ARGUMENS ET
RÉFLEXIONS SUR LES LIVRES ET LES CHAPITRES
DU NOUVEAU TESTAMENT
ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX
ROMAINS.
L'Épître aux Romains fut
écrite environ l'an 57 de Notre Seigneur.
Elle a été mise à la
tête des autres Épîtres,
à cause de l'importance des choses qu'elle
contient, et à cause de la dignité de
la ville de Rome. Le but de cette
Épître est de faire voir que ce n'est
que par l'Évangile et par la foi en
Jésus-Christ que les hommes pouvaient
être sauvés; que la circoncision et
les oeuvres de la loi de Moïse ne donnaient en
cela aucun avantage aux Juifs par-dessus les
payens; qu'il ne fallait pas assujettir les payens
qui embrassaient l'Évangile à
être circoncis et à observer les
cérémonies de la loi, comme le
prétendaient certains Juifs convertis au
Christianisme; et que Dieu avait pu appeler les
gentils et les recevoir dans son alliance; ce qui
avait aussi été prédit par les
prophètes. C'est là ce qui est
enseigné dans les onze premiers chapitres de
celle Épître.
Dans les cinq derniers, saint
Paul exhorte les Romains aux principaux devoirs de
là vie chrétienne, et surtout
à la charité, au support et à
la paix, parce que les divisions qu'il y avait
alors entre les Juifs et les payens convertis
troublaient la paix de l'Eglise.
CHAPITRE
PREMIER.-
Saint Paul fait deux choses:
- 1. Il salue les Fidèles de Rome, et
il leur marque la joie qu'il ressentait en
entendant parler de leur foi, et le grand
désir qu'il avait d'aller les voir.
- 2. Il commence à montrer que tous les
hommes étant pécheurs, ils
n'avaient pu être sauvés que par
Jésus-Christ; et pour cet effet, il fait
voir d'abord que, quoique Dieu se fût fait
connaître aux payens par les oeuvres de la
création, ils ne l'avaient pas servi, et
qu'ils étaient tombés dans
l'idolâtrie et dans toutes sortes de
dérèglemens.
I. 1-16; Il. 17-32.
RÉFLEXIONS.
ON voit, dès l'entrée
de cette Épître, l'amour de saint Paul
pour les Romains, le désir qu'il avait de
contribuer à leur
édification, et le
zèle dont il était animé, pour
aller annoncer l'Évangile en tous lieux et
à toutes sortes de personnes, et même
dans la ville de Rome.
Tous les chrétiens, mais
particulièrement les ministres de
l'Évangile, doivent imiter saint Paul
à cet égard: aimer tendrement
l'Eglise de Jésus-Christ et les
Fidèles, prier continuellement pour eux,
procurer leur édification de tout leur
pouvoir, et n'avoir jamais honte de la
vérité ni de la piété.
2. Nous voyons ici que, quoique Dieu
se fût révélé aux payens
par les oeuvres de la création et de la
Providence, ils ne l'avaient pas glorifié,
qu'ils s'étaient abandonnés à
toutes sortes de péchés, et que les
peuples mêmes où les sciences et les
arts fleurissaient étaient tombés
dans l'idolâtrie la plus honteuse et la plus
indigne de l'homme; par où ils avaient
attiré sur eux la colère du ciel.
Si les payens étaient en cela
coupables et inexcusables, comme saint Paul le
déclare, nous le serions beaucoup plus, si
Dieu s'étant fait connaître à
nous, non-seulement par les oeuvres de la nature,
mais par sa Parole, nous ne l'honorions pas comme
nous le devons.
3. Ce que saint Paul dit, dans ce
chapitre, des deux principaux péchés
des payens qui étaient l'idolâtrie et
les débordemens affreux où ils
étaient tombés à
l'égard de l'impureté, nous montre en
quel état nous serions, si Dieu ne nous
avait pas éclairés des
lumières de l'Évangile, et dans
quelles horreurs l'impureté et la
sensualité peuvent entraîner les
hommes.
Enfin l'apôtre fait dans ce
chapitre le tableau des vices et des moeurs des
payens, en disant qu'ils étaient remplis de
souillure, d'avarice, d'injustice et de toutes
sortes de passions et de péchés, et
que, quoiqu'ils sussent que ceux qui faisaient ces
choses étaient dignes de mort, ils ne se
lassaient pas de les commettre.
Il faut avouer, à la honte
des chrétiens, que c'est là le
tableau de la vie et des moeurs d'un grand nombre
d'ent'reux; mais nous devons aussi conclure de
là que ceux qui, ayant connu beaucoup mieux
que les payens le droit de Dieu et sa
volonté, les imitent dans leurs
dérèglemens, éprouveront ce
qu'il y a de plus terrible dans sa vengeance.
CHAPITRE
Il.-
Saint Paul
ayant montré, dans le
chapitre précédent, que les payens
étaient pêcheurs, prouve dans celui-ci
que les Juifs qui condamnaient les payens
l'étaient aussi, et même qu'abusant de
leurs lumières et de la
bonté de Dieu, ils étaient bien plus
coupables que les payens qui n'avaient que la loi
de la nature et de la conscience; d'où il
s'en suit que les Juifs ne pouvaient pas
prétendre être justifiés devant
Dieu par leurs oeuvres, et qu'ils n'avaient pas
plus de droit au salut que les gentils.
Et parce que les Juifs se
glorifiaient d'avoir la loi de Dieu et la
circoncision, qui était une marque de son
alliance, l'apôtre leur déclare que
tous ces avantages extérieurs, qui les
distinguaient des payens, leur devenaient inutiles,
et ne les rendaient pas plus agréables
à Dieu, pendant qu'ils n'observaient pas sa
loi.
I. 1-16; II. 17-29.
RÉFLEXIONS.
LE but de ce chapitre est en
général de montrer que les Juifs
étaient coupables devant Dieu, aussi bien et
même beaucoup plus que les payens, et
qu'ainsi ils ne pouvaient être
justifiés ni sauvés que par
Jésus-Christ. Nous devons tirer de ce que
saint Paul enseigne ici, ces instructions:
1. que ceux qui condamnent le
péché dans les autres et qui
commettent cependant les mêmes
péchés seront inexcusables, et qu'ils
n'échapperont point au jugement de Dieu;
2. que, si Dieu use d'un grand
support envers les pécheurs, il le fait pour
les appeler à la repentance, et que ceux qui
abusent de ce support attirent sur eux les plus
terribles effets de sa colère;
3. que Dieu rendra un jour à
tous les hommes selon leurs oeuvres; qu'il donnera
la vie éternelle à ceux qui auront
fait le bien avec persévérance, mais
que l'affliction et le désespoir seront le
partage des méchans;
4. qu'au jour du jugement, les
hommes seront jugés selon le degré de
connaissance qu'ils auront eu; que les payens le
seront par la loi de la Nature; mais que la
punition de ceux qui auront péché
contre la loi que Dieu a donné dans sa
parole, sera beaucoup plus rigoureuse; par
où nous pouvons voir à quoi doivent
s'attendre les chrétiens qui pèchent
contre les lumières de l'Évangile.
Enfin saint Paul fait voir que
c'était en vain que les Juifs se vantaient
d'être plus éclairés que les
payens et d'avoir la circoncision; il leur reproche
de transgresser la loi de Dieu d'une manière
encore plus criminelle, et d'être cause que
le nom de Dieu était blasphémé
parmi les gentils, et il conclut de là que
la circoncision et les autres privilèges
dont ils jouissaient ne leur servaient de rien, et
qu'ils seraient traités comme s'ils
étaient payens et incirconcis. Ce que saint
Paul dit avec tant de force sur ce sujet contre
les Juifs, nous enseigne qu'il
ne faut pas se glorifier de connaître la
volonté de Dieu, de vivre dans son alliance
et d'en avoir les signes extérieurs à
moins qu'on ne fasse cette volonté, et que
le vrai chrétien n'est pas celui qui ne
l'est qu'au dehors; mais que celui-là
seulement sera réputé chrétien
qui l'est intérieurement et dans le coeur,
et qui est loué et approuvé, non par
les hommes, mais par le Seigneur lui-même.
CHAPITRE
III.-
Saint Paul fait voir trois choses
dans ce chapitre.
- 1. Que les Juifs avaient de grands avantages
par-dessus les payens; que s'ils n'avaient pas
cru en Jésus-Christ, cela
n'empêchait pas que Dieu ne fût
toujours fidèle dans ses promesses, et
qu'ils ne fussent punis avec justice; et qu'au
reste, quoique l'incrédulité des
Juifs servît à manifester la
justice, la vérité et la
bonté de Dieu, ils ne laisseraient pas
d'être entièrement inexcusables.
2. Saint Paul prouve, par des
passages du Vieux Testament, que les Juifs
étaient coupables de la violation de la
loi de Dieu, et il remarque que ces passages ne
regardaient que les Juifs.
3. Il conclut de là que
les Juifs n'avaient pu être
justifiés par la loi de Moïse, et
qu'ils ne pouvaient l'être, non plus que
les payens, que par la foi en
Jésus-Christ, et il dit que cette
doctrine, bien loin d'être opposée
à la loi, l'établissait au
contraire plus fortement.
I. 1-8; II. 9-19; Ill. 20-30.
RÉFLEXIONS.
LA doctrine que saint Paul enseigne
dans tout ce chapitre, et qu'il a dessein
d'établir, est que puisque les Juifs
étaient engagés dans le
péché et dans la condamnation aussi
bien que les payens, ils ne pouvaient
prétendre être justifiés par la
loi de Moïse, et qu'il n'y avait pour les uns
et pour les autres qu'une seule voie de
justification, savoir la foi en
Jésus-Christ, qui a expié les
péchés de tous les hommes.
Outre cette doctrine, qui est
capitale dans la religion chrétienne, ce
chapitre contient ces trois instructions
particulières.
La première, que comme les
privilèges des Juifs ne leur servirent de
rien à cause de leur
incrédulité, les avantages que Dieu
nous a accordés, à nous qui sommes
chrétiens, nous deviendront inutiles si nous
en abusons, et ne nous garantiront point de son
jugement.
La seconde, que
l'incrédulité et
l'ingratitude des hommes n'empêchent pas que
Dieu ne soit toujours juste quand il les punit; que
même cette incrédulité sert
à faire voir que Dieu est bon, juste et
véritable, mais que cependant il ne faut pas
croire que Dieu ne puisse condamner les
pécheurs avec justice, sous prétexte
que le péché sert à la
manifestation de sa gloire, puisque si cela arrive,
ce n'est que par accident, le but et l'intention
des pécheurs n'étant pas d'avancer
cette gloire, mais seulement de satisfaire leurs
passions.
Ce que l'apôtre dit sur ce
sujet nous montre aussi qu'il ne faut jamais faire
du mal, quand même il en pourrait arriver du
bien.
Enfin il paraît des derniers
versets de ce chapitre, que le dessein de saint
Paul, dans ce qu'il enseigne ici, n'a point
été d'abolir la loi et de la rendre
inutile, et qu'on ne doit point en conclure qu'il
soit permis aux chrétiens de la violer et de
demeurer dans le péché; qu'au
contraire la doctrine de la justification par la
foi est dans le fond la même que celle de la
loi et des prophètes, et que bien loin que
cette doctrine dispense les hommes des devoirs de
la sainteté, elle les y porte
très-efficacement, comme l'apôtre le
fait voir dans les chapitres suivans.
CHAPITRE
IV.-
L'apôtre prouve dans ce
chapitre,
- par l'exemple du patriarche Abraham, que les
hommes sont justifiés par la foi et non
par la circoncision ou par les oeuvres de la loi
de Moïse. Il remarque, dans cette vue, que
la justification consiste dans le pardon des
péchés, et qu'Abraham fut
justifié par la foi, et qu'il
reçut les promesses de Dieu long-temps
avant qu'il fût circoncis.
Après quoi il
représente quelle avait été
la vertu et l'efficace de la foi d'Abraham, et
il conclut que tous ceux qui croiraient en
Jésus-Christ mort et ressuscité
seraient justifiés par la foi, comme
Abraham l'avait été par la sienne.
I. 1-17; Il. 18-25.
RÉFLEXIONS.
SAINT Paul enseigne dans ce
chapitre, d'une manière tout-à-fait
claire, ce que c'est que la justification, et
comment on peut y avoir part. Il montre,
premièrement, que la justification et la
béatitude de l'homme pécheur
consistent dans le pardon des
péchés, que Dieu accorde aux hommes
par un effet de sa miséricorde, et il fait
voir ensuite que cette grâce s'obtient par la
foi en Jésus-Christ, et non par les oeuvres
de la loi de Moïse. C'est ce qu'il prouve
très-clairement, en remarquant qu'Abraham
avait été justifié par la foi,
et que les promesses avaient été
faites à sa postérité,
plusieurs années avant qu'il fût
circoncis. D'où il suit évidemment
que ce n'était pas la circoncision, mais que
c'était la foi qui l'avait rendu
agréable à Dieu; qu'ainsi la
circoncision n'était pas nécessaire
pour être sauvé, et que tous ceux qui
imiteraient la foi de ce patriarche seraient
réputés ses enfans et sa
postérité, et justifiés comme
lui.
Mais la manière dont
l'apôtre parle de la foi d'Abraham et de ses
effets, prouve aussi invinciblement qu'il est
impossible d'être justifié et
d'obtenir le salut, si l'on ne croit pas comme
Abraham crut, et si la foi en Dieu et en ses
promesses n'est pas efficace et agissante, pour
nous porter à tout attendre de lui, à
espérer fermement ce qu'il nous a promis, et
à lui obéir même dans les
choses les plus difficiles, comme fit ce saint
patriarche.
C'est là une doctrine
très-importante, que tous les
chrétiens doivent bien comprendre et bien
retenir, et qui doit servir de règle
non-seulement à leurs sentimens, mais aussi
à leur conduite.
CHAPITRE
V.-
Ce chapitre a trois parties.
- I. Saint Paul décrit les fruits de la
justification et les admirables effets que la
foi et la persuasion de l'amour de Dieu
produisent dans les Fidèles, même
au milieu des afflictions et des
persécutions.
2. Il représente la
grandeur de cet amour que Dieu a
témoigné aux hommes en donnant son
Fils à la mort pour eux.
3. Il montre que
Jésus-Christ seul est la source de tous
ces précieux avantages; dans cette vue,
il compare Jésus-Christ avec Adam, et il
fait voir que, si Adam avait assujetti toits les
hommes sans exception au péché et
à la mort, même ceux qui avaient
vécu avant Moïse et à qui
Dieu n'avait pas donné une loi expresse
et révélée comme à
Adam, à plus forte raison doit-on croire
que la miséricorde de Dieu se
répandrait sur toits les hommes par
Jésus-Christ. D'où saint Paul
conclut que Notre Seigneur est l'auteur dit
salut et de la vie, pour toits ceux qui croient
véritablement en lui.
I. 1-5; II. 6-11. II;. 12-21.
RÉFLEXIONS.
Nous devons reconnaître, par
la lecture de ce chapitre,
1. combien l'état des
vrais Fidèles est heureux,
puisqu'étant justifiés par la foi,
ils ont une persuasion si ferme et un sentiment si
vif et si doux de l'amour de Dieu, et qu'ils se
réjouissent continuellement dans l'attente
de la gloire du ciel, même au milieu des plus
grandes afflictions.
2. Il faut bien méditer ce
qui est dit ici de ce grand amour que Dieu a
témoigné aux hommes pécheurs,
en livrant son Fils à la mort pour eux, et
dont il est surtout animé en faveur de ceux
qui sont réconciliés avec lui et qui
croient sincèrement à
l'Évangile. Nous trouvons dans cette
considération de puissans motifs à la
reconnaissance, et elle est aussi
très-propre à remplir les
Fidèles de consolation et à les
affermir dans l'amour de Dieu.
3. La comparaison que saint Paul
fait dans ce chapitre entre Adam et
Jésus-Christ, tend à montrer que
Notre Seigneur est venu délivrer les hommes
du péché et de la mort à
laquelle ils étaient tous sujets par la
chute d'Adam. Cela nous doit faire regarder
Jésus-Christ comme celui en qui nous
trouvons la délivrance de tous nos maux et
qui est l'auteur et la source de la vie spirituelle
et de la vie éternelle, pour tous ceux qui
croient en lui et qui lui obéissent. Mais
nous devons reconnaître, par cela même,
qu'il n'y a que ceux qui ont part à la
justice et à la vie de Jésus-Christ
qui puissent obtenir le salut, et que ceux qui ne
reçoivent pas ce grand Sauveur par une
véritable foi, et qui imitent Adam dans sa
désobéissance, demeurent dans la
condamnation et dans la mort.
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