GLANURES (1)
14. - Devant la mort.
La mort de
Mélanchthon.
L'année 1560
l'avait trouvé occupé de sa fin,
méditant sur l'approche solennelle de la mort. Il
prie Dieu chaque jour, à son lever, de lui adoucir ce
passage. Malgré ses vives douleurs, il veut continuer
ses travaux ordinaires, il demande qu'on le porte à
l'académie pour y faire sa leçon de
dialectique.
Cependant ses forces
s'affaiblissaient de jour en jour. Ne pouvant souffrir
aucune position, à cause son extrême faiblesse,
il voulut qu'on le plaçât sur une
litière de voyage. «Ceci s'appelle un lit de
voyage, dit-il; n'est-ce pas dans ce lit que je vais
partir?» En effet, le 19 avril fut son dernier jour sur
la terre.
Vers midi, on
introduisit dans sa chambre le pasteur et les professeurs de
Wittemberg. Il leur demanda la lecture de ses morceaux
favoris de l'Ecriture sainte; c'étaient les psaumes
24, 25 et 26, le chapitre 33 d'Esaïe, la prière
sacerdotale et le 5me chapitre de l'épître aux
Romains. Les dernières paroles intelligibles qu'il
prononça furent celles-ci: J'ai toujours
présenté à mon esprit ces paroles de
Jean sur le Fils de Dieu: «Le monde ne l'a pas
reçu, mais à ceux qui l'ont reçu, il a
donné le privilège de devenir enfants de
Dieu.» Après quoi, ajoutent ses biographes, il
remua les lèvres environ un quart d'heure, comme s'il
eut continué en lui-même ses pieuses
réflexions. A ce moment, son gendre s'approcha pour
lui demander s'il voulait quelque chose: «Rien, dit-il,
que le ciel.» Quelques minutes après, son
âme entrait en possession de cette paix
éternelle après laquelle il avait tant
soupiré pendant sa vie.
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Il faut
quitter tout cela.
Brienne, le
secrétaire de Mazarin, surprit une fois le cardinal,
presque à la veille de sa mort, errant la nuit dans
sa galerie de tableaux. «Je l'entendis venir, dit-il
dans ses Mémoires, au bruit que faisaient ses
pantoufles qu'il traînait comme un homme fort
languissant et qui sort d'une grande maladie. »
Je me cachai
derrière la tapisserie, et je l'entendis qui disait :
« Il faut quitter tout cela ! » Il
s'arrêtait à chaque pas, car il était
très faible, il se tenait tantôt d'un
côté, tantôt de l'autre, et jetait les
yeux sur l'objet qui lui frappait la vue; il disait du plus
profond de son coeur : « Il faut quitter tout
cela». Et, en se tournant, il ajoutait: «Et encore
cela! Que j'ai eu de peine à acquérir ces
choses. Puis-je les abandonner sans regret ?... Je ne les
verrai plus où je vais ! »
Je fis un grand soupir
que je ne pus retenir, et il m'entendit. « Qui
est-là, dit-il, qui est-là ? C'est moi,
Monseigneur... - Approchez, approchez, » me dit-il d'un
ton fort dolent.
» Il était
nu dans sa robe de chambre de camelot fourré de
petit-gris, son bonnet de nuit sur la tête; il me dit
: « Donnez-moi la main, je suis bien faible, je n'en
puis plus...» et revenant à sa pensée:
« Voyez-vous, mon ami, ce beau tableau du
Corrège (c'était le Sposalizio) et encore
cette Vénus du Titien, et ce Déluge d'Antoine
Carrache, car je sais que vous aimez les tableaux et que
vous vous y connaissez très bien. Ah! mon pauvre ami,
il faut quitter tout cela ! Adieu, chers tableaux que j'ai
tant aimés... »
Au seuil de l'heure
suprême, ce prince de l'Eglise n'avait des regrets que
pour les beautés de la terre.
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Voltaire et
le cardinal de Berni.
Le 22 décembre
1766, Voltaire écrivait au cardinal de Berni:
«... Pour moi, chétif, je fais la guerre
jusqu'au dernier moment; je reçois cent estocades,
j'en rends deux cents, et je ris. Je vois à ma porte
Genève en combustion pour des querelles de bibus
(1), et je ris encore, et, Dieu merci, je
regarde ce monde comme une farce qui devient quelquefois
tragique... Tout est égal au bout de la
journée, et tout est encore plus égal au bout
de toutes les journées. »
Et l'on sait que quand
vint pour Voltaire «le bout de toutes les
journées », tout ne lui fut pas égal.
Pendant son agonie, ses cris et ses blasphèmes
jetaient la terreur dans l'âme de ceux qui
l'entouraient. Sa garde-malade déclara que pour rien
au monde elle ne serait une seconde fois le témoin
d'une fin aussi épouvantable.
*******.
1 Querelles sans
importance.
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La Bible
à notre chevet.
Dans l'île de
Whigt se trouve un monument érigé en l'honneur
de la princesse Elisabeth, fille de l'infortuné
Charles 1er Elle mourut de chagrin en 1656,
prisonnière dans un château-fort. Sa statue de
grandeur naturelle a ceci de spécial que la
tête repose sur un livre ouvert. En effet, elle fut
trouvée morte dans son lit, avec sa Bible ouverte
devant elle; son doigt indiquait cette parole. du Sauveur:
«Venez à moi, vous tous qui êtes
travaillés et chargés et je vous soulagerai.
»
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Mourir en
paix.
Lorsque j'étais
étudiant, le professeur Tholuck, que j'avais le
privilège de connaître. me raconta l'anecdote
suivante :
« Dans un voyage
en Italie, dit-il, je fus conduit par un cocher dont la
physionomie ouverte gagna ma sympathie. En le quittant, je
lui demandai quel était le plus grand désir de
son coeur. Sans hésiter, il me répondit d'une
voix vibrante : « Morire in pace con Dio. »
(Mourir en paix avec Dieu). Tel était le voeu
suprême de cet homme simple, le voeu qui dominait et
déterminait tous les autres. Le vieux Tholuck
ajoutait que parmi toutes les choses belles et grandes qu'il
avait vues et entendues en Italie, aucune ne l'avait autant
ému et réjoui que la simple parole du cocher
des Abruzzes. Ils sont tous frères, ceux qui
désirent par-dessus tout mourir en paix avec
Dieu.
(FUNCKE, Joseph.)
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Misère profonde !
C'était en
1848, au mois de mai. La révolution éclatait
à Paris. Un homme à l'aspect misérable
fuyait la foule agitée et tumultueuse, en s'appuyant
péniblement sur une canne, pour gagner une des salles
du Louvre. Toute personne qui connaît Paris, a vu la
salle située au rez-de-chaussée de ce
splendide édifice. C'est là que se trouve la
superbe statue en marbre : la Vénus de Milo. Cet
homme s'affaissa devant elle et des larmes amères
inondèrent son visage. C'était Henri Heine, le
génial poète allemand.
À le voir, on
devinait sans peine tout un monde de douleurs. «
Misère profonde, s'écria-t-il, ton nom est
Henri Heine. » La source de cette détresse
poignante se trouvait hélas! dans la convoitise du
monde. Heine avait tout consacré à la
recherche du plaisir mauvais, des jouissances charnelles:
son corps et son âme, sa conscience et sa raison, son
coeur et sa lyre. Il avait tout perdu : corps, âme,
conscience, raison, coeur et génie.
(FUNCKE, Abraham.)
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Garfield.
Un des médecins
qui ont opéré le président des
Etats-Unis, raconte ce qui suit :
« Quand nous
eûmes administré l'éther, et au moment
où le président allait s'endormir, nous
vîmes ses lèvres s'agiter. Nous penchant alors
pour entendre ce qui pouvait être ses dernières
paroles, nous l'entendîmes prononcer, faiblement mais
distinctement, ces mots de la prière du Seigneur:
« Ton règne vienne. Ta volonté soit faite
! »
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Belle mort
d'un prince allemand.
On sait que le jeune
duc Frédéric-Guillaume de
Mecklembourg-Schwerin, frère cadet du duc
régnant, a récemment péri en mer
près de Cuxhaven, dans une tempête qui a
renversé le torpilleur qu'il commandait.
Fidèle jusqu'au bout à son devoir d'officier,
il n'avait pas voulu songer à son salut personnel
tant qu'une partie de l'équipage du navire
était encore en danger de mort. Le chauffeur
Leckebusch, un des réchappés du naufrage,
raconte que, peu avant d'être englouti par les flots,
le duc, s'adressant à ses hommes, leur disait: «
Mes amis, tout est maintenant perdu ! prions une
dernière fois ensemble ! Père, reçois
nos âmes auprès de toi dans le ciel et
donne-nous une mort rapide et facile !
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Que ta
volonté soit faite.
Fénelon,
archevêque de Cambrai, ayant appris la mort de son
élève, le duc de Bourgogne, qu'il avait
formé avec tant de soins pour le bonheur de la
France, vint se joindre à la foule des seigneurs qui
entouraient le cercueil en pleurant. Il resta quelque temps
plongé dans une contemplation muette devant le
cadavre. Enfin, il rompit le silence en disant : « Ici
repose mon prince bien-aimé, pour qui j'avais toute
la tendresse d'un père. Et j'étais bien
payé de retour, car il m'aimait, lui aussi, avec le
dévouement d'un fils. Le voilà mort, et avec
lui a péri tout mon bonheur ici-bas. Cependant, s'il
ne fallait que remuer une paille pour le ramener à la
vie, je ne voudrais pas soulever cette paille contre la
volonté de Dieu. »
Simple et belle
parole! Puissions-nous tous prononcer dans le même
sens cette demande: Ta volonté soit faite !
(MONTANDON, Oraison dominicale.)
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Le
sceptique devant la mort.
En mars dernier,
Sébastien Faure a fait une conférence à
Millau, dans l'Aveyron. Avec esprit et talent, il s'est
moqué des espérances des croyants. «Votre
félicité éternelle, leur a-t-il dit,
nous vous la laissons. Cette terre, dont vous avez fait un
enfer, nous voulons en faire notre paradis. Et dans ce
paradis, il n'y aura pas, comme dans votre Evangile,
beaucoup d'appelés et peu d'élus. Tous sont
appelés et tous seront élus. »
A l'ouïe de ces
affirmations, dit le journal Le Christianisme, une dame
croyante, vêtue de noir, demanda la parole.
- Monsieur, dit-elle
à l'orateur athée, êtes-vous père
?
- J'ai vingt-sept
enfants, madame, répondit-il (faisant sans doute
allusion à son orphelinat).
- Je vous demande,
monsieur, si vous êtes père ?
- Je vous
répète que j'ai vingt-sept enfants.
- Eh bien! monsieur,
moi, je suis mère; j'avais un enfant qui faisait la
joie et le bonheur de ma vie; j'ai perdu cet enfant.
Voulez-vous m'expliquer comment je puis avoir le ciel sur la
terre si vous ne me laissez pas seulement l'espoir de le
retrouver un jour ?
- C'est Dieu qui vous
l'a pris, votre enfant, dit d'un ton railleur,
Sébastien Faure.
- Je vous demande,
monsieur, de m'expliquer comment je puis avoir le ciel sur
la terre sans mon enfant.
- C'est Dieu qui vous
l'a pris, votre enfant, répéta l'orateur, sur
le même ton doucereux et moqueur.
- Je vous demande,
monsieur, de m'expliquer comment je puis avoir le ciel sur
la terre sans mon enfant, répéta sans
s'émouvoir et avec une impressionnante insistance, la
dame en deuil.
- Vous avez toute ma
sympathie, madame, mais que voulez-vous que je fasse
?
- Monsieur, je vous
remercie pour votre sympathie, mais elle ne me rendra pas
mon enfant. Ce que je vous demande, c'est de m'expliquer
comment je puis avoir le ciel sur la terre sans mon
enfant.
Alors une
véritable rage s'empara de Sébastien Faure.
Fermant les poings, et avec un rictus sauvage sur sa face,
il rugit littéralement:
- Mais est-ce que je
puis vous le rendre, votre enfant ? Est-ce que je puis faire
un miracle ?
Avec une
ténacité peu ordinaire et le plus grand calme,
la dame répéta sa fatidique question:
- Je ne vous demande
pas de faire un miracle, je vous demande de m'expliquer
comment je puis avoir le ciel sur la terre sans mon enfant ?
-
- Vous
m'embêtez, répondit le grossier personnage, et
il tourna le dos à la mère en deuil.
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Devant la
mort.
A propos du naufrage
du vaisseau anglais le Larchmont (150 victimes), les
journaux ont reproduit ce détail:
«Une des deux
survivantes raconte qu'au moment où le navire
coulait, dix femmes étaient à genoux et
qu'elles chantaient, paisibles au milieu de la terreur
générale, le cantique très populaire
dans leur pays:
Debout,
sainte cohorte,
Soldats du Roi des
rois. »
Ces femmes
étaient naturellement des chrétiennes.
Quel exemple à
retenir! Cette sérénité dans la
prière, ce calme en un tel moment ! C'est, remarque
le Bon Semeur, l'illustration de cet hymne de confiance qui
est dans notre Bible, le psaume 46: «Dieu est pour nous
un refuge et un appui, un secours qui ne manque jamais dans
la détresse. C'est pourquoi nous sommes sans crainte
quand la terre est bouleversée, quand les flots de la
mer mugissent, écument, se soulèvent
jusqu'à faire trembler les montagnes! »
(Cloche
d'alarme, avril 1907.)
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