ARGUMENS ET
RÉFLEXIONS SUR LES LIVRES ET LES CHAPITRES
DU NOUVEAU TESTAMENT
ÉVANGILE
SELON SAINT LUC.
CHAPITRE XXII.
1-38.-
Saint Luc commence ici l'histoire
de la passion de Jésus-Christ, et il
rapporte:
1. le traité que Judas fit
avec les Juifs pour leur livrer Notre Seigneur ;
2. comment Jésus-Christ
célébra la Pâque
et institua la sainte
Cène;
3. la prédiction qu'il fit de
la trahison de Judas;
4. ce qu'il dit aux apôtres
sur ce qu'ils disputaient entr'eux lequel serait le
plus grand dans le royaume de leur maître.
5. Notre Seigneur prédit la
chute et la repentance de saint Pierre, et il
avertit ses disciples que le temps de sa mort
était venu.
I. 1-7; Il. 8-20; III. 21-23; IV. 24-30; V.
31-38.
RÉFLEXIONS.
LA première réflexion
qu'il faut faire ici est que Judas prit la
résolution de livrer son maître aux
Juifs, et que nonobstant que Jésus-Christ
lui fit entendre qu'il connaissait son dessein, ce
disciple infidèle ne laissa pas de
l'exécuter. Comme ce fut l'amour de l'argent
qui porta Judas à une action si perfide, on
voit par là que cette passion, que les
hommes ne croient pas fort dangereuse, les aveugle
et les endurcit à un point qu'ils sont
capables de tomber dans les derniers crimes, et
qu'ils résistent à tout ce qui
devrait les en détourner.
2. Sur ce que Notre Seigneur
célébra la Pâque avec ses
disciples et institua le sacrement de la
Cène, il faut faire ces deux
considérations. L'une, qu'il observa
jusqu'à la fin de sa vie tout ce qui
était prescrit par la religion des Juifs; ce
qui nous apprend à ne mépriser et
à ne négliger jamais aucune des
institutions divines. L'autre, que nous devons
regarder avec un grand respect ce saint sacrement
que le Sauveur du monde établit alors pour
être un mémorial de sa passion et de
sa mort, et y participer avec une singulière
dévotion toutes les fois que nous nous y
présentons.
3. Il est à remarquer que,
comme Jésus-Christ avait parlé de la
venue du règne de Dieu dans ce dernier
repas, cela donna occasion à ses disciples
de demander lequel d'entr'eux serait le plus grand
dans ce règne qu'ils croyaient devoir
être un règne temporel. Mais le
Seigneur les exhorta à se défaire des
pensées charnelles qu'ils avaient sur le
règne du Messie, et à prendre des
sentimens d'humilité, leur promettant
cependant de les élever à une grande
gloire s'ils lui étaient toujours
fidèles.
Ces leçons d'humilité
et de renoncement aux grandeurs du monde, que
Jésus-Christ a données tant de fois
à ses disciples, apprennent à tous
les chrétiens qu'il ne leur est pas permis
de rechercher la gloire et l'honneur, et
qu'étant les disciples d'un maître qui
a été l'humilité même,
ils ne doivent point penser à
s'élever les uns pardessus les autres; et
qu'au reste, la véritable
gloire à laquelle il faut aspirer est celle
qui se trouve dans l'humilité, et qui est
réservée, dans le royaume de Dieu,
à ceux qui imiteront Jésus-Christ et
qui persévéreront dans son
obéissance, au milieu des épreuves
auxquelles ils auront été
exposés.
Notre Seigneur avertit dans ce
temps-là saint Pierre de sa chute; mais il
l'assura en même temps qu'il avait
prié pour lui afin que sa foi ne faillit
point. Le péché et la repentance de
cet apôtre confirmèrent la
vérité de cette prédiction et
de cette promesse.
Nous sommes extrêmement
faibles, le plus souvent nous ne nous connaissons
pas nous-mêmes, et ce qui nous aveugle le
plus et nous fait tomber, c'est la
présomption; mais ce qui nous soutient et
nous relève, c'est une sage défiance
de nous-mêmes et la grâce du Seigneur.
Ainsi nous devons implorer cette grâce avec
beaucoup d'ardeur et d'humilité, et le prier
qu'il ne nous abandonne pas à notre propre
faiblesse, et qu'il nous affermisse dans la foi, en
sorte qu'elle ne défaille jamais.
CHAPITRE XXII.
39-71.-
Jésus-Christ
- souffre dans le jardin.
- 2. il est pris par Judas.
3. Saint Pierre le renie et
pleure sa faute.
4. Jésus est
condamné devant le conseil des Juifs.
I. 39-46; II. 47-54; III. 55-62; IV. 63-71.
RÉFLEXIONS.
DANS le récit que saint Luc
fait de ce que Jésus-Christ souffrit dans le
jardin, on doit remarquer la tristesse de Notre
Seigneur ses prières et sa
résignation. Sa tristesse fait voir qu'il
était sujet à toutes les faiblesses
de notre nature.
La vue de cette mort qu'il allait
endurer pour les péchés des hommes
l'étonna; il eut même besoin
d'être fortifié par un ange; mais ce
trouble n'avait rien que d'innocent, et l'on ne
doit pas penser que Jésus-Christ souffrit
des peines semblables à celles des
méchans, ni que Dieu fût irrité
contre lui.
Ses prières nous enseignent
à chercher notre consolation et notre force
dans le recours à Dieu, lorsque nous sommes
dans la détresse; et sa résignation
à la volonté de son père nous
apprend à nous soumettre en toutes choses,
même dans les événemens les
plus fâcheux, à ce qu'il plaît
à Dieu de faire de nous. Au reste,
après cet état de délaissement
par où Jésus-Christ a passé,
nous ne devons jamais perdre courage
dans nos maux, pourvu que comme
lui nous nous abandonnions entièrement
à Dieu.
2. La manière dont Notre
Seigneur fut pris montre que, quoiqu'il
connût le dessein de Judas et qu'il eût
pu éviter la mort, il se livra
lui-même entre les mains des Juifs, parce
qu'il était résolu de mourir pour
accomplir les desseins de son père.
3. Ce que fit saint Pierre lorsqu'il
frappa avec l'épée un des serviteurs
du souverain sacrificateur, marque l'attachement
que cet apôtre avait pour son maître ;
mais cette action procédait d'un zèle
inconsidéré et d'un esprit de
vengeance, c'est pourquoi Notre Seigneur l'en
censura.
La violence et la vengeance
déplaisent à Jésus-Christ et
sont indignes de ses disciples; ainsi, nous devons
nous en éloigner et imiter toujours la
grande douceur de Notre Seigneur qui, pouvant punir
ceux qui venaient le saisir, ne le fit pas, et
donna même une preuve de sa bonté
aussi bien que de sa puissance, en
guérissant celui que saint Pierre avait
blessé.
4. On voit ici que saint Pierre, qui
avait témoigné tant de zèle
pour Jésus-Christ, le renia par trois fois,
étant entraîné par la crainte
de la mort. La chute de cet apôtre fait voir
que notre inconstance est grande, et que les
tentations peuvent facilement nous surprendre,
lorsque nous n'employons pas la vigilance et la
prière pour les éviter. Cependant cet
apôtre se releva de sa chute, au lieu que
Judas tomba dans le désespoir. On revient
plus facilement des fautes où l'on tombe par
surprise que de celles que l'on commet de propos
délibéré.
Enfin ce qui se passa, lorsque Notre
Seigneur parut devant le Conseil des Juifs, fait
voir qu'il ne fut condamné pour aucun crime
et qu'il était entièrement innocent,
puisque la sentence de sa condamnation ne fut
fondée que sur ce qu'il avoua qu'il
était le Fils de Dieu. Il fit pourtant cet
aveu, et il se soumit à cette sentence si
injuste; en quoi nous avons la preuve la plus
convaincante qu'il eût pu nous donner de son
amour, et un exemple de patience que nous devons
toujours avoir devant les yeux.
CHAPITRE
XXIII.-
Jésus-Christ
parait et est accusé devant
Pilate, et ensuite devant Hérode; l'un et
l'autre le déclarent innocent;
Pilate tâche de le
délivrer; mais enfin, vaincu par les
instances des principaux des Juifs, il le condamne
à la mort.
I. 1-13; Il. 14-25.
RÉFLEXIONS.
ON découvre d'abord ici
l'injustice et la haine des principaux des Juifs
qui, après avoir condamné Notre
Seigneur, l'accusèrent faussement devant
Pilate d'avoir voulu soulever le peuple et se faire
roi, et qui demandèrent sa mort
malgré tout ce que Pilate leur put dire pour
les apaiser, jusque là qu'ils
aimèrent mieux qu'on sauvât la vie
à un meurtrier et à un
séditieux qu'à Jésus-Christ.
2. Dieu permit que Pilate
envoyât Jésus vers le roi
Hérode, afin que la parfaite innocence de
Notre Seigneur fût d'autant mieux reconnue,
ce prince n'ayant pas trouvé qu'il eût
rien fait qui méritât la mort.
3. Jésus-Christ paraissant
devant Hérode, ne lui parla point, et il ne
lui fit aucune réponse, parce que les
questions que ce prince lui faisait ne
procédaient pas d'aucun dessein qu'il
eût de s'instruire, mais qu'elles ne venaient
que d'une vaine curiosité et du désir
qu'il avait de voir faire quelque miracle à
Notre Seigneur. Dieu se fait connaître
à ceux qui cherchent la vérité
de bonne foi; mais pour ce qui est de ceux qui ne
s'informent de la vérité que par
curiosité et dans un esprit profane, il les
laisse dans leur aveuglement.
En quatrième lieu, ou doit
surtout faire attention à l'injustice de
Pilate. Il était convaincu qu'on accusait
Jésus à tort, il souhaitait de le
délivrer, il le pouvait; mais il n'osa pas
le faire, et après quelque
résistance, il le condamna pour complaire
aux Juifs. C'est ainsi que se conduisent les juges
iniques, et en général tous ceux qui
pèchent contre leur connaissance; ils ont
plus d'égard aux hommes et à la
politique, qu'à ce que Dieu, la justice et
la conscience demandent. Cet exemple montre qu'il
ne sert de rien d'avoir de bons sentimens et
quelque désir de faire son devoir, qu'il
serait même inutile de résister
pendant quelque temps à la tentation, si
l'on vient à y succomber; qu'au contraire on
n'en est que plus coupable, et qu'ainsi, en toutes
occasions, il faut consulter uniquement la
conscience, et suivre ce qu'elle nous inspire, sans
qu'aucune sollicitation ni aucun motif que ce
puisse être nous en empêche jamais.
CHAPITRE XXIII.
26-56-
Saint Luc récite :
1. ce qui se passa lorsque
Jésus fût conduit au supplice et
pendant qu'il était sur la croix, et sa
mort;
2. les prodiges qui
arrivèrent;
3. sa sépulture.
I. 26-46; II. 47-49; III. 50-56.
RÉFLEXIONS.
Voici les réflexions qu'il
faut faire sur les diverses particularités
de la passion de Notre Seigneur, qui sont
rapportées par saint Luc.
1. On voit, dans ce que Jésus
dit aux femmes de Jérusalem qui pleuraient
sa mort, que dans le temps même qu'on le
conduisait au supplice et qu'on le faisait mourir
si injustement, il était plus sensible aux
malheurs qui allaient tomber sur les Juifs,
qu'à ce qu'il souffrait lui-même.
C'est là un exemple bien touchant de douceur
et de patience, qui doit nous convaincre de la
parfaite charité de Jésus-Christ, et
nous engager à pardonner à ceux qui
nous traitent avec injustice, et à nous
intéresser pour les autres encore plus que
pour nous-mêmes.
2. Ce sont les sentimens que doit
aussi nous inspirer cette prière que
Jésus fit dans le temps qu'on le crucifiait:
Mon Père, pardonne-leur, car ils ne savent
ce qu'ils font.
Une troisième circonstance,
qui est digne de toute notre attention, est ce que
saint Luc rapporte de ces deux voleurs qui furent
crucifiés avec Jésus-Christ :
On voit, dans l'un de ces voleurs,
un exemple qui montre jusqu'où les hommes
peuvent porter l'impiété, la
méchanceté et l'endurcissement; mais
on remarque dans l'autre, qui reprit son compagnon
et qui invoqua. Jésus-Christ comme son
Sauveur et son roi, quoiqu'il le vit sur une croix,
une foi admirable, une belle repentance et une
grande humilité.
La promesse que Notre Seigneur lui
fit: Tu seras aujourd'hui avec moi dans le paradis
est un exemple illustre de la miséricorde de
Dieu envers les pécheurs repentans. Il ne
faut pourtant pas abuser de cet exemple, en
s'imaginant que l'on peut, sans hasarder son salut,
attendre de se convertir à la fin de sa
vie.
Cette promesse nous assure aussi que
ceux qui meurent dans la grâce de Dieu sont
dans un état de bonheur immédiatement
après leur mort.
4. La mort de Jésus-Christ et
sa sépulture doivent être
considérées comme le dernier
degré de son abaissement,
et l'accomplissement du sacrifice qu'il a offert
à Dieu pour l'expiation de nos
péchés. Ainsi nous y trouvons le
fondement de notre foi et de notre confiance, et de
puissans motifs à ne point craindre la mort.
Enfin les divers prodiges qui arrivèrent,
lorsque Notre Seigneur fut crucifié et qu'il
mourut, étaient destinés à
faire voir qu'il était véritablement
le Fils de Dieu. Ce fut aussi l'effet qu'ils
produisirent sur le centenier qui gardait la croix,
sur le peuple qui assista à ce spectacle, et
en particulier sur les personnes qui avaient eu de
l'attachement pour Jésus-Christ pendant sa
vie. Mais ce fut ce qui parut encore plus
clairement, lorsqu'il ressuscita le
troisième jour après sa mort.
CHAPITRE
XXIV.-
Jésus étant
ressuscité,
des anges l'annoncent aux femmes qui
étaient allées à son
sépulcre ;
il se fit voir ensuite à deux
de ses disciples qui allaient à Emmaüs,
et enfin aux autres apôtres.
Saint Luc finit son Évangile,
en rapportant les derniers ordres que Notre
Seigneur donna aux apôtres et son ascension.
1. 1-12; II 13-35; III. 36-43; IV. 44-53.
RÉFLEXIONS.
SAINT Luc nous apprend dans ce
chapitre que Jésus-Christ étant
ressuscité, sa résurrection fut
annoncée par des anges aux femmes qui
étaient allées à son
sépulcre, et qu'après cela il se fit
voir à deux disciples et enfin à tous
les apôtres, qui s'assurèrent
pleinement de sa résurrection, en lui
parlant, en touchant son corps, et en le voyant
manger en leur présence.
Ces diverses apparitions de Notre
Seigneur confirment qu'il est ressuscité, et
elles doivent puissamment fortifier notre foi et
nos espérances, qui sont toutes
fondées sur cette résurrection.
L'entretien que Jésus-Christ
eut avec les deux disciples qui allaient à
Emmaüs est remarquable. On y voit que, quoique
ces disciples conservassent un tendre souvenir pour
leur maître et qu'ils eussent même
quelque espérance de sa résurrection,
ils ne la croyaient pas encore, et que leur foi
était bien faible; ce qui prouve qu'ils
n'ont cru cette résurrection que sur des
fondemens certains, et après en avoir
été parfaitement convaincus.
D'un autre côté, on
remarque que Jésus-Christ les instruisit sur
le mystère de sa mort et
sur sa résurrection, en leur expliquant les
prophéties qui en avaient parlé. Cela
doit nous inciter à lire et à
méditer les oracles des prophètes,
puisque nous y trouvons des prédictions si
propres à nous confirmer dans la foi, et
surtout puisque l'événement a si bien
éclairci et vérifié ces
oracles.
Nous avons, dans les derniers ordres
que Jésus-Christ donna à ses
disciples, l'abrégé de la doctrine de
l'Évangile, qui revient à ceci:
C'est que Jésus-Christ est
mort, qu'il est ressuscité, et qu'il a
envoyé ses apôtres, pour annoncer par
tout le monde la rémission des
péchés, et pour exhorter les hommes
à la repentance.
Enfin l'ascension de Notre Seigneur
doit nous persuader pleinement qu'il est le Fils de
Dieu. Et comme les apôtres, lorsqu'ils le
virent monter au ciel, l'adorèrent et s'en
retournèrent à Jérusalem
remplis de joie et bénissant Dieu, nous
devons aussi adorer Jésus-Christ comme notre
Dieu et notre Sauveur, nous soumettre à lui,
et nous réjouir continuellement, en pensant
à la gloire où il est
élevé à la droite de son
père, et dans l'espérance ferme d'y
être reçus un jour.
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