§ 4. on reproche enfin à la Bible
d'attrister les enfants et d'assombrir la vie humaine par ses
doctrines de la justice de Dieu, du jugement, de l'enfer.
Ce n'était pas, Messieurs, ce que
pensait un citoyen de cette ville, vieux républicain de 1831.
Il professait l'incrédulité ; mais lorsque la
première école du dimanche fat fondée ici par
feu Augustin Favre, il y envoya ses enfants. Un de ses amis, de qui
je tiens le fait, ne put s'empêcher de lui exprimer
l'étonnement que lui causait cette inconséquence. Eh !
répondit-il, si je veux qu'ils ne soient pas aussi malheureux
que moi !
C'est qu'en effet la Bible ne rend pas
malheureux. Ne confondons pas, s'il vous plaît, joie et
gaîté, bonheur et plaisir, sérieux et tristesse.
La joie, le bonheur, vous les trouvez chez les enfants qui ont cru
à la Bible, et chez les hommes qui acceptent sa
révélation. Combien de fois n'ai-je pas entendu des
adversaires de la Bible et parmi eux des hommes instruits et
même haut placés dans l'administration de l'Etat, me
dire : « Je voudrais croire ! Je voudrais avoir la foi de ma
mère ! » D'où vient cet aveu, sinon de la
conscience que la Bible donne une paix qu'on ne trouve pas ailleurs
?
Et croit-on sérieusement que le bonheur
pour les enfants et pour les hommes consiste à ignorer et
à laisser de côté les graves problèmes que
la raison voit sans cesse se dresser devant elle ? En ne les
connaissant pas, les supprime-t-on ? La négation de Dieu le
tue-t-elle ? Vivre sans penser à la mort empêche-t-il de
mourir? Est-ce une éducation digne de ce nom que celle qui
consiste à présenter aux enfants la vie comme une
fête incessante ? Est-ce assombrir leur existence que de les
préparer aux rudes combats qu'ils auront à soutenir? Ne
leur faut-il pas au contraire une éducation virile pour qu'ils
ne demeurent pas trop au-dessous de leur tâche? Et croyez-vous
qu'ils seront bien malheureux quand ils sauront qu'il y a au Ciel un
Dieu vivant, mais un Dieu qui est leur père; quand on leur
aura appris à envisager la mort en face, et à regarder
Celui qui est le vainqueur de la mort ? J'ai vu mourir des enfants
qui savaient qu'ils allaient mourir, et qui se réjouissaient
de mourir, parce qu'ils savaient où ils allaient.
Dernièrement mourait ici un enfant de 6 ans qui, pendant sa
maladie, disait souvent: « Le ciel ! Le ciel ! Au ciel je serai
guéri ! » Etait-il donc si malheureux de croire au ciel
!
Illusions, dira-t-on; illusions tant que vous
voudrez, mais ce sont des illusions qui font du bien. On est plus
heureux quand on croit qu'il y a quelqu'un au ciel que quand on croit
que le ciel est vide ; plus heureux quand on croit à
l'efficace de la prière que quand on croit au fatalisme ; plus
heureux quand on croit à la vie éternelle que quand on
croit au néant; plus heureux quand on croit à
l'expiation que quand on sent l'aiguillon du péché sans
savoir où est la délivrance, et surtout que quand on ne
sent pas l'aiguillon du péché. Illusions ! dira-t-on
encore; illusions tant que vous voudrez, mais laissez-nous nos
illusions, jusqu'à ce que vous ayez trouvé quelque
chose qui les puisse remplacer.
Le célèbre astronome Lalande
chercha à propager l'athéisme dans le canton de Vaud,
mais on lui opposa quelquefois des arguments inattendus. Pendant son
séjour à Lausanne, il fit visite à M. de
Treytorrens, professeur de philosophie. Ce dernier, atteint d'une
maladie douloureuse, était plongé dans une profonde
mélancolie. L'athée lui fait part de son
système. M. de Treytorrens l'écoute avec patience;
puis, le conduisant devant ses pistolets, il lui parle des maux qui
l'accablent, du régime austère qu'il suit depuis
plusieurs années et de cette maladie affreuse qui lui rend
l'existence insupportable. Il n'y a plus de bonheur pour moi, lui
dit-il, je n'ai pas un seul moment de plaisir sur la terre; je ne
puis pas même espérer quelque adoucissement à mes
maux; toute ma force, mon unique consolation est dans l'espoir d'une
meilleure vie, et si vous parveniez jamais à ébranler
ma certitude, vous voyez ces deux pistolets ! Le premier serait pour
vous, homme cruel; le second pour moi, à qui il ne resterait
aucun motif pour supporter plus longtemps mon infortune. - M. de
Lalande se retira sans réplique.
Mais ce ne sont pas des illusions. La
nourriture que je prends et qui soutient mon corps est-elle
illusoire? Ces espérances, ces consolations qui soutiennent
mon âme, la dressent vers le ciel, la nourrissent, la
fortifient, seraient-elles des illusions? Non certainement.
Peu de temps avant sa mort, Walter Scott,
sentant sa fin prochaine, se tourna un jour vers son gendre, et lui
dit: Donnez-moi un livre, je voudrais lire quelque chose. - Quel
livre désirez-vous? lui répondit son gendre. -
Pouvez-vous me poser une telle question? demanda avec surprise le
grand écrivain. Mais il n'y a qu'un seul livre au monde,
ô précieuse Bible ! Il n'est rien qu'elle n'offre , rien
qu'elle ne donne à l'homme qui sent sa misère et qui
cherche les vrais biens. Vérité qui ne vieillit jamais,
richesse qui dure à toujours, joies qui ne lassent point,
couronne qui ne se flétrit point, adoucissement dans la
souffrance, soulagement dans l'inquiétude, bienheureuse
espérance de la vie éternelle : tels sont les dons que
Dieu a déposés dans sa Parole pour tous ceux qui
l'aiment et la vénèrent. »
Ainsi parlait Walter Scott, et il disait vrai.
Tels sont les biens que la Bible apporte à ceux qui l'aiment,
et si elle est la joie de l'homme fait, la force du vieillard, la
consolation, du mourant, elle n'assombrira pas nos enfants et ne
gâtera pas leurs joies, mais sanctifiera leur
gaîté.
Je dis donc, Messieurs, et je crois l'avoir
établi par des faits : la Bible n'est pas immorale , elle
n'éteint pas l'intelligence, elle n'avilit pas les
caractères, elle n'attriste pas la vie. On a dit qu'elle doit
avoir une influence funeste sur la conscience et sur l'intelligence;
il est facile de savoir quelle influence elle doit avoir; il suffit
de se rendre compte de celle qu'elle a eue. Ceci n'est point affaire
de raisonnement, c'est affaire d'expérience, et
l'expérience a prononcé; je conclus donc que les
raisons alléguées sur lesquelles on s'appuie pour
demander qu'elle soit ôtée des mains des enfants et
retranchée de leur éducation, ne peuvent pas motiver
une telle révolution. Il me reste à vous
développer les raisons pour lesquelles les chrétiens
demandent que la Bible ne cesse pas d'être le fondement de
l'éducation de l'enfance. Je ne ferai que les indiquer
brièvement, car j'ai l'espoir que cette question sera
abordée par un de nos pédagogues les plus
distingués. Je ne m'occuperai pas de la Bible comme instrument
de culture intellectuelle; il y aurait beaucoup à dire sur ce
sujet; je ne m'occuperai d'elle que comme instrument de culture
morale, et je dis qu'à ce point de vue nul livre ne peut
l'égaler.
En premier lieu, elle parle de Dieu comme
personne n'a parlé de lui ; elle donne à l'enfant les
notions les plus justes, les plus précises, les plus
profondes, les plus simples sur cet être insondable, sur sa
nature et ses perfections ; non-seulement cela : elle le montre
agissant; le Dieu de la Bible n'est pas le Dieu qui, ayant
créé le monde, lance la terre d'un coup de pied dans
l'espace et rentre dans son repos ; il n'est pas davantage le
Dieu-nature qui se confond avec les lois de la nature et se perd dans
la nature; il n'est pas non plus le Dieu-bon enfant qui laisse tout
passer et ne s'indigne de rien ; il est encore moins un Dieu sans
entrailles et sans compassion. C'est un Dieu vivant, personnel,
au-dessus du monde, en dehors de la nature, qui s'occupe des
êtres qu'il a créés, pour lequel aucun
détail n'est trop petit, présent partout, agissant sans
cesse, entendant les prières, les exauçant, dirigeant
les événements, saint et miséricordieux. La
Bible le montre entrant dans l'histoire, préparant le salut de
l'humanité, maudissant le péché, frappant le
pécheur impénitent, faisant grâce à celui
qui se repent, et sauvant enfin ses enfants perdus par une telle
manifestation de son amour que ceux qui jugent Dieu d'après
eux-mêmes ne peuvent pas comprendre ni croire que Dieu ait pu
nous aimer à ce point.
Eh bien, Messieurs, mettez les enfants en
rapport avec ce Dieu de la Bible, avec ce Dieu de paix, avec ce Dieu
saint, avec ce Dieu bon, ils apprendront à le voir partout,
à se tenir en sa présence, à marcher sous son
regard ; la pensée de Dieu agira sur leur conduite, elle les
détournera du mal comme Joseph, elle leur apprendra à
n'avoir pas d'autre crainte que celle de Dieu et à ne plier ni
devant les menaces ni devant les promesses; ils sauront qu'ils
peuvent se confier en lui ; ils le prieront, et dans ce commerce avec
leur Dieu, ils puiseront la force de travailler, la volonté de
faire le bien, et l'énergie nécessaire pour
l'accomplir. Ce sont là les enfants qu'il nous faut, si nous
voulons préparer une génération virile et saine,
et c'est pourquoi je dis : Mettez-les en rapport avec le Dieu
personnel et vivant, agissant et présent partout, saint et
bon, que la Bible nous fait connaître avec une si admirable
précision.
Il faut que l'enfant connaisse Dieu, il faut
aussi qu'il connaisse son devoir ; sa conscience lui parle, mais sa
conscience peut être faussée, endormie, peu
éclairée; elle est insuffisante; il lui faut une loi
immuable, écrite, que l'intérêt,
l'égoïsme, la peur, l'ambition, les passions ne puissent
modifier; qui soit toujours là, devant lui,
inaltérable, réveillant sa conscience. Cette loi est
dans la Bible. Connaissez-vous un livre qui dise mieux, qui expose
plus complètement à l'enfant, à l'homme, ses
devoirs? Mais la Bible fait plus que de rappeler le devoir; elle
montre, dans la vie de ceux dont elle parle, comment ce devoir a
été accompli ou violé ; c'est ainsi une action
vivante qui se passe sous les yeux de l'enfant; elle fait plus encore
: elle lui montre la sainteté réalisée en
Jésus-Christ. Quelle que soit votre opinion sur
Jésus-Christ, vous ne lui refuserez pas d'avoir vécu
dans une sainteté que nul n'a surpassée ni
égalée. Eh bien, croyez-vous qu'il soit inutile de
présenter aux enfants cette vivante sainteté? Si nous
les excitons à l'amour de la patrie en leur rappelant des
exemples de patriotisme, pourquoi ne les exciterait-on pas à
la sainteté en leur présentant le modèle parfait
de la sainteté ? Et savez-vous ce qui se passe dans
l'âme de l'enfant mise en présence de
Jésus-Christ? Il l'admire, il l'aime, il s'attache à
lui ; mais en môme temps il reconnaît combien il s'en
faut qu'il ne ressemble à son modèle ; il sent sa
faiblesse; il voudrait faire le bien, et alors commence en lui
quelque chose d'infiniment précieux, et que nul
éducateur ne négligera : une lutte morale !
Il lutte contre le mal qui est en lui, il en
souffre, il le déplore, et il lutte pour atteindre le bien que
sa conscience lui révèle et que Jésus lui
montre, il y fait effort, il le cherche, il le veut, il le demande
à son Dieu par la prière. Quand cette passion du bien
est allumée dans une âme, sa cause est gagnée; et
pourquoi hésiteriez-vous à mettre entre les mains des
enfants le livre qui, mieux que tout autre, révèle le
devoir, le fait aimer, et fait connaître Celui par lequel il
est possible de l'accomplir?
Dieu, le devoir, voilà les deux notions
sans lesquelles il n'est pas d'éducation possible, et que la
Bible présente non-seulement avec clarté, mais de la
manière la plus vivante. Il en est une troisième
à ajouter à ces deux premières : la
fraternité. Tous les hommes sont frères; tous ont droit
an respect et à l'affection de tous; tous sont égaux;
tous sont membres de la même famille. C'est cette
vérité que la Bible enseigne de telle manière
que toute hésitation devient impossible dans l'accomplissement
de nos devoirs envers les autres hommes. Elle dit que tous les hommes
descendent du même père; elle dit que tous ont
participé à la même chute, et que la race
entière est tombée avec son chef; mais que chaque
âme d'homme est tellement précieuse aux yeux de Dieu
qu'il n'a pas reculé pour sauver le monde devant le plus grand
des sacrifices. Comment serait-il possible dès lors de dire
à telle race : Tu es faite pour servir, puisque nous sommes
tous enfants d'Adam? De dire à tel individu : Je t'envisage
comme une chose sans valeur, puisque Dieu l'a racheté an prix
du sacrifice de son Fils? De dire à tel autre : je te hais,
puisque Dieu l'a aimé jusqu'à lui donner son
Bien-aimé? Que devient la vengeance en présence de la
croix du Calvaire, et de la prière de Jésus pour ses
bourreaux? Que devient l'égoïsme quand nous voyons Christ
s'immoler pour nous? Quelles bornes poserons-nous à notre
charité quand Jésus n'en a posé aucune à
la sienne? Ah! n'éloignez pas de vos enfants ce livre
où l'amour fraternel et le respect de l'âme humaine sont
poussés jusqu'à leurs plus lointaines limites, mais
laissez au contraire leur mémoire retenir ces préceptes
divins de charité, et leur coeur se réchauffer,
s'animer, se purifier, se dépouiller de tout
égoïsme, au contact de l'amour brûlant du
Crucifié; cette croix tue l'orgueil, l'indifférence,
l'égoïsme, la haine ; elle enseigne le respect de
l'individu quel qu'il soit et la charité pour l'individu quel
qu'il soit ; cette croix a fondé la fraternité en
établissant la commune origine de l'humanité, sa
commune chute et sa commune rédemption; cette croix sauve,
laissez vos enfants être sauvés !
Enfin, Messieurs, une éducation est
manquée lorsqu'elle est toute tournée vers la terre,
comme le temps passé à l'école, serait un temps
perdu s'il ne préparait à la vie qui doit suivre. Il
faut que nos enfants apprennent qu'ils sont appelés à
de plus hautes destinées que celles qui les attendent ici-bas;
il faut qu'on leur enseigne à juger les choses et les
événements de haut, non du point de vue de ce monde,
mais de celui de l'éternité, de manière à
n'être ni éblouis par la bonne fortune, ni
découragés par la mauvaise; il faut qu'ils sachent que
le temps est une préparation de l'éternité, et
c'est seulement alors qu'ils comprendront la valeur du temps, comme
ils ne comprennent à quoi sert l'école que quand ils
savent qu'elle les prépare à la vie dans laquelle ils
entreront bientôt. Parlez-leur du ciel, de la vie à
venir, de l'éternité, et le résultat de vos
paroles ne sera pas de les rendre indifférents à la vie
actuelle, au devoir, à la tâche à accomplir, mais
de les détacher des petites ambitions, des mesquines
satisfactions d'amour-propre, des jouissances grossières et
mauvaises; vous déposerez en eux le germe des grands
dévouements, du saint oubli de soi-même; vous ouvrirez
en eux une source intarissable de parcs joies, de précieuses
consolations pour l'avenir; vous les armerez de la patience et du
courage si nécessaires dans la vie présente, où
les intentions les meilleures sont souvent mal comprises, et
où les efforts pour la plus sainte cause ne sont souvent
couronnés que d'insuccès, en leur faisant comprendre
que quels que soient nos revers ici-bas, l'éternité est
là pour réparer les erreurs du temps
présent.
Et où trouverez-vous pour cet
enseignement, sans lequel une éducation est manquée,
des lumières plus pures', des instructions plus nettes, des
révélations plus précises que dans la Parole de
Dieu? Elle prêche non point une vague et confuse
immortalité, mais la persistance de la personnalité
humaine; bien plus, une résurrection du corps, qui ne me
paraît pas plus impossible que la création à
laquelle je suis obligé de croire; puis un jugement, et enfin
la continuation dans l'éternité de notre vie dans la
direction que nous lui aurons imprimée ici-bas: avec Dieu, si
déjà sur cette terre Dieu a été le centre
de notre vie, c'est le ciel; sans Dieu, si déjà' sur
cette terre nous avons vécu sans Dieu, c'est l'enfer. Ah !
Messieurs, que ces vérités pénètrent dans
les coeurs; nous aurons encore des savants, mais surtout nous aurons
des hommes, des hommes qui ne veulent point se suicider
eux-mêmes en renfermant leur vie dans les quelques
années de l'existence présente, mais qui regardent plus
loin, qui aspirent plus haut, qui savent souffrir, qui peuvent
être consolés, qui espèrent, qui attendent, qui
demeurent fermes, parce que pour eux le dernier mot de la vie n'est
pas le cimetière et que leur plus belle espérance n'est
pas de mourir comme des chiens.
Voulez-vous donc, Messieurs, des hommes qui
connaissent Dieu, qui connaissent le devoir, qui s'aiment, et qui
marchent les coeurs en haut et les regards en haut? Donnez la Bible
à vos enfants, car c'est elle qui est le meilleur instrument
d'éducation morale.
« Les protestants, a dit M. Jules Simon,
qui donnent une Bible à chaque couple dont ils
bénissent l'union, ne rendent pas seulement service au
protestantisme, mais à l'humanité. »
Je n'ai fait qu'indiquer ce rôle de la
Bible dans l'éducation; le temps ne me permet pas de donner
à cette partie de mon sujet tous les développements
qu'elle comporte, et d'ailleurs j'ai l'espoir qu'elle sera reprise
par un homme autrement plus compétent que moi. Je veux
seulement ici laisser aussi parler les faits, comme je l'ai
déjà fait, et auparavant encore, sans m'arrêter
au témoignage de Goethe, qui dit qu'il est redevable à
la Bible de tout son développement moral, et qui ajoute :
« Plus les siècles gagneront en culture, plus la Bible
pourra être utilisée, soit comme base, soit comme moyen
d'éducation, non pas sans doute par les esprits suffisants,
mais par les hommes véritablement sages », vous citer ces
belles paroles de Guillaume de Hambold : « La consolation de la
Bible découle avec une égale abondance, quoique d'une
manière différente, de l'Ancien et du Nouveau
Testament. Il ne peut y avoir aucune disposition d'esprit ou de
sentiment qui ne trouve son écho dans l'Ecriture sainte. Peu
de choses sont assez difficiles pour qu'un sens simple ne puisse les
pénétrer. Le savant pénètre seulement
plus profondément; mais nul ne s'en retourne sans avoir
trouvé de quoi le satisfaire. La lecture de la Bible est une
source infinie de consolation, la plus sûre qu'il y ait. Je ne
sais rien qui puisse lui être comparé. »
Mais j'en viens aux faits.
Le 22 juillet 1620, un petit vaisseau partait
de Hollande , emportant des émigrants pour l'Amérique;
obligés de relâcher en Angleterre, ils quittaient ce
dernier pays le 6 septembre sur la Fleur de Mai. Cette Fleur de Mai
est le berceau de cette nation forte, puissante, libre,
prospère, qui s'appelle les Etats-Unis; ce navire était
monté par ceux qui furent les fondateurs de cet empire. Qui
étaient ces hommes, Messieurs, et qu'étaient-ils?
C'étaient des puritains chassés de l'Angleterre par la
persécution et qui cherchaient un coin de terre où ils
pussent servir Dieu selon leur conscience; c'étaient des
hommes de la Bible. Ils s'étaient préparés
à leur entreprise par la prière, le jeûne, la
lecture de la Parole de Dieu.
Au moment du départ, ils tombent
à genoux et leur pasteur implore encore sur eux la
bénédiction de Dieu. Ils partent emportant dans leurs
coeurs les vertus qu'ils ont apprises à l'école de la
Bible, humilité devant Dieu, égalité et
fraternité entre eux, respect et obéissance aux
élus du peuple souverain. Ils partent, et 250 ans plus tard,
le peuple sorti d'eux couvre un monde. Ils partent, et leur Eglise
républicaine a enfanté une société qui
lui ressemble, et de la religion de ces hommes est sortie une
liberté qui a résisté à tous les orages,
et que la plaie de l'esclavage n'a pu détruire. Ils partent,
et ils élèvent sur la terre l'impérissable
monument qui atteste que si la liberté ne se trouve ni dans
les doctrines fatalistes du Coran, ni dans les doctrines
désespérées du Bouddhisme, elle se trouve dans
l'Evangile, et que toutes les libertés, religieuse, sociale,
politique, individuelle, sont filles de la Bible.
Il y a quelques années mourait un
poète, enfant d'un siècle sans foi, qui ne se pare pas
de sentiments qu'il n'éprouve pas, et qui nous montre sans
détour le vide affreux que la mort de la foi a laissé
dans le coeur humain. Il dit :
- O Christ, je ne suis pas de ceux que la
prière
- Dans tes temples muets amène
à pas tremblants;
- Je ne suis pas de ceux qui vont à
ton Calvaire,
- En se frappant le coeur, baiser tes pieds
sanglants.
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Je ne crois pas, ô Christ, à
ta parole sainte;
- Je suis venu trop tard dans un monde trop
vieux.
- D'un siècle sans espoir naît
un siècle sans crainte.
- Les comètes du nôtre ont
dépeuplé les cieux.
Le poète se réjouit-il de cette
absence de foi? Ecoutez :
- Ton cadavre céleste en
poussière est tombé! ...
- Eh bien! qu'il soit permis d'en baiser la
poussière
- Au moins crédule enfant de ce
siècle sans foi,
- Et de pleurer, ô Christ, sur cette
froide terre
- Qui vivait de ta mort et qui mourra sans
toi!
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Du plus pur de ton sang tu l'avais rajeunie
- Jésus, ce que tu fis, qui jamais le
fera?
- Nous, vieillards nés d'hier, qui
nous rajeunira?
Et c'est alors que le poète, en face de
cette vie sans foi, sans espérance, réduite à la
débauche, et de cette terre
dégénérée,
désespérée, morte comme aux jours de Claude et
de Tibère, applique le fer chaud de son indignation sur le
front de celui qu'il envisage comme l'artisan de cette ruine immense
:
- Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux
sourire
- Voltige-t-il encor sur tes os
décharnés?
- Ton siècle était, dit-on,
trop jeune pour te lire;
- Le nôtre doit te plaire, et tes
hommes sont nés.
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Crois-tu ta mission dignement accomplie,
- Et, comme l'Eternel, à la
création,
- Trouves-tu que c'est bien et que ton oeuvre
est bon?
- Puis un cri de douleur:
- Et que nous reste-t-il, à nous, les
déicides?
- Pour qui travailliez-vous,
démolisseurs stupides,
- Lorsque vous disséquiez le Christ
sur son autel?
- Que vouliez-vous semer sur sa
céleste tombe?..
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Vous vouliez pétrir l'homme à
votre fantaisie?
- Vous vouliez faire un monde? Eh bien, vous
l'avez fait,
- Votre monde est superbe, et votre homme est
parfait!
- Les monts sont nivelés, la plaine
est éclaircie;
- Vous avez sagement taillé l'arbre de
vie.
- Tout est bien balayé sur vos chemins
de fer;
- Tout est grand, tout est beau; mais on
meurt dans votre air!
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- L'hypocrisie est morte, on ne croit plus
aux prêtres.
- Mais la vertu se meurt, on ne croit plus
à Dieu.
Messieurs, voulez-vous que la
génération future soit de celles qui fondent les
empires et maintiennent les républiques, ou de celles qui
perdent tout avec la foi, et qui s'en vont, le vide au coeur, la mort
devant elles, sans savoir où, doutant de tout, se moquant de
tout? Voulez-vous des coeurs forts comme les puritains, on des coeurs
vides et malades comme ceux dont parle Alfred de Musset dans la page
immortelle que je viens de vous rappeler? Messieurs, choisissez:
laissez la Bible à vos enfants, et instruisez-les selon la
Bible, vous aurez des hommes forts ; ôtez la Bible, vous aurez
cet état moral que dépeint le poète avec une
énergie qui n'a d'égale que la vérité de
sa description.
En 1820, Pestalozzi prononçait ces
paroles: « Connaître exactement l'histoire biblique, et,
en particulier, la vie, les souffrances et la mort de Christ, puis
s'approprier, par un esprit de foi enfantine, les plus sublimes
passages de la Bible, voilà ce que j'envisage comme le
commencement et l'essence de ce qui est indispensable relativement
à l'enseignement religieux, et après cela il faut
chercher avec une sollicitude paternelle à faire comprendre
aux enfants tout le prix de la prière faite avec foi. »
Voilà de bonnes paroles, et des paroles vraies. Nous ne
demandons pas que l'enseignement religieux soit rendu obligatoire,
mais qu'il y ait un enseignement religieux, dans la famille, dans
l'école, pour ceux qui veulent y prendre part, dont la Bible
soit le fondement, et je ne peux que répéter le cri de
Herder: Esprit de Dieu, souffle sur nos écoles ! Oh ! merci
aux instituteurs et aux institutrices qui, comprenant la valeur de ce
livre, veulent le lire avec leurs élèves. Vous
travaillez pour le bien de la patrie en instruisant les enfants qui
vous sont confiés, vous y travaillez plus encore en les
formant selon la discipline de la Parole de Dieu.
Je ne redoute point, pour la
vérité religieuse, des discussions analogues à
celle qui s'est produite ici. Je me demande seulement si la
société d'utilité publique,
société subventionnée par l'Etat, est bien le
milieu où elles doivent avoir lieu, et s'il ne vaudrait pas
mieux qu'elle restât en dehors des discussions politiques ou
religieuses de nature à froisser une partie de ses membres.
Mais je n'insiste point. Je n'ajoute plus qu'un mot La Bible restera
debout. Une vieille gravure la représente comme une forte
enclume autour de laquelle se lit cette fière devise
Tant plus à me battre on
s'amuse
Tant plus de marteaux on y
use.
La vérité de cette devise a
été déjà démontrée bien
souvent; elle le sera une fois de plus.