UN
PROGRAMME DE VIE INDIVIDUELLE ET
COLLECTIVE
VII
Lire Romains
XV, 1 à 13.
L'apôtre passe des questions
particulières à des exhortations plus
générales ; il étend le
sujet et il y pénètre plus
profondément en même temps. Et ce
qu'il dit nous concerne tout autant que ses
lecteurs de Rome ; les circonstances
extérieures varient, mais le fond même
des choses et le coeur humain ne changent
pas.
Il s'agit encore des forts et des
faibles, mais sur toutes sortes de points de
doctrine ou de vie. Les forts doivent, ( porter,
supporter) les faibles. Sans support, la vie en
commun devient vite impossible. Cela est vrai dans
la famille et dans la société tout
entière aussi bien que dans l'Eglise. Les
individualités, les idées, les
principes, les habitudes, varient sensiblement des
uns aux autres. Pour s'harmoniser, il faut
s'efforcer de se comprendre.
Il faut concéder tout ce que l'on
peut en bonne conscience, et pour le reste, user de
patience et de douceur, en respectant la
liberté d'autrui. Pour y parvenir, il
importe de ne pas se complaire à
soi-même, c'est-à-dire, en d'autres
termes, et c'est toujours à cela qu'il faut
en revenir, qu'il faut renoncer à
soi-même. C'est parce que nous nous plaisons
à nous-mêmes, que nous nous aimons
nous-mêmes et que nous sommes satisfaits de
nous-mêmes, que nous nous complaisons en
nous-mêmes. Eh bien, il faut que nous en
finissions une bonne fois avec cet
égoïsme subtil pi est venu supplanter
l'ancien égoïsme grossier et brutal
d'avant notre conversion. Cessons enfin de nous
rechercher nous-mêmes dans nos relations avec
le prochain ; brisons pour toujours avec notre
amour-propre et ses susceptibilités et avec
la poursuite de notre agrément et de nos
aises.
Nous devons penser aux autres, à
leur bien, à leur édification et
à leur développement spirituel et
tendre sans cesse à ce but. Pour
l'atteindre, nous ne devons jamais perdre de vue
que 'l'intervention incessante du moi est ce qui
gêne et entrave le plus l'oeuvre du salut
dans les âmes. Si l'on me demandait quel est
à l'heure actuelle le plus grand obstacle
à l'avancement du règne de Dieu clans
le monde, je n'hésiterais pas à
répondre : ce sont les
chrétiens, pas seulement ceux qui ne le sont
que de nom, mais aussi ceux, très nombreux,
qui le sont de fait, et qui n'ont pas passé
par le complet dépouillement
d'eux-mêmes, ce qui est cependant le trait
caractéristique de toute vie
chrétienne véritable.
Voyez Christ qui nous a laissé en
tout un, exemple afin que nous suivions ses
traces ! S'est-il recherché
lui-même ? A-t-il travaillé pour
obtenir les éloges ou la faveur des
hommes ? Possédant tous les droits et
toutes les facilités, n'a-t-il pas
renoncé à tout par amour pour son
Père et pour nous ? Ne s'est-il pas
exposé à toutes les injustices et
à tous les outrages et ne les a-t-il pas
supportés sans se plaindre, « sans
ouvrir la bouche » ?
Ici, nous devons faire une remarque
importante. L'apôtre Paul saisit toutes les
occasions de montrer que tout ce que Jésus
est et tout ce qu'il a fait plonge ses racines dans
l'Ancien Testament. À propos d'une citation
empruntée au Psaume 69e, il énonce
cette pensée que « toutes les
choses qui ont été écrites
auparavant l'ont été pour notre
enseignement, afin que par la patience et la
consolation que donnent les Écritures nous
possédions l'espérance »
(V. 4). L'Ancien Testament n'est donc
pas un livre qui n'offrirait plus d'autre
intérêt qu'un intérêt
purement historique ; un livre
démodé, suranné, pour employer
les expressions en faveur dans certains cercles
« modernes » ; un livre
périmé, qui aurait fait son temps et
achevé son oeuvre ; avec lequel nous
n'aurions plus rien de commun. Il est encore, et
dans toutes ses parties, éminemment propre
à nous inculquer cette patience dont' nous
avons si grand besoin dans notre siècle de
surmenage et d'énervement ; à
nous consoler dans nos détresses toujours
plus grandes à mesure que s'étend
toujours plus sur nos âmes le voile du doute
ou de l'incrédulité moderne ;
à nourrir et fortifier notre
espérance dans un temps de scepticisme et de
pessimisme comme celui que nous traversons.
L'Ancien Testament est le livre de la
préparation, de l'attente à longue
échéance, mais fonde sur la
promesse immuable de Dieu et sur son alliance ferme
avec son peuple. « Dieu n'est pas homme
pour mentir, ni fils de l'homme pour se repentir.
Il a dit, ne le fera-t-il point ? Il a
parlé, ne le réalisera-t-il
pas ? »
(Nomb. 23, 19.) Que dis-je ? Il
l'a accompli à la lettre, pour la plus
grande partie. Ce qu'il a réalisé est
le gage et la garantie de ce qui reste à
réaliser. Quoi de plus réconfortant
en présence des déceptions, des
oppositions, des discussions incessantes, des
faiblesses et des lacunes des enfants de Dieu et de
ses serviteurs ? Quoi de plus propre que cette
espérance à créer en nous la
patience et le support ?
Un autre effet des Écritures de
l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance, non moins
utile que le précédent, c'est de nous
ramener sans cesse à Dieu pour qu'il nous
fasse réaliser ce qu'elles nous
présentent de sa part, qu'il s'agisse de
promesses ou d'ordres. Notre Bible est et doit
rester pour nous le livre éducatif par
excellence. Apprenons à nous en servir
quotidiennement, sans nous laisser troubler par les
prétendus résultats d'une critique
dissolvante. La Bible tout entière parle
à l'âme. Née de l'Esprit, elle
répond magnifiquement aux besoins de ceux
qui sont sous l'action de l'Esprit. Ce qui manque
à la plupart des hommes qui, le scalpel
à la main, dissèquent les
Écritures au seul point de vue
littéraire, historique et scientifique,
c'est la clef spirituelle du Livre de Dieu. Ne nous
laissons pas ravir cette clef, mais serrons-la
fermement dans nos mains et sur nos coeurs.
La version de Lausanne traduit ainsi les
versets
5 et 6: « Que le Dieu de
patience et de consolation vous donne d'avoir entre
vous une même pensée selon le
Christ Jésus, afin que d'un même
accord vous glorifiiez d'une même bouche, le
Dieu et Père de notre Seigneur
Jésus-Christ. » Depuis quelque
temps on est très préoccupé de
rapprocher, d'unir, et parfois de fondre les divers
groupes religieux. Il est dès lors d'une
importance capitale de savoir quels doivent
être les éléments d'une
unité vraie d'après le Nouveau
Testament.
Heureusement nous n'en sommes pas
réduits à des conjectures sur ce
sujet. Nous relevons dans les versets que nous
venons de transcrire trois expressions une
même pensée - une entente
sérieuse sur les fondements mêmes de
la foi qui sont aussi ceux de la vie, ne l'oublions
pas, entente engendrée par une foi vivante
au Christ vivant ' ; un même
accord - c'est-à-dire une même
volonté d'appartenir au Seigneur et de le
glorifier ; enfin une même bouche
- c'est-à-dire un même langage, une
même manière d'exprimer les
vérités concernant le salut et la vie
éternelle, qui est du reste le fruit de la
même pensée et du même accord.
Quand les pensées et les volontés
sont foncièrement en harmonie, le langage
est le même sans que rien de forcé et
de conventionnel intervienne. Voyez encore
1 Corinthiens 1, 10 ;
2 Cor. 13, 11 ;
Phil. 2, 2.
Ce dernier passage ajoute aux trois
éléments que nous venons de relever
un quatrième qui n'a pas moins d'importance
que les autres : un même amour
pour le même Dieu et le même Sauveur et
un même amour les uns pour les autres.
Oserai-je énoncer cette idée que
là où n'existe pas une même
pensée et une même volonté le
même amour ne se montre guère ou qu'il
est vite altéré et compromis ?
Cela se voit tous les jours.
Ainsi, ce n'est pas l'action
bonne qui unira les chrétiens. Quelle
est-elle, du reste, cette action bonne dont on nous
parle tant sans nous dire au juste en quoi elle
consiste ? Nous avons besoin non d'une vague
théorie de l'unité, si
généreuse soit-elle, mais de quelque
chose de net et de concret.
C'est seulement sur les cimes d'une vie
spirituelle intense et profonde, d'un renoncement
vrai à soi-même, d'une
consécration de tout son être à
Dieu et d'une pensée sanctifiée et
épurée par la Parole de Dieu et par
le Saint-Esprit que les âmes peuvent se
rencontrer, sympathiser et se solidariser. En
dehors de cela, on ne rencontre qu'illusion et
déception.
Ce qui doit nous préoccuper avant
tout, c'est la gloire de Dieu et non celle d'un
théologien, celle d'une école ou d'un
système de théologie : Il faut
absolument que l'homme soit abaissé et que
Dieu soit élevé. Si l'Eglise
contemporaine le comprenait, que de misères
et de défaillances lui seraient
épargnées ! Au lieu d'être
paralysée comme elle l'est par son culte de
la créature, quelle puissance ne
posséderait-elle pas dans le monde et sur le
monde ?
Dans cet état d'esprit, on est
tout prêt à s'accueillir
(V.7) sans aucune
« restriction mentale » ni
arrière-pensée, joyeusement et
cordialement. Plus de méfiances, de
soupçons, d'accusations, de jugements durs
et secs. Quels que soient l'origine, l'histoire de
chacun, sa position sociale, son degré
d'instruction et d'éducation, on se sent
vraiment un en Jésus-Christ. Dans
l'église de Rome se coudoyaient les Juifs et
les païens, convertis les uns et les autres
à l'Évangile. Paul fait ressortir les
avantages de chacun. Les privilèges des
Juifs, de ces faibles qui regardaient aux aliments
et aux jours, sont très grands : ils
sont les premiers et les plus favorisés en
tout. Ils sont, qu'ils y consentent ou qu'ils s'y
refusent, les témoins de la
fidélité de Dieu. Jésus a
été juif, serviteur de la
circoncision et incarnation du peuple pour
confirmer et réaliser les promesses. Honneur
donc aux Juifs !
D'autre part, les gentils, les nations,
proclament la miséricorde de Dieu, qui
n'avait aucun engagement envers eux. Ils sont
participants de l'espérance par la pure
bonté de Dieu, prédite autrefois par
les prophètes.
Ainsi les uns et les autres connaissent
les raisons qu'ils ont de s'estimer mutuellement et
de se rapprocher toujours plus pour réaliser
pleinement leur mission.
**********
C'est sur une parole d'espérance
(v. 13) que l'apôtre
achève ce programme de vie que nous venons
d'esquisser en cherchant à l'appliquer
à notre temps et à nos besoins.
Ensuite, il passera à des choses
personnelles concernant ses relations avec
l'église de Rome, et à des
recommandations et salutations dans le
détail desquelles nous n'avons pas à
entrer, étant donné notre but
« Que le Dieu de
l'espérance vous remplisse de toute joie et
de toute paix dans la foi pour que vous abondiez
dans l'espérance, par la puissance de
l'Esprit saint ». La joie et la paix
découlent de l'espérance, qui est
dans le langage du Nouveau Testament une certitude
absolue, et celle-ci est en nous le fruit de
l'Esprit qui nous applique les promesses. Cette
espérance constitue tout
particulièrement le témoignage que
nous sommes appelés à rendre au
milieu de ce monde, matérialisé,
toujours plus « sans Dieu et sans
espérance ». L'apôtre nous
invite ailleurs à coiffer « le
casque de l'espérance du salut ».
(1 Thess. 5, 8.) Le casque attire et
frappe les regards, il étincelle sous les
feux du soleil et il porte l'emblème de la
Nation et du Roi. Tels sont bien les
caractères de l'espérance du
racheté. Nous ne sommes pas assez des
espérants, des assurés,
des vainqueurs, des
glorifiés !
Nous sommes trop semblables au monde qui
nous entoure, parce que nous sommes trop
influencés par lui.
Avec lui nous sommes
déprimés et abattus. Relevons la
tête et regardons à Celui qui est le
Chef et le Consommateur de la foi, l'Auteur et le
Garant de l'espérance.
Renonçons à
l'intellectualisme qui sévit partout comme
un fléau, aux théories, aux
systèmes dogmatiques ou critiques, à
tout ce fatras prétentieux et pédant
qui ne fait qu'encombrer la route qui mène
à Dieu. Soyons d'humbles croyants et de
fervents disciples de Jésus et de sa Parole.
Soyons des prieurs qui attendent de pied
ferme la manifestation et la pleine
réalisation en nous et autour de nous de
tout ce qui est promis par l'Amen, le Témoin
fidèle et véritable.
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