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 2. Historique du mouvement

 

Ce qu'il y a de remarquable dans l'oeuvre d'évangélisation de la Pilgermission, c'est qu'elle a débuté de la façon la plus humble, sans plan préconçu, avec les moyens les plus simples, à une époque où l'institut lui-même était dans la situation la plus gênée. Il y avait là ce « peu de puissance » auquel le Seigneur promet une « porte ouverte ». (Apoc. 3, 8-)

 

L'histoire de cette oeuvre ne peut d'ailleurs se disjoindre de celle de l'inspecteur lui-même. Chaque pas en avant dans l'oeuvre correspondait à quelque chose qui s'était passé dans son coeur et dans sa vie spirituelle ; chaque station nouvelle qui s'ouvrait était le fruit de beaucoup de prières, de foi, souvent de luttes, parfois de larmes.

En Suisse, c'est en automne 1869 qu'un premier évangéliste fut envoyé dans le canton de Thurgovie, à la suite d'une tournée de colportage faite par un jeune Danois qui se destinait à la mission en Afrique. L'année suivante un autre partait pour les Grisons, suivi bientôt d'autres ouvriers du même genre. En 1871 déjà s'imprimaient quelques « Instructions » destinées non seulement aux évangélistes, mais aussi à ceux parmi lesquels ils travaillaient, et à d'autres encore; elles exposaient ce que doivent être la tâche et l'attitude des évangélistes de la Pilgermission.

En août 1873, Rappard inaugurait à Mattwil (Thurgovie) le premier oratoire construit par la Pilgermission, gracieuse chapelle de 250 places. Et c'est dans ce même district que, peu de semaines avant sa mort, il avait la joie d'inaugurer, le 1er août 1909 le soixante-deuxième local pour réunions dépendant de Chrischona.

Il est arrivé ici et là que les troupeaux groupés par les évangélistes se sont constitués en Églises indépendantes, lorsque l'enseignement des pasteurs officiels s'écartait décidément de celui de la Bible. C'est à ce propos que Rappard remarquait:

C'est nous qui restons dans l'Église, nous qui maintenons la déclaration sur laquelle repose l'Église : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Ce sont ceux qui abandonnent ce rocher qui sont les « sans-église ».

 

Dans son rapport de 1900 l'inspecteur traçait ainsi sa ligne de conduite:

On nous a demandé si nous avions l'intention de fonder une Église de Chrischona. Nous avons peine à comprendre ce oui a pu donner naissance à cette idée. Nous voulons, pour notre modeste part, sous la direction du Seigneur et en conformité avec sa Parole, conduire les gens à Jésus leur Sauveur, par la prédication de l'Évangile, puis grouper ceux qui auront été amenés à la foi pour pouvoir prendre soin d'eux. Il n'est plus nécessaire de démontrer que cela peut se faire sans quitter le giron de l'Église Nationale, et que ce genre de travail est voulu du Seigneur.

Dans bien des endroits nos amis sont les auditeurs les plus assidus au culte officiel....

Quarante ans s'étaient écoulés depuis le départ du premier évangéliste de Chrischona quand Rappard fut rappelé de ce monde. Il avait eu la joie pendant ce temps de voir, en Suisse seulement, trente ouvriers en activité. Pour eux tous, il était un père, un ami, un conseiller fidèle, qui les portait tous sur son coeur avec prière, eux et leurs familles.

Ces stations suisses se soutiennent elles-mêmes financièrement, les contributions des membres couvrant les dépenses. Dans certains endroits même les dons affluent si abondants que la caisse générale de la Pilgermission en bénéficie, ainsi que la Mission de Bâle et d'autres oeuvres chrétiennes.

En Allemagne, à part le grand-duché de Bade qui a une station, Constance, depuis 1880, et la Prusse rhénane, qui en a deux, nous ne mentionnerons guère que la Hesse, « l'enfant de soucis » de la Pilgermission pendant un temps, mais un enfant d'autant plus aimé.

L'oeuvre y a débuté en 1878. Mais déjà en 1835, alors que la Pilgermission n'existait pas encore, Spittler et ses amis élaboraient les statuts d'une « oeuvre d'évangélisation au loin, spécialement dans la Hesse ». Pourquoi? le procès-verbal ne le dit pas. Mais c'est en réponse à un appel précis que quarante ans plus tard Chrischona y envoya 13 évangélistes. L'oeuvre y fut difficile; mais elle a progressé peu à peu et a jeté de profondes racines dans le pays. La dernière fois que Rappard y fit une tournée d'inspection, elle comptait onze évangélistes et neuf stations, dont Giessen était comme le quartier général, avec sa belle salle de réunions et sa maison achetée en 1905.

La Prusse orientale, dès 1877, et enfin la Prusse occidentale, ont aussi quelques stations prospères, en dépit des montagnes de préventions et d'opposition que les évangélistes de Chrischona y rencontrèrent longtemps sur leur route.

Quant à l'empire d'Autriche, Chrischona y a compté jusqu'à neuf stations disséminées en Slavonie, en Croatie et en Hongrie, et souvent fort isolées.

Dans certains endroits il a fallu, au bout de peu d'années déjà, se retirer devant l'hostilité des corps constitués, tant civils qu'ecclésiastiques; ailleurs, après dix ou vingt ans de travail, les évangélistes ont été incorporés dans l'organisme ecclésiastique officiel et chargés d'accomplir, comme instituteurs et aides du pasteur, un « service de lévites », comme on l'appelle. Seule, la station de Neu-Banovce, en Slavonie, dépend encore administrativement de Chrischona. Là, comme on l'a vu, le désert s'est vraiment transformé en un jardin de Dieu.

En somme, on ne saurait mieux décrire ces divers champs de travail que par ces mots d'un article de M. le pasteur Simon, gendre de Rappard:

Ces quarante-huit stations, avec leurs cinquante-sept évangélistes, ne sont pas des foyers de chicanes ecclésiastiques, mais bien plutôt des foyers de lumière, de chaleur et de vie.

Puissent-ils l'être toujours, par la grâce de Dieu.


Table des matières

Précédent:1. De l'évangélisation en général

Suivant:3. Expériences diverses

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