Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



UN PROGRAMME DE VIE INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE

PRÉFACE

Mes auditeurs de Chexbres m'ont demandé celte année, comme ils l'ont fait l'année dernière, de publier les leçons que je leur ai données. Une amie, toute consacrée au règne de Dieu, s'étant offerte à faire la plus grande partie des frais de la publication, j'ai cru devoir céder à ces aimables et cordiales sollicitations. J'ai rédigé mes leçons d'après des notes assez détaillées, si bien que le présent travail ne diffère pas d'une manière appréciable de ce que j'ai prononcé.
J'ai fait usage principalement de la version littérale, dite de Lausanne, 4° édition revue du Nouveau Testament.

Puisse ce petit livre trouver des lecteurs aussi indulgents et aussi disposés à se laisser enseigner que l'ont été les auditeurs 

Octobre 1908.

E. T.


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I
Lire Romains XII, 1 et 2.

L'épître aux Romains présente un caractère spécial qu'elle partage du reste avec l'épître aux Éphésiens. Elle revêt la forme d'un traité systématique plus que celle d'une lettre proprement dite. C'est une dogmatique et une morale condensées en quelques pages. Le génie dialectique de Paul, fécondé et sanctifié par l'action du Saint-Esprit, y apparaît, pour ainsi dire, à chaque mot, nous aurons maintes occasions de le constater. Je me borne à rappeler quel rôle capital a joué cette épître dans la pensée du plus grand des docteurs de l'église latine, Saint-Augustin ; quelle place fondamentale elle a tenue dans le mouvement de la Réformation au XVIme siècle, et dans le mouvement moins fécond, mais bien intéressant néanmoins, du Jansénisme au XVIIme. Avec l'épître aux Galates, dont Luther faisait aussi le plus grand cas, elle établit d'une manière nette et forte le salut par la foi indépendamment des oeuvres de la loi. Ce qui ne veut nullement dire qu'elle condamne les oeuvres, si par oeuvres on entend ce qu'il faut entendre, c'est-à-dire la vie chrétienne, vie d'amour et d'obéissance. C'est précisément à présenter le programme et l'esprit de cette vie que sont consacrés les chapitres que nous étudions.

Notre épître présente, en effet, deux parties bien distinctes, l'une qui va du chapitre Ier au chapitre XI, et l'autre du chapitre XII à la fin ; l'une doctrinale, l'autre d'applications pratiques ; l'une qui nous dit ce que Dieu est et ce qu'il a fait pour nous, comment nous nous approprions le fruit de sa grâce, et quelles sont les conséquences de cette appropriation : la paix, la mort à nous-mêmes, la résurrection en nouveauté de vie ; l'autre nous enseigne ce que Dieu attend de nous en retour de ce qu'il nous a donné.

L'épître aux Éphésiens se partage, elle aussi, en un exposé de la doctrine suivi d'un exposé de la vie chrétienne qui commence comme notre fragment par ces mots : « Je vous exhorte donc.... » (Ephés. 4, 1).

Le thème de l'épître tout entière est contenu dans les versets 16 et 17 du chapitre Ier : le salut offert à tous, au Juif premièrement, au Grec ensuite, par l'unique moyen de la foi en Jésus-Christ. C'est en cela proprement que consiste l'Évangile. Mais le salut de tous suppose la perdition de tous par le péché. C'est ce que Paul s'applique à établir dès le début pour développer ensuite ce qui concerne la foi justifiante. Les chapitres IX à XI sont consacrés à examiner la position spéciale du peuple d'Israël vis-à-vis de l'alliance de grâce, mise en regard de celle des gentils.

Venons-en maintenant au chapitre XII. « Je vous exhorte donc... » dit l'apôtre. Nous nous trouvons en présence d'une conclusion. Ce « donc » se rapporte à tout ce qui précède : la conséquence naturelle, nécessaire, du pardon, de la réconciliation avec Dieu par Christ, c'est tout ce qui va suivre.

L'exhortation est basée tout entière sur les compassions de Dieu que Paul vient de présenter dans leur magnifique ampleur. La réponse au don ineffable de Dieu, c'est le don complet et définitif de nous-mêmes, sans retour en arrière et sans reprise même partielle.
Ainsi, il existe une relation étroite entre la doctrine et la morale ; la doctrine est la base, le point de départ indispensable, de la vie. C'est la doctrine, par où il faut entendre l'enseignement (c'est le sens des mots grecs didachè et didaskalia si fréquemment employés dans le Nouveau Testament) de Jésus et des apôtres, qui nous fait connaître Celui qui est la source de toute vie, nous met et nous maintient sans cesse en contact avec lui ; c'est la doctrine qui nous éclaire sur ce que doit être la vie et nous montre Celui en qui nous la trouverons et par qui nous la recevrons. Nous ne confondons pas les doctrines ou enseignements de la Bible avec les dogmes, formules ou professions de foi édictés par les conciles, synodes ou églises particulières. Les affirmations bibliques sont obligatoires et nécessaires ; elles viennent de Dieu par voie de révélation. Les dogmes ou formules, catholiques ou protestants, sont le fruit des délibérations, discussions et interprétations des hommes ; ils sont par suite toujours sujets à l'examen et au contrôle des Écritures. Nous pouvons les accepter ou les rejeter librement, selon qu'ils nous paraissent exprimer ou non la pensée divine.

Les Saintes Écritures repoussent implicitement la morale indépendante « sans obligation ni sanction », purement sociale, athée ou agnostique, sans amour et sans sainteté. Elles sont non moins formellement opposées à cette vie sans doctrine que d'aucuns parmi les docteurs chrétiens modernes préconisent et réclament, ce qui ne les empêche nullement de consacrer des volumes entiers à exposer leurs idées, qui ne sont autre chose que leurs doctrines. S'efforcer d'établir que les doctrines ne sont pas nécessaires, que l'église contemporaine peut s'en passer, c'est encore une doctrine qui n'a pas d'autre mérite, à nos yeux, que celui de la nouveauté. C'est aussi la seule raison de son succès. Tout ce qui s'oppose à ce qui a été universellement reçu par l'esprit humain jusqu'ici est sûr de réussir dans certains milieux.

La Bible tout entière présente le même caractère que l'épître aux Romains : Aucune théorie, aucune spéculation, mais des faits, l'affirmation simple et pleine d'autorité des réalités divines et humaines pour aboutir à des résultats pratiques. « « Vivre d'abord », philosopher ensuite », dit un ancien proverbe. La Parole de Dieu est une puissance de vie, à la fois par ce qu'elle nous demande et par ce quelle nous offre de la part de Dieu. Si après l'avoir étudiée à ce point de vue, il nous reste du temps pour philosopher, c'est-à-dire pour raisonner, discuter, définir, formuler, livrons-nous à cette occupation, à condition toutefois que nous en ayons les aptitudes et que nous restions dans les limites de la sagesse et de la modération. Et s'il ne nous reste pas de temps pour faire de la théologie, consolons-nous, notre perte ne sera pas considérable !

« Vos corps » le contenant et le contenu, le vase et la liqueur qu'il renferme, l'être tout entier ; et non seulement le corps proprement dit en tant qu'organe et instrument de sainteté après qu'il a été autrefois instrument de péché. Vous connaissez le langage précis du notaire lorsqu'il rédige un acte de vente ou de donation. C'est ici le lieu de le rappeler : Le domaine qui vient d'être décrit avec tous ses tenants et aboutissants, ses aisances et dépendances, sans aucune restriction ni réserve.... Ainsi en doit-il être du don de nous-mêmes. Tel est le vrai point de départ de la vie chrétienne, la consécration de chacun de nous tout entier sans restriction mentale ou autre, ni partage, à son Dieu. Voilà le point important sur lequel il faut être bien au clair.

C'est à cette hauteur que nous devons nous placer pour descendre ensuite dans le détail de la vie de tous les jours et pour pratiquer comme il convient la vie commune, la vie collective, ou, si vous aimez mieux, la vie fraternelle. Cette dernière n'est possible et bonne que si chaque individu réalise en lui-même et pour lui-même la consécration. Le collectivisme de l'Évangile est indirect et non direct ; il part de l'individu pour atteindre la collectivité. II ne comprend d'ailleurs que les régénérés, et non tout le monde. Les pécheurs endurcis qui rejettent l'action divine, ne sauraient se rendre compte de ce qu'est la vraie vie commune tout imprégnée d'amour et d'abnégation, et dégagée de tout égoïsme ; et encore moins pourraient-ils la pratiquer. En outre, le collectivisme de l'Évangile n'empiète pas sur la liberté individuelle, il ne s'impose pas, il s'expose et se propose. Nous sommes heureux d'appeler en témoignage un homme tel que G.Frommel. « Le chrétien trouve sa vie dans la communion du Christ ; cette communion personnelle à chaque chrétien, mais commune à tous les chrétiens, leur confère un élément d'identité qui les constitue semblables et les rend frères ; cette identité leur est exclusive et tout l'amour dont ils pourraient être embrasés ne les autorise pas à la reconnaître chez ceux qui ne vivent point comme ils vivent eux-mêmes - il y a de ce fait une séparation profonde entre l'humanité naturelle ou simplement christianisée et l'humanité chrétienne proprement dite (1). »

« En sacrifice » répondant à un autre sacrifice. L'Évangile n'est pas la religion de la possession et de la jouissance, la religion « des hommes de proie et des hommes de joie », selon l'énergique expression de Gratry. Il est la religion du renoncement et de l'immolation. C'est un dépouillement qui nous est demandé ; il coûte à la chair, qui proteste et se rebiffe. Ce n'est autre chose que la mort du moi mauvais et « haïssable », de l'égoïsme et de l'orgueil. Calvin l'avait bien compris. L'une de ses devises, gravée sur son cachet, portait, en latin : « J'offre mon coeur immolé en sacrifice à Dieu, » Comme c'est du coeur que procèdent les sources de la vie, tout le reste « y passe » avec lui.

Certains qualificatifs sont appliqués à ce sacrifice, qu'il importe de souligner : Vivant allusion manifeste aux victimes de l'ancienne alliance qui devaient être sans tare et sans infirmité, dans la plénitude de la force et de la vigueur. Les bêtes mortes eussent été une insulte au Dieu vivant. De même pour nous : il s'agit bien sans doute de mourir, mais moralement, pour vivre d'autant plus et d'autant mieux. Ici comme ailleurs, la mort est une condition de la vie. Pour s'offrir à Dieu en sacrifice vivant, il faut être vivifié et pour être vivifié il faut être mort à soi-même et au monde. C'est aussi dans la force et la santé du corps que nous devons nous donner. Il est triste de n'avoir à offrir à Dieu que les misérables restes d'une existence consumée dans les jouissances de la chair. - Le sacrifice offert doit être sain ce qui signifie séparé, mis à part ; il doit être le fruit_ d'une rupture intégrale avec la vie du coeur naturel ; il doit de plus être purifié, sanctifié par un autre sacrifice d'une valeur infinie, celui de l'Agneau sans défaut et sans tache. Alors Dieu aime un tel don et il l'agrée toujours : agréable à Dieu - Il n'attend d'ailleurs rien de moins de nous ; il lui faut tout cela, il n'est satisfait qu'à cette condition.

Nous nous trouvons ici en présence de l'essence de tout culte, de toute adoration digne de ce nom. Dans la nouvelle alliance comme dans l'ancienne, il n'y a pas de véritable culte sans sacrifice, sans dons ni offrandes. Dans le temple, dans la chapelle, dans la salle de réunions, au foyer de la famille, ou dans la chambre solitaire, un autel invisible est continuellement dressé et sur cet autel, quelqu'un, en esprit et en volonté, doit sans cesse monter. Ce quelqu'un, c'est l'adorateur lui-même, c'est le serviteur de Dieu, c'est moi, c'est vous. Christ, en cela comme en toutes choses, est le modèle des adorateurs : il s'est présenté à Dieu à tous les moments de son existence, disant : Me voici pour faire ta volonté ! Aucune personne ni aucun objet ne peut tenir notre place. Prenons garde à la parole « obéissance vaut mieux que sacrifice, être attentif vaut mieux que la graisse des moutons. » (1 Sam. 15, 22.) En d'autres termes, nous ne pouvons rien substituer qui soit agréé par Dieu à notre volonté, à notre personnalité. Christ rend ce sacrifice acceptable, mais il ne le remplace pas.
Et quand nous avons accompli cet acte, n'allons pas croire que nous avons fait quelque chose d'extraordinaire, de méritoire... Ce qui est votre culte raisonnable ou plus exactement logique dit Paul. Sainte et sublime logique que celle de notre Dieu ! Quand nous avons reçu la grâce, il est tout naturel, il est nécessaire, Il va de soi en quelque sorte, que nous nous livrions tout entiers à Celui à qui nous devons tout
Une double conséquence résulte de ce que nous venons de dire :

Notre attitude vis-à-vis de Dieu et de son Christ détermine notre attitude vis-à-vis du présent siècle Cette expression désigne dans le langage du Nouveau Testament la période qui s'écoule depuis la première venue de Jésus jusqu'à son retour glorieux. Ce temps est appelé mauvais et nous sommes mis en garde à son sujet. Quelle n'est pas, pour le dire en passant, l'illusion de ces chrétiens plus généreux qu'éclairés, qui s'imaginent que toutes les puissances de ce monde vont bientôt venir se prosterner aux pieds du divin Crucifié. Rien ne nous paraît plus anti-scripturaire que cette pensée. Satan n'est-il pas le prince de ce monde et ne doit-il pas le rester jusqu'à ce que par son apparition le Seigneur triomphe de lui en établissant, en personne, son règne ici-bas ? Notre temps est celui des âmes arrachées une à une, ou, pendant un réveil, par centaines et par milliers, au péché et à la mort.

Lisez les passages suivants avec toute l'attention qu'ils méritent, et vous verrez ce que vous devez penser du temps où nous sommes. (Luc 16, 8 ; Gal. 1, 4 ; Tite 2, 12 ; 2 Tim. 4, 10 ; 1 Jean 2, 16-17.)

Notre attitude est donnée par ces mots : Ne vous conformez point. Elle est purement négative. Ni mépris, ni hostilité ; nous sommes simplement des non-conformistes, des abstinents. « N'aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. » - De plus, nous vivons au milieu de la génération présente dans la tempérance, la justice et la piété, y brillant comme des flambeaux.

La seconde conséquence de notre entière consécration c'est le renouvellement lent graduel, constant, de notre entendement, qui fait que nous comprenons toujours mieux la volonté de Dieu et que nous voyons toujours plus clairement dans cette volonté le bien suprême d'abord, ensuite ce qui est agréable, c'est-à-dire ce qui est harmonie ou beauté suprême ; puis, dans l'union du bien suprême et de la beauté infinie, la perfection même.

Tout ce que vous venez de nous proposer, m'objecteront plusieurs de mes auditeurs, est excellent et admirable, mais nous paraît bien difficile à réaliser. Difficile ! Je vais plus loin que vous ; j'estime que c'est tout à fait impossible, si nous sommes réduits à nos seules forces. Quant aux hommes, cela est impossible, mais quant à Dieu, tout est possible. C'est Lui qui l'accomplit en nous, pourvu que nous allions à Lui et que nous nous confiions pleinement en Lui. Je vous recommande en terminant la prière de Saint-Augustin :
« Domine, da quod jubes, jube quod vis. » Seigneur, donne ce que tu ordonnes et ensuite ordonne tout ce que tu voudras.


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(1) Études religieuses et sociales, p. 256.

 

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