LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
4. R. CI. Chapman
En Devonshire, la ville de Barnstaple rappelle
le souvenir de Robert Cleaver Chapman (121) qui y annonça la Parole
pendant septante ans et y mourut en 1902, ayant presque atteint un
siècle. Il naquit en 1803, au Danemark, de parents anglais. Sa
mère, qu'il aimait tendrement, exerça une grande
influence sur lui. Étant encore au Danemark, il fut instruit
par un abbé français. Plus tard, il fréquenta
l'école dans le Yorkshire. Il montra un goût
prononcé pour la littérature et fut aussi un habile
linguiste. Attiré vers la Bible, à l'âge de seize
ans, il étudia soigneusement ce Livre qui lui fit grande
impression. Il fit des études de droit, devint avocat et
réussit bien dans sa profession.
A cette époque, James Harrington Evans
prêchait à Londres, à John Street Chapel, Bedford
Row, chapelle qu'un ami avait fait bâtir pour lui. Il occupait
un poste dans l'Église anglicane et se convertit en lisant
quelques sermons que lui avait prêtés son recteur. Il se
mit alors à prêcher avec conviction la justification par
la foi. Ce fut le moyen de réveiller les croyants, ainsi que
d'amener à la conversion des pécheurs. Mais le recteur
en fut irrité et lui donna son congé. Éprouvant
des scrupules quant au baptême des enfants et comprenant que
l'union de l'église à l'État entravait la
discipline spirituelle, il quitta l'église. Peu après
sa femme et lui furent baptisés. Cependant, Evans ne voulut
pas devenir pasteur d'une église baptiste, parce que cela
l'aurait empêché d'avoir communion avec beaucoup de
croyants, parmi lesquels il estimait que plusieurs pouvaient fort
bien lui être supérieurs. A la chapelle de John Street,
la Cène du Seigneur était célébrée
tous les dimanches soirs et ceux qui avaient quelque don, pouvant
contribuer à l'édification de l'assemblée,
étaient encouragés à prendre la parole.
Ce fut cette église que fréquenta
Robert Chapman, aux environs de vingt ans. Un soir, comme il passait
près de la chapelle en toilette de soirée, un des
anciens l'invita à entrer. Il accepta et, quelques jours
après, passa par la conversion. Voici ce qu'il en dit plus
tard. «Seigneur, je me souviens de tes voies envers moi! Quand
ta main m'arrêta, quand ton Esprit me convainquit de
péché, je buvais la coupe amère de ma
culpabilité et du fruit de mes oeuvres... En moi,
c'était la désolation de l'hiver. J'étais las du
monde, je le haïssais à cause de ses déceptions,
et pourtant j'étais incapable de m'en séparer... A
l'heure propice, tu me parlas et me dis: - Voici le repos; laissez
reposer celui qui est fatigué; voici le lieu du repos. - Et
combien douces tes paroles: - Prends courage, mon enfant, tes
péchés sont pardonnés! - Combien
précieuse, la vision de l'Agneau! Combien glorieuse, la robe
de justice, cachant au saint regard de mon juge tout mon
péché, toute ma souillure! Alors le boiteux sauta comme
un cerf, et la langue du muet éclata de joie. En Jésus
crucifié - en Toi, mon Seigneur, mon âme trouva le
repos, dans le sein de ton amour.» Il fut baptisé et
s'unit à la congrégation des croyants de John
Street.
Cette décision lui fit perdre plusieurs
amis et provoqua la désapprobation de sa parenté, mais
dès le début de sa vie nouvelle, il se livra
entièrement à Christ. Les Écritures firent de
plus en plus ses délices et il entra dans une vie de foi et de
prière, sans pour cela oublier les besoins des pauvres et des
malheureux. Il sentit que Dieu l'appelait au ministère de la
Parole. Quelques personnes lui dirent qu'il ne ferait jamais un
prédicateur, mais il répondit: «Mon grand but sera
de vivre Christ». Il resta célibataire et, en 1832, se
fixa à Barnstaple, où il se mit à exposer la
Parole à la chapelle baptiste d'Ebenezer. Harrington Evans le
suivit avec un intérêt constant. Il disait de lui:
«C'est -une de mes étoiles. je le tiens pour un des
premiers hommes de l'époque. Il ne connaît pas les hauts
et les bas.»
Chapman disposa de tout ce qu'il
possédait et vécut toujours dans une dépendance
immédiate du Seigneur pour la satisfaction de ses besoins
journaliers. Vivant très modestement, il donnait tout ce qui
ne lui était pas indispensable. Sur le début de son
ministère à Barnstaple, il écrivit: «Quand
je fus invité à quitter Londres pour venir exposer la
Parole de Dieu à la chapelle d'Ebénezer, occupée
alors par une communauté de baptistes stricts, j'acceptai
à une condition, c'est que je serais libre d'enseigner tout ce
que je trouverais dans les Écritures. Pendant quelque temps,
j'exerçai mon ministère avec bénédiction.
Un frère, qui me visitait alors, insista pour que je misse de
côté la règle sévère, que seuls les
croyants baptisés étaient admis à rompre le
pain. je lui répondis que je ne pouvais violenter la
conscience de mes frères et soeurs. Puis je continuai mon
ministère, les instruisant patiemment par la Parole. je savais
bien alors qu'une forte majorité de la congrégation
m'aurait soutenu sur ce point, mais j'estimais qu'il était
plus agréable à Dieu de persévérer dans
l'enseignement jusqu'à ce que tous tombent d'accord. Peu
après, quelques chrétiens de Barnstaple, qui
s'attachaient aux vues étroites que nous avions alors
abandonnées, exigèrent que nous quittions la chapelle.
J'examinai soigneusement le contrat et pus constater que nous
n'avions violé aucune de ses stipulations. Cependant, nous
leur donnâmes la chapelle, tout comme j'aurais donné mon
vêtement à un homme qui l'aurait réclamé.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que peu après le
Seigneur nous avait procuré une bien meilleure
chapelle.»
Ce fut à cette époque que Robert
Chapman fit la connaissance de George Müller et Henry Craik,
ainsi que de quelques-uns des croyants qui, à Dublin et
ailleurs, s'efforçaient d'obéir aux
Écritures.
Robert Chapman et son ami, William Hake,
vécurent ensemble, dans une étroite communion, durant
cinquante-neuf ans, jusqu'à la mort de Hake, en 1890. Les deux
simples mai. sons qu'ils habitaient à Barnstaple, 6 et 9, New
Buildings, devinrent un lieu de pèlerinage visité par
des gens du monde entier, qui venaient y chercher aide et conseil
dans les choses spirituelles.
Robert Chapman voyagea en beaucoup de pays. Ses
visites en Espagne conduisirent plusieurs serviteurs de Dieu à
poursuivre dans ce pays une oeuvre d'évangélisation qui
porta beaucoup de fruit. Tous ceux qui vinrent en contact avec lui
furent influencés par sa vie sanctifiée. Des
années après son passage en Espagne, des frères
qui y travaillaient, rencontrèrent à plusieurs reprises
des personnes qui avaient été converties et rendaient
un bon témoignage pour Christ, résultat de leurs
conversations avec Chapman. Un voyageur fit connaissance d'un
Anglais, établi pour ses affaires dans un des ports roumains
de la mer Noire. Ils conversèrent sur les choses spirituelles,
et l'Anglais déclara qu'il avait été religieux
avant de venir en Roumanie, mais qu'il avait maintenant
abandonné tout cela, étant convaincu que tous ceux qui
professent être chrétiens ne sont que des hypocrites.
«Pourtant - corrigea-t-il - je dois dire que j'ai
rencontré un chrétien sincère. Il passait
souvent sur la place de la localité que j'habitais, en
Devonshire, et s'appelait Robert Chapman».
Les traditions et instructions de
l'Église primitive, avant que les Écritures fussent au
complet, reçurent dans le N. Testament une forme permanente,
destinée à être un guide littéral et
continuel pour le chrétien individuel comme pour les
églises de Dieu. L'effort fait pour se conformer à ce
modèle n'a jamais cessé, bien que, parfois, le petit
nombre seulement ait persévéré. Nous en voyons
quelques exemples: dans la congrégation d'Edimbourg, où
travaillèrent les frères Haldane; dans ces
assemblées de Dublin, auxquelles s'intéressaient
Groves, Cronin, Bellett et d'autres; dans l'église de Bristol,
fondée par Müller, Craik et leurs collaborateurs; puis
chez les frères mennonites du sud de la Russie, et dans les
réunions stundistes en diverses parties de ce pays. Mais il y
eut beaucoup de mouvements du même genre un peu partout,
quelques-uns limités à de petits groupes, d'autres
embrassant des cercles étendus. Dans leurs principes
essentiels, ils eurent une grande affinité spirituelle avec
ceux des églises baptistes et indépendantes, qui
résistèrent au rationalisme si
généralement accepté aujourd'hui, et n'en furent
point contaminées.
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