceptée
par une majorité; mais la minorité fit une assez vive
opposition.
Cette opposition s'affirma plus
nettement lors d'une réunion de l'Association à
Cross-Creek (1816), où Alexandre Campbell prêcha un
«sermon sur la loi». Il montra clairement la
différence entre les deux dispensations et déclara que
nous ne sommes plus sous la loi, mais soumis à Christ, qui
«est la fin de la loi, pour la justification de tous ceux qui
croient». Il montra que beaucoup des pratiques de la
chrétienté sont dérivées de I'A.
Testament, précurseur du N. Testament et par lequel il a
été remplacé. C'est dans ce dernier que se
trouve l'Evangile et l'enseignement pour notre dispensation. Ces
paroles étaient si contraires à une partie de la
doctrine ayant cours chez les baptistes qu'un certain nombre de
chaires furent dès lors refusées à Alexandre
Campbell.
2. Barton Warren
Stone
Au début du
dix-neuvième siècle, plusieurs mouvements spirituels
furent provoqués par un désir de se libérer des
systèmes théologiques et des formes traditionnelles qui
avaient si longtemps régné, ainsi que par la
persuasion, qu'en revenant aux Écritures, on
découvrirait qu'elles contiennent tout ce qu'il faut pour la
foi et pour la marche. qu'il s'agisse d'individus ou
d'églises.
Un de ces mouvements se
développa parmi les méthodistes. Par l'Acte
d'indépendance américain, ils avaient été
libérés de tout contrôle venant de
l'étranger et lorsqu'ils examinèrent la question du
gouvernement de l'Église, la plupart se
décidèrent en faveur du système
épiscopal. D'autres préférèrent le
système congrégationaliste et désirèrent
que leurs églises se conformassent au modèle du N.
Testament. Cette minorité, ne pouvant obtenir satisfaction, se
sépara (1793) de la majorité. James O'Kelly et d'autres
prédicateurs de la Caroline du Nord et de la Virginie
entreprirent la formation de ces églises, qui prirent d'abord
le nom de Méthodistes républicains, mais
l'abandonnèrent bientôt pour celui de Chrétiens
tout court. Ils ne reconnaissaient pour l'Église aucun autre
chef que Christ, ne formulaient ni credo, ni organisation, mais
acceptaient les Écritures comme leur seul guide.
Peu après, un mouvement
similaire se déclara parmi les baptistes. Un docteur, Abner
Jones et un prédicateur baptiste, Elias Smith,
fondèrent, dans les États de l'Est, des églises
qui avaient pour base de réception des membres la foi et une
marche pieuse, et non l'appartenance à quelque secte
particulière (depuis 1800). D'autres prédicateurs
baptistes se joignirent à ces églises, d'où
sortirent des hommes doués qui portèrent l'Evangile au
loin. Tous ceux-ci prirent le nom de «Chrétiens» et
acceptaient les Écritures comme leur seul guide, tout
suffisant.
A Cane Ridge, Kentucky, dans la
dernière décade du dix-huitième siècle,
les premiers colons presbytériens élevèrent un
bâtiment en bois comme local de réunion. En 1801, leur
pasteur était Barton Warren Stone (107) (1772-1844).
Il raconte ainsi sa propre
expérience: «Vers cette époque, mon esprit
était continuellement ballotté par les vagues de la
théologie spéculative, le sujet le plus absorbant
retenant alors l'attention des communautés religieuses... A
cette époque, je croyais et enseignais que l'humanité
était tellement corrompue qu'elle ne pouvait rien faire
d'agréable à Dieu, jusqu'à ce que l'Esprit, par
quelque force physique toute-puissante et mystérieuse,
eût vivifié, éclairé et
régénéré le coeur, préparant ainsi
le pécheur à croire en Jésus pour être
sauvé. je voyais aussi clairement que si Dieu n'accomplissait
pas pour tous cette oeuvre régénératrice, cela
devait être parce qu'il Lui plaisait de le faire pour les uns
et non pour les autres, et que cela dépendait de sa souveraine
volonté et de son bon plaisir... Cette doctrine est
inséparablement liée à la réprobation
sans condition... Les deux ne sont au fond qu'une; c'est pourquoi,
ayant admis la doctrine de la totale dépravation, j'admettais
aussi les décrets de l'élection et de la
réprobation. Ils sont inséparables.
Souvent, quand je cherchais
à persuader les perdus de se repentir et de croire à
l'Evangile, mon zèle se refroidissait soudain à la
pensée de cette contradiction. Comment pourraient-ils croire?
Ou se repentir? Comment feraient-ils l'impossible? Pourquoi
seraient-ils coupables de ne pas faire l'impossible?... Un certain
soir, tandis que je priais dans le secret et lisais ma Bible, mon
esprit fut spécialement rempli de paix et de réconfort.
je ne me rappelle pas avoir jamais éprouvé tant
d'ardent amour et de tendresse pour toute l'humanité, ni un si
grand désir de la voir sauvée... je passai plusieurs
jours et nuits à prier presque continuellement pour un monde
perdu... J'exprimai mes sentiments à une personne pieuse et
lui dis un peu étourdiment: «Mon amour pour les
pécheurs est si grand que, si je le pouvais, je voudrais tous
les sauver». Cette personne parut horrifiée et me
demanda: «Les aimez. vous donc plus que Dieu? Alors, pourquoi ne
les sauve-t-Il pas? Il est certainement tout puissant.» je
rougis de confusion et gardai le silence; puis je me retirai dans les
bois silencieux pour y prier et y méditer.
Je me demandais. Dieu aime-t-Il
le monde - le monde entier? Si oui, tous doivent être
sauvés, car qui saurait résister à sa
puissance?.... J'étais fermement convaincu que, selon
l'Écriture, tous n'étaient pas sauvés. Il n'y
avait alors qu'une conclusion: Dieu n'aimait pas tous les hommes;
donc, l'esprit qui était en moi et me poussait à aimer
si ardemment le monde ne pouvait être l'Esprit de Dieu, mais un
esprit d'égarement... je me prosternai devant Dieu dans la
prière mais, immédiatement, il me fut
suggéré: Tu pries dans l'incrédulité. Or,
«tout ce qui n'est pas le produit de la foi est
péché». Si tu ne crois pas, tu ne peux recevoir
aucun bien de la main de Dieu. - Mais je suis aussi incapable de
croire que de créer un monde. - Alors tu es damné, car
«celui qui ne croira pas sera condamné». - Mais le
Seigneur me condamnerait-il au châtiment éternel pour
n'avoir pas pu faire l'impossible? je réfléchis... mon
coeur fut porté à blasphémer contre un tel Dieu,
et ma langue était sur le point de prononcer le
blasphème. Je transpirais abondamment, par tous les pores de
ma peau, et le feu de l'enfer m'environnait... je restai deux ou
trois jours dans ce triste état; puis j'en fus
délivré par la précieuse Parole de Dieu. En la
lisant et en la méditant, je fus convaincu que Dieu aimait le
monde entier et que, s'Il ne sauvait pas tous les hommes,
c'était à cause de leur incrédulité.
S'ils ne croyaient pas, c'était, non point parce que Dieu
n'exerçait pas sa force physique et toute-puissante pour les
amener à la foi, mais bien parce qu'ils négligeaient et
repoussaient le témoignage de la Parole concernant son Fils.
«Ces choses ont été écrites afin que vous
croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en
croyant vous ayez la vie en son nom». je compris que
l'obligation de croire au Fils de Dieu était raisonnable,
parce que le témoignage donné était suffisant
pour produire la foi chez le pécheur; les invitations et les
encouragements de l'Evangile étaient suffisants pour amener
celui qui les accepte au Sauveur, à l'Esprit promis, au salut
et à la vie éternelle. Cette lueur de foi, de
vérité fut le premier rayon de lumière divine
qui conduisit mon âme angoissée hors du labyrinthe du
calvinisme et de l'erreur, dans lequel J'avais si longtemps
été emprisonné. C'est ainsi que je fus conduit
dans les gras pâturages de la liberté
évangélique».
3. Réveils
puissants; restauration du témoignage
A cette époque, Stone se
rendit dans les États du Kentucky et du Tennessee pour juger
par lui-même du réveil dont il avait eu des
échos. Les gens étaient jetés à terre et
passaient par une grande angoisse ou une profonde joie spirituelles.
Toutes les classes étaient touchées. Après un
examen attentif et prolongé des circonstances, Stone fut
convaincu que le réveil venait de Dieu. De retour à
Cane Ridge, sa prédication fut suivie des mêmes
résultats. Lors d'une réunion, environ 20.000 personnes
s'assemblèrent et campèrent pendant quatre jours. Des
prédicateurs presbytériens, méthodistes et
baptistes prêchèrent en même temps en diverses
parties du camp. L'esprit de parti s'évanouit. Environ mille
personnes de tous genres eurent d'étranges manifestations. De
bons résultats demeurèrent après que la grande
excitation fut passée. Des esclaves furent
libérés et les églises gagnèrent en
nombre et en zèle.
Avec Stone, plusieurs ministres
presbytériens prêchèrent alors la suffisance de
l'Evangile pour le salut des hommes, démontrant que le
témoignage de Dieu était destiné à
produire la foi et capable de le faire. Stone écrit. «Les
gens semblaient s'éveiller d'un sommeil séculaire et
voir, pour la première fois, qu'ils étaient des
êtres responsables et, qu'en refusant d'employer le moyen
préparé par Dieu, ils commettaient un
péché irrémissible».
Au bout de quelque temps,
l'esprit de parti se raviva et le conseil des anciens de Springfield,
Ohio, fit comparaître l'un de ces prédicateurs devant le
Synode de Lexington. Ceci provoqua la démission de cinq
ministres, qui, formant le conseil des anciens de Springfield,
déclarèrent abandonner toutes les confessions et tous
les credos pour n'accepter que les Écritures seules comme
guide de la foi et de la marche.
Stone réunit sa
congrégation et lui communiqua que, désormais, il ne
soutiendrait plus aucun système religieux, mais travaillerait
pour l'avancement du royaume de Christ et non pour un parti
quelconque. Il renonça à son traitement et travailla
dur sur sa petite ferme, tout en continuant à
prêcher.
Au bout d'une année,
durant laquelle il agit en accord avec le conseil des anciens de
Springfield, ils conclurent tous ensemble que cette organisation
n'était pas scripturaire et ils l'abandonnèrent. Leurs
raisons sont rapportées dans un document intitulé:
«Dernière volonté et testament du Conseil des
anciens de Springfield». Ils prirent le nom de
«Chrétiens» qu'ils estimaient avoir
été donné par ordre de Dieu aux disciples
d'Antioche.
Ainsi ces croyants se
réunissant à Cane Ridge, en 1804, pensèrent
qu'ils formaient la première église selon les principes
apostoliques originaux, depuis qu'on les avait abandonnés au
temps de Constantin.
Des églises semblables
ne tardèrent pas à se multiplier, chaque
congrégation étant considérée comme une
église autonome. On y enseignait le baptême des
croyants, lequel fut adopté et devint leur pratique.
Le mouvement prit une rapide
extension dans les États de l'Ouest. Il entra en contact avec
les mouvements de l'Est et du Sud; puis les trois s'unirent pour
former une «Association chrétienne», tous
étant d'accord pour abandonner la servitude des credos
humains, ne prendre que l'Écriture comme guide et marcher
selon la simplicité des églises primitives.
Ces mouvements, nés
indépendamment les uns des autres et ne se découvrant
que plus tard, avaient beaucoup de points communs avec les
églises sous la direction des Campbell. Les églises de
l'Association chrétienne étaient surtout actives dans
l'évangélisation, aussi s'accrurent-elles plus
rapidement que les autres qui s'occupaient plutôt
d'enseignement et firent davantage de progrès dans la
connaissance.
Les talents exceptionnels et
l'inlassable activité d'Alexandre Campbell, comme
éditeur, auteur, docteur, prédicateur, prenant part
à des discussions publiques, enseignant, révisant le N.
Testament et s'occupant d'autres choses encore: tout contribua
à une large diffusion de son enseignement.
Il influença grandement
les communautés baptistes. Mais celles d'entre elles qui ne
voulurent pas accepter la réforme organisèrent
graduellement une opposition, qui commença à se montrer
en divers lieux par une séparation entre baptistes et
réformés. Finalement, une des associations baptistes
exclut plusieurs prédicateurs éminents de la
réforme qui travaillaient avec eux, puis elle conseilla aux
églises d'exclure de leur communion tous les
réformateurs. Ceci amena une séparation
générale, en 1832.
En même temps, il y eut
un rapprochement entre des congrégations et des individus se
rattachant à l'oeuvre de Campbell et d'autres, associés
au mouvement plus ancien où Stone était actif. Ces
frères découvrirent que, sur tous les points
essentiels, leurs buts et leurs principes étaient semblables
et que, même leurs divergences, loin de les diviser,
suppléaient à quelque lacune chez les uns ou les
autres. Ils commencèrent donc à collaborer. Des deux
côtés on pensait qu'une fusion formelle de ces deux
corps de croyants, serait nuisible. Toutefois, en 1832, il fut
reconnu que toutes ces églises étaient en
communion.
Dans ces milieux on avait
longtemps discuté sur la nature de la conversion. L'opinion
générale avait été que l'homme ne peut
absolument rien faire pour son propre salut, pas même croire
sans une opération du St-Esprit. On attendait donc longtemps
quelque expérience spirituelle intime, démontrant
l'oeuvre du St-Esprit dans le coeur. Alors quelques-uns se mirent
à objecter que la volonté humaine doit s'exercer; que,
lorsque l'homme entend l'Evangile, il est responsable de l'accepter
par la foi, et que s'il le refuse ou le néglige, il est
responsable de cet acte et de la perte durable qui en
résulte.
Cette question troubla
profondément Walter Scott, l'un des évangélistes
les plus dévoués et les plus bénis travaillant
avec Thomas et Alexandre Campbell, et qui, auparavant, avait
été étroitement uni à des amis de Barton
Warren Stone dans le travail d'évangélisation. Il
réalisait que beaucoup de prédications semblaient
rester stériles parce qu'elles n'avaient pas assez
souligné la responsabilité des auditeurs d'accepter,
par la foi, Christ comme leur Sauveur, leur foi s'appuyant sur le
témoignage de l'Écriture, et non sur des sentiments
qu'ils pourraient considérer comme une évidence de
l'opération du St-Esprit. Scott remarqua que, dans le N.
Testament, ceux qui croyaient étaient baptisés; ils ne
craignaient pas de faire ce pas décisif. Il s'arrêta
aussi aux paroles de Pierre dans Actes 2. 38: «Repentez-vous, et
que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ,
pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don
du St-Esprit», et il commença à appeler ses
auditeurs à s'avancer et à être baptisés
«pour la rémission des péchés».
Lorsqu'il baptisait, il ajoutait ces paroles au commandement du
Seigneur, dans Matt. 28. 19. Ceci devint sa pratique habituelle.
Scott décrivait la conversion en ces termes: 1) La foi, 2) la
repentance, 3) le baptême, 4) la rémission des
péchés, 5) l'effusion du St-Esprit.
Il est certain que beaucoup de
gens furent conduits à l'obéissance de la foi par cet
essai de résumer l'Evangile en formant une liste des
exhortations contenues en Actes 2. 38, lorsque Pierre, à la
Pentecôte, prêcha pour la première fois aux Juifs
et aux prosélytes à Jérusalem. Cependant, si
l'on avait choisi comme exemple la première prédication
de Pierre aux Gentils de Césarée (Actes 10. 43-48),
l'ordre eût été:
1) La foi,
2) la rémission des
péchés,
3) l'effusion du St-Esprit,
4) le baptême. Il est
difficile de réduite à une formule les réactions
mutuelles de l'Esprit Saint et de la volonté humaine
produisant la conversion.
La prédication de
l'Evangile fut vivifiée par l'union d'un grand nombre
d'églises, toutes attachées aux Écritures. Des
hommes de toutes classes furent suscités et qualifiés
pour ce service. Ils prêchèrent Jésus-Christ, et
Jésus-Christ crucifié et leur parole fut efficace. Des
milliers d'âmes se convertirent et furent ajoutées aux
églises qui se développèrent très
rapidement. Leurs adversaires se plaisaient à les nommer
«stonettes», ou «campbellistes», mais eux
rejetaient tous noms sectaires. Ils aimaient à s'appeler
«chrétiens», «disciples»,
«églises de Christ».
Isaac Erret (1820-1888), un de
leurs conducteurs de la seconde génération, les
décrit comme suit: «Pour nous, là divinité
et la messianité de Jésus est plus qu'un article de
doctrine, c'est la vérité centrale du système
chrétien, et, en un sens, le credo du christianisme. C'est la
seule vérité fondamentale que nous défendons
jalousement contre tout compromis. Si les hommes sont au clair sur
Christ, Christ. les mettra au clair sur tout autre chose. C'est
pourquoi nous prêchons Jésus-Christ, et
Jésus-Christ crucifié. Pour le baptême et pour
l'admission d'un membre, nous ne demandons pas d'autre foi que la foi
du coeur qui accepte Jésus comme le Christ, le Fils du Dieu
vivant. Nous n'avons pas d'autre terme ou lien de communion que la
foi et l'obéissance au divin Rédempteur. Tous ceux qui
se confient dans le Fils de Dieu et Lui obéissent sont nos
frères, si même en quelque autre chose ils ne sont pas
dans le vrai. Mais ceux qui ne croient pas en ce divin Sauveur pour
leur salut, quand même ils observeraient ses commandements, ne
sont pas nos frères, si intelligents et si excellents qu'ils
puissent être à d'autres égards... Dans les
jugements purement déductifs, nous arrivons à des
conclusions aussi unanimes que possible. Si nous ne le pouvons, nous
usons de tolérance, dans la confiance que Dieu nous
amènera finalement à un accord. Dans les questions
d'opinion - celles sur lesquelles la Bible est ou silencieuse, ou si
obscure que l'on ne peut parvenir à des conclusions
définitives - nous permettons la plus grande liberté,
pour autant que nul ne Juge son frère ni ne cherche à
imposer ses vues aux autres, ou n'en fait une cause de
discorde.»
Ces églises prirent une
grande extension en Australie, s'établirent dans les Iles
britanniques et en plusieurs autres pays. Naturellement, il y eut de
temps en temps des tendances vers le développement d'un
système de dénomination. Quelques-unes furent en faveur
de l'oeuvre «missionnaire» dépendant d'une
organisation centrale. D'autres se ressentirent de l'influence du
rationalisme, alors en faveur. Parfois, des discussions sur
l'interprétation, ou l'application de l'Écriture
produisirent des divergences dans la marche pratique. Toutes ces
expériences illustrent tour à tour l'importance d'un
témoignage de restauration conforme à «ce qui
était au commencement», car retourner aux
Écritures est le seul chemin qui conduise à la vraie
unité des églises et à la puissance de leur
dissémination dans le monde Par la proclamation de toute la
Parole de Dieu.
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