GLANURES
(1)
5. - Conscience et
fidélité.
Il le faut
!
Calvin était
fort jeune quand il vint à Genève pour la
première fois, alors que cette ville était
agitée par les débats de la
Réformation. Il n'avait nullement l'intention d'y
rester. Seul dans sa chambre d'auberge, il comptait repartir
le lendemain matin, lorsque tout à coup, dans la
soirée, Farel, premier prédicateur
évangélique à Genève, ouvre la
porte et entre.
Farel,
véritable Elie par l'énergie et la force. veut
d'abord convaincre affectueusement le jeune Français
de demeurer à Genève et de travailler avec lui
à l'oeuvre de la Réformation. Calvin
résiste avec plus d'opiniâtreté que ne
le fit Moïse à l'appel de Dieu.
« Je suis trop
jeune, dit-il, trop faible, trop
inexpérimenté, trop timide, il faut que
j'achève mes études. »
Telles furent ses
excuses.
Alors Farel, levant la
main. s'écrie d'une voix retentissante :
« Je te
déclare au nom du Dieu vivant que si tu refuses ton
concours à l'Eglise dans sa grande détresse,
Dieu te maudira, toi et tes études ! »
Que fit Calvin ? Cet
homme à la volonté de fer. d'une
indépendance extraordinaire. cet homme., dis-je, le
raconte plus tard :
« Saisi d'une
terreur indescriptible, je sentis tomber aussitôt
toute résistance de ma part. »
0.
FUNCKE. (Comment connaître la volonté de
Dieu.)
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.
Je
n'ouvrirai pas.
Ce qui est
nécessaire à notre temps et à tous les
temps, ce sont des hommes qui font leur devoir sans
broncher, quelle qu'en soit la conséquence, et sans
se demander s'ils recueilleront la reconnaissance ou
l'ingratitude. De tels hommes sont les piliers de la
société humaine.
Il y a quelque
quatre-vingts ans, un paysan anglais vit une chasse
nombreuse qui se préparait à passer à
cheval sur son champ récemment ensemencé. Il
ordonna à son jeune domestique d'y courir en
hâte, de fermer la porte et de ne l'ouvrir à
aucune condition. A peine le jeune garçon avait-il
consolidé la barrière que les cavaliers
s'arrêtaient de l'autre côté, exigeant
qu'on leur livrât passage. Mais ni prières, ni
menaces ne purent engager l'enfant à ouvrir la porte.
Enfin le principal chasseur s'avança et dit:
- Ecoute mon
garçon; je suis le duc de Wellington ; j'ai vaincu
l'empereur Napoléon, et je ne suis pas habitué
à rencontrer de la résistance. Tu vas m'ouvrir
immédiatement!
Le jeune domestique
ôta son bonnet et regarda avec admiration et respect
l'homme qui avait dompté le grand conquérant.
Mais il répondit d'une voix ferme :
- Le duc de Wellington
sera le dernier à vouloir empêcher un homme de
remplir son devoir. Je n'ouvrirai pas.
Que fit le duc? Il
'souleva légèrement son chapeau devant le
jeune garçon, et, faisant faire volte-face à
son cheval, il dit à ses compagnons :
- Donnez-moi quelques
milliers d'hommes comme ce garçon-là, et je me
charge de vaincre avec eux non seulement la France, mais le
monde entier.
Sans nul doute, le duc
connaissait le monde, ainsi que les forces et les puissances
qui y remportent le succès.
(FUNCKE, Aux parents.)
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Des
volontaires !
Le duc de Wellington
avait besoin de volontaires pour une dangereuse entreprise.
Il dit à ses hommes : Voici une affaire qui peut
signifier la perte de la vie, mais cela signifiera aussi la
faveur de la reine. Je désire demander à ceux
d'entre vous qui veulent faire ce service volontairement, de
s'avancer et de sortir de la ligne. Pour vous laisser plus
de liberté, je tourne le dos.
Lorsque le duc se
retourna au bout d'un instant, il vit la ligne aussi
compacte qu'avant. Des larmes lui vinrent aux yeux, il deit:
Soldats, j'ai le coeur brisé ; je ne croyais pas
devoir faire appel à tel d'entre vous, mais je
pensais qu'il y en aurait quelques-uns de bien
disposés. - Alors, un officier, saluant, lui dit :
Général, toute la ligne s'est
avancée.
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Il a aussi
sa mère.
Un vaisseau faisait
récemment naufrage en vue du Schleswig. Grâce
au courage des habitants de la côte, les hommes de
l'équipage, réfugiés dans les
mâts et les vergues, furent sauvés. Toutefois
l'un d'entre eux avait dû être laissé,
dans sa position difficile, parce qu'il n'y avait pas de
place pour lui dans la chaloupe de sauvetage,
déjà trop pleine.
Quand le bateau arriva
au rivage, survint le batelier qui avait coutume de diriger
les expéditions de sauvetage et qui jusque-là
avait été absent. Harro, c'était son
nom, demanda si tous les naufragés étaient
bien sains et saufs. On lui répondit qu'on avait
laissé un homme dans la voilure, mais qu'il
était inutile de retourner le chercher, attendu que
celle-ci commençait à s'enfoncer sous l'eau.
Harro se déclara résolu à tenter un
effort en faveur du malheureux. Il parvint, après
bien des refus, à obtenir de trois de ses compagnons
qu'ils partissent avec lui.
Au moment du
départ, nouveau retard. La mère d'Harro
était survenue : elle le conjurait de ne pas jouer
inutilement sa vie. Elle lui rappela que son père
était mort en mer, que la mer avait probablement fait
sa proie de son frère unique Uwe. Après
s'être embarqué, celui-ci n'était jamais
revenu. Harro répondit : «Ma bonne mère,
dis-toi ceci : le pauvre garçon qui est là-bas
a aussi une mère ! » La course dangereuse
commença. Après mille efforts, Harro
réussit à ramener le malheureux
abandonné. Quand le bateau approchait du bord, on
entendit la voix du chef de l'expédition qui criait
joyeusement, en dominant le mugissement des vagues: «
Mère, c'est Uwe ! »
(FUNCKE, Toi et ton âme.)
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Regardez
à Dieu seul !
Ma mère,
raconte le pasteur Otto Funcke, s'efforçait de nous
amener à Jésus, mes quatre frères et
moi. Elle nous montrait comment il fallait servir les autres
en toute occasion, mais aussi comment il fallait avoir le
courage de braver le monde entier pour faire la
volonté de Dieu. - On nous envoyait souvent porter de
petits pots de soupe à de pauvres voisins malades. Un
jour, notre mère nous trouva pleurant parce que nos
camarades s'étaient moqués de nous. Prenant
alors une attitude pleine de dignité, elle nous dit:
«Vous voulez devenir des hommes? Les hommes se
soucient-ils de ce que disent de sots gamins? Regardez
à Dieu, à Dieu seul! Vous savez très
bien ce qu'Il pense de votre action. »
(FUNCKE, Aux parents.)
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Une
réparation.
Quand j'étais
étudiant, je ne connaissais point encore le Sauveur ;
j'aimais alors à la folie les jolis couteaux de
poche. Un de mes amis. étudiant en droit, en
possédait un qui me plaisait tout
particulièrement, si bien qu'un jour je le lui
dérobai. Mon ami ne devina naturellement pas
où son canif avait passé. Bien des
années après lorsque j'étais
déjà pasteur à X., je retrouvai ce
couteau dans un tas de vieilleries. Je compris alors
seulement l'importance de ma faute et je partis
immédiatement pour Dusseldorf où mon ancien
ami était conseiller d'Etat; je lui rendis son canif
en confessant ma faute. Il fut d'abord tellement surpris
qu'il ne put parler. Puis il me serra dans ses bras en me
disant :
«Kunzel, j'avais
entendu dire que tu étais devenu chrétien ; je
croyais que c'était par folie ou par hypocrisie ;
mais je vois maintenant que le christianisme peut
réellement faire dees hommes nouveaux. »
(FUNCKE. L'empreinte des pas. etc. ; 2e
série.)
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L'ânon d'or.
En entendant raconter'
l'histoire de l'entrée de Jésus à
Jérusalem sur l'ânon qu'il avait requis
à son service, un brave ouvrier de Hanovre se dit
:
« Je donnerais
aussi mon ânon au Sauveur , s'il en avait encore
besoin et - si j'en possédais un. » Peu
après il lui tombe entre les mains une monnaie de
cuivre de Brunswick. On sait que les armoiries de ce pays
représentent un cheval en course. Notre ouvrier dans
sa simplicité, prenant l'effigie du cheval pour un
âne se dit : J'ai promis de donner à mon
Sauveur le premier ânon que je posséderais, je
lui donne celui-ci, et aussitôt il s'en va porter sa
pièce de cuivre dans une boîte des
missions.
Quelque temps
après notre homme reçoit une pièce
d'argent aux mêmes armoiries et sans hésiter,
il la met au service du Seigneur. et chaque fois qu'il
trouve, parmi son salaire de la semaine, des pièces
à ânons, il en agit de même sans qu'il
lui en coûte de faire ces sacrifices.
Un jour cependant, une
rude épreuve l'attend. Son patron, en lui payant le
salaire d'un mois entier, lui remet une pièce d'or.
et qu'y voit-il en l'examinant? - Encore l'ânon !
«Et celui-ci, se demande-t-il, me faut-il aussi le
donner au Seigneur ? Je pense qu'il ne l'exige pas de moi
Les ânons de cuivre et d'argent doivent Lui suffire.
et je puis garder pour moi l'ânon d'or qui m'est si
nécessaire. Je suis un pauvre homme. tandis que Lui,
il est riche, l'or et l'argent de toute la terre lui
appartiennent !
Mais ces raisonnements
ne le tranquillisent pas, et, tout en marchandant avec sa
conscience, il tourne et retourne sa chère
pièce d'or entre les doigts et y découvre
cette légende : «Nunquam retrorsum! »
Qu'est-ce que cela vent dire? Peut-être, pense-t-il,
cela me tirera-t-il d'embarras, et vite, il court vers le
pasteur pour se faire expliquer l'inscription. «Mon
ami, lui dit celui-ci, c'est du latin et cela veut dire : Ne
recule jamais ! - Ah ! vraiment ? réplique
l'honnête ouvrier, eh bien! je sais au clair:
l'ânon d'or appartient aussi à mon Seigneur.
» Et il s'en va le jeter avec joie dans la boîte
des missions.
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Un faux
témoignage.
Un homme,
réputé parfaitement honnête par tout le
monde, rendit devant la justice un témoignage
complètement faux pour obliger un de ses parents,
auquel il assura ainsi le gain d'un procès assez
important.
Cet homme avait
vécu toujours sans se préoccuper de Dieu, ni
de son avenir après la mort. C'était une
âme absolument indifférente aux questions
religieuses ; l'acte coupable que nous venons de raconter,
il l'avait accompli avec une parfaite
sérénité, sans hésiter, presque
comme un devoir d'affection.
Peu de temps
après, il rencontra une jeune fille
chrétienne, de sa famille, qui ignorait sa faute et
le tenait, comme tout le monde, pour un honnête homme,
mais qui s'efforça pourtant de l'amener à la
foi chrétienne en lui parlant avec ardeur de
Jésus-Christ.
Cet homme
l'écouta d'abord avec une sorte d'indifférence
goguenarde. Mais, la nuit qui suivit l'entretien, - c'est
lui-même qui l'a raconté, - il fut
réveillé par un trouble indéfinissable.
La pensée de son faux témoignage lui revenait
avec une obsession qui finit par devenir intolérable.
C'était, à la lettre, nu poids qui
l'écrasait et dont il ne pouvait plus se
débarrasser. Au bout de quelques heures,
c'était une effroyable agonie. Son coeur était
brisé. Sa conscience était comme mise à
nu, toute saignante. Une impulsion irrésistible et
comme une suggestion magnétique finit par le faire
tomber à genoux, lui qui n'avait jamais prié,
aux pieds du Dieu invisible dont la justice et l'amour
l'avaient terrassé.
Bientôt
après, cet homme était un homme nouveau,
uniquement et passionnément préoccupé
de réparer son infamie, résolu à
l'avouer au procureur de la République, prêt.
à subir l'opprobre effrayant et la
pénalité même que cet aveu allait
entraîner sur lui, sacrifiant avec une énergie
à toute épreuve sa réputation
irréprochable, ses joies de famille, ses biens
terrestres, son bonheur, tout, tout pour expier et
réparer le tort qu'il avait fait à son
prochain. Mais cet homme était devenu
chrétien. P. MINAULT.
(Pasteur, martyr à
Madagascar.)
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Restitution.
Je prêchais, il
y a quelques années. dans la Colombie orientale,
lorsqu'un jeune homme vint à moi, exprimant le
désir de devenir chrétien. Il avait fait la
contrebande de l'opium dans les Etats-Unis.
- Eh bien! mon ami,
lui dis-je, il n'y a aucune chance pour vous de devenir
jamais chrétien, à moins que vous rendiez
à l'Etat les sommes dont vous lui avez fait
tort.
- Si j'essaye de le
faire, dit-il, je tombe dans les grilles de la loi et j'irai
en prison.
- Cela vaudrait mieux,
lui dis-je, que d'affronter le tribunal de Dieu avec ce
péché sur la conscience, et d'encourir la
condamnation éternelle. Le Seigneur vous fera
miséricorde si vous réparez le mal
résolument.
Il s'en alla tout
triste, mais revint le lendemain et dit :
- J'ai une jeune femme
et un enfant, et j'ai acheté tout l'ameublement de ma
maison avec l'argent que j'ai gagné par la fraude. Si
je deviens chrétien, il faut tout vendre et ma femme
le saura.
- Il vaut mieux que
votre femme le sache, et que vous vendiez votre
mobilier.
- Voulez-vous venir
chez moi et parler à ma femme? demanda-t-il. Je ne
sais pas ce qu'elle dira de tout cela.
J'allai la voir, et
quand je lui eus tout dit, les ]armes inondèrent ses
joues. mais elle répondit :
- Monsieur Moody, je
donnerai joyeusement tout ce que nous possédons,
pourvu que mon mari devienne un vrai chrétien.
Elle fut
obligée de donner jusqu'à son dernier sou. Lui
possédait une pièce de terre qu'il dut
céder au gouvernement.
Dans toute ma vie
passée. je ne vois aucun homme qui ait rendu un
témoignage plus puissant.
Il avait
été malhonnête ; quand cette
vérité s'empara de lui qu'il devait
réparer ses torts avant d'obtenir le pardon de Dieu,
il les répara.
Vous aurez beau
pleurer sur vos péchés et dire combien vous
les regrettez ; tout est inutile jusqu'a ce que vous les
ayez avoués et réparés.
MOODY.
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La
détente est venue.
Je connaissais un
propriétaire campagnard qui avait empoisonné
sa femme, avec laquelle il avait fort mal vécu. Chose
étrange, aucun soupçon ne s'était
porté, sur lui et pendant nombre d'années il
avait pu continuer à vivre dans le bien-être,
entouré de l'estime générale. quoique
soit caractère. fût hautain. impérieux,
maussade et sombre, ce que, sans aller plus loin. l'on
attribuait à son orgueil naturel. Par moments, il se
lançait dans le tourbillon du monde en y faisant une
vraie débauche de plaisanteries, ce qui lui valait un
redoublement de succès. Mais jamais il ne pouvait
rire d'un rire naturel; son rire forcé n'était
que de bruyants éclats de voix.
Mais voici que tout
à coup un fait fortuit trahit son crime. Mis en
jugement devant les preuves à sa charge, au lieu
d'essayer de nier, le coupable fait immédiatement les
aveux les plus complets et s'entend condamner à vingt
années de prison.
Quelques semaines
après, étant allé le voir, je le
trouvai dans sa cellule tout autre que je ne m'y
étais attendu. Occupé .1 des travaux de
vannerie, il avait bonne mine, le regard limpide, l'humeur
sereine, presque gaie, comme s'il était l'ouvrier le
plus satisfait du monde.
Au moment où
j'allais prendre congé de lui, il se jeta à
mon cou et me dit :
- Pierre, tu ne
saurais croire à quel point je suis heureux ! Oh !
l'affreux passé ! le sort des damnés ne
saurait être pire ! Avoir sur le coeur le poids de cet
épouvantable secret avec la préoccupation
incessante de- ne pas le trahir, vivre ainsi nuit et jour
dans la plus horrible angoisse, avec une conscience
torturée, à l'égal d'un
condamné, je ne puis dire autrement! - Maintenant je
subis mon juste châtiment, mais je n'ai plus à
vivre dans la crainte; en règle avec moi-même
et avec Dieu, je puis vivre et travailler paisiblement,
dormir paisiblement et mourir paisiblement comme un homme
sauvé !
Je quittai cet homme
avec un saint tremblement. La justice qui règne dans
le ciel et sur la terre, et qui peut déployer une
telle puissance dans l'âme de l'homme, ne
s'était jamais manifestée aussi vivement
à ma conscience. C'est bien là le jugement de
Dieu dans le coeur dee l'homme. Et encore n'est-ce qu'un
jugement temporaire que l'incrédule lui-même
peut constater.
PIERRE
ROSEGGER.
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Le colonel
de Perrot.
Le colonel de Perrot,
mort à l'âge de 84 ans, a fait une longue et
belle carrière militaire. Il est entré au
service en 1845, dans les troupes neuchâteloises. En
1875, après avoir parcouru tous les grades, il
obtenait le brevet de colonel. En 1897, il donnait sa
démission. Ce fut un regret
général.
Pendant ces longues
années consacrées à l'instruction de
nos batteries, le colonel de Perrot avait gagné le
respect et la considération de tous par l'exemple
qu'il donnait de la fidélité au devoir, de
l'énergie et du courage. On aimait en lui le chef
dévoué et le soldat obéissant, exigeant
beaucoup de ses subordonnés. mais toujours le premier
à la peine, et exerçant sur ses troupes cette
action morale directe et cette autorité
incontestée qu'un chef n'acquiert que par le
renoncement à lui-même.
Le colonel de Perrot
savait comment ou forme des volontés et des
caractères ; il faisait de ses soldats des
hommes.
Le 13 mars 1897,
environ soixante-dix officiers d'artillerie de la Suisse
romande officiers supérieurs offraient au colonel de
Perrot, à l'hôtel du Château. à
Ouchy, un dîner d'adieu et, en souvenir affectueux,
une réduction en bronze de la fière statue du
sculpteur Dubois : Courage, militaire, un jeune guerrier.
assis, casque en tète, vêtu à l'antique
d'une cotte d'armes, la main droite appuyée sur une
large épée de combat. la main gauche
fermée, reposant sur la cuisse. « Ce bronze n'a
pour nous qu'un défaut, disait le colonel Turrettini,
c'est que la figure sous le casque ne soit pas la
vôtre, mon colonel. car vous avez toujours
été pour nous tous l'incarnation et comme le
type accompli du courage. »
Très
ému, le colonel de Perrot répondit, non point
par mi discours en due forme mais sur le ton amical et
familier d'une causerie. Nous en retrouvons ce
résumé, forcément sommaire et
décoloré :
« Tout homme qui
vent mériter ce nom, dit entre autres le colonel de
Perrot, quel que soit soit âge et quelle que soit sa
situation, doit avoir un idéal et consacrer sa vie
à l'atteindre.
» Quand
j'étais jeune officier d'artillerie en Prusse,
j'avais pour idéal de bien prendre les obstacles et
de me préparer au mieux à servir mon pays.
Quand je suis rentré en Suisse, mon idéal a
été de former des hommes résolus,
courageux.
» Pour cela, il
n'y a qu'un seul moyen, qui d'ailleurs n'est pas un secret,
puisque la Bible nous l'enseigne, c'est d'être
obéissants, obéir toujours et partout, au
devoir, à la conscience, à Dieu. Il n'y a pas
d'autre règle de vie possible pour qui veut
être un homme. Ne pas dire : « Je veux on je ne
veux pas », mais toujours dire
« J'obéis
», voilà le secret du bonheur.
» Quand un homme
obéit a son devoir. il ne redoute rien ; il va
où il doit aller, sans craindre rien, ni personne.
Soyons fidèles a Dieu et obéissants, pour nous
même, pour les nôtres, pour notre pays qui, plus
que jamais, a besoin d'hommes, de caractères, de
volontés, partout, dans l'école, dans
l'armée, dans la commune, dans le canton, dans la
Confédération. Un peuple n'est rien s'il n'est
pas composé d'hommes, et un homme quelquefois, par
son exemple, par sa volonté. par sa parole, par sa
vie vaut tout un peuple. Tout est dans l'homme, dans le
coeur de l'homme aimant son prochain et craignant Dieu.
»
Nous avons
écouté dans un silence recueilli ces paroles
d'une si grande élévation morale. Elles ont
laissé un profond et bienfaisant souvenir dans
l'esprit et le coeur de tous ceux qui ont eu le
privilège de les entendre. Honneur aux chefs qui
parlent ainsi! En faisant appel aux sentiments nobles qui,
quoi qu'on en dise, sont dans le coeur de tout homme, ils
sont certains d'être suivis partout et toujours et de
commander tous les dévouements.
« Droit en avant!
» était sa consigne. Suivons-la!
(Gazette de Lausanne.) E D. S.
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Pour
allumer le phare.
Voici un simple et
très bel acte de dévouement accompli en 1909
et qui ajoute un nom à la liste des héros
obscurs, payant de leur vie l'accomplissement du
devoir.
Souffrant d'une forte
grippe, M. Lepercq. gardien du phare d'Alpreck, près
de Boulogne-sur-Mer, avait dû interrompre son service
et garder la chambre. Un soir, son remplaçant ne
parvenant pas à allumer le phare, alla
prévenir M. Lepercq, que la fièvre avait
contraint de s'aliter. Dehors, le vent soufflait en
tempête et la neige tombait sans discontinuer.
Le gardien envisagea
aussitôt les conséquences terribles que pouvait
avoir. pour les navires passant au large, le non-allumage de
la lampe. Malgré la fièvre, malgré le
temps, il se rendit au phare, où, après de
longs efforts, il parvint à faire de la
lumière. Rentré chez lui, il s'alita pour ne
plus se relever. Deux jours après, il succombait aux
suites d'une congestion cérébrale.
(L'Ami,
mai 1909.)
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