2 On reproche à la Bible de nuire
au développement intellectuel des enfants, en leur apprenant
à croire au surnaturel.
Ici encore, Messieurs, c'est une question de
fait. Avez-vous remarqué que les enfants placés le plus
complètement sous l'influence biblique fussent plus ignorants,
plus fermés, moins aptes à comprendre les lois de la
nature et à progresser dans tous les domaines ouverts à
l'esprit humain que les autres enfants ? Si cette accusation
était fondée, le peuple israélite devrait
être le moins avancé de tous les peuples, dans les arts,
dans les sciences, dans l'industrie, dans le commerce, et nous savons
tous quels savants, quels artistes, quels commerçants sont
sortis de cette nation. L'Allemagne est le pays de la science ; en
Allemagne, les Israélites sont à la tête du
mouvement scientifique et littéraire ; il y a 20 ans, le
professeur le plus distingué de chacune des quatre
facultés de l'université de Berlin était juif.
« Je ne me suis jamais senti particulièrement
attiré par le peuple juif, écrit M. Ad. Desbarolles,
mais il faut pourtant dire la vérité : les journalistes
les plus intelligents, les médecins les plus habiles
appartiennent, sinon tous, du moins en grande partie à cette
nation. On retrouve les Israélites parmi les
professeurs les plus distingués des universités. On
peut dire que si les Israélites quittaient l'Allemagne tous
à la fois, l'Allemagne descendrait d'un degré et
retomberait dans la torpeur et l'apathie. » En France, il en est
tellement de même que le Gaulois publiait l'autre jour cette
boutade : « Napoléon s'est trompé quand il a dit:
dans 50 ans, la France sera républicaine ou cosaque; la France
est juive. » A Paris, et ailleurs sans doute encore, les enfants
juifs remportent la plupart des prix aux concours annuels. Les grands
musiciens modernes, Mendelsohn, Meyerbeer, Halévy, Weber,
Offenbach sont juifs. Et c'est ainsi que la Bible éteint
l'intelligence ! ...
Le savant moderne, que ses travaux ont
placé sinon an premier rang, au moins à l'un des
premiers rangs, Michel Faraday, que ses glorieuses découvertes
ont fait mettre au nombre des huit associés étrangers
de l'Institut de France, et qui est mort il y a un an, Michel Faraday
était chrétien. Dans une Conférence sur
l'éducation de l'esprit, il s'exprimait ainsi :
« Si élevé que soit l'homme
au-dessus des créatures qui l'entourent, il a en perspective
une position bien plus élevée encore et plus
magnifique; sa pensée est occupée d'une manière
infiniment diverse des craintes, des espérances, des attentes
d'une vie future., Je crois que la vérité de cette vie
future ne peut lui être communiquée par aucun effort de
son intelligence, si grande soit-elle ; elle lui est
révélée par un enseignement autre que le sien,
elle est reçue par la simple foi au témoignage rendu.
Que personne ne pense que l'éducation de soi, que je voudrais
recommander en ce qui concerne les choses de cette vie,
s'étende en aucune manière à l'espérance
qui nous est proposée, comme si l'homme pouvait, par le
raisonnement, trouver Dieu. Ce n'est pas ici le lien d'aborder ce
sujet autrement que pour établir une distinction absolue entre
la croyance ordinaire et la croyance religieuse. Je serai taxé
de faiblesse pour refuser d'appliquer les opérations de
l'esprit que je crois utiles dans les choses élevées
à des choses plus élevées encore, mais j'accepte
volontiers ce reproche : même dans les matières
terrestres, j'estime que les perfections invisibles de Dieu, sa
puissance éternelle et sa divinité se voient comme
à l'oeil depuis la création du monde, quand on
contemple ses ouvrages, et je n'ai jamais rien vu d'incompatible
entre les choses de l'homme qui peuvent être comprises par
l'esprit de l'homme, qui est en lui, et les choses plus
élevées qui concernent son avenir, et qu'il ne peut
saisir par cet esprit. » Ces paroles sont tirées d'une
Conférence où se peint l'homme tout entier, son esprit
net, positif, si parfaitement équilibré, et cette
inaltérable humilité qui est un des traits les plus
saillants de son caractère. « J'espère que vous ne
trouverez rien, écrivait-il quelque temps après
à M. E. Naville, dans aucune autre partie de mes recherches,
qui contredise ou affaiblisse d'une manière quelconque le sens
de ce passage. »
En présence de telles paroles, d'un tel
homme, peut-on soutenir que la foi au surnaturel biblique
étouffe l'intelligence ? Et que voyons-nous, Messieurs, autour
de nous ? Les pays bibliques sont précisément ceux
où l'instruction est le plus répandue. M. le professeur
Lorain, qui est catholique, en a fait l'aveu : « Les partisans
du culte réformé sont infiniment plus avancés
que les catholiques, sous le rapport de l'instruction primaire.
» L'Alsace, la Lorraine, le Languedoc, les Hautes-Alpes, la
Charente-Inférieure, le Montbéliard, pays plus ou moins
protestants, se détachent, sur la carte qui indique le
degré d'instruction auquel sont parvenus les
départements français, en traits de lumière sur
le fond ténébreux des départements voisins. La
Bible s'oppose si peu au développement de l'intelligence que,
partout où elle est reçue, les écoles sortent
comme de terre; les missionnaires fondent des écoles; Luther
réclame la création d'écoles: « Le diable a
son affaire, dit-il, quand il trouve partout gens ineptes et
grossiers; car les choses alors en vont bien plus mal sur la terre,
et il sait bien que les écoles qui, ça et là,
commencent à poindre et à grandir, sont les semences de
l'Eglise... » « Magistrats, disait-il encore, rappelez-vous
que Dieu commande qu'on instruise les enfants. Cet ordre
sacré, les parents, soit indifférence, soit
inintelligence, soit surcharge de travaux, l'oublient et le
négligent. C'est à vous, magistrats, qu'appartient le
devoir de le leur rappeler et d'empêcher le retour des maux
dont nous souffrons. Sont-ce les sommes d'argent qui vous
arrêtent ? On dépense chaque année tant de sommes
pour les arquebuses, pour les chemins, pour les dignes, pourquoi n'en
dépenserait-on pas quelque peu pour donner à la pauvre
jeunesse quelques maîtres d'école... Ce qui fait la
prospérité d'une cité, ce n'est pas qu'on y
assemble des trésors, qu'on y bâtisse de forts remparts,
qu'on y élève de riches maisons,... son bien
véritable, son salut et sa force, c'est qu'on y compte
beaucoup de citoyens formés au bien et cultivés...
» Qui parle ainsi, Messieurs? Luther, l'homme de la Bible. Et
l'on dit que la Bible nuit au développement intellectuel des
enfants !
On se retourne d'un autre côté, je
le sais, et pour combattre les faits qui prouvent que les peuples
bibliques sont moins ignorants que les autres, et que les hommes
bibliques peuvent, au point de vue de la science, soutenir saris
désavantage la comparaison avec les autres, on dit: «
Mais la Bible jette dans l'esprit les idées les plus fausses
et les plus absurdes; comment enseigner sérieusement aux
enfants qu'un serpent a parlé à Eve ; que le soleil est
immobile, après qu'on leur a raconté le miracle de
Josué; que les corps sont attirés vers la terre en
vertu de la loi de la pesanteur, après qu'ils auront la
l'ascension d'Elie ou celle de Jésus-Christ ? »
Ici, Messieurs, je demande dans quel livre,
dans quel chapitre de la Bible, se trouve le passage qui menace de la
damnation les enfants qui ont le malheur de douter d'un seul mot, de
contester un seul miracle, de nier une seule ligne de la Bible?
Comment peut-on ignorer que la foi aux miracles n'est jamais
présentée dans la Bible comme la foi qui sauve? Pour ce
qui me concerne, je crois, - jugez de mon obscurantisme, je crois
à tous les miracles que raconte la Bible, oui, même
à l'ânesse qui parle, même au miracle de
Josué, môme à la manne, même au passage de
la mer Rouge ; je crois à ces miracles, parce que je crois
à la résurrection de mon Sauveur, et que je ne peux pas
comprendre, - pardonnez mon défaut d'intelligence, - pourquoi
ces miracles-là seraient plus impossibles que celui-ci; mais
je sais aussi, et c'est ce que l'on enseigne partout, que cette foi
ne sauve pas, mais seulement la foi en Jésus-Christ. -
Pourquoi donc faire dire à la Bible ce qu'elle ne dit
pas?
Eh bien, Messieurs, il est vrai, la Bible
raconte des miracles, mais chacun de ces miracles qu'elle raconte,
elle le présente comme une suspension des lois naturelles, et
par le fait même elle établit l'existence de ces lois.
Le surnaturel biblique n'est pas le surnaturel des mythologies; les
lois qui régissent le monde ne sont pas, pour elle, comme dans
les mythologies, le caprice de dieux fantasques ; pour elle, les lois
naturelles existent, mais au-dessus de ces lois, il y a le Dieu
vivant, personnel, tout-puissant, souverainement bon, qui n'est pas
plus l'esclave de la nature qu'il a créée, que
l'horloger de la montre qu'il a faite; qui est l'esclave, si j'ose
ainsi dire, de ses brûlantes compassions envers les hommes, qui
vent les sauver, et qui les sauvera, dût-il pour cela suspendre
toutes les lois qu'il a établies, dût-il même
briser son ouvrage, comme l'horloger n'hésiterait pas à
briser sa montre, si cette ruine pouvait sauver son enfant.
Ce qui me frappe, Messieurs, c'est combien
cette Bible, qui n'est pas un livre de science, est pourtant
scientifique, et évite les erreurs grossières dans
lesquelles sont tombés tous les peuples, et dont plusieurs
n'ont été dévoilées que par les
progrès de la science moderne. Messieurs, la Bible gagne
à être connue.
Ce livre, dont les premières pages ont
été écrites 900 ans avant les Thalès, les
Pythagore, les Zaleucus, les Xénophanes, les Confucius; ce
livre qui n'a point pour mission de nous faire connaître les
lois et les faits de la nature, et qui laisse. ce soin aux savants;
ce livre, quand il aborde ces sujets, en parle avec une sagesse, une
exactitude, une science qui étonnent l'esprit et le
remplissent d'admiration.
Quand l'Ecriture parle de la forme de la terre,
elle en fait un globe ( Esaïe XL, 22) ; quand
elle parle de la position de ce globe, elle le suspend sur le
néant (Job XXVI, 7); quand elle
parle de son âge, elle en place la création au
commencement (Genèse I, 1), avant
des siècles qu'elle ne veut pas nombrer, avant le
débrouillement du chaos; quand elle parle de l'âge de la
race humaine, elle lui assigne une date relativement
très-rapprochée. Quand elle parle des Cieux, elle
emploie, pour les désigner et les définir, l'expression
la plus philosophique et la plus belle, expression mal traduite par
les Septante et par la Vulgate; elle les appelle l'étendue
(Genèse I, 1, le vide,
l'éther, l'immensité, et non pas le firmamentum des
latins ou le stéréôma des Grecs, une chose
solide. Quand elle parle de la lumière, elle nous la
présente comme indépendante du soleil et
antérieure au soleil; et je crois que c'est bien là le
résultat auquel la science est arrivée. Quand elle
parle de l'air dont la pesanteur était méconnue avant
Galilée, elle nous dit que Dieu lui donna son poids
(Job XXVIII, 25). Quand elle
parle de l'intérieur de notre globe, elle nous dit qu'il est
en feu ( Job. XXVIII, 5). Quand elle
raconte la création des oiseaux (Genèse I, 20)et des
poissons, elle leur donne une origine commune, et l'on sait que les
naturalistes modernes ont constaté, entre ces deux classes
d'animaux, des rapports intimes, que rien n'indique à nos
yeux, mais qui se révèlent dans leur anatomie, et
jusque dans la forme microscopique des globules de leur sang. Quand
elle parle de la race humaine, elle la fait descendre d'un seul
couple, et quand elle parle du langage des hommes, elle lui assigne
une unité primitive que confirme l'examen approfondi de ce
grave problème. Vous ne trouverez rien dans la Bible qui
accrédite l'astrologie, et ce n'est pas là que le
sceptique Montaigne a appris que les astres ont domination et
puissance, non-seulement sur nos vies et conditions de notre fortune,
mais sur nos inclinations même, nos discours, nos
volontés ; qu'ils les régissent, poussent et agitent
à la merci de leurs influences. Les solutions que donne la
Bible des grands problèmes qui agitent la pensée
humaine sont aussi raisonnables que toutes celles qu'on a
proposées, et avant de repousser le récit que la
Genèse nous fait de la chute, il serait bon qu'on se
donnât d'abord la peine de le comprendre, et ensuite que l'on
nous indiquât une solution qui rendît mieux compte de ce
fait universel, anormal, incontestable : l'existence du mal, -
péché et souffrance, - dans un monde oeuvre d'un Dieu
tout sage et tout bon.
Je me résume donc sur ce point, en
disant - la Bible, qui ne se donne point pour un livre de science, et
qui est un livre de religion et de morale, parle des faits et des
lois de la nature, quand l'occasion s'en présente, comme les
connaissant; les miracles qu'elle raconte supposent toujours
l'existence des lois naturelles; la Bible n'est donc point un livre
empêchant le développement intellectuel des enfants ni
de personne, et les faits prouvent que si les hommes bibliques ne
sont pas plus ignorants que les autres, les peuples bibliques sont
plus avancés en instruction que les autres peuples, que la
lumière se répand avec la Bible et que son
intensité est en rapport direct avec. la diffusion de la
Bible.
.
§ 3. On reproche à la Bible d'être l'ennemie
de la liberté, l'instrument du despotisme et de
façonner des caractères serviles.
Messieurs, les faits contredisent cette
troisième assertion comme les deux précédentes ;
si elle était vraie, il en résulterait que plus un
homme, plus un peuple est soumis à l'autorité de la
Bible, plus cet homme, plus ce peuple est esclave. Or, que
voyons-nous? Des chrétiens, élevés à
l'école de la Bible, ne s'abaissant devant aucune tyrannie.
« Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, »
disaient les apôtres ; et cette parole de liberté a
retenti dans le coeur des hommes de la Bible; appuyés sur la
conscience, forts du sentiment du devoir, rien ne les arrête,
ni persécutions, ni gloire des hommes. Ecoutez Penn, pouvant
racheter sa liberté et la faveur du roi d'Angleterre au prix
de quelques paroles, et disant : « Ma conscience ne m'appartient
pas, je ne peux la vendre à aucun prix. » Voyez Lincoln,
puisant chaque jour dans la prière et dans la lecture de la
Bible la force de soutenir la lutte gigantesque entreprise au nom de
la liberté ; et ces prisonniers dans les cachots de
l'inquisition ; ces galériens sur les galères du Grand
Roi ; ces martyrs sur les échafauds; ces hommes, ces femmes,
ces enfants, c'étaient des esclaves ! N'êtes-vous pas
frappés d'une chose, c'est que la liberté fleurit
surtout là où la Bible est reçue ; vous ne
l'allez pas chercher là où la Bible a été
enchaînée, mais vous la trouvez sous toutes ses formes
et dans toutes ses manifestations là où elle
règne. Hume, qui n'aimait pas les puritains, leur tend ce beau
témoignage dans son histoire d'Angleterre : « Le pouvoir
de la couronne était si absolu que le noble feu de la
liberté se fût complètement éteint, si la
secte puritaine n'en eût rallumé et entretenu de
précieuses étincelles : c'est à cette secte
exclusivement que l'Angleterre est redevable de toute la
liberté de sa constitution. » D'où vient,
Messieurs, que les trois seules grandes révolutions des temps
modernes qui aient abouti à fonder des peuples libres, soient
celle des petites provinces de Hollande et de Zélande au XVIe
siècle, celle de l'Angleterre au XVIIe, et celle des
Etats-Unis au XVIlle siècle ? C'est qu'elles s'appuyaient sur
un fond de croyances religieuses. D'où vient que la
Révolution française n'a pas donné tout ce
qu'elle promettait, et qu'elle ne s'est relevée de la boue et
du sang où elle était tombée que pour subir
l'embrassement de César ? C'est qu'au lieu du Dieu de la
Bible, elle n'avait que l'Être suprême ou la
déesse Raison. Ici, Messieurs, je cède la parole
à M. Quinet, qui, dans son livre « la Révolution,
» explique tout à la fois, en une page remarquable,
l'insuccès de la Révolution française, et le
succès de la Révolution de Hollande.
« Combien, dit éloquemment M.
Quinet, les sans-culottes se sont lassés plus vite que les
gueux de Hollande. Ceux-ci, après quatre-vingts ans de
supplices, étaient aussi âpres à la lutte que le
premier jour. De là je crois pouvoir conclure qu'un immense
dommage pour la Révolution française fut d'avoir
été privée du peuple proscrit à la
Saint-Barthélemy et à la révocation de
l'édit de Nantes. Quand vous voyez dans l'esprit
français de si grands vides qu'il serait désormais
puéril de nier, n'oubliez pas que la France s'est
arrachée elle-même le coeur et les entrailles par
l'expulsion on l'étouffement de près de deux millions
de ses meilleurs citoyens. Quelle nation, quelle
société résisterait aujourd'hui à une
expérience de ce genre? Ce sont là de ces plaies que
les siècles ne guérissent pas. Ces hommes
éprouvés par le fer et le feu, ces caractères de
granit, qui n'avaient fléchi sous aucune des tyrannies du
passé, combien ils devaient nous manquer plus tard en toutes
choses ! Quelques années n'auraient pas suffi pour les
décourager et les rejeter dans le moyen âge ; ils
n'auraient pu rien ajouter à la violence et à
l'héroïsme des passions : peut-être ils les eussent
tempérées et sans doute ils eussent fourni cette base:
le caractère, la persévérance dans
l'énergie, seules choses où l'on ne dépasse pas
les limites connues. Qui n'aime voir nos réfugiés
porter en masse à la Révolution française
l'appui qu'ils ont donné aux Révolutions de Hollande,
d'Angleterre, de Suisse et d'Amérique. Partout ils ont
aidé, éclairé, affermi l'esprit moderne dans ses
luttes civiles. Ce n'est que dans leur patrie qu'ils n'ont pu se
montrer. »
Prétendrez-vous encore que la Bible est
un agent de servitude?
Et comment le serait-elle, Messieurs, quand
elle apprend aux hommes deux choses, qui sont les deux
éléments constitutifs de la liberté : la valeur
de chaque être humain et sa dépendance de Dieu. Laissez
ces deux vérités faire leur chemin dans les coeurs et
les consciences, et vous verrez bientôt se lever une
génération que n'effraie aucun despotisme, pas plus
celui d'un seul que celui d'une majorité ou d'une
minorité, parce qu'elle croit au Dieu vivant, et qui ne voudra
pas non plus confisquer la liberté d'autrui, parce qu'elle
respecte chez les autres la personne humaine. Laissez ces deux
vérités faire leur chemin, et la liberté
naîtra, malgré les résistances et les
intérêts contraires, et s'épanouira pour tous. On
a reproché à la Bible de n'avoir pas un mot qui ordonne
l'affranchissement des esclaves ; elle a fait mieux que de
l'ordonner, elle l'a rendu possible, elle, l'a fait nécessaire
pour celui qui écoute sa voix ; il est certain que des
chrétiens mêmes ont été longtemps avant de
reconnaître que la liberté de l'esclave découlait
nécessairement des principes bibliques , aveuglés
qu'ils étaient par des préjugés, une
éducation incomplète, des intérêts
peut-être, la peur, la politique ; mais enfin la victoire est
restée à la vérité, et c'est à la
Bible qu'est dû cet affranchissement, à la Bible qui dit
que Dieu a fait d'un seul sang tout le genre humain, à la
Bible qui enseigne que l'âme du nègre est autant que
celle du blanc, quoique M. Renan ne voie pas de motifs d'admettre
qu'un Papou est immortel; à la Bible, à son influence,
à son esprit, et non à la philosophie. Nul n'ignore que
si des chrétiens se sont trompés grossièrement
sur ce point, Voltaire ne dédaignait pas les
bénéfices que lui rapportait le commerce des noirs, et
M. Cousin, jugeant un philosophe ancien, s'exprime ainsi : « On
est confondu de voir l'imperturbable sang-froid avec lequel Aristote
analyse la nature de cette propriété spéciale
qu'on nomme l'esclave, comme il ferait tel ou tel objet d'histoire
naturelle... sans qu'aucun scrupule d'humanité trouble un
moment sa triste analyse et arrête ses impitoyables
déductions. L'esclave est en quelque sorte une
propriété animée,... selon lui, la nature fait
des hommes libres et des esclaves, comme elle fait des animaux et des
hommes, des âmes et des corps. »
Appuyé sur les faits et sur les
enseignements de l'Ecriture sainte, j'affirme donc non-seulement que
la Bible n'est point un instrument de servitude et de despotisme,
mais que c'est elle qui a fondé la liberté, la
liberté de l'individu, le droit pour chacun d'agir suivant sa
conscience; ne craignez pas de donner la Bible aux enfants; elle leur
apprendra à ne courber la tète et à ne ployer
les genoux que devant Dieu, et rappelez-vous, comme le dit Benjamin
Constant, qu'aucun peuple irréligieux n'est demeuré
libre.