Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE XCIV.
Février 1847
Répondre à vos raisons de
séparation d'avec l'église
de....
Ma soeur,
Je viens répondre à vos
raisons de séparation d'avec l'église
de.... après vous avoir remerciée de
ne me les avoir pas refusées.
1° Je rends grâces à
Dieu d'être en communion, non-seulement,
comme vous, avec tous les frères qui rendent
leur culte à Dieu en dehors du monde, mais
encore avec tous les frères de l'univers,
même avec ceux qui peuvent se trouver dans
l'église romaine.
2° Doit-on se séparer d'une
assemblée où l'on voit du mal, sans
avoir cherché premièrement à
le manifester à ses frères, sans
avoir pris un certain temps de prière et de
patience, pour voir si les représentations
qu'on leur a adressées n'ont produit aucun
effet ?
Si l'on ne doit éviter l'homme
hérétique qu'après l'avoir
averti une première et une seconde fois,
doit-on s'éloigner d'une assemblée de
frères, non hérétiques, avant
de les avoir avertis au moins deux
fois ?
Vous savez que si une femme ne peut pas
parler en église, elle peut faire des
réclamations par conversation ou par
écrit.
3° Je crois que vous errez en
appliquant sans réserve à tout ce que
vous pouvez voir de fautif dans la marche d'une
église, des passages semblables à
ceux-ci : « Abstenez-vous de tout ce
qui a quelque apparence de mal ; »
« Ne participez point aux
péchés d'autrui, » etc.,
etc.
Si dès qu'on aperçoit dans
la marche des frères avec lesquels on
s'assemble, quelque chose qui ne semble pas
conforme à la Parole, il
faut s'éloigner de leur assemblée,
comme vous l'avez fait, les enfants de Dieu se
diviseront à l'infini, et il n'y aura que
ceux qui auront exactement les mêmes vues sur
toutes choses, qui pourront rendre leur culte
ensemble.
Je connais des frères qui voient
dans les assemblées que vous approuvez, des
choses qui ne leur paraissent point selon la
Parole, et contre lesquelles ils ont
réclamé en vain. D'après votre
principe, ils devraient quitter l'assemblée,
en disant qu'ils y voient du mal, et qu'il ne faut
pas participer au péché d'autrui.
Admettez-vous cette conséquence ? et
croyez-vous que je ferais bien d'aller de ville en
ville exhorter les frères qui voient dans
leur assemblée quelque chose qui n'est pas
selon la Parole, à former une
assemblée à part ? Je ne ferais
pourtant en cela que suivre vos principes.
4° Quand on a une vue
différente de l'ensemble d'une église
qui renferme des frères respectables, et
surtout un frère aussi profond dans la
connaissance des Écritures que l'est Mr.....
ne serait-il pas permis, avec un peu
d'humilité, de supposer que l'erreur
pourrait être de notre
côté ? ou tout au moins, ne
faudrait-il pas avant de le juger, avoir une
conversation avec lui, lui présenter ses
objections, et voir ce qu'il aurait à y
répondre ?
5° Voyons ce que dit sur ce sujet
cette Parole à laquelle il faut toujours en
appeler, sous peine de rester enfoncé dans
l'obscurité
(Esaïe VIII, 20, 21).
Dans le 3e chap. des Philippiens,
l'apôtre, après avoir montré
depuis les versets
8 à 14, comment le
chrétien doit poursuivre sa course en
Christ, ajoute dans les versets
15 et 16, des paroles que je ne
transcris pas pour abréger, mais que je vous
prie de lire avec beaucoup de sérieux.
Après les avoir lues avec
attention, trouvez-vous dans la recommandation
contenue dans ces deux versets, la moindre chose
qui engage les chrétiens à se
séparer les uns des
autres pour des
différences de vues ? la moindre chose
qui engage un fidèle à dire aux
autres : Vous ne voyez pas comme moi sur tel
ou tel point, c'est pourquoi je commettrais un
péché en marchant avec vous, je
désobéirais au Seigneur ; donc
je vous quitte.
À quoi sont exhortés les
fidèles ? À suivre une
même règle dans les choses auxquelles
ils sont parvenus, sous cette promesse qu'en
faisant ainsi, Dieu leur révélera ce
qui en est sur les points à l'égard
desquels ils différent. En effet, je pense
que c'est dans l'union et le support, que nous
marcherons vers la perfection de lumière et
de connaissance
(Coloss. II, 2, 5) ; tout comme
je suis persuadé que les divisions qui
viennent du prince des ténèbres,
empêchent la lumière, en
enfonçant dans les préventions, dans
l'esprit de parti, dans l'esprit d'orgueil et
d'attachement à son propre sens. La
vérité va toujours avec la
charité
(Ephés. IV, 15) ; et
quand on est dans l'esprit de division, en
dépit de toutes les connaissances qu'on
croit avoir, on n'est encore que des enfants en
Christ
(1 Cor. III, 1 à 4).
Avez-vous jamais vu dans les temps
apostoliques aucun exemple ou aucun précepte
qui engage à se séparer d'une
église pour des misères ou pour des
différences de vues ?
Dans
Rom. XIV, est-il ordonné aux
frères de l'église de Rome de se
séparer les uns des autres, parce que les
uns mangent de tout, et que les autres ne mangent
que des herbes ?
Est-il recommandé à
Gaïus, dans la
troisième épître de
Jean, de quitter l'église à cause
qu'il y avait à sa tête un
Diotrèphe qui aimait à être le
premier parmi eux ?
Est-il recommandé aux
frères fidèles de l'église de
Corinthe de s'en séparer, parce qu'il y
avait entre eux des divisions, parce qu'on n'avait
pas retranché l'incestueux
(1 Cor. V) ; parce qu'il y avait
parmi eux des gens qui se faisaient des
procès devant les tribunaux ; parce
qu'il y en avait qui profanaient la
cène ; parce que, dans l'exercice des
dons miraculeux, il y avait plusieurs abus, entre
autres celui de parler plusieurs à la
fois
(1 Cor. XIV, 22-31) ?
C'était là du mal, je
pense ......
D'après votre principe, il aurait
fallu dire : Rester dans une telle
église, c'est participer aux
péchés d'autrui : je m'en vais.
Enfin, le Seigneur a-t-il jamais
recommandé de se séparer même
de celle des sept églises d'Asie à
laquelle il fait le plus de
reproches ?
Ah ! ma soeur, les chrétiens
de nos jours ont besoin d'apprendre que le mal dont
ils doivent se séparer, c'est bien plus
celui qui est dans leur coeur ou dans leur vie, que
celui qui peut se trouver dans telle chose qui,
selon eux, est un défaut de vues dans la
marche d'une église. En
vérité, prenons garde au
pharisaïsme, et comprenons que ce qui divise
les frères est cent fois plus fâcheux
aux yeux du Seigneur, qu'un défaut de
lumière sur un point particulier de la
marche.
Là où mes frères
sont réunis en dehors du monde, autour du
Seigneur, selon sa Parole et sans esprit de
schisme, là aussi je dois rester, parce que
Jésus-Christ y est ; là je dois
supporter et les défauts de vie et les
défauts de lumière sur quelque point,
parce que le Seigneur les supporte et qu'Il me
supporte aussi. Je suis intimément convaincu
qu'il y aura dans ce support accompagné
d'avertissements et de prières, quelque
chose d'infiniment plus agréable au
Seigneur, que si, sous prétexte qu'il faut
se retirer de tout mal connu, je quittais mes
frères, et j'opérais une division qui
ne se fait jamais qu'au scandale du monde et au
grand dommage de la charité.
Ajoutez à cela que toute division
est condamnée par la Parole de Dieu, qui
veut qu'il n'y ait point de division dans le corps
(1 Cor. XII, 25), et qui met les
divisions (en grec les coupures en deux) au nombre
des oeuvres de la chair
(Gal. V, 20).
6° Vous ne voyez pas
« qu'une assemblée agisse selon la
volonté de Dieu en plaçant au-dessus
d'elle un homme revêtu de quelque
ministère, attendu que cet homme ait le
droit de régler les autres dons qui
pourraient se trouver dans
l'assemblée, de manière à ce
que l'exercice de ces dons n'ait lieu qu'à
la fin de la réunion, quand le pasteur est
là, etc., etc. »
Je réponds pour moi et selon mes
convictions ; quant à notre
frère.... sans me porter garant pour lui, je
crois que ses vues ne sont pas en cela fort
différentes des miennes.
Je crois d'après la Parole, comme
je pense l'avoir prouvé dans mes
écrits sur le sujet, qu'une Église a
le droit de reconnaître d'une manière
expresse, ou par suffrages ou autrement, celui ou
ceux qui ont au milieu d'elle le ministère
d'ancien, de surveillant ou de frère qui
préside, ou bien de reconnaître celui
qui a le plus de ces dons.
Quant à l'établissement,
soit par l'imposition des mains, soit autrement, je
ne voudrais pas disputer là-dessus, et je
laisserais chacun faire selon qu'il est pleinement
persuadé, tout disposé à
supporter sans schisme une vue différente de
la mienne dans le troupeau dont je ferais
partie.
Je ne crois nullement qu'un
ministère reconnu ait à lui seul le
droit de régler les autres dons qui peuvent
se manifester dans l'assemblée.
D'abord et en tout cas, il ne peut les
régler que conformément à la
Parole. Ensuite, je pense que chaque frère
ayant « reçu l'onction de la part
du Saint »
(1 Jean II, 20), qui lui enseigne
toutes choses, il est capable, surtout dans
l'ensemble de l'Eglise où l'Esprit de Dieu
complète les dons des membres les uns par
les autres, d'entrer pour sa part dans le jugement
des dons qui se manifestent
(1 Cor. XIV, 29). Je ne suis
nullement de ceux qui croient que dans l'Eglise
tout doit être fait par les
ministères, et que les autres frères
n'aient rien à dire dans les questions
d'administration et de doctrine.
Act. VI, 5 me prouve tout le
contraire.
Mais, d'un autre côté,
j'estime que les ministères reconnus
à cause de leurs dons particuliers et des
égards qui leur sont dûs
(1 Thess. V, 12), doivent tout
particulièrement
inspecter l'exercice des autres
dons, et travailler de concert avec l'Église
à ce qu'ils soient bien
réglés.
Dans un sens, je n'admets point que
l'Église établisse des
ministères au-dessus d'elle, comme vous le
dites. Les ministres ne sont pas des gens qui
doivent avoir domination sur les héritages
du Seigneur
(1 Pier. V, 3). Celui qui gouverne
doit être comme celui qui sert, et il doit
pouvoir dire comme l'apôtre Paul :
« Nous sommes vos serviteurs pour l'amour
de Christ. » Toutefois, comme il est
appelé à gouverner et a prendre soin
de l'Eglise de Dieu
(1 Tim. III, 5), il faut bien qu'une
certaine soumission renfermée dans les
bornes de la Parole lui soit accordée
(1 Pier. V, 5 ;
Hébr. XIII, 17).
Je ne crois point que dans nos
assemblées ni dans celles dont vous parlez,
on voulût empêcher un frère
d'exercer ses droits au commencement de
l'assemblée, même en présence
d'un pasteur, ou d'un prédicateur de
l'Évangile. Du moins, quant à moi,
j'ai le témoignage bien clair en
moi-même que je ne l'empêcherais
pas.
Mais voici ce qui arrive tout
naturellement. Lorsqu'un frère comme Mr...
qui a des dons de prédication
très-supérieurs est présent,
et qu'il se sent disposé à porter la
parole, il arrive tout simplement et je crois par
l'Esprit de Dieu, que chacun se mettant à sa
place, laisse volontiers parler celui à qui
il reconnaît des dons supérieurs. En
cela, il me semble qu'il y a de l'humilité
et de la soumission aux droits que Dieu a
manifestés.
Du reste, si un simple frère
était réellement poussé par
l'Esprit, et pouvait dire en
vérité : « Avant
qu'aucun autre parle, je me sens pressé
d'adresser une exhortation à
l'Eglise » je ne doute pas qu'on le
laissât parler le premier ; tout comme
je ne doute pas que si ce simple frère
était réellement poussé par le
saint-Esprit, il ne se laissât nullement
arrêter par la présence d'un ministre
de la Parole, pour dire ce que l'Esprit le
pousserait à dire. Je
parle ici d'un mouvement de l'Esprit bien
distinct.
L'automne dernière, j'allai
porter la parole à nos chers frères
de.... Je pouvais bien dire que j'étais
sûr de le faire selon l'Écriture,
étant persuadé de ce que je disais,
désirant être un moyen de
bénédiction pour ces amis, et me
mettant sous l'influence du saint-Esprit pour leur
parler ; mais je ne me sentais pas, ce qui, je
crois, arrive rarement, sous une telle impression
de l'Esprit, que je fusse absolument obligé
de parler. Sans m'y attendre, je trouvai dans
l'assemblée notre frère Mr.... et je
ne me sentis libre de parler qu'après lui
avoir offert à lui-même la parole et
sur son refus positif de la prendre. En agissant
ainsi, j'étais persuadé que je
faisais bien, en cédant le pas à un
don supérieur au mien. Si dans l'intervalle
qui s'écoula avant la méditation, un
autre frère s'était levé pour
parler, je me serais assis, et j'aurais attendu
qu'il eût fini, persuadé que Dieu
aurait pu bénir l'assemblée par lui
aussi bien que par moi, s'Il l'eût
voulu.
Toutefois, sans vouloir traiter ici ce
sujet à fond, je reconnais à tous les
frères le don d'exhorter, mais non pas celui
d'enseigner, c'est-à-dire de
s'établir explicateur de la Parole. Le don
de docteur (c'est-à-dire d'enseigneur selon
la vraie traduction de l'original) n'est pas fait
à tous, puisqu'il est dit :
« Tous sont-ils
docteurs ? » et qu'il est dit
ailleurs : « Il a établi les
uns pour être docteurs. » - Selon
Rom. XII, 7 et 8, chacun doit rester
dans son don ; et je crois même que
quoique tous les frères puissent exhorter,
ce don est fait particulièrement à
quelques-uns ; ce que prouve le verset
8, comparé à
1 Cor. XIV, 3, et à
1 Thess. V, 12. L'oubli de la
distribution différente des dons dans
l'Eglise, et de l'usage modeste que chacun doit en
faire selon la mesure qui lui est départie
(Rom. XII, 3-6, et
1 Cor. XII, 4-12) ; cet oubli
peut engendrer dans les assemblées des
confusions et des prétentions
nuisibles à
l'édification, ainsi qu'à l'âme
de plusieurs fidèles, en les enflant
d'orgueil et les engageant à s'ériger
en docteurs ou évangélistes sans en
avoir le don, tandis qu'ils décrieraient les
véritables dons, et qu'eux-mêmes, tout
en parlant contre les jougs d'homme, s'empareraient
d'une autorité qui ne leur serait pas
donnée de Dieu.
Si, dans l'Eglise, je n'aime pas la
domination des ministères reconnus,
j'aimerais encore moins celle des ministères
fort contestables qui s'établiraient et se
reconnaîtraient eux-mêmes, sans le
contrôle de leurs frères, et qui
entreraient sans scrupule dans le travail d'autrui,
en dépréciant sans modestie et sans
charité les travaux de serviteurs de Dieu
qui ont vieilli dans l'oeuvre du Seigneur.
Si ces vieux serviteurs gémissent
eux-mêmes de leurs infirmités, s'ils
ne peuvent jeter leurs regards sur aucune partie de
leur oeuvre sans y voir des souillures, s'ils
s'écrient : « N'entre point
en compte avec tes serviteurs ; »
ils font bien et sont à leur place en le
faisant. Mais serait-ce à d'autres à
le faire pour eux ? Serait-ce à de
jeunes gens qui commencent seulement la
carrière et dont le ministère n'a pas
été encore éprouvé,
à relever les infirmités de leurs
anciens ou à les décrier comme des
dominateurs de consciences ?
7° Je pense, comme vous, que les
moyens de jointures et de fournissement pour
l'accroissement du corps
(Ephés. IV, 16), ne sont pas
seulement dans les ministères, mais aussi
dans chaque membre, selon la force qui est en lui.
Mais je crois qu'un point de vue qui domine parmi
vous, c'est celui de ne voir presque la
communication des dons mutuels que dans le culte.
Ceux dont vous avez adopté les vues parlent
sans cesse de culte, mais c'est du culte public. En
cela, ils paraissent oublier un peu que la vie
entière du chrétien est un culte, et
qu'il y a beaucoup d'autres communications entre
les chrétiens que celles qui ont lieu par le
moyen du culte public. C'est surtout dans les
communications
particulières que la force qui est dans un
membre se communique aux autres. S'il ne s'agissait
que du culte public dans le passage
Ephés. IV 16, et dans les
autres que vous me citez, la partie la plus
nombreuse de l'Eglise, savoir les femmes, à
qui il est défendu d'y parler, ne
fourniraient rien au reste du corps, a moins que ce
ne fût par leurs prières et par leur
exemple. Cependant je pense que ce n'est pas
à cela seulement que vous vous en tenez, et
que vous croyez devoir, dans le particulier, ouvrir
la bouche pour exhorter, peut-être même
pour enseigner.
Par où il est évident
qu'il ne faut pas toujours rapporter au culte
public les jointures du fournissement, les
exhortations, etc., etc.
8° Quant aux différences que
vous voyez dans la marche de quelques
Églises, je trouve qu'elles ne prouvent
point rigoureusement comme vous le pensez, que le
principal lien d'union, qui est le saint-Esprit,
n'a été que trop oublié par
l'Eglise, et que l'état de division en est
devenu la triste conséquence.
Hélas ! ma soeur, même
du temps des apôtres, il y avait de grandes
divergences entre les chrétiens des
primitives Églises. Les uns ne mangeaient
que des herbes, les autres mangeaient de tout. Les
uns observaient les jours, les autres ne les
observaient pas ; et ce qui est bien plus
important, les uns fréquentaient encore le
culte mosaïque et en observaient les
cérémonies, et les autres ne les
observaient pas. Cependant, vous ne
prétendrez pas que du temps des
apôtres on eût oublié le lien
d'union.
De plus, pensez-vous que toutes les
assemblées dont vous préférez
les vues marchent également de la même
manière ? Pensez-vous qu'aucune d'elles
n'ait modifié sa marche depuis sa
fondation ? Trouvez-vous qu'il y ait beaucoup
plus d'union entre les chrétiens de ce pays,
depuis que les vues que vous professez y ont
été répandues ?
Hélas ! ma soeur, malheureusement la
réponse à ces questions n'est pas
douteuse. L'expérience
prouve qu'il ne suffit pas de parler
continuellement du lien du saint-Esprit, pour
être dans ce lien. Elle prouve que l'Esprit
est plus ou moins contristé par tous. Elle
prouve qu'on voit beaucoup mieux la paille qui est
dans l'oeil de son frère, que la poutre qui
est dans le sien propre.
Savez-vous ce qui empêche l'union
des enfants de Dieu ? C'est leur manque
d'union véritable avec Jésus. S'ils
se voyaient un en Christ et non pas un dans tel don
ou dans telle vue particulière, ils ne se
sépareraient pas pour des choses qui ne sont
pas Christ Lui-même.
Jamais, quand ils seront dans l'esprit
d'union, ils ne croiront avoir fait un
bénéfice en opérant une
division au profit de leurs vues. C'est au
contraire une chose dont ils auront peur, comme
d'un déchirement du corps de Christ.
Ne mettons pas des systèmes
d'union à la place de l'esprit d'union et de
l'union elle-même.
J'ignore si ma longue lettre aura ou non
quelque succès auprès de vous. Cela
dépend du Seigneur, et je Lui en laisse le
soin. Tout ce qui est exigé de moi comme
dispensateur, c'est que je sois trouvé
fidèle. J'apprends de plus en plus que pour
travailler avec joie et courage à quelle
oeuvre que ce soit, il faut chercher beaucoup plus
la fidélité et la bonne conscience
que le succès. C'est pourquoi lors
même que quelqu'un me dirait, comme cela
m'est déjà arrivé en attaquant
d'autres erreurs, que ce que je lui ai dit ou
écrit, le persuade encore plus qu'il est
dans la vérité, cela ne
m'ébranlerait nullement. Dieu a ses temps et
ses moments. Quand le moment est venu, la
vérité se fait jour à travers
les nuages. Si le Seigneur tarde, il faut
l'attendre.
En conséquence, je termine ma
lettre avec un coeur paisible, sachant que j'ai
fait ce que je devais, et que j'ai dit ce qui
était vrai. Quant à
l'infirmité que je puis y avoir
mêlée, je prie le Seigneur qui la
discerne de me la pardonner, et
de faire ensorte qu'elle n'empêche pas
l'effet de la vérité.
Si vous croyez découvrir quelque
erreur dans ce que j'ai dit, je serai bien aise que
vous me la signaliez, la Parole de Dieu en main.
Tout comme si vous aviez quelque question nouvelle
à me faire, j'y répondrais volontiers
selon la lumière qui me serait donnée
par la Parole de Dieu.
Adieu, ma soeur, que le Seigneur nous
donne de devenir toujours plus petits, car c'est
aux enfants que Dieu révèle son
secret.
LETTRE
XCV
5 février 1847.
Pour ne pas aimer la terre, il faut aimer
le ciel.
Madame et chère soeur,
Je viens vous remercier de ce que vous
avez bien voulu nous envoyer pour notre
école enfantine. Cette année-ci, l'on
a une double obligation à ceux qui veulent
bien se souvenir d'un établissement
éloigné d'eux, vu que chacun a tant
à faire autour de soi. Toutefois,
souvenons-nous que la pite de la veuve fut
louée et mise au-dessus de toutes les riches
offrandes de ceux qui n'avaient donné que
leur superflu. Nous avons encore immensément
de chemin à faire pour rattraper la pauvre
veuve, et au lieu de nous glorifier de ce que nous
donnons, nous avons beaucoup à nous humilier
de ce côté là.
Dieu vous accorde une véritable
grâce en vous rendant
l'éternité plus présente. Je
souhaite que par le saint-Esprit vous tiriez de
cette pensée toutes sortes d'instructions,
tant réveillantes que
consolantes. Il est vrai, comme vous le dites,
qu'il est difficile de se détacher
entièrement du monde. Plusieurs de ceux
mêmes qui professent le détachement,
paraissent singulièrement
inconséquents avec leurs principes. Ce qui
est dans l'intelligence, n'est pas toujours dans le
coeur. Du reste, le détachement du monde ne
s'opère pas par tiraillement, comme celui
qui voudrait s'enlever la peau. C'est un nouvel
amour qui chasse le vieux ; ce sont les
affections célestes qui chassent les
terrestres. Aussi, dans le troisième
chapitre des Colossiens, l'Esprit saint dit :
« Cherchez les choses qui sont en
haut ; affectionnez-vous aux choses qui sont
en haut, » avant de dire :
« Ne vous affectionnez pas aux choses qui
sont sur la terre. » Il faut aimer
quelque chose, et pour ne pas aimer la terre, il
faut aimer le ciel.
Or, pour aimer le ciel, il faut, comme
le dit l'Esprit saint dans cet endroit, se croire
ressuscité avec Christ, et croire que
lorsqu'Il paraîtra, nous paraîtrons
avec Lui en gloire. Cette assurance est la seule
chose qui détache. Outre cela, ceux qui sont
unis à Christ par la foi, reçoivent
son Esprit. Or, « ceux qui sont conduits
par l'Esprit, s'affectionnent aux choses de
l'Esprit. »
C'est là le seul secret de
détachement ; tout le reste n'est que
dans l'imagination. C'est donc à ce
détachement par l'Esprit, qu'il nous faut
viser pour n'être pas trompés. Paul
disait, en parlant du désir de
déloger : « Celui qui nous a
formés à cela, c'est Dieu qui aussi
nous a donné dans nos coeurs les arrhes de
son Esprit. »
Les miens sont bien, par la Grâce
de Dieu. Ma santé a été
passable cet hiver, malgré que j'aie eu de
mauvais jours.
Nous allons toujours ici notre petit
train tout doucement, comme une bête
chargée qui descend dans une plaine. Il faut
descendre pour monter, et nous avions grand besoin
de descendre.
Que le Seigneur vous conserve pour la
joie de votre famille et de vos amis, et qu'Il vous
donne de passer vos journées accomplissant
avec une tranquille activité et un scrupule
sans angoisse la tâche qu'Il place devant
vous.
Votre frère.
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