ARGUMENS ET
RÉFLEXIONS SUR LES LIVRES ET LES CHAPITRES
DU NOUVEAU TESTAMENT
ÉVANGILE
SELON SAINT MATTHIEU.
CHAPITRE
XI.-
Jean-Baptiste ayant envoyé
ses disciples vers Jésus-Christ pour lui
demander s'il était le Messie,
1. Notre-Seigneur fait des miracles
en leur présence.
2. Il parle de la nature et de
l'excellence de la charge de Jean-Baptiste.
3. Il se plaint de l'endurcissement
des Juifs qui n'avaient profité ni du
ministère de Jean-Baptiste ni du sien, et il
menace les villes de la Galilée où il
avait prêché et fait des miracles, et
qui ne s'étaient pas amendées.
4. Il loue Dieu de ce que les
personnes qui avaient un esprit doux et humble
recevaient sa doctrine, pendant que ceux qui
passaient dans le monde pour les plus
éclairés la rejetaient, et il convie
tous ceux qui étaient travaillés et
chargés de venir à lui.
I. 1-6; II. 7-15; III. 16-24; IV. 25-30.
RÉFLEXIONS.
POUR profiter de cette lecture, il
faut remarquer
1. Que si Jean-Baptiste envoya
demander à Notre-Seigneur s'il était
le Messie, on ne doit pas croire qu'il en
doutât. Cela serait injurieux à ce
saint homme, qui avait constamment
déclaré que Jésus était
le Fils de Dieu, et à qui Notre-Seigneur
rend dans tout l'Évangile, et dans ce
chapitre même, le témoignage le plus
glorieux. Mais Jean-Baptiste envoya ces disciples
vers Jésus pour les convaincre que
Jésus était celui que les Juifs
attendaient.
2. Cependant le Seigneur
étant interrogé sur cela, ne voulut
pas dire ouvertement qu'il fût le Messie; il
se contenta de faire voir par des miracles qu'il
l'était, et d'avertir les disciples de Jean
de n'être pas scandalisés s'ils le
voyaient dans un état de
bassesse.
3. Ce fut dans les mêmes vues
qu'il fit remarquer à ceux qui
l'écoutaient que lorsqu'ils étaient
allés entendre Jean-Baptiste dans le
désert, ils n'y avaient pas vu un roseau
agité du vent, c'est-à-dire, qu'ils
n'y étaient pas allés pour un sujet
de petite importance, ou pour voir une personne peu
considérable. Il ajoute qu'ils n'y avaient
pas vu non plus un homme qui parut avec
éclat et avec pompe comme ceux qui sont
à la cour des rois. Mais il dit qu'ils
avaient vu en Jean-Baptiste un prophète, et
même le plus grand des prophètes,
puisqu'il était le précurseur du
Messie; et que cependant depuis qu'il avait
commencé à paraître, on
s'était opposé à lui et au
règne de Dieu dont il annonçait la
venue. Jésus-Christ disait tout cela, pour
montrer que le règne du Messie ne serait pas
de ce monde, et qu'on ne devait
pas être surpris si on le voyait aussi dans
un état si humble et si abject, et s'il
était rejeté.
4. On voit ici que les Juifs
n'avaient profité ni de la
prédication de Jean-Baptiste ni de celle de
Notre-Seigneur, trouvant que la vie de
Jean-Baptiste était trop-austère, et
que celle de Jésus-Christ ne l'était
pas assez. Rien ne peut satisfaire les hommes
incrédules et corrompus; ils rejettent tous
les différens moyens que Dieu emploie pour
les gagner, et ils en prennent même occasion
de s'endurcir davantage.
5. Les menaces que
Jésus-Christ faisait contre les villes
où il avait fait des miracles et qui ne
s'étaient pas amendées, nous
avertissent que les peuples auxquels Dieu fait le
plus de grâces, et à qui
l'Évangile est annoncé, sans en
profiter, seront traités avec la
dernière sévérité.
6. Notre-Seigneur rend grâces
à Dieu de ce que les petits et les humbles
recevaient sa doctrine, tandis qu'elle était
rejetée par les grands et les sages du
monde. Cela nous apprend que l'on ne saurait
recevoir l'Évangile, si l'on ne renonce
à la gloire du monde et à sa fausse
sagesse.
Enfin, les invitations que
Notre-Seigneur adresse à tous ceux qui sont
travaillés et chargés, les conviant
de devenir ses disciples, et les assurant que son
joug est aisé et que son fardeau est
léger, doivent nous inciter à aller
à lui avec un humble et vif sentiment de
notre misère, et avec un ardent désir
d'en être délivrés; à
nous soumettre à sa doctrine et à ses
divins préceptes, et à être
comme lui doux et humbles de coeur. C'est ainsi que
nous trouverons auprès de lui le repos de
nos âmes et une parfaite
félicité.
CHAPITRE XII.
1-21.-
Notre-Seigneur
1. justifie ses disciples qui
arrachaient des épis de blé en un
jouir de sabbat.
2. Il guérit un homme qui
avait une main sèche, et il répond
aux pharisiens qui se scandalisaient de ce qu'il
avait aussi fait ce miracle en un pareil jour.
3. Il défend au peuple de
publier ses miracles; sur quoi saint Matthieu
rapporte un oracle d'Esaïe, qui marque la
prudence, l'humilité et la douceur qui
paraîtraient dans la manière dont le
Messie exercerait son ministère.
1. 1-8; II. 9-15; III. 16-21.
RÉFLEXIONS.
IL faut faire ici trois
considérations.
La première regarde la malice
et l'hypocrisie des pharisiens, qui trouvaient
mauvais que les disciples de
Jésus-Christ eussent arraché des
épis en un jour de sabbat, et que leur
maître eût guéri en un semblable
jour un homme qui avait une main sèche. Tel
est le caractère des hypocrites et de ceux
qui n'ont qu'un faux zèle. Ils se
scandalisent des choses qui sont innocentes, et
même quelquefois de celles qui sont bonnes,
nécessaires et agréables à
Dieu, pendant qu'ils négligent
eux-mêmes les devoirs les plus essentiels de
la religion et surtout celui de la charité.
2. On doit faire une attention
sérieuse à ce que Notre-Seigneur dit
dans cette occasion, et principalement à ces
paroles : Je veux la miséricorde
plutôt que le sacrifice. Apprenons de
là que la religion ne consiste pas
simplement dans des devoirs extérieurs et
dans l'observation des cérémonies;
qu'à la vérité ces devoirs
sont indispensables et ont leur usage, lorsqu'on
les pratique conformément aux intentions de
Dieu qui les a établis; mais que ce que Dieu
exige sur toutes choses, c'est que nous ayons une
vraie charité et que nous exercions les
oeuvres de miséricorde.
3. La troisième
réflexion est tirée de la conduite de
Jésus-Christ, qui ne voulait pas qu'on
publiât ses miracles, et de ces paroles
d'Esaïe: Il n'éteindra pas le lumignon
qui fume encore, et il ne rompra pas
entièrement le roseau froissé. On
voit reluire ici la grande prudence de
Notre-Seigneur, qui évitait ce qui aurait pu
faire trop d'éclat; on y découvre son
humilité, sa douceur et sa condescendance;
on y remarque surtout qu'il ne rebute personne,
qu'il supporte les faiblesses des hommes avec
beaucoup de patience, et que pendant qu'il y a
encore en eux quelque chose de bon, il ne les
abandonne pas. Cela doit d'un côté
nous encourager et nous remplir de confiance, et de
l'autre, nous engager à imiter notre
Sauveur, à être comme lui humbles,
doux et paisibles, à fuir l'ostentation, la
vaine gloire, et à éviter l'aigreur
et les disputes, usant d'un grand support envers
les hommes, et ayant des égards et de la
condescendance pour leurs faiblesses. Ce sera par
la pratique de ces devoirs que nous ressemblerons
à Jésus-Christ, et qu'il
paraîtra que nous sommes véritablement
ses disciples.
CHAPITRE XII.
22-50.-
Jésus-Christ
1. guérit un
démoniaque; et comme les pharisiens
attribuaient ce miracle à la puissance du
diable, Notre-Seigneur fait voir la fausseté
et l'impiété de cette accusation, en
disant que le diable ne détruirait pas son
propre règne; il fait remarquer qu'il ne
pourrait chasser les démons s'il n'avait pas
une puissance plus grande que la leur; et il dit
aux pharisiens que leur blasphème ne leur
serait jamais pardonné, et que leurs
discours impies étaient une preuve de
l'extrême malice de leur coeur.
2. Étant prié par les
pharisiens de faire un signe, il le refuse, et il
les renvoie à sa résurrection, qui
devait être la dernière et la plus
forte preuve de sa mission divine. Il se plaint de
leur incrédulité, et il
allègue, dans cette vue, l'exemple des
Ninivites, celui de la reine de Scéba, et
une similitude.
3. Il déclare que ses vrais
disciples lui étaient aussi chers que ses
plus proches parens.
I. 22-37; II. 38-45; III. 46-50.
RÉFLEXIONS.
CETTE lecture nous engage à
considérer,
1. Que les pharisiens, au lieu de
reconnaître la vertu divine qui
éclatait dans les miracles de
Notre-Seigneur, disaient qu'il chassait les
démons par la puissance du diable. On voit
dans cet exemple, que les gens aveuglés par
leurs passions résistent aux moyens les plus
forts que Dieu emploie pour vaincre leur
endurcissement.
2. Jésus-Christ
déclare aux pharisiens que ce
blasphème, par lequel ils attribuaient au
diable ce qui venait de l'Esprit de Dieu, ne leur
serait jamais pardonné, parce qu'un tel
blasphème marquait une malice
désespérée et un
endurcissement insurmontable. On ne peut pas
aujourd'hui commettre ce
péché-là; mais on se rend
extrêmement coupable lors qu'on tient des
discours et que l'on a des sentimens profanes et
impies, et lorsqu'on résiste à la
vérité après l'avoir connue,
et à la grâce du Saint-Esprit dont on
sent l'opération en soi-même.
3. À l'occasion du
blasphème des pharisiens,
Jésus-Christ nous enseigne que les bons
discours sont la marque d'un bon coeur, que les
mauvais discours procèdent d'un coeur
gâté, et que les hommes rendront
compte de toutes les mauvaises paroles qu'ils
auront dites. Cela nous apprend qu'un homme de bien
se reconnaît par ses
paroles, et que le moyen de les bien régler
est de régler notre coeur.
4. Sur ce que les pharisiens,
après tant de miracles que le Seigneur avait
déjà faits en leur présence,
le prièrent encore de faire un signe, nous
devons considérer que les incrédules
et ceux qui ont le coeur mauvais ne sont jamais
contens, et qu'il n'y a rien d'assez clair ni
d'assez fort pour les convaincre. Et le refus que
Notre-Seigneur fit de faire ce signe, nous montre
que, quand Dieu a fait inutilement ce qui
était nécessaire pour surmonter
l'endurcissement des hommes, il les abandonne
justement à leur obstination.
5. Si l'exemple de la reine de
Scéba et celui des Ninivites condamnaient
les Juifs incrédules, ces exemples
condamneront beaucoup plus les chrétiens qui
ne s'amendent pas, puisque Dieu leur a fait plus de
races qu'à ces juifs dont
Jésus-Christ parle.
6. Par la similitude du mauvais
esprit qui rentre dans un homme après en
être sorti, Notre-Seigneur marquait les
malheurs qui allaient tomber sur les Juifs,
lesquels, après tout ce qu'il avait fait
pour les délivrer de leur
incrédulité, y
persévéraient. Cela nous avertit que
ceux qui ont eu part à la grâce de
Dieu et qui en abusent, perdent cette grâce,
et qu'ils tombent dans une plus grande
condamnation. Enfin, puisque Jésus-Christ
déclare que ceux qui font la volonté
de Dieu lui étaient aussi chers que sa
mère et ses parens, nous devons
reconnaître que la piété et
l'observation des commandemens de Dieu est la vraie
marque des disciples de Notre-Seigneur, et ce qui
nous fait avoir part à son amour; qu'ainsi
nous devons nous appliquer sur toutes choses
à écouter sa parole et à la
garder. Cela nous montre aussi que les personnes
qui aiment Dieu et qui le craignent, sont celles
à qui l'on doit surtout donner son amour et
son estime.
CHAPITRE XIII.
1-23.-
Notre-Seigneur
1. propose la parabole de la
semence,
2. et ensuite il l'explique en
particulier à ses disciples.
I. 1-9; Il. 10-23.
RÉFLEXIONS
IL est nécessaire de
remarquer en général, sur les
similitudes qui sont contenues dans ce chapitre et
dans divers autres endroits de
l'Évangile, que Notre-Seigneur avait
accoutumé, lorsqu'il enseignait, de se
servir de similitudes et de paraboles ; et qu'afin
que ses disciples et le peuple pussent mieux les
retenir, il les tirait des choses les plus simples
et les plus familières.
Ces paraboles étaient de deux
sortes. Il y en avait dont le sens était
clair; mais les autres avaient quelque
obscurité, et Jésus-Christ employait
ces dernières lorsqu'il s'agissait de
certaines vérités que ses auditeurs
n'étaient pas alors en état de
comprendre, et qu'il ne voulait pas dire
ouvertement avant sa mort. Telles sont celles qui
marquaient qu'on le ferait mourir, que les Juifs
seraient rejetés, et que les payens seraient
reçus à leur place. Il proposait ces
vérités-là, sous des images et
des similitudes qui étaient fort simples et
aisées à retenir, et qui dans peu de
temps seraient faciles à entendre,
l'événement devant les rendre
parfaitement claires. Ainsi, l'on voit reluire une
grande sagesse dans ces paraboles; elles montrent
que Jésus-Christ connaissait l'avenir; elles
étaient la plupart prophétiques, et
nous trouvons dans leur exact accomplissement des
preuves convaincantes de la divinité de
l'Évangile.
Le dessein de Jésus-Christ,
dans la parabole de la semence, est d'enseigner
à ses disciples comment la parole de Dieu
est reçue par ceux à qui elle est
annoncée. Il y parle de quatre sortes de
personnes.
Les premiers sont ceux sur qui cette
parole ne fait aucune impression, et dont le coeur
est entièrement endurci, c'est ce qui est
représenté par la semence qui tombe
sur le chemin.
Les seconds sont ceux qui
reçoivent et qui goûtent la parole de
Dieu, mais qui s'étant en gagés dans
la profession de l'Évangile sans
s'être bien examinés eux-mêmes,
abandonnent la vérité et la
piété lorsqu'ils sont exposés
à la persécution ou à quelque
autre tentation; c'est ce qui est signifié
par la semence qui tombe parmi les pierres et qui
lève, mais qui n'ayant point de racine
sèche bientôt.
3. Notre-Seigneur parle de ceux en
qui la parole est rendue inutile, par l'amour des
richesses et par les soins de cette vie; tout de
même que la semence qui tomberait parmi les
épines y serait étouffée.
Les derniers sont ceux qui la
reçoivent dans un bon coeur en qui elle
produit son fruit et son effet, et qui
persévèrent; ce qui est figuré
par la semence qui est reçue dans une bonne
terre et qui y fructifie abondamment. C'est
là le sens et le but de cette belle
parabole; elle tend à nous instruire de
l'usage que nous devons faire de
l'Evangile lorsqu'il nous est
annoncé. Ce que Jésus-Christ dit
à ses disciples dans le temps qu'il la leur
expliqua, doit nous faire reconnaître combien
nous sommes heureux d'être instruits de ces
divines vérités, et d'avoir sur les
mystères du royaume de Dieu, des
lumières que les prophètes même
n'avaient pas. C'est là un avantage
précieux, dont nous devons nous
prévaloir, de peur que nous ne tombions dans
le crime et dans la condamnation de ceux qui voient
et qui entendent, mais qui ne reçoivent pas
la vérité et qui refusent de se
convertir.
CHAPITRE XIII.
24-58-
Jésus-Christ propose
la similitude de l'ivraie,
celle d'un grain de moutarde,
celle du levain,
celle d'un trésor
caché et d'une perle de grand prix,
et celle d'un filet.
Il exhorte ses disciples à
faire un bon usage de ses instructions, et il va
à Nazareth où peu de gens crurent en
lui.
I. 24-50; Il. 51-58.
RÉFLEXIONS.
LES similitudes de l'ivraie et d'un
filet ont un même sens. Elles signifient,
suivant l'explication que Notre-Seigneur en donna,
que parmi ceux qui embrasseraient la profession de
l'Évangile, il y aurait des hypocrites qui
seraient mêlés avec les bons, et que
cela aura lieu jusqu'à la fin du monde; mais
qu'alors ils seront séparés, que les
méchans seront envoyés au feu
éternel, et que les justes seront
reçus dans la gloire céleste.
L'usage que nous devons faire de ces
paraboles, c'est de n'être pas
scandalisés, si nous voyons parmi les
chrétiens des personnes qui suivent l'erreur
et le vice; d'être sur nos gardes et
d'éviter le commerce des méchans, de
peur qu'ils ne nous séduisent; d'avoir
cependant toujours pour eux des sentimens de
charité, et de travailler au reste, pour ce
qui nous regarde, à être du nombre des
justes, afin qu'à la venue de
Jésus-Christ nous soyons reçus dans
son royaume.
Par les similitudes d'un grain de
moutarde et du levain, Notre-Seigneur voulait
marquer que, quoiqu'il n'eût alors qu'un
petit nombre de disciples, et que sa doctrine ne
fut presque pas connue dans le monde, elle se
répandrait bientôt par toute la terre.
Mais Jésus-Christ disait cela en termes
couverts et figurés, parce qu'il ne voulait
pas alors dire ouvertement,
crainte de scandaliser les Juifs, que les payens et
tous les peuples entreraient dans l'Église.
Ces similitudes sont
prophétiques, et l'on en voit le sens et la
divinité dans l'établissement de la
religion de Jésus-Christ, qui a
été annoncée et reçue
en tant d'endroits du monde, comme il l'avait
prédit.
La similitude d'un trésor
caché et celle de la perle, tendent à
nous montrer qu'il n'y a rien de plus
précieux, et de plus excellent que
l'Évangile et les biens qu'il renferme; que
le plus grand bonheur qui puisse nous arriver est
de les posséder, et qu'ainsi il faut faire
avec joie tout ce qui peut nous les procurer, et
renoncer même à ce que nous avons de
plus cher au monde, pour acquérir un si
précieux trésor.
Nous devons, comme
Jésus-Christ y exhortait ses disciples,
retenir ces divines instructions, les mettre et les
serrer dans notre coeur, afin d'en tirer
continuellement les secours et les encouragemens
nécessaires pour résister aux
tentations, et pour nous animer à l'amour de
Dieu et à la pratique des bonnes oeuvres.
L'on voit sur la fin de ce chapitre,
que bien que les habitans de Nazareth entendissent
la doctrine de Jésus-Christ et qu'ils
vissent quelques-uns de ses miracles, ils ne
crurent point en lui, parce qu'ils le regardaient
comme le fils d'un charpentier et qu'il avait
été élevé parmi eux; ce
qui fit que Notre-Seigneur leur dit que nul
prophète n'était reçu dans son
pays. Les hommes méprisent souvent les
faveurs que Dieu leur accorde et les avantages les
plus précieux, lorsqu'ils sont communs et
qu'ils peuvent en jouir sans peine; et Dieu voyant
leur ingratitude, les en prive, comme cela arriva
à ceux de Nazareth, à cause de leur
incrédulité,
CHAPITRE
XIV.-
Saint Matthieu récite
trois choses:
1. L'histoire de la mort de
Jean-Baptiste.
2. Comment Jésus-Christ donna
à manger à cinq mille personnes avec
cinq pains et deux poissons.
3. Un autre miracle que
Notre-Seigneur fit, lorsque ses disciples
étant exposés à une
tempête, il alla vers eux en marchant sur la
mer.
I. 1-12; Il. 13-21; III. 22-36.
RÉFLEXIONS.
IL faut d'abord faire cette
considération générale sur la
mort de Jean-Baptiste, que Dieu voulut que ce saint
homme, qui avait annoncé
la venue du règne du Messie, mourut d'une
mort violente, pour faire voir aux Juifs que ce
règne ne serait pas un règne
temporel, et afin qu'ils ne fussent pas
scandalisés lorsque Jésus-Christ
lui-même serait mis à mort.
Après cela, il faut remarquer
que ce qui donna occasion à la mort de
Jean-Baptiste, fut le zèle de ce saint
prophète, qui reprit Hérode de son
commerce criminel avec Hérodias, la haine
que cette femme impudique avait conçue
contre Jean-Baptiste, et la complaisance
qu'Hérode eut pour elle. Les
réflexions qu'il y a à faire sur cela
sont : que les serviteurs de Dieu doivent reprendre
toutes sortes de personnes avec courage et avec
zèle, quand même ils s'attireraient
par là la haine des méchans; que
l'impureté et l'amour des plaisirs font
commettre bien des crimes; et enfin qu'il peut
arriver de grands maux, par les sermens
téméraires, aussi bien que par la
mauvaise honte et par la complaisance qu'on a pour
les personnes vicieuses.
Le miracle des cinq pains a ceci de
particulier qu'il fut fait en présence de
plusieurs milliers d'hommes qui en furent les
témoins et qui y eurent part; cette
circonstance rend ce miracle encore plus certain,
et elle prouve la merveilleuse puissance de
Notre-Seigneur, de même que la grande
bonté dont il était animé
envers le peuple qui le suivait.
Enfin cet autre miracle que
Notre-Seigneur fit lorsqu'il vint à ses
disciples en marchant sur la mer, est aussi une
preuve de son pouvoir sans bornes et de son amour
pour ses disciples. Il voulut dans cette occasion
faire marcher saint Pierre sur l'eau, pour
fortifier la foi de cet apôtre et celle de
ses collègues, et pour les assurer par
là qu'ils feraient dans la suite les
miracles les plus extraordinaires, et qu'aucun
péril ne devait les ébranler.
Pour ce qui nous regarde, nous
devons faire ici ces deux considérations:
l'une, que si les fidèles se trouvent dans
le danger, Dieu vient à leur secours
lorsqu'il en est temps; l'autre, que comme le
zèle et la foi de saint Pierre le firent
d'abord marcher sur l'eau mais que la peur le fit
enfoncer, ce n'est aussi que le manque de foi qui
nous fait succomber dans les tentations et dans les
dangers; mais qu'avec la foi et le secours du
Seigneur nous les surmontons heureusement.
CHAPITRE
XV.-
Jésus-Christ
justifie ses disciples sur ce qu'ils
n'observaient pas la coutume des pharisiens et des
Juifs qui se lavaient les mains avant le repas ; ce
que les Juifs faisaient non pour la
propreté, mais par un principe de religion,
croyant que sans cela ils n'auraient pas
été nets.
Notre-Seigneur reproche aux
pharisiens, qui se scandalisaient du
procédé de ses disciples, de violer
eux-mêmes la loi divine par leurs traditions,
et surtout en enseignant que, si quelqu'un
consacrait à Dieu le bien dont il aurait pu
assister père et mère, il ne lui
était plus permis après un tel voeu
d'employer son bien au soulagement de son
père ou de sa mère.
Ensuite le Seigneur montre ce que
c'est qui souille l'homme et ce qui ne le souille
pas.
Il guérit la fille d'une
femme cananéenne et plusieurs malades,
et il donna à manger à
quatre mille hommes avec sept pains et quelques
poissons.
I. 1-9; Il. 10-20; III. 21-31; IV. 32-49.
RÉFLEXIONS.
L'ENTRETIEN de Jésus-Christ
avec les pharisiens nous présente les
réflexions suivantes :
1. Que les hypocrites font
uniquement consister la religion et la
piété dans des devoirs
extérieurs, souvent vains et de
très-petite importance; qu'ils observent
scrupuleusement ces sortes de choses et condamnent
ceux qui ne les observent pas, pendant
qu'eux-mêmes manquent aux devoirs les plus
importans et pèchent contre les commandemens
de Dieu les plus exprès;
2. que le devoir des enfans envers
père et mère est tout-à-fait
inviolable, que rien ne les en peut dispenser, et
qu'ils sont particulièrement obligés
de les assister dans le besoin;
3. que les voeux et les sermens
téméraires et contraires à la
loi divine ne doivent point être
gardés;
4. que Dieu rejette le culte de ceux
qui ne l'honorent que de la bouche et des
lèvres et dont le coeur est
éloigné de lui, et qu'il veut
être servi suivant qu'il l'a commandé
dans sa parole, et non pas suivant les inventions
et les commandemens des hommes.
5. Le Sauveur du monde nous enseigne
que ce ne sont pas seulement les actions
extérieures qui souillent les hommes et qui
les rendent coupables devant Dieu, mais que ce sont
aussi et principalement les mauvaises
pensées, les mouvemens du coeur et les
désirs qui tendent à
l'impureté, à
l'injustice, à l'orgueil,
à la médisance et aux autres
péchés, C'est là une doctrine
très-importante et d'un grand usage; elle
nous oblige à nous étudier surtout
à la sainteté intérieure et
à la pureté du coeur et de la
conscience. On doit faire une attention
particulière au miracle que Notre-Seigneur
fit, en guérissant la fille de la
cananéenne, Il refusa d'abord de
guérir cette fille, parce que sa mère
était payenne; et il en usa de la sorte
non-seulement pour exciter le zèle de cette
femme, mais aussi à cause que le temps
n'était pas encore venu auquel les payens
devaient être appelés, et parce que
pendant son séjour sur la terre il ne
faisait des miracles qu'en faveur des Juifs.
Mais voyant la
persévérance et la profonde
humilité de cette femme, il fit enfin ce
qu'elle lui avait demandé. Dans cet exemple,
nous voyons que les prières faites avec foi,
avec humilité et avec
persévérance, sont
très-agréables à Dieu et
très-efficaces; que si Dieu ne nous exauce
pas d'abord, il le fait afin de nous
éprouver, d'animer par là notre
zèle, et de nous faire mieux sentir notre
indignité; mais que lorsque nous continuons
à l'invoquer avec ferveur, il nous accorde
enfin les grâces que nous lui demandons. Au
reste, on découvre dans ce miracle, de
même que dans ceux que Notre-Seigneur fit en
guérissant un grand nombre de malades et en
nourrissant quatre mille hommes avec sept pains et
quelques poissons, de nouvelles preuves de sa
toute-puissance, et le récit de toutes ces
merveilles doit nous inciter à louer Dieu et
à lui donner gloire, comme le firent
autrefois ceux qui furent les témoins de ces
miracles.
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