I. - Indiquons ici quelques grands
mystères dont l'action sur le Christianisme naissant a été reconnue
nulle ou insignifiante.
Si la grande personnalité à laquelle l'Orphisme
paraît se rattacher, Orphée, a été adoptée par les chrétiens, qui
l'ont
jugée digne de représenter le Christ dans les peintures des Catacombes
(of Loisy, Revue Loisy, 1913, p. 154), ce culte, au dire du professeur
Boulanger « est resté inconnu de la première génération chrétienne »
(Orphée, p. 84), Tel est aussi le cas de l'Hermétisme, doctrine
mystique attribuée à un personnage légendaire, l'Égyptien Hermès,
surnommé Trismégiste (grec : tris megistos) (trois fois très grand »,
comme prêtre roi et sage. Il fut, pour les Égyptiens et pour les
Grecs,
le père des sciences, même occultes. Jamblique lui attribuait trente
mille volumes. Clément d'Alexandrie lui en reconnaissait
quarante-deux.
Sa renommée décida certains chrétiens
à faire de lui un défenseur de leur foi. L'un d'eux écrivit sous son
nom un livre intitulé Poïmandrès (titre obscur, qui paraît dérivé du
terme grec poïmten, pasteur), Où le sage égyptien discours sur Dieu,
la
création, la nature, parle de la Trinité, nomme les épîtres de Paul et
le IVe évangile, (Cf. Reitzenstein, Poïmandrès, Leipzig 1904).
Augustin
voit en lui, non sans doute un chrétien anticipé mais un prophète qui
malgré lui, aurait rendu d'avance témoignage a l'évangile et à son
triomphe (Cité de Dieu, L. VIII, ch. 23). En ce qui touche l'influence
de l'Hermétisme sur le culte et les sacrements chrétiens, elle se
réduit, d'après Heinrici, à quelques analogies d'expressions.
Il. - il faut mentionner la
controverse relative à l'influence de la religion iranienne (perse)
sur
le Christianisme. Ce sujet a été étudié par Reitzenstein, dans trois
ouvrages - lranische Erlosungmysterium, Bonn 1921 ; Vorchristliche
Erlosunglehren, Upsal 1922 ; Studien zum antiken Synkretismus aus Iran
und Griechenland, Leipzig 1926. D'après ce savant, la pensée
iranienne,
antérieure à orthodoxie zoroastrienne, était une cosmologie
aboutissant
à une doctrine de salut. Elle enseignait que les membres du premier
homme, créé par Ormuzd avaient servi à former les diverses parties du
monde, et que ce Dieu attirerait à lui les hommes participant à, la
nature lumineuse du premier de leur race. Reitzenstein relève
l'influence de cette doctrine à la fois sur les mystères
hellénistiques, le Judaïsme et le Christianisme primitif, qui lui
devrait la notion du « Fils de l'homme ». Il trouve aussi des traces
de
la pensée iranienne dans plusieurs ouvrages grecs, ceux d'Hésiode en
particulier, qui lui a emprunté, dans son célèbre passage sur les
quatre âges du monde, l'idée du progrès du mal dans l'humanité, ainsi
que dans certaines conceptions populaires des chrétiens, telles que
'a,
descente de Jésus aux enfers où il serait allé combattre le démon
(consulter l'exposé d'Auguste Bill, Revue de Strasbourg, mars-avril
1928). Le point de vue de Reitzenstein a été critiqué par Holl dans la
brochure déjà indiquée.
L'éminent et regretté professeur de
Berlin lui reproche, ainsi qu'à Bousset et à Geffcken (auteur du livre
Der Ausgang des griechisch - romischen Heidentums), d'oublier que les
idées chrétiennes, tout en étant influencées par les religions,
viennent surtout des grandes personnalités telles que Jésus et Paul.
Reitzenstein a répliqué dans un Appendice de ses Studien (1926). Il
revendique son droit de tenter d'expliquer la notion chrétienne du
salut par celle de la religion iranienne, mais il ajoute qu'elles ne
sont pas identiques. Il reconnaît que la foi de Paul, si elle s'est
exprimée en termes empruntés à l'hellénisme, ne dérive pas forcément
de
lui. Dans le corps même du livre il fait observer quel s'il a insisté
sur ce qui est collectif (le langage) c'est à cause de son point de
vue
de philologue, et que, loin de nier le rôle des individualités, il
admet pleinement que les
théologiens l'étudient et le mettent en lumière (Voir sur la question
Bill, art. Christianisme primitif et Histoire des Religions, Revue de
Strasbourg, nov.-déc. 1928).
III. - La question de la dépendance
du Christianisme à l'égard de la religion mandéenne est très discutée
par les orientalistes. Les Mandéens (mot dérivé de manda qui signifie
gnose), appelés aussi « Sabéens » et « Baptistes » se rattachaient à «
Jean » qui baptisait dans le Jourdain. (Il en subsiste encore un
groupe
dans la région des bouches de l'Euphrate).
L'attention a été attirée sur eux
par les publicains de Lidzbarski. Sur l'invitation de la Société des
Sciences de Goettingue, ce savant a fait paraître la traduction en
allemand des livres saints de cette secte celle du livre de Jean
(1915), des Liturgies mandéennes (1920) et enfin de la Ginza, ou
Trésor
(1925), recueil de textes de provenance très diverse. Sa conclusion
est
que les Mandéens étaient antérieurs au Christianisme et l'ont
influencé. Telle est aussi l'opinion de Reitzenstein, qui invoque le
rôle joué chez eux par Jean-Baptiste (Zur Mandaerfrage dans la
Zeitschrift für N. T. Wissenschaft, 1927). Par contre, Peterson, dans
deux articles parus dans la même revue (Bemerkungen zur mandaïschen
Litteratur, 1926, et Urchristentum und Mandaïsmus, 1928), voit dans
cette religion un gnosticisme répandu en Syrie sous l'action du
Christianisme.
Prosper Alfalric, frappé par les
ressemblances entre maintes pages de la Ginza et certains exposés
d'hérésies gnostiques faits par Irénée, conclut à peu près dans le
même
suis (R. H. B., 26 semestre 1926). Le Père Lagrange voit dans le
Mandéisme une imitation déguisée du Christianisme (La Gnose mandéenne
et la Tradition évangélique, dans la Revue Biblique, 1927 et 1928).
Signalons enfin l'opinion de Preisker (Urchristlicher und mandaischer
Erlosungsglaube, dans les Theologische Blatter, 1928, n° 61). Il
souligne les analogies de la foi mandéenne et de la foi chrétienne sur
la question de la Rédemption, non sans déclarer que la seconde est
plus
approfondie, sous l'influence de la personne de Jésus et d'une notion
plus intense du péché. Il n'ose pas affirmer l'influence directe du
Mandéisme sur le Christianisme primitif. Il pense que tous deux ont
fait des emprunts à des croyances judéo-orientales.
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