Au mois de mai 1673, Les diguières
écrit à Colbert : « La plus
grande partie de la province (le Dauphiné) n'ont vécu pendant
l’hiver, que de
pain, de glands et de racines, et
présentement on les voit manger l'herbe des
prés et l'écorce des arbres
».
Une relation adressée à
l'évêque d'Angers, 1680 à 1686,
porte :
« Nous entrons dans des maisons qui
ressemblent plutôt à des
étables qu'à des demeures d'hommes.
On trouve des mères sèches qui ont
des enfants à la mamelle et n'ont pas un
double pour leur acheter du lait. Quelques
habitants ne mangent que du pain de
fougères, d'autres sont trois ou quatre
jours sans en manger un morceau.
En 1693 et 1694, la guerre, la disette et la
peste font de la France un désert. Les
villes se dépeuplent, les villages
deviennent des hameaux, les hameaux disparaissent
jusqu'au dernier homme. En 1709, on fait avec de
l'orge un pain grossier qui prend le nom de pain
de disette. D'autres réduisent en farine
et pétrissent en pain la racine d'arum, le
chiendent, l'asphodèle. Le plus grand nombre
dans les campagnes, après qu'on eut vendu
pour payer l'impôt le peu qu'on avait
récolté, durent brouter
l’herbe que les
animaux, dévorés depuis longtemps, ne
pouvaient plus leur disputer.
Ces quelques citations montrent qu'on ne
peut accuser Labruyère
d’exagération quand il fait cette
peinture des paysans de l’ancien
régime.
« On voit certains animaux
farouches, des mâles et des femelles,
répandus par la campagne, noirs; livides et
tout brûlés par le soleil,
attachés à la terre, qu'ils fouillent
avec une opiniâtreté invincible ; ils
ont comme une voix articulée, et, quand ils
se lèvent sur leurs pieds, il montrent une
face humaine, et en effet ce sont des hommes, ils
se retirent la nuit dans des tanières,
où ils vivent de pain, d'eau et de
racines. »
L'erreur des réfugiés,
c'était de pas comprendre qu'il n'y avait
pas d'autre moyen de rétablir de haute lutte
le culte protestant en France, que de venir
eux-mêmes, sous leur propre drapeau,
et non sous le drapeau des ennemis de la France,
opérer ce rétablissement, comme le
firent les Vaudois rentrant dans leur pays.
Tout au contraire; ils supposaient que les
huguenots ou nouveaux convertis restés en
France, étaient prêts à
seconder toutes les attaques dirigées contre
leurs persécuteurs par des armées
étrangères dans lesquelles se
trouvaient quelques régiments
d'émigrés français dénationalisés.
En 1696, une flotte anglaise
s'approchant des côtes du Poitou était
venue bombarder les Sables, le gouvernement
craignait qu'une descente des Anglais fût
combinée avec un soulèvement des
huguenots, ceux-ci ne bougèrent pas. En
1703, l'armée du duc de Savoie entre dans le
Dauphiné, et cette armée comptait
plusieurs régiments de
réfugiés, les huguenots de la
province ne se joignent pas aux envahisseurs de
leur patrie.
Dix-huit ans plus tard, un intendant, pour
montrer que les huguenots du Dauphiné ne
sont pas disposés à faire de
mouvements, ainsi qu'on le prétend, rappelle
qu'ils sont restés tranquilles dans deux
circonstances critiques : la guerre des
Cévennes et l'invasion de la province par le
duc de Savoie. En 1719, on fait craindre au
régent que les huguenots du Midi ne
veuillent s'associer aux projets formés
contre lui par Albéroni. L'ambassadeur de
France en Hollande prie le pasteur Basnage
d'intervenir, et celui-ci écrit aux
prédicants de France que leur devoir est de
rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et
à César ce qui est à
César. Court, le restaurateur des
églises en France, affirme que le bruit d'un
soulèvement des huguenots est une invention
des catholiques
Le régent envoie dans le Languedoc M.
de la Bouchetière, un émigré
du Poitou, et celui-ci, après avoir
sondé ses Coreligionnaires, peut rassurer
complètement le duc d'Orléans. En
1720 encore, une lettre du prédicant
Cortés fait renoncer le gouvernement aux
inutiles mesures de précaution qu'il avait
cru devoir prendre en vue d'une révolte dans
les Cévennes.
En 1746, des vaisseaux anglais se
montrent sur la côte du Languedoc, et l'on
annonce au gouvernement que des émissaires
étrangers vont s'entendre avec les huguenots
du Midi. L'intendant fait sonder les intentions des
protestants du Midi, et treize pasteurs protestent
énergiquement de leur fidélité
à la France. Viala écrit : «Dieu
nous est témoin qu'il ne se passe rien dans
nos assemblées qui tende le moins du monde
à troubler la tranquillité de
l'État, et je ne connais aucun protestant
dans ce pays, capable de favoriser les
Anglais. » Paul Rabaut écrit de
son côté au ministre :
« En conscience, et comme devant
Dieu qui sonde les coeurs et les reins, je puis
vous assurer, monseigneur, que je n'ai jamais eu de
liaison personnelle, de commerce de lettres, de
correspondance directe ou indirecte avec les
Anglais, que je n'ai jamais vu ni connu, encore
moins introduit et favorisé des
émissaires des cours de Londres, de Vienne
et de Turin, et que, si l'une ou l'autre de ces
cours m'en adressait quelqu'un qui fût
destiné et employé à renverser
le système de la France, à exciter de
nouveaux troubles dans notre royaume, à
armer les protestants français contre les
catholiques français, la France contre la
France.:, je me conduirais à son
égard de la manière qu'un bon
patriote, un véritable chrétien, un
pasteur religieux devrait alors se conduire. »
Rabaut avait d’autant plus de
mérite à faire cette patriotique
protestation que dans le même moment de
nouvelles persécutions étaient
exercées contre les protestants
« rendus infiniment plus malheureux
disait-il, au milieu du peuple de France que ne le
sont les Juifs au milieu des peuples les plus
barbares. » Ce qui passe l'imagination,
c'est de voir les huguenots, pour lesquels les
persécutions ne ralentissaient pas, sous
Louis XIV comme après lui, que lorsque une
guerre avec l’étranger ôtait au
gouvernement la libre disposition de ses troupes,
aller jusqu’à prier pour leur
persécuteur et pour ses succès
militaires.
En 1744 même, les synodes des
Cévennes et du Languedoc prescrivaient un
jeûne solennel pour demander à Dieu la
conservation du roi et la prospérité
de ses armes.
Le système de moutonnerie
chrétienne prêché par les
pasteurs à leurs fidèles,
était de se laisser dépouiller,
brigander et égorger sans résistance;
un tel système non seulement interdisait
absolument aux nouveaux convertis de songer
à seconder une tentative armée des
réfugiés, mais encore devait les
amener jusqu'à blâmer la conduite de
ceux qui s'étaient soustraits par la fuite
à l'étranger, aux violences des
convertisseurs.
Voici, en effet, la lettre pastorale qui
était adressée en 1782 aux huguenots
de Cuère:
« Faites en sorte qu'aucun de vos
concitoyens ne vous surpasse en patriotisme,
disputez-leur à tous la gloire d'aimer et de
servir votre prince....plus vous serez utiles
à la France, plus elle sentira qu'elle doit
vous accorder une tolérance fondée
sur les lois. Il est d'autres pays où vous
pourriez suivre les mouvements de votre coeur,
célébrer la bonté de Dieu
comme il vous a paru digne de lui. Malgré
cela, n'ayez jamais de projet pour vous
éloigner de votre pays, gardez-vous de
porter vos talents et vos arts chez vos voisins, ce
serait tendre à faire naître la
misère dans notre province, ce serait vous
exposer à devenir un jour les ennemis de
votre patrie, à porter les armes contre
elle, à verser le sang de vos
frères. »
Il fut heureux pour la cause de la
liberté de conscience, que les gouvernants
ne se rendissent pas compte, de ce que la
théorie de l'obéissance absolue au
prince, prêchée par les pasteurs, leur
eût tout permis, sans lasser la patience
de huguenot des persécutés.
Mais le souvenir de l'insurrection des
Cévennes hantait la cervelle des gouverneurs
et des intendants ; chaque fois que la France
était attaquée par ses ennemis, on
interrompait les persécutions, dans la
crainte de voir les huguenots suivre l'exemple des
terribles montagnards qui avaient tenu en
échec les armées du grand roi.
Sauf le parti militaire de
l'émigration, les réfugiés,
ainsi que les nouveaux convertis, n'attendaient la
restauration du culte protestant en France que d'un
changement de politique qui serait
spontanément adoptée par le
gouvernement ou qui lui serait imposé par un
traité conclu avec les puissances
protestantes.
Pendant plus de vingt ans, ils
persistèrent à espérer que ces
puissances profiteraient de leurs succès
militaires pour obtenir de Louis XIV, par des
négociations, le rétablissement du
culte protestant en France. Invoquant les
précédents des traités de
Westphalie, de Munster et d'Osnabruck, à
l'occasion desquels «on avait vu le roi de
France défendre, contre la maison
d'Autriche, les intérêts des princes
protestants de l'Allemagne, ils demandaient que le
roi Guillaume et ses alliés fissent une
condition de la paix du rappel des
réfugiés et du rétablissement
de l'édit de Nantes en France.
Les plénipotentiaires protestants
à Ryswick se bornèrent à
remettre à l'ambassadeur de France un
mémoire lui recommandant ces pauvres gens,
afin qu'il leur fût procuré le
soulagement après lequel ils soupiraient
depuis si longtemps. Louis XIV, irrité de la
faiblesse qu'avait montrée son ambassadeur
en prenant ce mémoire avec promesse de
l'envoyer à la cour, fit déclarer
officiellement que ce mémoire n'avait pu lui
être remis, bien qu'il l'eût
reçu:
Quoique Guillaume, en 1697 eût
refusé de risquer d'accrocher les
négociations de paix pour un objet aussi secondaire que les
réclamations des
huguenots de France, cependant, en 1713, les
délégués des
réfugiés insistent encore vivement
auprès des plénipotentiaires
protestants pour qu'il soit inséré
dans le traité d'Utrecht une clause relative
au rappel des émigrés en France.
Mais depuis 1709, une partie des
réfugiés s'étaient fait
naturaliser dans leurs pays d'adoption, dont ils
s'étaient considérés aussi
longtemps comme des hôtes passagers, et;
parmi les émigrés, Il s'était
formé un parti puissant hostile au retour en
France. —
Quant aux puissances protestantes, nulle
d'entre elles ne désirait voir rentrer en
France les émigrés qui avaient
versé leur sang sur tous les champs de
bataille pour elles, les avaient dotées
d'industries florissantes et avaient su faire un
jardin de leurs terres incultes, même des
sables de la Prusse et du Holstein. — Par
bienséance, les ministres de la reine Anne
formulèrent une demande de rappel des
réfugiés , mais ils ne
tentèrent pas de triompher des
résistances obstinées de Louis XIV,
ils eussent comme les plénipotentiaires des
autres puissances protestantes, bien
regretté de voir cette demande obtenir
satisfaction.
Les puissances protestantes savaient
bien, en effet, que c'était la
persécution qui leur avait valu, outre tant
de bons marins et de valeureux soldats, le concours
de nos fabricants et de nos ouvriers, leur
apportant nos secrets agricoles et industriels
ainsi que les capitaux nécessaires pour les
utiliser, ce qui leur avait permis de cesser
d'être, comme par le passé, les
tributaires de la production française.
La signature du traité d'Utrecht
avait fait perdre définitivement aux
réfugiés l'espoir d'obtenir leur
rappel en France par l'intervention des puissances
protestantes; ils eurent cependant encore cette
illusion à la mort de Louis XIV, de croire
que le régent allait spontanément
renoncer à la politique d'intolérance
qui leur avait fermé si longtemps les portes
de leur patrie, mais ils furent; bientôt
cruellement détrompés: Enfin, en
1724, l'édit remettant en vigueur toutes les
ordonnances édictées par Louis XIV,
vint signifier un ordre éternel d'exil
à tous les émigrés qui
s'obstinaient à espérer contre toute
espérance, tant le regret du pays natal leur
tenait à coeur.
Quatre cents familles huguenotes
établies dans la Caroline, voyant qu'elles
doivent perdre, l'espoir de rentrer en France,
demandent qu'on leur accorde au moins la permission
de s'établir en Louisianne, sur une terre
française, à la seule condition
que sur cette terre lointaine on leur accordera la
liberté de conscience. A cette patriotique
requête, Pontchartrain répond :
« Que le roi n'avait pas chassé
ses sujets protestants de ses États d'Europe
pour leur permettre de former une république
dans ses possessions
d’Amérique »
N'est-ce pas chose touchante que la
persistance de l'amour de la France, chez ces
réfugiés que la persécution
avait chassés de leur patrie et qui
rêvaient toujours de venir mourir sur une
terre française ?
Le Gouvernement, aussi bien sous la
régence et sous Louis XV que sous Louis XIV
interdisait aux réfugiés de revenir individuellement en
France, soit pour s'y
fixer, soit même pour n'y faire q’un
séjour passager, à moins qu'ils ne
consentissent à abjurer.
Ainsi Bancillon conte qu'un sieur de la
Roche vint à la France en 1713 avec un
passeport de l'ambassadeur de France, d'Aumont, et
un autre de la reine d'Angleterre, qui avait
beaucoup de considération pour lui.
M. de la Roche était de Montpellier
et il espérait qu'en allant respirer l'air
natal, sa santé se rétablirait, mais
à Paris, on lui montre un ordre qui
défend à tout réfugié
de rentrer dans le royaume à moins de faire
abjuration; il ne pousse pas plus loin que Paris et
revient au plus vite en Angleterre. En 1753 encore,
le réfugié Arnaud, malgré
l'appui de la duchesse d'Aiguillon, ne peut obtenir
la permission d'entrer en France pour conduire sa
femme malade dans le Dauphiné. A la mort de
Louis XIV, plusieurs réfugiés croient
pouvoir rentrer dans leur patrie, pensant que, à l'occasion des
changements qui viennent
d'arriver, on ne les contraindra point à
abjurer.
Les commandants de troupes
écrivent aux évêques pour leur
dire de réclamer aux curés
l'état des fugitifs qui sont rentrés
dans leurs paroisses, afin que les troupes obligent
ceux-ci soit à abjurer, soit à
repasser la frontière. — Le
régent, apprenant que Henri Duquesne, le
fils de l'amiral, est venu à Paris, le fait
prévenir par le lieutenant de police de La
Reynie, d’avoir à sortir
immédiatement du royaume, sous peine
d'être jeté à la Bastille. Et
pendant tout le règne de Louis XV, on tient
la main à la stricte observation de cette
règle : ne permettre aux
réfugiés la rentrée en France
qu'au prix d'une abjuration. — En 1756, le
réfugié Télégny prie
l'intendant Lenain d'intervenir pour qu'il lui soit
permis de revenir, sans subir cette dure
condition.— Le secrétaire
d'État, Saint-Florentin répond
à Lenain :« Je conviens avec vous qu'il
serait plus avantageux à l'État de ne
pas tant perdre de sujets, ou d'en recouvrer
davantage, mais la loi est faite et subsiste
depuis longtemps dans toute sa rigueur, et ce
serait renverser l’ouvrage de soixante ans que
d'y porter la moindre atteinte. »
En 1763, l'archevêque de Canterbury
demande qu'on laisse entrer en France le
réfugié Bel et qu'on lui rende ses
biens qui on été confisqués.
Saint-Florentin répond au duc de Choiseul,
qui lui avait transmis cette demande, quelle n'est
pas susceptible de faveur et il motive ainsi son
refus :
« Si M. Bel se présentait en
qualité de catholique pour obtenir son
retour en France et le rétablissement dans
tous ses droits civils, il pourrait
mériter d'être écouté,
mais les déclarations du roi de 1698 et de
1725, excluent pour toujours du royaume tout
Français réfugié pour cause de
religion, à moins qu'il n'ait
abjuré. Il paraît qu'on ne doit
pas non plus y laisser revenir, ni encore moins
rétablir dans ses biens, un homme qui a
été condamné pour fait de
religion, et qui n'a pas, autant qu'il est en
lui, et par une abjuration indiquée par
la loi, réparé le crime
qui a fait le texte de sa condamnation. Ce serait
réintégrer dans le royaume un
coupable, autorisé, pour ainsi dire, dans
son erreur, et aussi dangereux pour la religion
que pour l'État. »
Ainsi que nous l'avons dit, au
début de l'émigration, les
réfugiés avaient afflué en
Suisse, en Hollande, en Angleterre et dans les
états de l'Allemagne, et bien qu'ils se
groupassent pour se constituer une sorte de petite
France sur le sol étranger, ils ne
s'éloignaient pas, afin de pouvoir saisir la
première occasion de revenir dans leur
patrie.
Ce ne fut qu'après avoir perdu
l'espoir de rentrer en France que les
réfugiés se dispersèrent sur
tous les points du globe, devenant une sorte, de
rosée féconde et civilisatrice pour
le monde entier. On trouve un assez grand nombre de
réfugiés en Danemarck, à
Copenhague, à Altona, à
Frédéricia et à Gluckstadt, il
y en a en Russie, à Saint-Pétersbourg
et à Moscou; quelques uns même
allèrent s'établir sur les bords du
Volga. En Suède, l'intolérance
luthérienne réduisit
l'émigration à fort peu de chose.
Beaucoup de réfugiés
s'établirent dans les provinces de
l'Amérique anglaise ; la Caroline du
Sud, entre autres, donna asile à un assez
grand nombre d'émigrants, pour recevoir des
Américains, la qualification de la maison
des huguenots dans le nouveau monde.
Quelques centaines de huguenots
s'établirent à Surinam, dans la
Guyane Hollandaise. Quelques milliers se
fixèrent au cap de Bonne-Espérance et
c'est une famille de réfugiés, les
Desmarets, qui dota cette colonie hollandaise du
fameux vin de Constance. En 1795, un du Plessis,
descendant d'une famille noble de
réfugiés, défendit avec une
poignée de burghers un défilé,
si courageusement, que le général
anglais devenu gouverneur de la colonie, lui offrit
un fusil d'honneur.
« On força, dit Rabaut
Saint-Étienne, trois ou quatre cent mille
Français à s'exiler de leur patrie.
Ils allèrent enrichir de leurs travaux la
Suisse, dix provinces de l'Allemagne, les campagnes
de Hollande, d'Angleterre, de Danemarck, de
Suède et les sables arides du Brandebourg.
Ce furent eux qui firent le fond des premiers
établissements de ces colonies anglaises de
l'Amérique qui étonnent aujourd'hui
l'ancien continent. Ils passèrent les
premiers au cap de Bonne-Espérance,
où ils plantèrent la vigne pour y
conserver le souvenir de leur ancienne patrie. On
en trouve dans tous les établissements des
Européens, en Asie et en Afrique, et dans
quel pays n'en trouverait-on pas? Sur le rocher de
Sainte-Hélène, près du
pôle austral, dans cette île
délicieuse située entre l'Asie et
l'Amérique, à quatre mille lieues de
leur patrie, on a trouvé des
réfugiés français. »
L'obstination mise par Louis XIV
à refuser de rappeler les huguenots en
France, n'aurait pas amené cette dispersion
des réfugiés, si le grand roi n'avait
pas commis cette nouvelle faute de faire
échouer le projet conçu en 1689, par
Henri Duquesne, le fils de l'amiral, de
réunir tous les réfugiés et de
fonder avec eux, à l'île Bourbon, une
nouvelle France protestante, placée sous le
protectorat de la Hollande. Des circulaires avaient
annoncé à tous les
réfugiés de l'Angleterre, du
Brandebourg, de la Suisse, de l’Allemagne et
de la Hollande, le prochain départ pour la
terre promise. Les États
généraux de Hollande avaient
autorisé Duquesne à équiper
dix vaisseaux, les préparatifs avaient
été poussés avec tant d'ardeur
que, dans les premiers mois de 1690, les vaisseaux
à l'ancre au Texel, n'attendaient plus que
le signal du départ. La Trigodière,
capitaine du génie qui devait fortifier
était déjà embarqué
avec une partie des colons, le comte de Monros, qui
devait prendre les devants, allait mettre à
la voile, lorsque tout à coup Duquesne
annonce qu'il renonce à son projet.
Il fait débarquer les colons et
désarmer les vaisseau.
Qu'était-il arrivé ? L'espion
de l'ambassadeur de France en Hollande,
Tillières, avait appris que les huguenots
allaient s'embarquer, emportant douze cent mille
livres d'espèces, pour fonder une
république protestante sous la
présidence de Duquesne. Un des capitaines
des émigrants lui avait dit qu’il y
aurait là quatre cent personnes bien
décidées à se battre et
à se faire sauter à la
dernière extrémité. Faisant
observer que, pourvu qu'on prît l'argent, ce
ne serait pas une grande perte que celle de la
personne des émigrants, l'honnête
Tillières avait demandé que le
gouvernement français envoyât des
vaisseaux pour s'opposer au débarquement des
colons, et il avait été fait droit
à sa demande. Duquesne, en apprenant que des
vaisseaux de guerre partaient de France pour livrer
bataille à la flottille qu'il allait
conduire à l'île Bourbon, avait cru
devoir renoncer à son expédition,
afin de ne pas violer le serment qu'il avait fait
à son père, de ne jamais combattre
contre les Français.
Ce projet de création d'une
France protestante au delà des mers,
rêvé par Coligny au XVI°
siècle; eût certainement réussi
au moment où Duquesne voulait le
réaliser, car alors, les huguenots
émigrés n'avaient pas encore pris
racine dans les pays qui leur avaient donné
asile. Dans la seconde, moitié du
XVIII° siècle, le pasteur Gilbert,
à la suite d'une recrudescence de
persécution contre les huguenots de France,
voulut reprendre le projet de Duquesne, mais il
n'était plus temps ; les
réfugiés s'étaient fondus avec
les peuples qui les avaient accueillis, et les
huguenots ou nouveaux convertis restés dans
leur pays, n'avaient plus la même ardeur
d'émigration. Gilbert n'aboutit qu'à
faire sortir de France en 1764, une poignée
de nouveaux émigrants qui allèrent
rejoindre les réfugiés établis
depuis longtemps dans la Caroline.
On regrette d'autant plus vivement
l'avortement du projet de Duquesne; quand on
réfléchit au rôle
prépondérant que les
réfugiés et leurs descendants ont
joué ans toutes les guerres que la France a
eu à soutenir depuis la révocation de
l'édit de Nantes.
La petite armée de onze mille
hommes avec laquelle Guillaume d'Orange alla
conquérir le trône d'Angleterre et
détrôner Jacques, l'allié de
Louis XIV; comptait trois régiments
d'infanterie et un escadron de cavalerie,
composés entièrement de
réfugiés. En outre, sept cent trente
six officiers, formés à
l'école de Turenne et de Luxembourg,
étaient répartis dans les divers
régiments de l'armée de Guillaume,
armée dont le commandant en chef
était le maréchal de Schomberg, et ou
l'artillerie était commandée par
Goulon, un des meilleurs élèves de
Vauban. A la bataille de la Boyne, en 1688, le
Maréchal de Schomberg décida de la
victoire en entraînant ses soldats par ces
paroles : « Allons, mes amis,
rappelez votre courage et vos ressentiments, voilà vos
persécuteurs !
» Au combat de Neuss, les grands
mousquetaires, corps composé de
réfugiés; attaquèrent les
troupes françaises avec fureur.
Au siège de Bonn, les corps de
réfugiés, commandés pour
l'assaut, sur leur demande expresse, se
précipitèrent avec un tel acharnement
que tous les ouvrages extérieurs furent
emportés; ce qui entraîna le lendemain
la reddition de la place. A la Marsaille, les
réfugiés sont décimés,
Charles de Schomberg est tué; comme son
père l'avait été à la
Boyne, après avoir chèrement fait
acheter la victoire à Catinat. A Fleurus de
Schomberg avait empêché Luxembourg de
tirer parti de la victoire.
Ruvigny, fait comte de Galloway, triomphe
à Agrim ; à Nerwinde il soutient
presque seul, à la tête de son
régiment, l'effort de toute la Cavalerie
française, et couvre, par une
résistance désespérée
la retraite de l'armée anglaise. En 1706, il
entre à Madrid à la tête de
l'armée anglaise victorieuse, et fait
proclamer Charles III, le prétendant
autrichien opposé à Philippe V. Il
avait eu un bras emporté par un boulet au
siège de Badajoz, et il fut blessé
d'un coup de sabre à la figure à la
bataille d'Almanza. C'est à cette bataille
que le régiment de réfugiés,
commandé par le Cévenol Cavalier, se
trouva en face d'un régiment français
qui avait pris part à la terrible guerre des
Cévennes.
Les deux régiments
s'abordèrent à la baïonnette et
s'entr'égorgèrent avec une telle
furie qu'il n'en resta pas trois cents hommes.
Enfin partout, en Irlande, sur le Rhin, en
Italie et en Espagne; les corps de
réfugiés furent le plus solide noyau
des troupes opposées à l'armée
de Louis XIV; partout ils versèrent leur
sang pour leurs patries d'adoption.
De tous les États de l'Europe,
c'est la Prusse qui a le plus largement
profité, pour le développement de sa
puissance militaire; de la double faute, qu'avait
commise Louis XIV, en obligeant ses sujets
huguenots à quitter leur pays, et en
empêchant Duquesne de réunir tous les
réfugiés à l’île
Bourbon
L’armée de
Frédéric Guillaume, comptait les
grands mousquetaires, les grenadiers à
cheval, les régiments de Briquemault et de
Varennes , et les cadets de Courmaud, corps
exclusivement composé de
réfugiés. En 1715, c'est le
réfugié Jean de Bodt, major
général, qui, ayant sous ses ordres
de Trossel et de Montargues, deux autres
réfugiés, dirige les
opérations militaires sur les bords du Rhin,
jusqu'aux traités de Radstadt et de Bade ;
sous Frédéric II, les fils des
réfugiés prennent une part glorieuse
à la guerre de Sept Ans et les noms de neuf
généraux d'origine
française sont inscrits sur le socle de
la statue élevée dans la ville de
Berlin à Frédéric le
Grand.
Il est difficile de savoir quel est le
nombre des descendants de réfugiés
qui ont fait partie de l'armée d'invasion en
1870, car, après Iéna, un grand
nombre d'entre ces descendants avaient
germanisé leurs noms de manière
à les rendre méconnaissables.
Bien avant cette époque, dit Weiss,
beaucoup de réfugiés; ayant perdu
tout espoir de retour dans leur patrie, avaient
traduit leurs noms français en allemand.
Lacroix était devenu Kreutz, Laforge Schmidt, Dupré Wiese,
Sauvage Wied, etc.
Ce fait de la germanisation des noms rend
donc bien incomplète l'indication que peut
donner le relevé des noms français
pour déterminer le nombre des descendants
des réfugiés dans l'armée
d'invasion. Quoi qu'il en soit, sur l'état
de l'armée prussienne au 1er août
1870, figurent, rien que pour l'état-major,
les généraux et les colonels,
quatre-vingt-dix noms dont l'origine
française ne saurait faire aucun doute.
Voici ces noms:
Généraux (de toutes armes) De
Colomier, de Berger, de Pape, de Gros, de Bories,
de Montbary, de Malaise, Mulzer, de la Roche, de
Jarrys, de Gayl, de Memerty, de Busse, du Trossel,
de Colomb, Girod de Gaudy; de Ruville.
Colonels et lieutenants-colonels
d'état-major :De Loucadou, Verdy du Vernois,
de Verri, Faber du Faur.
Chefs d'escadron d'état-major: Seyssel
d'Aix, d'Aweyde, de Parseval, Manche.
Capitaines d'état-major : Cardinal,
de Chappuis, Mantey, de Noville, Menges, D'Aussin,
Baron de la Roche.
Lieutenants d'état-major : De Collas,
de Palezieux, Menin Marc; de Bosse, de Rabenau,
baron Godin, Surmont, de Nase, comte de Villers, de
Baligand, Chelpin, de Roman, Jarry de la Roche, de
Lières.
Officier de marine : Le Tanneux de
Saint-Paul.
Colonels et lieutenants-colonels de cavalerie : De
Loë, Arent, de Busse, Rode.
Colonels et lieutenants-colonels
d'infanterie : De Barby, Laurin, Duplessis, Colomb,
de Reg, Conrady, de Bessel, Valeritini, de
Montbé, de Berger, de Conta, de Legat, de
Busse.
Artillerie : De Mussinan, de Borries, baron
de Lepel, de Pillement, Blanc, de Malaisé,
de Selle, Gaspard, Gayl.
Génie, pontonniers : Bredan, Ney, Bredan
(lieutenant), Hutter, de Berge, Lille, Mache.
Si ces officiers et ces soldats huguenots
que la persécution avait chassés de
France et qui mettaient leur furie française
au service des puissances étrangères;
ne s'étaient pas sans cesse trouvés
face à face avec ceux-là même
qui les avaient dépouillés et
tourmentés, s'ils avaient eu une nouvelle
patrie toute française au-delà des
mers, la violence de leurs ressentiments se
fût vite apaisée. Ils auraient
promptement repris ce coeur français, que
Dieu et la naissance leur avaient donné, dit
Jurieu, et qu'on avait eu tant de peine à
leur arracher.
L'émigration protestante
eût d'ailleurs apporté à la
nouvelle France, non seulement les soldats aguerris
qui versaient leur sang sur tous les champs de
bataille de l'Europe, mais encore tous les
éléments constitutifs d'un peuple
pouvant aspirer à de hautes et
prospères destinées ; elle lui
eût donné, en effet, des savants, des
diplomates, des ingénieurs, des matelots,
des commerçants, des manufacturiers, des
ouvriers de toutes les industries, des
agriculteurs, des vignerons, des horticulteurs,
etc., enfin des capitaux considérables pour
créer son outillage industriel et
agricole.
A quel avenir n'eût pu
prétendre cette république
protestante française; groupant tous ces
éléments de force et de richesse, qui
se sont dispersés sur tant de points du
globe?
Grâce à la double faute commise
par Louis XIV, de s'être refusé
à rappeler les huguenots en France, et
d'avoir empêché la création
d'une nouvelle France protestante â
l'île Bourbon, ce sont les puissances
ennemies, ou rivales de notre pays qui ont
profité de l'émigration qui
était un désastre pour la
France.
« L'ambassadeur de France ayant
demandé au roi de Prusse, raconte Tissot, ce
qui pourrait lui faire plaisir, le roi lui
répondit : « ce que votre
maître peut me faire de plus agréable, c'est une seconde
révocation de
l'édit de Nantes. »
Les puissances protestantes eussent
toutes pu en dire autant, car voici ce que les
réfugiés avaient, au dire de
Michelet, fait pour les pays qui leur avaient
donné asile :
« Ils avaient fait un jardin des sables
de la Prusse et du Holstein, porté la
culture en Islande, donné à la rude
Suisse les légumes, la vigne, l'horlogerie,
enseigné à l'Europe les assolements,
le mystère de la fécondité.
Aux bords de la Baltique on les croyait sorciers,
leur voyant pratiquer l'art innocent de doubler,
panacher les fleurs. Par Lyonnet et Bonnet, ils
continuaient Swammerdam, ouvraient le sein de la
nature. Par Jurieu Saurin, ils préparaient
Rousseau. Denis Papin porte à l'Angleterre,
le secret qui, plus tard, donnera à quinze
millions d'hommes les bras de cinq cents millions,
donc la richesse et Waterloo:»
L'Angleterre, la Hollande, la Suisse, la
Prusse et les autres États de l'Allemagne,
avaient hérité de nos manufacturiers
les plus riches et les plus intelligents et de
leurs ouvriers les plus habiles, qui avaient
apporté à leurs nouvelles patries
leur savoir faire, leur secrets industriels et les
moyens de les mettre en oeuvre. Grâce aux
réfugiés, les divers États de
l'Europe cessèrent d'être tributaires
de la France pour une foule d'industries, la
soierie, la draperie, la chapellerie, la ganterie,
les toiles, le papier, l'horlogerie, etc..;
aujourd'hui ( en 1886) toutes ces industries ont
fait de tels progrès dans les pays où
les ont importées les émigrants
français, qu'elles font une redoutable
concurrence aux produits similaires de notre
pays.
On n'estime pas moins de trois ou quatre
cent mille le nombre des émigrants qui
s'établirent à l'étranger, et,
l'on calcule que la persécution religieuse a
fait, en outre, cent mille victimes qui
trouvèrent la mort, dans les massacres des
assemblées, dans les luttes des
Cévennes, sur la route de l’exil au
fond des cachots, sur les bancs des galères,
sur la potence, sur la route et sur le
bûcher.
La perte qu'a subie la France ne peut
s'évaluer d'après le nombre des
émigrés et des victimes, car on ne
peut évaluer par têtes une perte
d'hommes, comme on ferait pour du bétail,
l'instruction et l'intelligence établissant
entre les hommes une grande différence au
point de vue de la valeur sociale. Or, les
protestants formaient la meilleure partie de cette
classe moyenne, industrieuse et
éclairée qui a fait la grandeur et la
prospérité des nations modernes.
« Les protestants, dit Henri Martin,
étaient fort supérieurs, en moyenne,
sinon à la bourgeoisie catholique de Paris
et des principaux centres de la civilisation
française, du moins à la masse du
peuple, et les émigrants étaient l'élite des protestants. Une
multitude d'hommes utiles, parmi lesquels beaucoup
d'esprits supérieurs, laissèrent en
France des vides effrayants, et allèrent
grossir les forces des nations protestantes; la
France baissa de ce qu'elle perdit et de ce que
gagnèrent ses rivales.
Elle s'appauvrit, non pas seulement des
Français qui s'exilent, mais de ceux bien
plus nombreux, qui restent malgré eux,
découragés, minés, sans ardeur
au travail ni sécurité de la vie;
c'est réellement l'activité de plus
d'un million d'hommes que perd la France, et du
million qui produisait le plus. »
Quant à Quinet, il montre ainsi le
grand vide que fit dans l'esprit de la nation
française, la proscription des
protestants
« Ce fut, dit-il, un immense dommage,
pour la révolution française d'avoir
été privée du peuple proscrit
à la Saint-Barthélemy et à la
révocation de l'édit de
Nantes...
Quand vous voyez dans l'esprit
français le si grands vides, qu'il serait
désormais puéril de nier, n'oubliez
pas que la France s'est arrachée à
elle-même le coeur et les entrailles par
l'expulsion ou l'étouffement de près
de deux millions de ses meilleurs citoyens. Qu'y
a-t-il de plus sérieux et de plus
persévérant que le calvinisme, le
jansénisme de Port royal? La violence nous
à diminués, mais c'est notre honneur
qu’il a fallu la proscription de cinq cent
mille des nôtres, l'extirpation d'une partie
de la nation, pour nous réduire a la
frivolité dont on nous accuse aujourd'hui...
Il y avait chez nous, un juste équilibre de
gravité et de légèreté,
de fond et de formes, de réalité et
d'apparences. Est-ce notre faute, si la violence
Barbare nous a ôté le lest?... Que
n'eût pas été la France si,
avec l'éclat de son génie, elle, se
fût maintenue, entière, je veux dire,
si, a cette splendeur, elle eût joint la
force de caractère, la vigueur d'âme,
l'indomptable ténacité de cette
partie de la nation qui avait été
retrempée par la
réforme. »
Le mal que l'émigration avait
fait à la France, Louis XIV eût pu le
réparer en partie, s'il se fût
résigné à rappeler les
huguenots et à tolérer en France
l'exercice du culte protestant; mais il se refusa
obstinément à revenir sur ses pas,
alors même que, sans argent et sans
armée il se trouvait dans
l'impossibilité de continuer la lutte contre
les puissances catholiques, liguées avec ces
puissances protestantes dont il s'était fait
d'irréconciliables ennemies, en se faisant
le Pierre l'Hermite du catholicisme, aussi bien
au-dehors qu'au-dedans des frontières de son
royaume.
Après lui, le régent songea un
instant à ce rappel des huguenots,
considérant, dit Saint-Simon, le\gain du
peuple, d'arts, d'argent et de commerce que la
France ferait en un moment par ce rappel si
désiré », mais il se laissa
bien facilement déconseiller de
réaliser ce projet.
Pourquoi l'idée de rouvrir les portes
de la France aux réfugiés, à
leurs enfants et à leurs petits enfants
fut-elle toujours repoussée par le
gouvernement, aussi bien sous la Pompadour et sous
la Dubarry que du temps de la dévote
Maintenon?
Parce que la tradition administrative
était, que l'intérêt de
l'État exigeait qu'aucun
réfugié ne pût rentrer en
France sans avoir abjuré, à raison de
cette fiction légale qu'il n'y avait plus de
protestants dans le royaume. Or, ainsi que le fait
observer Rulhières, sous les gouvernements
arbitraires, si les principes peuvent changer, d'un
règne à l'autre, même d'un
ministre à l'autre, il y a quelque chose qui
reste immuable, c'est la tradition
administrative.
La Constituante essaya de réparer
la faute commise par la monarchie de droit divin;
elle décréta que les descendants des
religionnaires fugitifs pourraient revenir en
France, y reprendraient l'exercice de leurs droits
civils et politiques, et rentreraient en possession
des biens invendus et non adjugés de leurs
familles, restés sous la régie des
domaines.
C'est grâce à cette mesure
réparatrice, que plusieurs familles de
réfugiés, les Odier, les la
bouchère, les Pradier, les Constant, les
Bitaubé, les Pourtalès, purent rendre
quelques-uns de leurs membres à la
mère patrie. Mais il était trop tard
pour que le rappel des huguenots pût avoir un
effet efficace; après un si long temps
écoulé depuis que les
réfugiés avaient quitté la
France, leurs descendants s'étaient fondus
dans les nations qui avaient donné asile
à leurs familles, le désastre de
l'émigration était devenu
irréparable.
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