et
FEUILLETON DU
CHRONIQUEUR.
EXEMPLE D' UN
TRAITÉ DE COMBOURGEOISIE ENTRE
UNE
VILLE ET UN
SEIGNEUR.
Ce sont ici les conditions auxquelles G.
seigneur de Vergy, Founant, Champletes, Aultrey,
Champvent, la Motta, etc. d'une part, et l'Avoyer.
Conseils, et les 200 appelés les Bourgeois
de la ville de Fribourg de l'autre part,
contractent alliance et combourgeoisie :
1° Le seigneur de Vergy promet
pour lui, ses successeurs et héritiers,
d'être bon et loyal bourgeois.
2° Il s'engage à acheter
une maison, ou à en faire bâtir une
neuve à Fribourg, sur laquelle la racine de
sa bourgeoisie sera fondée.
3° Les seigneurs de Fribourg
sont tenus de le pourvoir d'ambassadeurs, ou
lettres, pour négociation de ses affaires,
à ses frais.
4° Le seigneur de Vergy promet
secours à ses propres missions
(dépends), contre tous ceux qui auront
attaqué ou molesté les dits seigneurs
de Fribourg.
5° Ceux de Fribourg promettent
secours à M. de Vergy et à ses
héritiers, sur sa requête, par nombre
de gens d'armes compétent, aux missions et
dépends de Fribourg, par toute les limites
du duc de Savoie et du Pays-de-Vaud, sans
être obligés de transgréder ces
limites, contre tous hormis ceux
réservés ci-bas. - Au cas que les
adversaires de M. de Vergy voulussent se soumettre
à l'arbitrage absolu de la ville de Fribourg
il est obligé de laisser tout fait d'armes,
sous peine d'exemption de tout aide et secours de
la part de Fribourg s'il refuse d'accepter
l'arbitrage.
6° Ouverture et franc passage
est assuré des deux côtés par
tous les châteaux, forteresses, et villes
appartenant aux deux parties.
7° Toutes querelles entre les
deux parties contractantes sera soumise à
l'arbitrage de 4 arbitres, dont 2 du conseil du
seigneur de Vergy, et 2 du conseil de Fribourg. Au
cas d'opinions également divisées,
les 4 arbitres choisiront un surarbitre qui soit du
conseil de Berne ou d'autre part.
8° Toute querelle entre les
sujets des deux parties doit être
jugée dans l'espace d'un mois par le juge
ordinaire du demandant.
9° Il y a protection et
franchise de péage réciproque pour
les commerçans sujets des
contractans,
10° Les gens des deux parties
ne pourront s'arrêter et se saisir
réciproquement que pour des dettes
confessées et vérifiées
authentiquement.
11° Ils ne pourront se molester
ou citer devant cours spirituelles ou justices
étrangères, que pour usure manifeste
ou fait de mariage.
12° Le seigneur de Vergy, pour
lui, ses successeurs et héritiers, sera tenu
à payer annuellement en la St-André,
ou huit jours après, à Messieurs de
Fribourg pour sa bourgeoisie, 10 florins en or de
Rhin, avec exemption de tout autre impôt
accoutumé.
13° Sont réservés
dans ce traité de bourgeoisie, par les deux
parties le St-Siège apostolique, l'Empire,
la maison de Savoie, et tous ceux avec lesquels les
parties ont contracté alliance
antérieure.
Datée de Fribourg, le
vendredi avant le jour de Ste-Catherine 1505.
Le jour de St-Georges 1525, le seigneur Claude,
fils du seig. Guill. de Vergy, confirme et
renouvelle après la mort de son père,
la présente bourgeoisie.
Ces dernières années plusieurs des
seigneurs défenseurs de la cause catholique
et ducale, se sont alliés à Fribourg.
Ainsi le seig. du Châtelard. le 6 août
1526. Ainsi le seig. de La Sarraz, le 2 avril 1533;
« étant à ce admis par MM. de
Fribourg par spécial amour et affection .
» (Pièces
communiquées par M. le cap. de Rothen,
auteur de l'Histoire militaire de Berne.)
.
LES
ÉVÉNEMENS DE GENÈVE DURANT LES
DERNIERS MOIS COMME ON LES RACONTE AU COUVENT DE
STE CLAIRE.
(1*)
(Extrait dit Journal de la soeur Jeanne de
Jussie).
Le 15 mars (1534). Ce jour a
été exécuté un larron,
de la secte luthérienne, lequel étant
admonesté des cordeliers pour se convertir
afin qu'il mourût repentant et en la foi, il
leur fut ôté sur le chemin et
donné à Faret et à son
compagnon, pour le prêcher et mourir en cette
hérésie. - Et après se fit un
miracle d'une femme qui était pendue au
gibet, il y avait un an, laquelle était
morte en la foi de notre mère Église
; miraculeusement elle se retourne devers ce larron
luthérien, et le mordait par le menton
à gorge ouverte; et pour ce que
c'était chose admirable, fut aussitôt
publié par la cité, dont plusieurs y
coururent pour voir. Ce jour y furent plus de 4,000
personnes de tous côtés, pour voir ce
miracle.
Le 3 avril. Ce maudit Farolus
commença à baptiser un enfant a leur
manière, et y assista grand nombre de gens
et même des chrétiens, pour voir leur
façon.
Le dimanche de Quasimodo, ce
chétif Faret commença à
épouser une femme, selon leur tradition, et
n'y font aucune solennité; mais seulement
leur commandent de s'unir et de multiplier le
monde, et dit quelques paroles que je
n'écris point, car au coeur chaste c'est
honneur de ne les penser.
Le dimanche de Miséricordia,
une riche dame luthérienne, ayant sa soeur
religieuse à Ste-Claire, vint parler aux
soeurs ; et pour ce qu'elles ne savaient qu'elle
fût du tout convertie elle fut menée
à la treille, où elle salua les
soeurs assez honnêtement, puis après
quelque peu de paroles, elle ne put garder son
venin, qu'elle ne le vomît au coeur des
pauvres religieuses, en disant que le monde avait
été en erreur jusqu'à
présent. Incontinent la mère vicaire
lui dit: « Madame, nous ne voulons point
entendre tels propos; si vous voulez deviser avec
nous de notre dévotion, comme avez fait
autrefois, nous vous tiendrons bonne compagnie,
autrement nous vous ferons visage de bois. »
Elle ne laissa pas de continuer à
proférer des paroles piquantes; lors lui
fermèrent la porte en lui
disant que leur prélat
leur avait défendu d'écouter ces
erreurs; ce néanmoins elle demeura longtemps
toujours parlant contre la porte, et depuis n'a
cessé d'animer les hérétiques
et de pourchasser à l'aire sortir sa soeur
de la religion.
La veille de Pentecôte, les
hérétiques fendirent la tête
à six images devant le portail des
cordeliers ; puis les jetèrent dans le puits
de Ste-Claire; c'était chose piteuse de voir
ces corps sans têtes.
Le jour de la Fête-Dieu les
chrétiens faisaient la procession ordinaire;
plusieurs femmes luthériennes, portant le
chaperon de velours, se mirent aux fenêtres
avec leurs aiguilles, et plusieurs
mouillèrent leur linge pour faire la
buée, et quelques-unes allèrent
mettre leur linge par le courant du Rhône, et
ne travaillèrent pas sans peine ; car elles
coururent beaucoup pour l'avoir.
Le pénultième de
juillet, ceux de Genève aperçurent
quelques compagnies de gens auprès de la
ville, et incontinent chacun se mit en armes, et
ainsi vivait-on à Genève, toujours en
crainte et mélancolie, et surtout les
pauvres dames de Ste-Claire ; et quand elles
entendaient le bruit, toujours pensaient qu'on leur
venait faire mal et étaient en
appréhension.
Une nuit par cas fortuit, une des
jeunes religieuses, priant à
l'église, demeura endormie; et par
oubliance, la mère vicaire l'enferma dedans
et toutes les autres se retirèrent au
dortoir comme à l'accoutumée. Et sur
les dix à onze heures de nuit, la pauvre
soeur se réveilla et aperçut des
trépassés qui allaient par
l'église, et courut pour sortir, et trouvant
la porte fermée, n'osa crier; mais tout
effrayée frappa un grand coup contre la
porte. Incontinent toutes les soeurs se
réveillèrent et furent grandement
épouvantées. Derechef elle frappa
deux, trois coups, de tout son pouvoir. Alors elles
se levèrent tremblantes, éperdues,
croyant que ces hérétiques
étaient venus accomplir leur mauvaise
intention. Et les pauvres soeurs ne savaient que
faire, n'espérant secours de nul
côté. La mère se mit à
leur dire : « Mes chères soeurs et mes
chères enfans, je vous prie et requiers que
soyez fermes et vous teniez ensemble à la
bénédiction de Dieu, que de mon
pouvoir je vous donne et quant à moi je m'en
vais savoir ce que c'est ; s'il vous plaît de
venir avec moi vous y viendrez; mais avant que
d'ouvrir la porte, je veux savoir
si toutes les brebis sont au troupeau. » Puis
d'un vertueux courage elle visita toutes les
couches et fit venir toutes les soeurs et fut
trouvé qu'il en manquait une, dont
l'angoisse fut plus grande. Et elle de rechef
frappa plus fort « Adonc, au nom de notre
Seigneur, dit la mère abbesse, sortons d'ici
et allons à l'église ; car nous
serons mieux devant Dieu qu'au dortoir ; et le
mieux qu'elle put ouvrit la porte; et
trouvèrent cette pauvre fille
épouvantée, laquelle voyant la
communauté si émue, connaissant sa
faute, avec la peur qu'elle avait, tomba aux pieds
des soeurs comme transie, et en eurent
grand'pitié. Plusieurs en tombèrent
fort malades; et bien souvent elles avaient de
semblables peurs et vivaient toujours en crainte;
car on était grandement
menacé.
1334 La première semaine du
mois d'août, le monastère de St.Victor
fut tout pillé et fût donné 50
florins aux gagne-deniers pour l'abattre. Je ne
sais bonnement où il fut dit que, un espace
de temps, quand on passait par là l'on
entendait les pauvres trépassés se
plaindre et lamenter manifestement jour et nuit,
dont c'était chose grandement piteuse et non
sans cause, car plusieurs personnes y
étaient enterrées, parce que
c'était la plus ancienne église de
Genève et une des sept paroisses, avec le
prieuré de St. Benoît.
De tout l'avent ne fut dit aucun
sermon sinon de ces hérétiques, ce
qui était bien étrange.
En la pénultième
semaine de septembre, ceux de Genève
commencèrent à dérocher les
faubourgs, et voulurent prendre le jardin des
pauvres dames de Ste. Claire, ce dont elles furent
grandement fâchées et non sans cause;
et firent leurs doléances.
Et ce même jour après
dîné, vint le capitaine de Berne
nommé Triboulet, méchant
luthérien, qui par commandement des Bernois
ordonnait par la cité à son plaisir.
La mère abbesse et sa vicaire, après
l'avoir salué, lui dirent leur
manière de vivre, et comme elles
étaient recluses pour l'amour de Dieu, et
que personne n'entrait; mais il se mit en
colère et les pauvres dames craignant plus
grand malheur, ouvrirent et entra comme un lion. Et
les pauvres soeurs toutes ensemble se
retirèrent à l'église,
prosternant la face en terre, priant Dieu en grande
abondance de larmes et angoisses. Et passant devant
l'église s'arrêta à la porte,
sans entrer, et eut pitié et pria la
mère abbesse de les faire dresser. Adonc
elle lui recommanda cette pauvre
désolée compagnie, et lors commanda
aux soeurs de le saluer et demander
miséricorde, qu'il lui plût leur
laisser servir Dieu en clôture le reste de
leur vie. Et ainsi qu'il plut à Dieu son
coeur fut tout transmué de pitié, et
ne savait que dire, sinon de les
réconforter, leur promettant que par lui ne
leur serait jamais fait aucun
déplaisir mais de tout son pouvoir les
contregarderait, et s'en retourna tout
édifié, sans qu'on leur fît
aucun mal.
Le vendredi suivant, un apothicaire
luthérien mourut soudainement; et sa femme
qui était chrétienne, quand elle le
vit près de mourir crut son devoir de
l'admonester de se retourner à Dieu et se
confesser ; mais il ne la voulut ouïr, ains
demandait ce maudit Faret. Et d'autant qu'il
était mort en son erreur, son père le
fit jeter de sa maison, comme un chien, afin que
ses complices le prinssent pour en faire à
leur vouloir; car ils mettent les
trépassés en terre tous frais, nus et
sans nulle solennité, et n'y assistent que
ceux qui portent le corps, et, en les mettant en
terre, disent seulement; « Dors,
jusqu'à ce que le seul Dieu t'appelle.
»
La première semaine de
décembre, ils rompirent et
ôtèrent toutes les croix d'alentour de
Genève. Et tout le reste de l'année
se passa en grandes querelles et
tribulations.
Le jour de Noël, pour
empêcher le scandale, les syndics
allèrent par les églises avec
certains hommes du guet armés, qui
demeuraient aux portes jusqu'à ce que le
service divin fût tout achevé. Les
luthériens ne firent aucune solennité
et s'habillèrent de leurs plus
chétifs habillemens comme les jours
ouvriers, et ne firent point cuire de pains blancs,
parce que les chrétiens le faisaient; et
disaient par moquerie: » Les papistes font
leur fête; ils mangeront tant de pain blanc
qu'ils en crèveront. »
Le premier jour de l'an 1535, ils
ont travaillé toute la journée et
même leurs boutiques ouvertes, combien qu'il
eût été défendu de par
les syndics.
Le dimanche, 15 de février,
un maudit religieux apostat de St. François
portant encore l'habit de la religion, prit
possession de prêcher à la paroisse de
St. Germain à la mode
hérétique, dont les chrétiens
furent marris, mais on n'y pouvait donner aucun
remède, car le curé était de
cette secte.
Le 19, le gardien de Rive attacha
des billets par la ville, avertissant que tous les
jours du carême, après
dîné, il prêcherait
l'Évangile au réfectoire du couvent,
s'il plaisait à Messieurs. Et y assista
grand nombre de gens chrétiens et
luthériens. Au commencement de son sermon,
ni à la fin, il ne fit point de signe de la
croix, de quoi les chrétiens furent
scandalisés et depuis n'y
assistèrent.
(Extrait du journal de Jeanne de
Jussie).
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