PAUL RABAUT
Apôtre du Désert
AVANT-PROPOS
PAUL
RABAUT
D'après le portrait à
l'huile conservé à la
Bibliothèque
de
l'Histoire du Protestantisme
français.
Si Antoine Court fut le restaurateur du
Protestantisme français, brisé par la
Révocation de l'Édit de Nantes, Paul
Rabaut en fut l'Apôtre, « sous la
Croix ». Il devança le XVIIIe
siècle, dans ses aspirations à la
liberté ; il fut un des
précurseurs de cette liberté, dont il
devint d'abord la victime avec les siens, mais sous
l'égide de laquelle ensuite se releva et
grandit le Protestantisme français.
Son oeuvre admirable
révèle le caractère d'un
héros ; et c'est de ce héros que
nous voudrions donner, non pas une simple notice en
rassemblant des détails un peu partout
dispersés, mais plutôt un portrait
moral, pour servir de réconfort aux
consciences attiédies ou
apeurées ; car, par sa vaillance et sa
constance, Il fut, de 1738 à 1787, un
modèle d'énergie tenace, un vrai
héros de la foi et, comme le dit un de ses
collègues, « le Ministre le plus
célèbre du
Royaume. »
Son héroïsme est d'un genre
particulier. Il ne consiste pas en actions
d'éclat frappant
l'imagination, dues à un
brusque enthousiasme, au paroxysme d'un de ces
sentiments qui font de l'homme un surhomme et qui
enfantent le merveilleux Camisard de 1702.
Non, c'est un héroïsme sans
tambour ni trompette, calme, continu,
réfléchi, ferme, dont l'essence est
la consécration absolue de soi-même
à une cause sainte ; c'est un
dévouement de chaque jour, de chaque heure,
« à l'honneur de Dieu »
et à la liberté, le sacrifice de son
repos, de son foyer, de toutes ses joies
terrestres, de son existence entière. C'est,
tout à la fois, l'héroïsme de la
patience et de l'action, qui idéalise
l'être entier en de généreux
élans. Le héros chrétien
subordonne la vie entière à un
idéal qui le fascine ; il voit
l'invisible ; il voit, comme Moïse, les
triomphes futurs ; et, plus heureux que lui au
désert de Sin, Paul Rabaut introduira son
peuple dans le Canaan de la liberté.
Vaillant entre les vaillants,
indomptable devant les menaces, inaccessible aux
séductions, supérieur aux douleurs
physiques et morales, bravant tous les
périls, accablé des plus graves
responsabilités, « vivant pour les
autres » plus que pour lui - il soutient
une lutte étrangement inégale contre
la coalition du puissant monarque de Versailles, du
Clergé de France, des Gouverneurs et des
Parlements. Seul, - mais avec Dieu, - il tient bon
contre tous ; inflexible pour tout ce qui
touche à la conscience, il
cède et obéit pour tout le reste,
modéré et patient, entouré
d'une auréole de respect et d'admiration qui
lui confère une autorité morale
reconnue de tous.
Superbe épopée, qui
fournirait matière au lyrisme d'un
poète. Mais nous n'en dirons que ce qui est
nécessaire pour mettre en relief les traits
principaux de cette nature d'élite ; et
nous le ferons avec la simplicité qui
convient à notre héros, puisque,
suivant l'expression de Bossuet, « la
seule simplicité d'un récit
fidèle peut soutenir la gloire »
d'un grand homme. Notre unique ambition est de
faire apprécier et aimer cette attirante
personnalité, capable de réveiller
les nobles fibres de l'âme, dans les temps de
déliquescence morale où les principes
se voilent et où les consciences mollissent,
dans les temps où s'étale cyniquement
le culte de l'égoïsme et de
l'intérêt, auquel on peut opposer,
dans la personne de Paul Rabaut, le culte de la
foi, de la conscience et de la
liberté.
Mieux connu, Paul Rabaut aurait depuis
longtemps sa statue, au Peyrou de Montpellier,
à la place même de la potence à
laquelle il était condamné et qui fut
la glorieuse fin de tant de martyrs huguenots.
Nos Sources, - Indépendamment des
nombreuses publications sur P. Rabaut que nous
avons mises à contribution, - il nous a
été donné, grâce
à d'obligeants amis, de
puiser dans les Papiers d'Antoine Court à
Genève, - dans les Archives du Consistoire
de Nîmes, - dans les Carnets inédits
de P. Rabaut, - dans ses 200 sermons manuscrits,
dans les quatre volumes de Lettres publiés
par Picheral et Dardier, dans la collection de P.
Rabaut, léguée par MM. Coquerel fils
à la Bibliothèque du Protestantisme
français. - enfin, dans les manuscrits de M.
Recolin, ancien pasteur de l'Oratoire du Louvre,
qui ont été spontanément mis
à notre disposition.
Que tous ceux qui nous ont aidé
dans cette longue tâche reçoivent ici
l'expression de notre vive gratitude !
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