Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICE page 200

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I. Il est douloureux de penser que la chrétienté a été très dure pour les Juifs. Cette attitude injustifiable s'explique en partie par leur titre de descendants des bourreaux du Calvaire, leur dédain de la croix et de l'hostie, et surtout leur usure souvent excessive. On les appelait « les ennemis du Christ ».
Le rituel du Vendredi-Saint contenait ces mots : « Prions aussi pour les Juifs perfides. » Le synode d'Elvire (306) avait interdit les mariages entre chrétiens et Juifs, et Théodose II, en 439, avait exclu ces derniers des fonctions publiques. C'est en Espagne que furent inaugurés les édits qui les obligeaient à choisir entre le baptême et la mort. Les princes confisquaient leurs biens ou les expulsaient.
Frédéric Il leur imposa « une perpétuelle servitude pour les punir de la crucifixion » (ad perpetuam judaïci sceleris ultionem). Ils durent subir l'humiliation de porter un costume spécial ou un morceau d'étoffe distinctif (rouge ou safran sur l'ordre de Louis IX, jaune sur l'ordre d'Edouard 1er d'Angleterre).

Quand la peste noire ravagea l'Europe en 1348, les Juifs furent accusés d'avoir empoisonné les fontaines, et beaucoup furent chassés ou brûlés. On leur reprochait aussi de faire mourir des enfants chrétiens au cours de certains rites, et on leur faisait payer cher ce crime supposé (cf. Lea, History of Spain, p. 437-469).
En 1182, sous ce prétexte, Philippe-Auguste les expulsa, heureux de confisquer leurs biens. Ce genre de persécution fut repris par Louis IX, Philippe le Bel et d'autres rois de France. Mêmes procédés en Allemagne.

En Angleterre, ils furent durement pressurés. Matthieu Paris raconte le cas d'un Juif de Bristol, auquel Jean sans Terre faisait arracher une dent tous les jours jusqu'à ce qu'il lui eût payé dix mille marks. Le soir du couronnement de Richard 1er, au dire du même chroniqueur, on fit un horrible massacre de Juifs. Le dernier acte de leur histoire en Angleterre, an Moyen-Age, fut le bannissement de seize mille Juifs par Edouard 1er.

En Espagne, les persécutions de ces infortunés se multiplièrent. Enfin, en 1492, expulsés par Ferdinand et Isabelle, ils devaient sortir de ce pays au nombre de trois cent mille. Le tiers passa au Portugal, mais bientôt après, on les somma de se convertir et l'on en massacra deux mille.
Les chefs de l'Eglise se montrèrent parfois durs pour eux. Agobard, de Lyon, les tint à l'écart. Pierre le Vénérable les censura dans son traité « contre la dureté invétérée des Juifs ». On relève la même antipathie chez le fanatique Innocent III (lettre à Alphonse de Castille, 1205).

Pourtant, des voix autorisées parlèrent en leur faveur. Saint Bernard, dans une épître à l'archevêque de Mayence, recommanda la bienveillance envers eux. Hugues, évêque de Lincoln, les protégea lors d'un massacre (1190), et ils montrèrent leur gratitude à son égard en assistant à ses funérailles (Thurston, Life of saint Hugli of Lincoln, p. 277 ss.). Robert Grossetête, son successeur, tout en blâmant leur usure, demandait qu'on les convertit au lieu de les exterminer.

Signalons aussi avec satisfaction la bulle de Martin V (1419), qui interdisait d'interrompre leur culte, de leur imposer le baptême ou de les molester. On essaya, avec succès d'ailleurs, de les convertir par des discussions publiques. La plus célèbre fut celle de Tortose, en Espagne, qui occupa soixante-huit séances et dura vingt et un mois (1413-1414). Il en résulta de nombreux baptêmes de Juifs. De même, au début du XVe siècle, l'éloquence de Vincent Ferrer provoqua vingt mille conversions.

Le plus remarquable de ces néophytes fut le rabbi Salomon Helevi, qui devint archevêque de Burgos (Graetz, professeur à Breslau, Gesch. der Juden.... 3e éd., onze vol., Leipzig 1888-1894; Rodocanachi, Le Saint-Siège et les Juifs, Paris 1891 ; David Schaff, The treatment of the Jews in the Middle Ages, 1903).


Il.
Mentionnons encore quelques sectes panthéistes. Les Amauriens ou Amalriciens tiraient leur nom d'Amaury, de Bène (près de Chartres), disciple de Scot Erigène et professeur à Paris. Il enseignait que l'homme en qui l'Esprit habite n'est pas responsable des péchés qu'il commet. Innocent III le fit comparaître à Rome et blâma ses vues. Il mourut vers 1204. Ses disciples, illuminés aux allures prophétiques, qui niaient l'action des rites au profit de celle de l'Esprit et qui voyaient dans le pape l'Antichrist, furent condamnés par le synode de Paris (1209) et le IV, concile du Latran. D'après Césaire de Heisterbach, quelques-uns furent brûlés, d'autres incarcérés. L'assemblée de Paris réprouva également le panthéisme de David, de Dinant, auteur des Quaternuli ou « petits chapitres » (cf. Jundt, Hist. du Panthéisme populaire, Paris 1875 ; Delacroix, Le Mysticisme spéculatifs.., Paris 1900, 1). 32-51 ; Alphandéry, Les Idées morales.... p. 141-154). - À la fin du XlIe siècle apparurent, dans les Pays-Bas, des communautés d'hommes et de femmes, qui reçurent les noms de Béguards et de Béguines. La première maison de Béguines qui soit mentionnée est celle que fonda, vers 1180 à Liège, le prêtre Lambert dit « le Bègue ». C'était un établissement charitable pour les mendiantes désireuses de finir leurs jours dans la sécurité d'une retraite religieuse, sans se soumettre aux règles sévères des couvents. D'autres maisons de ce genre s'ouvrirent en Flandre, où celle de Gand fut une véritable cité, en France et en Allemagne surtout.

Les femmes gagnaient leur vie en filant et en soignant les malades, mais aussi en criant dans les rues : « Du pain, pour Dieu ! » (Brod durch Gott !). C'est cette mendicité sans doute qui leur valut le titre de béguines (racine beggen, beg, demander), à moins qu'on ne doive en chercher l'origine dans le surnom du fondateur de l'oeuvre.

Dans la plupart des grandes villes, il se forma aussi des béguinages de dames nobles. De même il y eut, pour les hommes, des maisons de béguards (cf. le mot anglais beggar, mendiant). La popularité de ces béguinages (béguinagia) et les libéralités qu'ils reçurent éveillèrent la jalousie du clergé. On leur reprocha de n'avoir pas été reconnus par le Saint-Siège, en les accusa de paresse et d'immoralité. Le synode de Mayence (1261) s'occupa de scandales survenus chez les béguines ; l'année suivante, celui de Cologne condamna leur indépendance à l'égard de l'Eglise, et celui de Vienne, sous Clément V (1311), le désordre de leurs mÏurs et leur refus d'adorer l'hostie (Héfelé, T. VI, p. 543).

Leurs noms servirent à désigner les hérétiques de toutes sortes, eu particulier les Frères et les SÏurs du Libre Esprit, fort discrédités. Les Béguards disparurent au XVIIe siècle, fondus dans le Tiers-Ordre de saint François. Quant aux Béguines, elles se sont maintenues dans les Pays-Bas jusqu'à nos jours.

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